Les plumes — Une merveilleuse réalisation
De notre correspondant au Canada
DANS votre jardin, un colibri au plumage éclatant étincelle, tandis qu’il aspire le nectar d’une fleur. Au jardin zoologique, un paon fait la roue, les magnifiques plumes de sa queue déployées en un éblouissant éventail de couleurs. C’est à leurs plumes que ces oiseaux doivent leur grande beauté.
Pour confectionner une garde-robe, les tailleurs, les couturières et les modistes choisissent des tissus de tous genres et de toutes couleurs. Avec de la laine, du coton, de la soie et des matières synthétiques ils produisent une grande variété de vêtements. Cependant, le “vêtement” des oiseaux n’est fait que d’une seule matière, la kératine ou scléroprotéine qui constitue la substance fondamentale de vos ongles, ainsi que des sabots et des griffes des animaux. En utilisant cette matière, le Créateur du plumage des oiseaux a surpassé de loin en beauté, en variété et en utilité, tout ce que pouvaient imaginer nos stylistes.
Délicates, mais résistantes
De même qu’un tube creux est souvent plus pratique qu’une barre pleine, la hampe creuse d’une plume ne pèse qu’une fraction du poids d’un os plein tout en ayant sa résistance. La hampe est la partie la plus épaisse de la plume, et c’est par elle que celle-ci est ancrée dans un follicule de la peau de l’oiseau.
La hampe se prolonge par le rachis qui porte de chaque côté les barbes. Les barbes sont elles-mêmes garnies de barbules, implantées à angle droit et munies de minuscules crochets qui relient les barbes entre elles, un peu comme le ferait une fermeture éclair. Cet enchevêtrement forme un réseau solide, mais suffisamment souple pour ployer à maintes reprises sans se rompre.
Si par hasard cet enchevêtrement se desserre, l’oiseau se lisse les plumes jusqu’à ce que les barbes soient de nouveau convenablement assemblées. Alors, avec toutes ses plumes hérissées bien en place, l’oiseau est entièrement protégé contre le froid et l’humidité. Chez les canards et chez d’autres oiseaux aquatiques, on a remarqué que leurs plumes avaient même fait dévier des balles de fusil.
La formation d’une plume
La plume se forme dans un follicule du derme de l’oiseau. Tandis qu’elle se développe, des changements merveilleux et complexes se produisent. À l’intérieur d’une enveloppe prennent naissance les segments de la plume, délicatement enroulés autour d’une tige. L’agencement est si remarquable que lorsqu’on voit la plume entièrement développée, on se demande comment tout cela a pu tenir dans un espace aussi réduit.
Quand le développement est achevé, les vaisseaux sanguins qui rendaient possible la croissance des cellules, se dessèchent et l’enveloppe éclate. L’oiseau se débarrasse ensuite rapidement des déchets et lisse sa nouvelle plume pour lui donner sa forme définitive. À présent, la plume est essentiellement un tissu mort qui n’a plus besoin de substances nutritives provenant du sang de l’oiseau. Cela représente une réelle économie pour le système circulatoire de ce dernier.
Une grande variété de plumes
Les plumes se présentent aussi sous une multitude de formes, de dimensions et de couleurs. La plupart ont une fonction bien définie tandis que d’autres ne semblent répondre qu’à un besoin esthétique. Chaque oiseau a un nombre de plumes proportionné à sa taille. On a pu compter chez le cygne chanteur, l’un des plus grands oiseaux, 25 216 plumes, tandis que le minuscule colibri paré de ses plus beaux atours en a 940.
Parmi les différentes catégories de plumes, citons les plumules qui forment le duvet, à la base du rachis. Elles sont délicatement conçues pour servir de “sous-vêtement” chaud à l’oiseau. Un examen à la loupe permet de voir des barbes longues, fines et très flexibles, ainsi que des barbules, mais pas de crochets Cette masse informe et très légère de plumes souples isole le corps de l’oiseau, le garde au chaud par temps froid et au frais en été.
Certains oiseaux ont plus de plumules que d’autres. C’est le cas de l’eider [un grand canard des pays du Nord]. D’ailleurs, il emploie le surplus de cette matière isolante douce comme de la soie pour tapisser l’intérieur de son nid où ses petits seront installés douillettement. Le manchot empereur de l’Antarctique porte lui aussi un “sous-vêtement” en duvet sous ses plumes de contour imperméables et qui le protègent également du vent. Cela lui permet de rester immobile, sans manger, pendant environ trois mois, tandis qu’il couve un œuf posé sur ses pattes. En même temps, il doit supporter des vents de 80 kilomètres à l’heure et des températures de 50 degrés sous zéro.
Les plumes de contour au profil aérodynamique ont pour fonction d’assurer le vol de l’oiseau. Elles sont agencées de façon bien spécifique selon les espèces. La tige centrale est légèrement courbée pour épouser la forme du corps, et se dirige toujours vers l’arrière, depuis le bec dans la direction de la queue. À sa base pousse le duvet qui est recouvert par la rangée de plumes suivante.
Avez-vous déjà observé une poule hérissant ses plumes pour couvrir ses œufs ou ses poussins? Les plumes de contour sont fixées à des muscles qui leur permettent de se soulever de cette façon. Grâce à ces muscles, l’oiseau peut aussi nettoyer ou lisser son plumage, et laisser pénétrer plus d’air qui servira d’isolant contre le froid ou la chaleur.
