Le test des étincelles
“DE L’ACIER, c’est de l’acier, diront certains, alors pourquoi le tester ?” Mais peut-être n’ont-ils jamais entendu parler d’acier au nickel, au tungstène ou au cobalt ? Il y a entre eux des différences considérables.
Prenons un exemple : Les trains rapides roulent sur des rails qui doivent résister à un usage intensif. Il faut donc un acier spécial contenant 12 à 15 pour cent de manganèse.
Même les ménagères sont difficiles. Il ne leur faut pas n’importe quelle sorte d’acier. Leurs ustensiles de cuisine brillants qui contiennent jusqu’à 12 pour cent de chrome et peut-être du nickel ne sont pas faits simplement d’“acier”, mais bien d’acier inoxydable. Il y a de nombreux types d’aciers inoxydables, et certains résistent mieux à la corrosion que d’autres.
Tous ceux qui travaillent dans des ateliers de construction mécanique et de machines-outils savent que chaque article demande un acier particulier. Peut-être en avons-nous plusieurs sortes sous la main ; comment donc identifier celle qui convient ? Un simple regard n’est généralement pas suffisant. L’ouvrier va-t-il en envoyer un échantillon dans un laboratoire pour qu’on l’analyse chimiquement ? Ce serait très coûteux et prendrait trop de temps. Il doit y avoir un moyen plus pratique.
Un code de couleurs
Dans l’industrie sidérurgique, on peint d’une certaine couleur les extrémités des barres d’acier qui sortent des aciéries. On fournit en même temps une carte avec les couleurs correspondantes, chacune indiquant un certain alliage.
Comme vous le savez peut-être, on obtient un alliage en fondant ensemble deux métaux ou plus. Par exemple, le cuivre et le zinc forment un alliage appelé laiton. De même les aciers alliés contiennent, outre le fer, différents autres éléments. Ils sont ajoutés pour rendre l’acier plus dur, ou plus résistant à la corrosion, ou plus flexible, etc. Rappelez-vous qu’il faut une combinaison d’acier et de chrome (et peut-être de nickel) pour fabriquer les ustensiles de cuisine inoxydables.
Que faire quand on a sous la main plusieurs barres d’acier dont l’extrémité colorée a été coupée ou bien quand on ne retrouve plus la carte des couleurs ? Rassurez-vous, tout n’est pas perdu.
Le test des étincelles
Il existe un moyen de déterminer à quel genre d’acier vous avez affaire. Il s’agit du test des étincelles, un art ancien devenu récemment un procédé scientifique employé dans l’industrie moderne. Grâce à ce test, on peut connaître non seulement la composition chimique du métal, mais les caractéristiques que lui ont données la décarburation et le traitement thermique.
Une pièce de métal émet des étincelles quand elle touche une meule. Rapide, non destructeur et sûr, le test des étincelles permet de déceler la plupart des constituants du métal. On emploie une meule portative à grande vitesse. Son disque abrasif d’environ 6 centimètres est capable d’atteindre 15 000 à 20 000 tours par minute sans se casser. Le disque doit être très propre avant qu’on ne commence le test des étincelles. Sans cela, il pourrait s’y trouver des particules d’acier et le résultat serait faussé.
Il est très important que le frottement de l’échantillon d’acier contre le disque abrasif soit constant. Ce frottement doit être suffisant pour produire un jet d’étincelles d’environ soixante centimètres. “Mais pourquoi créer des étincelles ?”, se demanderont peut-être certains.
Ces étincelles révèlent bien des choses à un œil exercé. Dans le jet d’étincelles, chaque constituant produit une forme et une couleur particulières. On détermine la quantité d’un constituant dans le métal en observant la fréquence de ses étincelles caractéristiques. Il est ainsi possible de déceler la présence d’éléments comme le carbone, le manganèse, le silicone, le nickel, le chrome, le molybdène, le tungstène, le cuivre, l’aluminium, le titane, le vanadium et le columbium. Ainsi, l’ouvrier qui effectue le test des étincelles sera en mesure de choisir dans un assortiment l’acier qui contient le manganèse nécessaire pour fabriquer des rails solides pour les trains.
