La Bible résiste à des adversaires déchaînés
S’IL vous fallait détruire un livre, comment procéderiez-vous? Plusieurs méthodes s’offrent à vous. Prenons l’exemple d’un verre d’eau: comment le rendre inutilisable? Soit en le broyant sous une pierre, soit plus simplement en souillant l’eau avec un peu de terre, ce qui la rend imbuvable.
De même, la Bible a dû subir sur deux fronts une attaque d’une telle violence qu’elle a bien failli disparaître. En effet, aux verdicts sévères pour faire interdire ce livre se sont ajoutées des tentatives d’altération de son contenu, afin de dénaturer son message. Si l’une ou l’autre de ces tactiques avait abouti, la Bible aurait été rendue inopérante, preuve que Dieu était incapable de la préserver.
La cause profonde de cette vindicte
Peut-être trouvez-vous bizarre que la Bible ait fait naître une hostilité aussi marquée. Pourquoi la détruire, puisqu’elle enseigne une morale rigoureuse et l’amour du prochain? Bien souvent, ceux-là mêmes qui se déchaînaient avec le plus de furie contre la Bible disaient la tenir en très haute estime. On en arriverait presque à penser que quelque puissance supérieure à l’homme est à l’origine de toutes ces manigances contre la Parole de Dieu.
Or, c’est précisément ce que montre la Bible, car elle démasque une créature spirituelle méchante qui ne recule devant rien pour empêcher la Parole de Dieu de toucher les cœurs réceptifs. Il ne subsiste pas le moindre doute sur le fait que c’est l’adversaire de Dieu, Satan le Diable, qui a tramé tout ce complot pour supprimer la Bible. — II Cor. 4:4.
Certains de nos lecteurs ne nous concéderont peut-être pas ce point. Mais quelle autre explication ont-ils à proposer pour rendre compte de la lutte acharnée menée pendant des siècles pour empêcher ou décourager le peuple de lire la Bible et pour faire en sorte que celle-ci n’exerce aucune influence sur la vie des gens? Nul autre livre dans l’Histoire n’a subi une telle censure.
Une offensive en règle sous l’Empire romain
Bien que Rome ait persécuté les chrétiens pendant de nombreuses années, la première offensive dirigée contre leurs écrits sacrés remonte à l’an 303 de notre ère, sous le règne de Dioclétien, empereur qui promulgua un décret selon lequel tous les livres chrétiens devaient être saisis et brûlés, le refus d’obtempérer étant puni de mort. Il est regrettable que nombre de précieux manuscrits bibliques aient ainsi été brûlés dans la rue. Mais certaines personnes, tel Félix de Tibiure (en Afrique), refusèrent de livrer les Écritures. Ce dernier déclara: “Je préfère que ce soit moi qui brûle plutôt que la divine Écriture.” Il le paya de sa vie.
Les attaques acharnées contre la Bible durèrent près d’une dizaine d’années. Mais toute la puissance de l’Empire romain ne parvint pas à détruire ce livre. On en cacha soigneusement des exemplaires jusqu’à la fin des persécutions. Pourtant, ceci n’était qu’un avant-goût de ce qui allait suivre.
Un livre dont les premiers chrétiens faisaient abondamment usage
Les premiers chrétiens n’ont pas laissé la Bible se perdre. Ils en faisaient abondamment usage aussi bien chez eux qu’au cours de leurs réunions religieuses. Certains Juifs qui embrassèrent le christianisme furent félicités de ce qu’ils ‘scrutaient les Écritures chaque jour’. Au second siècle de notre ère, Irénée invitait chacun “à lire diligemment les écritures”. Quant à Clément d’Alexandrie, il suggéra que chacun “lise les Écritures avant les repas”. — Actes 17:11; I Tim. 4:13; II Tim. 3:15.
Chacun était invité à se procurer son propre exemplaire de la Bible. Les chrétiens riches offraient même des Bibles, tel un dénommé Pamphile au sujet duquel Eusèbe écrivit:
“Il achetait en grande quantité des exemplaires de l’Écriture sainte, qu’il distribuait avec joie, aux hommes qu’aux femmes qu’il connaissait être portés à cette lecture. C’est ainsi qu’il en préparait soigneusement de nombreux exemplaires pour pouvoir les offrir en cadeau.”
Cependant, avec le temps, les choses évoluèrent de telle façon que la Bible eut de moins en moins d’influence dans la vie des gens qui professaient croire en elle.
