Les femmes battues — Un regard dans le secret des foyers
IL EST alarmant de constater à quel point le phénomène des femmes battues est devenu courant. Selon la revue Psychology Today, “10 % des femmes seront violemment agressées (coups de poing, coups de pied, morsure, ou pire) par leur mari au cours de leur mariage”. En 1986, la revue Family Relations montrait que l’ampleur du problème était plus grande encore, puisqu’“une femme sur deux sera victime de violence domestique aux États-Unis”. Selon un rapport publié en 1987, au Canada une femme sur dix est victime de mauvais traitements. Dans d’autres pays, les chiffres sont à peu près du même ordre.
Un procureur de New York a décrit l’étendue du problème: “Au sein de la société américaine, la violence faite aux femmes a pris des proportions épidémiques. Le FBI estime que toutes les 18 secondes une femme est frappée par son mari; jusqu’à six millions de femmes seraient battues chaque année.” Il apparaît que, dans ce pays, “la violence conjugale est responsable de plus de blessures entraînant une hospitalisation que tous les viols, agressions et accidents de la circulation réunis”. Quelque 4 000 femmes meurent ainsi chaque année sous les coups.
Si rien ne transpire de ces mauvais traitements, il peut arriver que les proches du mari — ses meilleurs amis, ses collègues de travail, le reste de la famille — ne soupçonnent jamais qu’ils ont affaire à un mari violent. Celui-ci peut fort bien avoir un comportement normal au travail et en société, voire être considéré comme un exemple par son entourage. Nombre d’entre ces maris brutaux fuiraient une bagarre dans un bar, dans la rue ou sur leur lieu de travail. Beaucoup donneraient tout ce qu’ils ont pour aider quelqu’un dans le besoin.
En revanche, quand il s’agit de leur conjoint, ils peuvent entrer dans une rage folle à la moindre contrariété — un repas servi en retard, un plat ou une robe qui n’est pas à leur goût, un désaccord sur le choix d’une émission de télévision. D’une étude réalisée en Grande-Bretagne sur les femmes battues, il ressortait que dans 77 % des cas les sévices n’étaient précédés d’aucune dispute. Des rapports indiquent que, bien souvent, les coups partent pour des motifs aussi “insignifiants qu’un œuf abîmé ou une queue de cheval qui déplaît”.
Un mari violent a reconnu avoir un jour été “contrarié parce que sa femme s’était emmitouflée dans les couvertures”. Il a exprimé cette ‘contrariété’ en la jetant en bas du lit à coups de pied et en lui tapant la tête contre le sol au point de lui provoquer une commotion cérébrale. Une femme, victime de sévices pendant des années, se rappelle: “Au moment du repas, le simple oubli d’un élément sur la table suffisait à provoquer un incident.”
Mariée depuis trois ans et demi, une femme a estimé avoir déjà été battue à 60 reprises. “Il n’aimait pas mes amies, raconte-t-elle. J’ai donc peu à peu cessé de les voir.” Finalement, elle a même arrêté de voir les membres de sa famille, car il ne les aimait pas non plus. “Si j’essayais de leur téléphoner, c’était prétexte à une nouvelle séance de coups.” Une autre femme maltraitée explique: “À la fin, je lui demandais tout ce que je devais faire — par exemple, ce qu’il voulait manger ou comment disposer le mobilier.”
Les études indiquent que ces scènes de violence conjugale se produisent le plus souvent en soirée, pendant la nuit ou durant le week-end. En conséquence, les femmes cruellement battues sont plus susceptibles d’avoir affaire au personnel hospitalier du service des urgences qu’à leur médecin de famille. Les blessures pour lesquelles elles viennent consulter sont souvent des plaies, particulièrement à la tête et à la face. Fréquemment, on observe aussi des lésions internes, comme des commotions cérébrales, des perforations de tympan, des lésions abdominales — notamment si la personne est enceinte. Il n’est pas rare non plus de relever des marques de strangulation, ou des fractures de la mâchoire, des bras, des jambes, des côtes ou des clavicules. D’autres femmes encore doivent être soignées pour des brûlures provoquées par la projection d’un liquide bouillant ou d’un acide.
À propos des maris violents, on a écrit: “Ces individus sont de véritables monstres. Ils enferment leur femme dans la chambre, lui brisent les os, la mutilent. Ils la blessent à coups de couteau, lui font prendre des médicaments dangereux, lui martèlent le visage, l’estomac et la poitrine à coups de poing. Ils lui braquent une arme à feu sur la tempe — et la tuent.” Des journaux ont fait état de maris qui ont arraché des fils électriques de la voiture pour empêcher leur femme de s’enfuir, qui l’ont enchaînée à son lit, ou qui ont menacé de la tuer, elle et les enfants, si elle essayait de partir. La liste de ces méfaits pourrait encore s’allonger.
À la violence physique viennent fréquemment s’ajouter les menaces et les accusations, les injures, la dépression, les cauchemars et les insomnies.
Quel genre d’homme peut bien infliger de si cruels traitements à son conjoint — une femme que, souvent, il affirme aimer et dont il dit ne pas pouvoir se passer? Voyez, en lisant l’article suivant, le portrait que l’on peut en tracer.