Comment devenir un meilleur lecteur
PEU de conducteurs se contenteraient d’une voiture avec un seul rapport de vitesse. Si on ne peut passer que le premier rapport, le véhicule ne sera pas en mesure d’atteindre une vitesse élevée sur une nationale. Par contre, si c’est seulement la quatrième ou la cinquième qui passe, la voiture aura de la difficulté à gravir une forte pente. De même, pour être bon lecteur, il vous faut être capable de “changer de vitesse”.
Vous ne lirez certainement pas la Bible ou un auteur classique à la même vitesse qu’un quotidien ou une bande dessinée. Mais peut-être lisez-vous pour le seul plaisir sans vous soucier de la vitesse? Dans ce cas, on pourrait vous comparer à “un conducteur du dimanche” nullement préoccupé par un itinéraire ou par une heure d’arrivée.
Il peut être très agréable de conduire de la sorte. Malheureusement ce n’est pas tous les jours dimanche, et nous ne lisons pas seulement pour notre plaisir. La lecture peut avoir une fin éducative, contribuer à élargir nos horizons ou être partie intégrante de notre travail. Pour éviter la perte de temps, nous devons être à même de changer de vitesse. Abordons donc la lecture rapide.
La lecture rapide ou l’art de l’“écrémage”
Écrémer, c’est saisir l’essence d’un texte sans le lire mot à mot. Vos yeux courent sur une page, s’arrêtant ici et là sur les idées principales.
Toutefois, la lecture rapide ne permettra jamais de discerner la saveur, le charme et la couleur intense qui se dégagent d’un bon livre. Elle fait manquer trop de choses. Elle n’aidera pas non plus votre mémoire, car l’occasion n’est pas donnée à votre esprit d’assimiler le texte. La majorité des écrits n’est pas de la grande littérature et n’a pas besoin d’être mémorisée. La lecture rapide peut faire gagner des heures chaque semaine à un homme d’affaires.
Suivre un stage de lecture rapide facilitera-t-il votre tâche? À l’aide de cours, des lecteurs ont vu doubler ou tripler leur vitesse de lecture, certains d’entre eux atteignant plusieurs milliers de mots à la minute. Les lecteurs apprennent à lire les groupes de mots et de phrases (sans faire de mot à mot) et remarquent rarement tous les mots d’une phrase, en particulier les mots brefs d’une ou deux lettres. Cependant, lorsque quelqu’un prétend lire des milliers de mots à la minute, il saute bien plus que de simples détails.
Cela rappelle l’expérience faite par un professeur de lecture de l’Université Columbia, expérience qu’a rapportée la revue Across the Board. Ce professeur prépara un test d’une page destiné à un groupe de “lecteurs rapides”. Chose extraordinaire, ils lurent le texte à une vitesse voisine de 6 000 mots à la minute. Pour s’assurer qu’ils comprenaient ce qu’ils lisaient, le professeur leur demanda de relire plusieurs fois le document. Leur vitesse de lecture régressa à 1700 mots à la minute, un résultat encore impressionnant. Puis le professeur annonça aux élèves que le document n’avait absolument aucun sens, étant constitué d’un assemblage de lignes prises au hasard dans des articles de plusieurs revues.
La leçon à en tirer: Ne devenez pas “esclave de la vitesse”. C’est l’avis de Mortimer Adler: “Une grande vitesse de lecture constitue un exploit douteux; elle est seulement valable si l’objet de votre lecture n’en vaut pas la peine.”
Le survol du sujet — clé d’une bonne lecture
Une méthode améliore le degré de compréhension et de mémorisation tout en employant les techniques de l’écrémage ou du repérage. On peut la désigner sous le nom de survol.
Les explorateurs savent que la voie de la sagesse consiste à observer d’un point élevé une région inconnue et de la repérer sur les cartes avant de s’y enfoncer. Le lecteur qui emploie la technique de l’écrémage pour se familiariser avec son “terrain” agira de la même façon. Son regard arpentera le terrain dans la bonne direction, en reconnaissant les points principaux et en évitant de se perdre dans un labyrinthe de mots.
Comment procéder si le texte est très détaillé? Eh bien, suivez la méthode décrite sur le tableau ci-contre. Un survol vous demandera une ou deux minutes, mais c’est du temps bien employé.
Passons maintenant à la lecture intégrale, pour ainsi dire à une “vitesse inférieure”.
Lire avec application
“Le plus sûr moyen de mémoriser vos lectures est de procéder de manière structurelle en sentant intuitivement le déroulement méthodique de la pensée de l’auteur”, explique l’ouvrage The Art of Book Reading (L’art de la lecture). Il est hors de doute que votre aptitude à suivre l’évolution des idées de l’auteur favorisera votre bonne compréhension du sujet, compréhension qui, à son tour, facilitera la mémorisation.