L’apostasie a failli donner le coup de grâce
L’apôtre Paul avait prédit que le christianisme se corromprait et qu’il se produirait une “apostasie” qui verrait apparaître une classe d’hommes qu’il qualifiait d’‘hommes qui méprisent la loi’, classe qui s’attribuerait tous les honneurs (II Thess. 2:3, 4). Paul montra que cet “homme qui méprise la loi” apparaîtrait parmi les surveillants chrétiens, les anciens ou “évêques”, comme le traduit la Bible de Crampon-Tricot, et qu’il ‘proférerait des choses tortueuses, afin d’entraîner les disciples à sa suite’. — Actes 20:28-30.
De fait, après la mort des fidèles apôtres de Jésus, commença à apparaître une façon de chrétien, de “la mauvaise herbe”. (Mat. 13:24-30, 36-43.) Certains chrétiens formèrent des groupements schismatiques et tordirent le sens des Écritures (II Pierre 3:16). Cette évolution, qui peut sembler sans conséquence, aboutit à des résultats catastrophiques.
“Les Saintes Écritures elles-mêmes, qui nous insufflent pourtant la foi et renferment la connaissance, peuvent n’être d’aucune utilité si on ne les comprend pas comme il faut”, expliqua Augustin, homme d’Église du IVe siècle. Dans son ouvrage De Principiis, Origène ajouta:
“Comme l’enseignement de l’Église transmis en succession ordonnée depuis les apôtres et demeurant jusqu’à ce jour dans les congrégations est bien préservé, cela seul peut être accepté comme la vérité, ce qui ne diffère nullement de la tradition apostolique de l’Église.”
Ainsi, “l’enseignement de l’Église” et la “tradition apostolique de l’Église” étaient placés au même niveau que les Écritures pour prévenir les hérésies ou l’enseignement de prétendues erreurs religieuses.
Vers la même époque, on mit l’accent sur les cérémonies et le rituel de l’Église. On pensait qu’il s’avérerait plus utile pour ses membres d’avoir une liturgie que de rester perplexes en sondant la “profondeur de la Sainte Écriture”. On fit donc des églises magnifiques, avec des scènes bibliques sculptées sur les parois et des représentations de personnages bibliques que l’on considéra comme les “livres de l’ignorant”.
À l’instar de Chrysostome, qui vivait au IVe siècle, certains ecclésiastiques restèrent partisans de la lecture personnelle de la Bible par chacun. Mais le sort en était jeté. La plupart des gens eux-mêmes ne voyaient plus l’importance de lire et d’étudier personnellement la Bible. Chrysostome se vit opposer l’argument suivant:
“Nous ne sommes pas des moines. Je dois m’occuper des affaires publiques; j’exerce un métier; je dois veiller sur ma femme, mes enfants et mes domestiques. Bref, je suis un homme qui appartient au monde; ce n’est pas à moi de lire la Bible; c’est l’affaire des gens qui ont renoncé au monde et qui se vouent à une vie solitaire au sommet des montagnes.”
Ainsi, peu à peu se répandit l’idée que la lecture et l’étude de la Bible étaient l’apanage du clergé et de ceux qui avaient reçu une formation intellectuelle poussée.
Une sainte relique
Avec le temps, on traduisit la Bible dans la langue du peuple, le latin. Les autorités ecclésiastiques décrétèrent que le latin serait considéré comme langue sacrée. La Bible devrait rester en latin. Toutefois, la suite des événements vit apparaître un changement tel, que de moins en moins de gens du peuple surent lire le latin. Comme beaucoup avaient perdu le désir de faire l’effort de comprendre la Bible, ils trouvèrent plus facile de n’en vénérer que les pages. La Bible devint alors une sorte de porte-bonheur. Lorsque quelqu’un se lançait dans une entreprise hasardeuse ou importante, il ouvrait au hasard la Bible et interprétait le premier passage qui tombait sous ses yeux comme un message que Dieu lui adressait. On fit de magnifiques Bibles reliées, écrites sur du parchemin pourpre avec des lettres en argent ou en or. Malheureusement, ces livres finirent par être des pièces de collection que l’on ne lisait pratiquement jamais. Oui, petit à petit, la Bible devint une ‘relique’ au lieu de rester un livre vivant qui a un sens.
Vous voyez sans nul doute le danger que courait la Bible, puisque même certains prêtres n’arrivaient plus à lire la Bible en latin. Ce qui était arrivé à certains des écrits “sacrés” de la Rome antique illustre bien ce qui risquait de se produire avec la Bible. En effet, la Nouvelle encyclopédie catholique, (angl.) explique ce qui suit:
“Pendant des siècles, la Rome païenne préserva certains textes sacrés de l’Antiquité, même quand les prêtres ne les comprenaient plus.” (C’est nous qui soulignons).