Il y a deux grandes catégories d’aciers : Les aciers ordinaires au carbone et les aciers alliés.
Les aciers au carbone
Observons un morceau d’acier au carbone lorsqu’il est placé contre le disque abrasif à grande vitesse. L’apparence générale du jet d’étincelles permet de déterminer si c’est un acier à forte ou à faible teneur en carbone. Le premier produit des jets longs et étroits, le second des jets courts et larges.
Il faut aussi faire attention aux lignes porteuses, c’est-à-dire aux lignes individuelles de la trajectoire formant le jet d’étincelles. Elles sont constituées par de minuscules particules qui se détachent de la barre d’acier par le frottement de la meule. La chaleur qui se dégage lorsqu’une particule se détache et la friction qui se produit pendant qu’elle traverse l’air la rendent incandescente. Chaque particule d’acier ressemble à un minuscule météore dans l’espace.
Comme l’acier à faible teneur en carbone est doux, les morceaux qui se détachent par le frottement de la meule sont plus grands. Les lignes porteuses individuelles sont plus larges et, à cause de l’effet de masse, elles brillent plus longtemps que les petites particules d’acier à forte teneur en carbone, car cet acier est plus dur et plus cassant.
Le type et la forme de l’éclatement près de la fin de la ligne porteuse permettent de déterminer plus sûrement la teneur en carbone de l’acier. Les éclatements varient en dimension, en forme et en intensité, et ne sont pas toujours à la même distance de la meule. Une faible teneur en carbone donnera quelques éclatements en forme de fourche, tandis qu’une forte teneur donnera des éclatements en forme d’étoile. En regardant les premières illustrations qui accompagnent cet article vous verrez mieux la différence.
Lorsque la teneur en carbone augmente, il en va de même de la densité du jet d’étincelles. Cela se remarque au centre du jet. Vous verrez la différence sur les secondes illustrations. Rappelez-vous toutefois que pour juger la densité il est extrêmement important d’appuyer correctement l’échantillon d’acier contre la meule.
Test des aciers alliés
Il faut observer certains facteurs particuliers quand on teste les aciers alliés, car chaque constituant, selon ses proportions, produit des étincelles et des effets spéciaux.
Un facteur qu’on pourrait appeler la marque de fabrique de chaque constituant est sa caractéristique. Plus l’acier contient un certain constituant, plus la caractéristique de celui-ci sera prononcée dans le jet d’étincelles. Supposons qu’en testant un acier on remarque qu’une ‘pointe de flèche’ se détache du bout de chaque ligne porteuse principale. Cela signifie que l’acier contient du molybdène. La présence de vanadium est indiquée par ce qui ressemble à un parapluie retourné au bout de chaque ligne porteuse.
La couleur est un autre facteur. En règle générale, les éléments facilement oxydables rendent le jet d’étincelles plus brillant, tandis que ceux qui résistent à l’oxydation rendent les étincelles plus sombres. La plupart des aciers au carbone donnent une couleur jaune paille. Les aciers alliés produisent une teinte jaune sale. Les aciers rapides, au tungstène, donnent un jet d’étincelles rouges ou orange foncé.
D’après ce bref exposé, nous voyons que le test des étincelles est un art important dans l’industrie, car il permet d’identifier les différentes sortes d’aciers. Peut-être ne deviendrez-vous jamais un artiste dans ce domaine, mais il est intéressant de savoir que d’autres cultivent cette aptitude. Pensez-y la prochaine fois que vous emploierez un ustensile de cuisine en acier inoxydable ou que vous roulerez en train sur des rails d’acier.
— D’un de nos lecteurs.
[Illustrations, page 25]
FORMATION D’UNE FOURCHE
FAIBLE TENEUR EN CARBONE
FORMATION D’ÉTOILES
FORTE TENEUR EN CARBONE
[Illustrations, page 26]
FAIBLE TENEUR EN CARBONE
(Jet peu dense)
FORTE TENEUR EN CARBONE
(Jet dense)