Efforcez-vous de distinguer les mots signaux des points secondaires et des détails. Cherchez les phrases-clés qui se trouvent dans la plupart des paragraphes. Ainsi que l’explique un spécialiste, vous serez bientôt en mesure de repérer les phrases principales comme si leurs caractères se détachaient en relief sur la page. Apprenez également à goûter par avance à la suite d’un récit et à résumer ce que vous avez déjà lu. En deux mots, soyez un lecteur actif.
Si l’emploi de la technique des questions vous tente, elle vous permettra d’anticiper sur la suite de l’action et d’affiner votre compréhension. Comment y parvient-on?
Dans la pratique, les parties d’un ouvrage se subdivisent en chapitres, en titres et en sous-titres. Quand vous abordez un nouveau chapitre ou un nouveau titre, transformez son énoncé en une question dont vous chercherez la réponse en progressant dans votre lecture.
Si vos questions sont chargées de sens, la majorité des points principaux de la lecture se retrouveront dans vos réponses. De plus, si vous accordez une attention particulière aux points principaux, vous vous souviendrez mieux des détails que si vous donniez une importance égale à toutes les phrases.
Votre lecture sera de meilleure qualité encore si vous avez à dessein de mémoriser les choses apprises. Par exemple, les étudiants qui savent sur quelle lecture ils seront interrogés retiennent toujours davantage de choses que les étudiants qui ne feront l’objet d’aucune question. En accord avec ce point, vous pouvez passer une autre “vitesse” qui augmentera l’efficacité de votre lecture. Elle correspond à la “marche arrière” sur une automobile.
Le rappel immédiat — une formule aide-mémoire
Pour garder en mémoire ce que vous lisez, la compréhension ne suffit pas. Il vous faut “faire marche arrière” et vous concentrer sur les points principaux de votre lecture. Cela se traduit-il par la relecture d’un manuscrit? Dans certains cas. Mais il existe une technique encore meilleure que nous qualifierons de rappel immédiat.
Pour prouver son efficacité, on demanda à un groupe d’étudiants de revoir un document immédiatement après l’avoir lu. Sept jours après, ces étudiants étaient capables de se souvenir de 83 pour cent des matières. On demanda à un autre groupe de revoir un document un jour après la première lecture; sept jours plus tard, ces étudiants ne se souvenaient seulement que de 45 pour cent des matières. Vous en déduirez qu’il est mieux de réviser ce que vous lisez immédiatement après la lecture, voire au cours de celle-ci.
L’emploi d’une méthode de révision similaire à celle décrite dans le tableau de cette page s’avère très efficace. D’après une étude, le volume d’informations retenues avec cette méthode, après une période de deux mois, est supérieur à celui retenu, après 24 heures, sans faire de révision. Un professeur d’université a montré qu’en consacrant une minute à la révision, on doublait le taux de mémorisation. Voilà qui en vaut la peine!
Quelques conseils supplémentaires: souvenez-vous des idées et non des mots. Prenez quelques notes brèves sur les principaux points. Revoyez le document de façon périodique au lieu d’essayer de tout apprendre en une fois.
Bien entendu, vous n’avez pas besoin de vous souvenir de tout ce que vous lisez. Quelqu’un a dit à juste raison: “Il y a des livres qu’on goûte, d’autres qu’on avale, et quelques-uns qu’il faut mâcher et digérer.” Pour retirer le maximum de vos lectures, montrez-vous donc sélectif. Outre la lecture-divertissement, développez votre goût pour les œuvres plus profondes et accordez régulièrement à la Bible une grande place dans vos lectures.
Aujourd’hui de nombreuses techniques de lecture sont disponibles. Les apprendre et les mettre en pratique réclame un petit effort, mais elles vous aideront à devenir un bien meilleur lecteur.
[Encadré, page 11]
SURVOL D’UN OUVRAGE (AUTRE QUE FICTION)
1. Transformer le titre en plusieurs questions qui représentent ce que vous attendez des matières de l’article ou du chapitre.
2. Lire le premier ou le deuxième paragraphe.
3. Lire les sous-titres.
4. Lire la première phrase de chaque paragraphe. Regarder les expressions en italique et en caractères gras.
5. Examiner les illustrations, les tableaux, les schémas.
6. À présent, demandez-vous: Quels sont les points principaux soulignés par l’auteur? Comment les matières sont-elles présentées?
[Encadré, page 12]
COMMENT RÉVISER?
1. Après lecture de chacune des parties d’un document, demandez-vous: Quelle est l’idée principale? Donnez la réponse. Revenez en arrière si vous ne pouvez pas donner une réponse correcte.
2. Parvenu à la fin de votre lecture, interrogez-vous sur l’ensemble de l’article ou du chapitre. Énoncez les points principaux, en respectant l’ordre du développement. Revenez en arrière seulement en cas d’oubli.
[Graphique, page 12]
(Voir la publication)
LES POSSIBILITÉS DE LA MÉMOIRE
TAUX DE MÉMORISATION
Avec une révision immédiate
Avec une révision faite après 24 h.
Sans aucune révision
100 %
80 %
60 %
40 %
20 %
0 %
JOURS
1
7
14
21
[Illustration, page 10]
Quelques suggestions pour maîtriser le phénomène de la surinformation