Oui, personne ne savait les lire. Ces écrits sacrés étaient tenus en haute estime, mais morts. La Bible risquait-elle de subir le même sort?
Les traductions dans la langue du peuple
Bien que l’Église catholique ait produit pendant des siècles des traductions en langue populaire, celles-ci n’étaient pas destinées aux masses. Le livre La Bible des Lollards (angl.) révèle d’ailleurs quelle était l’attitude de la hiérarchie de l’Église au moyen âge:
“Si cette traduction était faite pour quelque roi ou haut personnage, ou bien par quelque étudiant solitaire, et qu’elle demeurât un volume révéré mais pratiquement inusité dans une bibliothèque royale ou dans un monastère, il n’y avait aucune objection. Mais que cette traduction serve à diffuser la connaissance du texte biblique parmi les laïcs, l’interdiction ne se faisait pas attendre.”
Ce type de traduction ne fit son apparition qu’au XIIe siècle, mais avec quel éclat!
Le cas des Vaudois
Les magnifiques vallées du sud de la France abritaient un mouvement religieux que l’on appela les Vaudois. On sait que, peu avant 1180, un membre important de ce groupe, Pierre Valdo, avait payé deux prêtres pour traduire certaines parties de la Bible en langue populaire. Les lecteurs de cette traduction avaient apporté de grands changements dans leur vie, à tel point que même l’un de leurs plus féroces ennemis reconnut qu’il existait une différence frappante entre la conduite de ces gens et celle du peuple en général. Il déclara:
“Les hérétiques [les Vaudois] sont connus pour leurs bonnes manières et la qualité de leur langage. Ils sont ordonnés et modestes dans leurs manières et dans leur comportement. Ils sont exempts de fausseté et de duplicité et se montrent chastes, tempérants, sobres, et ne se mettent pas en colère.”
Animés du zèle que leur communiquait la lecture des Écritures, ils sillonnaient toute la campagne française, deux par deux, lisant et enseignant les Écritures à leur prochain. Ils étaient si zélés que l’on rapporte que l’un d’eux “traversa un fleuve à la nage par une nuit d’hiver pour aller trouver une certaine personne et l’enseigner”. Le contenu des Écritures était devenu pour eux ‘vivant et exerçait une action’.
Remplis d’enthousiasme, ils se rendirent à Rome pour obtenir du pape Alexandre III l’autorisation officielle de se servir de leur Bible pour enseigner leur prochain, autorisation qui leur fut refusée. L’un des dignitaires religieux présents au troisième concile de Latran, Walter Map, s’exclama:
“Que jamais la Parole ne soit ainsi donnée à des ignares comme des perles à des pourceaux!”
Rendez-vous compte! Permettre au peuple de lire la Bible dans une langue qu’il comprenait était assimilé à ‘donner des perles à des pourceaux’!
Le pape Innocent III déclencha ensuite une croisade pour “exterminer” les hérétiques. Les rapports remis par ses suppôts font apparaître que des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants furent sauvagement massacrés et qu’on brûla leurs exemplaires de la Bible pour la raison suivante, exposée par un Inquisiteur de l’époque:
“Ils ont traduit l’Ancien et le Nouveau Testament en langue populaire et ils l’enseignent et l’apprennent sous cette forme. J’ai vu et entendu un paysan ignorant qui récitait Job sans oublier un seul mot et bien d’autres qui connaissaient à la perfection tout le Nouveau Testament.”
La Bible en langue populaire se répand
Menacés du bûcher ou de l’épée, les Vaudois durent fuir à l’étranger. Peu après, des traductions de la Bible dans des langues que le peuple pouvait lire apparurent en Espagne, en Italie, en Allemagne et ailleurs. Partout où elles apparaissaient, il s’ensuivait le plus souvent des interdictions et de sévères persécutions. Plusieurs décrets officiels contre la Bible sont reproduits sur la page ci-contre. La violation de ces édits promulgués par les autorités ecclésiastiques ou séculières signifiait souvent la mort sur le bûcher.
Vers 1382, en Angleterre, John Wyclif et ses compagnons achevèrent la traduction de la première Bible complète en anglais. Mais beaucoup de gens du petit peuple ne savaient pas lire. Wyclif prit donc des dispositions pour que des chrétiens aillent lire la Bible au peuple. Ce furent les Lollards.
Des persécutions atroces
Ces “hommes de la Bible”, comme on les appelait parfois, provoquèrent de sérieux remous. La hiérarchie de l’Église anglaise réagit par des persécutions inouïes. En 1401, le Parlement anglais décréta que quiconque possédait la Bible en langue populaire devait être “mis au bûcher devant le peuple sur un endroit élevé, afin que de tels châtiments engendrent la terreur dans l’esprit des spectateurs.”
