Le congrès pour la liberté religieuse “laisse un goût amer”
De notre correspondant aux Pays-Bas
DU 21 au 23 mars 1977, Amsterdam a été le siège d’une manifestation unique: le premier congrès mondial pour la liberté religieuse, tenu à l’hôtel Hilton.
Les organisateurs du congrès s’étaient fixé les quatre objectifs suivants: 1) Faire de l’Association internationale pour la liberté religieuse (IRLA) un instrument efficace de défense de la liberté du culte dans le monde. 2) Attirer l’attention des dirigeants du monde entier par le biais des médias sur cette association internationale pour la liberté religieuse. 3) Décerner un prix international aux chefs d’État qui ont fait progresser la liberté religieuse à l’intérieur des frontières de leur pays. 4) Organiser une tribune qui permettrait un échange de vues serein sur la liberté religieuse.
“Le congrès du non-engagement”
Les organisateurs de la réunion ont déclaré qu’ils étaient pour la “diplomatie tranquille” et qu’ils n’avaient pas l’intention “de dévoiler ni de condamner les abus en matière de liberté de culte”. La plupart des orateurs ont loué leurs pays respectifs pour leur politique de tolérance religieuse et passé sous silence les cas où ils ne l’avaient pas respectée.
Dans certains discours il y avait des déclarations remarquables. Ainsi, un délégué a fait remarquer qu’après la Réforme, les chefs d’État s’étaient mis d’accord pour défendre de larges secteurs de la pensée religieuse. Mais qu’en était-il des groupes plus petits ainsi que des opinions particulières? L’orateur fit remarquer qu’ils n’avaient reçu ni liberté ni protection, et il ajouta que bien des libertés n’étaient accordées qu’aux grandes dénominations religieuses.
Ce même orateur souligna une pensée intéressante sur l’intolérance religieuse qui règne en certains endroits. Il expliqua qu’officiellement la politique coloniale avait pour but d’apporter la civilisation aux peuples arriérés. Il fit toutefois remarquer qu’il devint bientôt évident que les véritables raisons de la colonisation étaient politiques et économiques.
Cependant, l’impression générale qui se dégageait du congrès était la déception. On a même avancé des arguments en faveur de l’intolérance religieuse dans certaines circonstances. Ce fut par exemple le cas d’un représentant de l’islam qui prétendit que lorsque les gens ont faim et soif et qu’ils sont opprimés par des conditions sociales adverses, ils sont incapables de penser clairement et de prendre des décisions équilibrées en matière de religion. Aussi ce délégué était-il d’avis que ce n’est qu’après correction de ces injustices que les musulmans pourraient s’ouvrir aux pensées religieuses étrangères. Jusque-là, déclara-t-il, la sagesse était peut-être de restreindre la liberté de religion.
À plusieurs reprises les délégués du congrès ont exprimé leur confiance dans les Nations unies comme instrument pour garantir la liberté de culte. Beaucoup d’entre eux se sont étonnés que les Nations unies n’aient pas encore adopté de déclaration contre l’intolérance religieusea. Un observateur écrivit ce qui suit sur l’esprit dominant qui régnait à cette réunion:
“On n’avait pas l’impression qu’on allait s’attaquer sérieusement à la triste réalité, à savoir la liberté de culte et d’expression qu’on foule aux pieds et qui est refusée tous les jours à une grande partie de l’humanité. La réunion avait plutôt l’air de retrouvailles entre vieux amis qui se tapent sur l’épaule, se serrent la main et se sourient gentiment. En tout cas, l’atmosphère reflétait bien le but avoué et officiel du congrès.
“Ce fut le congrès du non-engagement. Chacun faisait attention à ne pas marcher sur les pieds des autres. Comme le fit remarquer un employé de l’hôtel lors d’une pause, ‘à écouter tous ces beaux discours on a l’impression que tout va bien dans le monde dans le domaine de la liberté religieuse. Or il y a beaucoup de choses qui vont mal. Mais je suppose que si les orateurs racontaient cela, ils auraient certainement des ennuis en rentrant chez eux’.”
Un comité écoute les Témoins de Jéhovah
Il était prévu que deux observateurs qui représentaient les Témoins de Jéhovah s’expriment devant un comité spécial sur les persécutions des Témoins au Malawi et dans d’autres pays. Ce comité écouta très attentivement et avec beaucoup d’intérêt et de bienveillance l’exposé qui lui fut présenté.
Plus tard, en privé, les membres de ce comité exprimèrent la satisfaction d’avoir été mieux informés sur la situation pénible de certains Témoins de Jéhovah. Ils reconnurent que bien qu’ils aient été mis au courant de ces persécutions, ils n’avaient pas la moindre idée de leur gravité. Apparemment les membres de ce comité donnaient l’impression de vouloir sincèrement faire quelque chose pour les victimes.
“On ne les a pas entendus”
Le dernier jour du congrès, une résolution qui n’était pas prévue au départ fut adoptée. Ce n’est qu’après avoir entendu le soir précédent “diverses plaintes” sur l’intolérance religieuse et sur certaines persécutions qu’ils jugèrent bon de faire une déclaration. Toutefois, aucune communication publique ne fut faite dans l’enceinte du congrès sur le traitement barbare que subissent des chrétiens au Malawi et dans d’autres parties de la terre. La résolution s’en tint à des considérations abstraites et ne prit aucun engagement, pour rester dans l’esprit de la “diplomatie tranquille” et pour “ne pas dévoiler ni condamner les abus en matière de liberté de culte”.
Voici quelques-unes des résolutions prises par les délégués: Demander aux diverses organisations du congrès de mettre sur pied un comité qui surveillerait le maintien de la liberté religieuse dans le monde; attirer l’attention des gouvernements sur le droit fondamental de chaque homme à la liberté de culte; inviter les gouvernements à faire pression sur les Nations unies pour qu’elles adoptent une déclaration contre l’intolérance religieuse.
Dans les informations publiées aux Pays-Bas, ce premier congrès mondial pour la liberté religieuse ne fit aucun bruit. Il n’y eut qu’un bref reportage sur la chaîne de radio d’État. À la télévision, Philip Potter, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, fit quelques commentaires sur ce rassemblement. Quant aux journaux, ils n’en dirent pratiquement rien. Toutefois, un article mérite d’être cité. Dans un éditorial intitulé “Des souris à l’hôtel Hilton”, le journal Nieuws van de dag d’Amsterdam résuma ainsi le congrès:
“Cette réunion tenue à Amsterdam laisse un goût amer dans la bouche en ce sens que ses participants ont eu peur de se jeter à l’eau. Ils avaient tous les yeux, les oreilles et la bouche fermés. Officiellement, on ne les a pas entendus. On souhaiterait que de telles initiatives se multiplient, mais avec des délégués aussi discrets il vaut mieux n’y pas compter et l’on reste sur sa faim. On a vraiment l’impression que l’on aurait pu entendre des interventions plus énergiques.”
[Note]
a Voyez les articles “Que se trame-t-il à l’ONU contre la religion?” et “Comment deux résolutions de l’ONU ont pris un tour surprenant” dans Réveillez-vous! du 8 février 1977, pages 3 à 6.