Promesses et plasmides
LES cellules ont une très faible dimension. Le point à l’extrémité de cette phrase pourrait en contenir 500. Pourtant, dans chacune de ces cellules figure en général l’ensemble du code génétique (ADN) nécessaire à la fabrication d’une créature vivante comme vous.
De toute évidence, si les cellules sont de faible dimension, les molécules d’ADN qu’elles contiennent sont extrêmement petites. Ces molécules se présentent sous la forme de longs filaments spiralés. Si l’on mettait bout à bout tout l’ADN de votre organisme, on pourrait l’étirer sur une distance plusieurs fois supérieure à celle de la terre au soleil! Mais ces filaments sont si ténus que leur diamètre n’excède pas 1/400 000 de mm.
Pour compliquer les choses, ces filaments d’ADN sont tassés à l’intérieur de la cellule. Ils s’entortillent et se présentent sous la forme de paquets très serrés. Tout cela rend difficile l’identification des gènes, la fraction d’ADN à laquelle les scientifiques s’intéressent. Il est impossible pour des scientifiques de placer une cellule sous un microscope, d’identifier le gène désiré, de l’extraire avec des brucelles et de greffer un autre gène.
Le recours aux plasmides
Toutefois, des bactéries contiennent certaines molécules d’ADN qui sont plus facilement manipulables. À l’intérieur de la cellule, ces filaments circulaires (boucles) d’ADN sont plus ou moins indépendants du reste de l’ADN. Leur forme leur permet de sortir d’une cellule bactérienne et de pénétrer dans une autre. On les appelle les plasmides. Ces boucles sont devenues l’élément clé du génie génétique.
La manipulation des gènes des cellules végétales et animales est plus délicate, car ces cellules ne contiennent pas de plasmides et leur système de régulation génétique est infiniment plus complexe. Les scientifiques espèrent que de telles manipulations seront bientôt possibles. S’ils y réussissaient, ils pourraient greffer sur les plantes des gènes bactériens qui fixent dans le sol l’azote de l’air et il ne serait alors plus nécessaire de répandre des engrais azotés. Ces scientifiques souhaitent qu’un jour ils puissent guérir des maladies génétiques comme les anémies à cellules falciformes (drépanocytes) en remplaçant chez les humains des gènes défectueux.
D. Bell, président de la National Distillers and Chemicals Corporation, a écrit dans la revue Leaders: “On est en train d’élaborer un micro-organisme utilisable dans l’industrie pétrolière (récupération assistée du pétrole) tandis que d’autres virus faciliteront l’extraction des métaux. Avec le génie génétique, de nouvelles étapes ont été franchies ou sont sur le point de l’être: fabrication de l’insuline humaine et de l’interféron, cette substance anticancéreuse produite à partir de cellules humaines; mise au point de vaccins contre l’hépatite et le paludisme; production d’hormones pour lutter contre le nanisme hypophysaire et l’hémophilie, et fabrication de promoteurs de croissance pour le bétail. Des recherches se poursuivent pour créer des plantes capables de fixer l’azote de l’air. Il est aussi question de variétés de céréales dont la teneur en protéines serait doublée et d’un blé ‘miracle’ qui pousserait avec seulement un dixième du volume d’eau habituellement nécessaire.”
Au moyen du génie génétique, on a mis au point un vaccin contre la fièvre aphteuse, maladie qui frappe le bétail. — Selon la revue Time du 29 juin 1981.
Il va sans dire que le génie génétique est devenu brusquement une grosse affaire commerciale. Des personnes s’inquiètent, car on a franchi le stade des essais en laboratoire pour passer à celui de la fabrication industrielle. Doit-on s’en émouvoir?