De fait, ils causèrent la terreur. Dans la crainte d’être accusé, le possesseur d’une Bible en anglais fit cette remarque qu’il “préférait brûler ses livres plutôt que d’être brûlé par eux”. Mais tout le monde ne se laissait pas aussi facilement décourager de lire la Parole de Dieu. Des centaines de gens furent brûlés vifs pour le simple fait, comme le montrent les comptes rendus de procès, “d’avoir certain petit livre d’écriture en anglais”. Bien souvent, ces malheureux étaient brûlés “avec les livres de leur savoir [la Bible] pendus à eux”.
D’un pays à l’autre, cette persécution fit rage. Dans certaines régions, on massacrait des villages entiers lorsque les gens persistaient à lire la Bible en langue populaire. Nul n’était à l’abri d’une dénonciation de ses voisins, de ses subalternes, voire de ses enfants, du fait que tous, par crainte de sévères représailles, étaient poussés à dénoncer quiconque lisait la Bible dans sa langue. Inutile de dire que pour éviter d’être pris, quantité de gens lisaient la Bible la nuit.
Qu’auriez-vous fait en de telles circonstances? Auriez-vous donné au message de la Bible un prix tel que vous auriez risqué votre vie pour la lire?
Cependant, les Bibles en langue populaire étaient détruites plus rapidement qu’elles n’étaient produites, du fait qu’il fallait les recopier à la main. Ce travail de Romain rendait la Bible extrêmement chère, hors de portée des gens du commun. On rapporte qu’une Bible complète en allemand coûtait 70 florins d’or. Or, à l’époque, on pouvait acheter un bœuf pour un ou deux florins. Autrement dit, la valeur de la Bible équivalait à un troupeau entier. Certaines personnes allaient “jusqu’à donner une charge de foin pour quelques chapitres de Jacques ou de Paul en anglais”, rapporte l’historien John Fox.
Il semblait bien que la Bible allait peu à peu cesser d’être une force vivante chez les gens. Mais, en plein âge des ténèbres, une invention qui modifia radicalement ce tableau vit le jour.
L’imprimerie à caractères mobiles
Avec l’imprimerie, la Bible pouvait être reproduite plus vite qu’on ne la détruisait. Le premier ouvrage à sortir des presses fut la Bible en latin. Mais bientôt, d’autres copies suivirent en langue populaire.
Comme il devenait possible de produire la Bible en série, le coût de chaque exemplaire s’abaissa à tel point que n’importe qui put s’en offrir un. La lecture de la Bible devint plus facile, en particulier grâce aux traductions de Martin Luther, de William Tyndale et de Louis Olivier (Olivétan) qui, au lieu de traduire la Bible à partir du latin, travaillaient directement sur les langues originales. Tyndale choisit un vocabulaire que “même le jeune garçon qui pousse la charrue” pouvait comprendre. Ainsi, le mot “amour” remplaça celui de “charité”, “Église” fut remplacé par “congrégation” et “pénitence” par “repentance”, ce qui contribua à rendre la Bible plus vivante pour ceux qui la lisaient.
Mais l’hostilité montrée à la Bible ne diminuait pas. Des dizaines d’années après la parution de la première Bible imprimée, en 1456, on assistait encore à une véritable guerre qui avait pour but de détruire les exemplaires en langue populaire. L’évêque de Londres brûlait les Bibles de Tyndale à mesure qu’il les saisissait. Il était si acharné à détruire toutes les Bibles de Tyndale qu’il paya même de sa propre poche plusieurs exemplaires pour pouvoir les brûler. En une certaine occasion, par l’entremise d’un ami, Tyndale lui vendit plusieurs éditions défectueuses et utilisa le pécule ainsi acquis à corriger la nouvelle édition, ce qui aboutit à une plus large diffusion de sa traduction sur le territoire anglais.
Pendant des années, on traqua Tyndale comme un animal. Finalement, à la suite d’une trahison, il fut capturé. Ses efforts lui coûtèrent la vie: il fut étranglé puis attaché à un poteau et brûlé.
Pourquoi s’opposait-on à la traduction de la Bible?
Avez-vous de la peine à comprendre pourquoi tant d’autorités ecclésiastiques se sont opposées à la traduction de la Bible en langue populaire? Cela ne provient pas de ce que tous ces gens étaient foncièrement opposés à la Bible. Certains la tenaient même en très haute estime. Mais ils avaient le tort de craindre que des personnes incompétentes ne se mêlent de produire des traductions approximatives qui causeraient du tort à la Parole de Dieu. Garder la Bible dans la langue noble et figée qu’était le latin constituait pour eux une façon d’empêcher que les Saintes Écritures soient “profanées” par des traductions plus ou moins fidèles dans les langues que parlait le peuple.