Les rémiges présentent un aspect encore plus intéressant. Ce sont des “propulseurs” qui soulèvent l’oiseau dans les airs et le maintiennent en mouvement. Une seule d’entre elles peut avoir jusqu’à un million de parties ingénieusement agencées. À l’extrémité de chaque aile, on trouve les rémiges primaires, au nombre de dix ou plus; elles sont vraiment l’élément propulseur principal de l’aile tout entière. Puis il y a dix-sept rémiges secondaires qui, comme les primaires, ont un tuyau extrêmement solide et une tige attachée au squelette. Toutes peuvent tourner sur leur axe, ce qui leur permet de se superposer quand l’aile s’abaisse et de s’ouvrir comme un store vénitien quand l’aile se relève. Incroyablement légères, les plumes tertiaires recouvrent de façon égale le reste de l’aile, ce qui permet à l’oiseau de contrôler avec une très grande efficacité ses mouvements en vol.
La queue possède des rectrices qui par le moyen de muscles puissants peuvent s’abaisser, s’étaler en éventail, se replier ou s’incliner à volonté. Ces plumes, au nombre de dix ou davantage, remplissent les mêmes fonctions que le gouvernail, l’empennage, les volets et les ailerons d’un avion au décollage et en vol. Elles servent aussi de frein à air comprimé lors de l’atterrissage.
Les couleurs
Les oiseaux doivent surtout leur beauté à une incroyable variété de couleurs. Le bleu, le vert, le jaune et le rouge s’harmonisent à merveille sur l’oiseau pape de la Louisiane, tandis que le cardinal mâle n’hésite pas à se montrer en public revêtu d’une livrée rouge vif contrastant avec sa face noire.
Souvent les plumes changent de couleur selon l’habitat de l’oiseau. Le manteau du lagopède contient différentes nuances de brun en été, mais en hiver il est presque entièrement blanc, un camouflage parfait dans les régions arctiques. Au milieu de la verdure luxuriante des jungles, le vert vif est à la mode. Dans les zones désertiques, les oiseaux sont tout à fait invisibles aux yeux des prédateurs grâce à leurs plumes d’un blond roux.
La couleur de la plume provient à la fois de sa structure, de sa pigmentation et de la réflexion des rayons lumineux. Les plumes blanches ont une structure microscopique qui réfléchit totalement la lumière blanche. Pour produire les tons bleus, des particules minuscules dans la composition des barbules s’infléchissent, se dispersent et réfléchissent seulement les rayons de lumière bleue. Les tons verts résultent de la combinaison d’une structure bleue avec du pigment jaune, tandis que les plumes à pigments rouges absorbent la partie bleu-vert de la lumière blanche et ne réfléchissent que les longueurs d’onde rouges. C’est grâce à cette merveilleuse disposition dans la structure des plumes que nos yeux peuvent se réjouir devant la beauté des oiseaux multicolores.
Des plumes iridescentes
Un naturaliste anglais a décrit le colibri en ces termes: “Un instant, il ressemble à un rubis, puis à une topaze, ensuite à une émeraude ou encore à de l’or étincelant.” J. Audubon, un célèbre peintre naturaliste américain, a parlé de ces joyaux emplumés comme de “gracieux fragments d’arc-en-ciel”, à cause de leurs plumes iridescentes.
Pourquoi les plumes sont-elles ainsi irisées? De minuscules particules de matière aux contours précis, ayant les propriétés des miroirs produisent une interférence de rayons lumineux. Certains composants de ces rayons sont éliminés, tandis que d’autres sont renforcés par réflexion. Il en résulte sur la surface de la plume un éclat momentané de couleur pure qui change quand les rayons de lumière frappent d’autres angles. Puis, tout aussi rapidement, l’éclat s’éteint.
On a un exemple remarquable de ce phénomène dans les ocelles de la queue d’un paon. Chaque barbe d’un ocelle peut avoir trois ou quatre zones colorées. Cela exige des milliers de particules réfléchissant la lumière disposées avec précision sur la barbe, tous les trois millimètres. C’est pourquoi des milliards de ces molécules doivent être remplacées chaque année sans la moindre modification, tandis que l’oiseau mue puis que poussent ses nouvelles plumes. Les teintes disparaîtraient s’il y avait une modification de l’ordre de 0,001 millimètre.
Des particularités
Dans cet univers des plumes, on voit des choses bizarres. Le pic se sert des plumes rigides de sa queue pour grimper aux arbres, comme les poseurs de lignes téléphoniques se servent de crampons. Les lagopèdes possèdent, sur les pattes, des plumes longues et proéminentes qui leur servent de “raquettes” en hiver. Le mâle du ganga des sables africains transporte la ration d’eau quotidienne de ses petits dans les plumes de sa poitrine. Certains tétras et bécassines font pénétrer l’air à travers les plumes “musicales” de leurs ailes, ce qui produit, bien sûr, un son chantant. Les oies emploient les plumes puissantes de leurs ailes comme arme de guerre. N’oublions pas non plus les messieurs courtois de la gent ailée qui recherchent les faveurs de leurs dames en arborant leur costume de circonstance. Parmi eux, citons la grue couronnée, le héron avec ses aigrettes, l’inoubliable oiseau de paradis et l’oiseau-lyre d’Australie.
En vérité, les plumes sont une merveilleuse réalisation. Nous sommes saisis d’admiration par ces chefs-d’œuvre mais c’est à leur Créateur que toute gloire est due.
[Schémas, page 26]
AXE CENTRAL (RACHIS)
BARBE
BARBULE