Mais alors, pourquoi n’a-t-on pas produit une version “officielle”? C’est ce qui fut fait, mais plus tard. Vers 1527 parut en allemand la version d’Emser, puis, en 1582, le Nouveau Testament anglais de Reims. La raison de cette lenteur fut exprimée par un ecclésiastique catholique du nom de Geiler, qui déclara vers 1500 à Kaysersberg, en Allemagne:
“Il est dangereux de mettre un couteau dans la main d’un enfant pour qu’il se coupe lui-même du pain, car il pourrait aussi bien se blesser. De même, la Sainte Écriture, qui contient le pain de Dieu, devrait être lue et expliquée par des gens déjà bien avancés en connaissance et en expérience, capables d’en donner le sens correct. Car les gens sans expérience se causeraient facilement du tort en la lisant (...). Si donc on souhaite lire la Bible, il faut prendre garde à ne pas tomber dans l’erreur.”
Mais la crainte que les lecteurs sans instruction ‘ne tombent dans l’erreur’ était-elle la seule raison pour ne pas développer la lecture de la Bible? Non, car il y en avait d’autres, comme le reconnut avec franchise Érasme, célèbre exégète catholique:
“La femme qui est occupée à lire les volumes saints néglige ses tâches domestiques. (...) Peut-être aussi le soldat sera-t-il moins prompt à se battre. Quel grand danger ce serait! (...) En maints endroits, les volumes sacrés dénoncent les vices des dirigeants et des princes, et si le peuple les lisait, il murmurerait contre eux.”
Quelle que soit la raison invoquée pour justifier cette attitude, son résultat était que l’on détruisait pratiquement l’action de la Bible dans la vie des gens. Si une telle attitude s’était maintenue, malgré les bonnes intentions de ses défenseurs, la Bible serait bel et bien devenue une “sainte relique”.
Heureusement pour nous, grâce aux efforts de quelques hommes dévoués et aux progrès réalisés par l’imprimerie, la Bible a été diffusée dans une langue vivante et rendue ainsi accessible au public, à un coût que la majorité des gens pouvaient supporter. Oui, la Bible venait de résister à une attaque d’une violence inouïe.
Mais nous avons évoqué une autre méthode d’attaque, la dénaturation du contenu. Il suffit, rappelons-le, de souiller un peu d’eau pure pour la rendre imbuvable. Comment la Bible allait-elle se comporter devant cette forme subtile d’attaque?
[Entrefilet, page 8]
Qu’est-ce qui explique la lutte acharnée menée pendant des siècles pour empêcher le peuple d’avoir la Bible?
[Entrefilets, page 13]
Qu’auriez-vous fait si votre vie avait été menacée parce que vous lisiez la Bible?
“Les gens sans expérience se causent facilement du tort en lisant la Bible”, expliqua un ecclésiastique. Mais Érasme fit avec franchise l’aveu suivant: “En maints endroits, les volumes sacrés dénoncent les vices des dirigeants et des princes, et si le peuple les lisait, il murmurerait contre eux.”
[Encadré, page 10]
LA BIBLE INTERDITE
“Personne ne doit posséder les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament en langue romane.” — JACQUES Ier, ROI D’ARAGON (Espagne), 1223.
Que le peuple n’ait pas de livre des Écritures (...). De plus, nous prohibons qu’on permette aux laïcs d’avoir les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament.” — SYNODE DE TOULOUSE (France), 1229.
“Ainsi, nous ordonnons expressément à tous les archevêques, évêques et à tous les clercs ainsi qu’à tous les ducs, princes, etc., d’aider les inquisiteurs en confisquant de tels livres écrits en langue populaire. Ces ouvrages doivent être saisis chez tout le monde, particulièrement chez les laïcs (et plus particulièrement, puisque le droit canon interdit aux laïcs des deux sexes de lire quelque livre que ce soit de la Sainte Écriture en langue populaire).” — CHARLES IV, EMPEREUR D’ALLEMAGNE, 1369.
[Illustration, page 8]
L’empereur de Rome décréta la saisie et la destruction des Bibles.
[Illustrations, page 9]
La lecture de la Bible en vint à être considérée comme l’apanage du clergé.
On produisait de magnifiques Bibles qui coûtaient une fortune, mais que l’on traitait comme des “reliques saintes”.
[Illustration, page 12]
On décréta officiellement que quiconque possédait une Bible en langue populaire devrait périr par le feu.