Coup d’œil sur le monde
PERSPECTIVES INQUIÉTANTES
“Le monde reste dangereux, écrit la revue The Economist. La fin de la guerre froide et la détente des rapports entre l’Est et l’Ouest ont pu laisser croire à certains que la paix est à l’ordre du jour. Ce n’est pas le cas. Bien que débarrassé d’une importante source de tension, le monde doit encore compter avec une kyrielle d’autres facteurs de moindre importance; ni la haine, ni l’intolérance, ni l’agressivité, ni même l’affrontement idéologique n’ont en effet disparu dans le tumulte de 1989. (...) D’une certaine manière, 1989 a rendu le monde, du moins en partie, plus dangereux.” Pourquoi? Parce que “plus les superpuissances perdent de leur influence, plus les réactions des puissances régionales deviennent imprévisibles, ajoute la revue. Par ailleurs, des peuples jusque-là passifs peuvent avoir envie de suivre l’exemple de ceux qui se sont libérés en 1989”. Partout dans le monde, les prétextes d’affrontement ne manquent pas: contentieux territoriaux, rivalités religieuses et ethniques, animosités séculaires, conflits idéologiques. Certaines nations mineures se sont dotées, ou cherchent à se doter, de l’arme nucléaire et d’armes chimiques, augmentant “un peu plus les risques de voir un jour l’affrontement verbal tourner à quelque chose de plus meurtrier”.
UN JUGEMENT MARQUANT
Il y a trois ans de cela, aux États-Unis, une jeune cancéreuse de 28 ans placée sous tranquillisants agonisait sur un lit d’hôpital. Comme elle était enceinte de 26 semaines, la direction de l’établissement a craint d’être poursuivie si rien n’était entrepris pour sauver le fœtus; aussi s’en est-elle remise à la justice pour déterminer quelle conduite adopter. Cherchant à ménager les intérêts de la mère et de l’enfant, le juge a ordonné que soit pratiquée une césarienne. Or, la cour d’appel du district de Columbia vient de condamner cette décision au motif que seule la volonté du patient, à déterminer d’après tous les renseignements disponibles, doit être prise en considération. “Le droit à l’intégrité du corps vaut autant pour les personnes qui ont toutes leurs facultés que pour celles qui ne les ont pas, a déclaré la cour. Par ailleurs, l’état du patient n’a pas à entrer en ligne de compte. Quelqu’un ne perd pas son droit à l’intégrité du corps simplement parce qu’il est malade, ni même s’il est sur le point de mourir.” Selon la cour, un juge devrait “prêter une attention particulière aux valeurs et aux aspirations connues du patient frappé d’incapacité, et, sur cette base, s’efforcer de déduire la décision qui aurait été celle du patient”. Dans l’affaire en question, ni la mère ni l’enfant n’avaient pu être sauvés.
COÛT ÉLEVÉ DE L’ALCOOLISME
Le quotidien brésilien O Globo révèle qu’en 1987 c’est le Brésil qui a enregistré la plus forte consommation d’alcool distillé avec une moyenne de 13,5 litres par habitant. Mais les Brésiliens ont payé bien cher cette première place. Ainsi, en 1988, l’alcoolisme aurait coûté l’équivalent de plus de cent milliards de francs français au pays. Le journal O Estado de S.Paulo écrit: “Ses 12 millions d’alcooliques font perdre au pays 5,4 % de son produit national brut en congés de maladie, en retraites anticipées ou en accidents du travail.” Le coût réel est même supérieur, dans la mesure où l’on ne peut évaluer en termes financiers les dommages affectifs dont souffrent non seulement les alcooliques, mais aussi leurs femmes et leurs enfants.
L’ASTROLOGIE FAIT RECETTE
“Hommes ou femmes, PDG ou ouvriers, près d’une personne sur deux croit aux phénomènes paranormaux. Une véritable religion qui nourrit un très florissant marché”, écrit la revue française L’Express à propos de la fascination qu’exercent sur les Français des pratiques liées au surnaturel comme l’astrologie, la sorcellerie, la télépathie et le spiritisme. La France compte plus de 40 000 astrologues, qui servent entre 10 et 12 millions de clients. Même de grandes entreprises engagent des astrologues pour dresser des ‘bilans de personnalité’ destinés à déterminer si un candidat au poste de directeur ou de cadre a le profil pour cette fonction et si son “thème astral” est compatible avec l’équipe en place.
DES OREILLES POUR VOIR
Les aveugles auront désormais la possibilité de profiter plus pleinement du cinéma, de la télévision et du théâtre grâce à un nouveau système qui a été expérimenté en Europe et qui, selon les termes de l’International Herald Tribune, fait appel à la “description imagée”. En plus du son normal du spectacle, le non-voyant, coiffé d’un casque spécial, entend un commentaire synchronisé qui décrit, d’une part, l’action qui se déroule entre les dialogues et, d’autre part, la tenue, les mouvements et les expressions de visage des personnages, ce qui l’aide à visualiser ce qu’il ne peut voir. Ce système sera installé dans certains théâtres et salles de cinéma, et les commentaires accompagnant les émissions de télévision seront diffusés sur la bande FM.
L’AVION LE PLUS CHER
D’après la revue Time, le président des États-Unis volera bientôt dans “le plus coûteux des avions de transport jamais construit”. Commandé depuis plusieurs années, Air Force One, que l’on qualifie de “Taj Mahal volant”, est destiné à être l’appareil le plus spacieux, le plus sûr, le meilleur. Il offrira “une autonomie, un rayon d’action (11 500 kilomètres), un confort et une commodité inégalés”. On trouvera à l’intérieur une suite présidentielle avec lits jumeaux et douche, six toilettes, 85 téléphones, l’équipement d’un mini-hôpital, un coffre-fort de 0,2 mètre cube, un système de télévision capable de recevoir huit chaînes à la fois pour scruter les foules, deux cuisines équipées de réfrigérateurs et congélateurs pouvant contenir suffisamment de provisions pour nourrir pendant une semaine les 23 membres d’équipage et 70 passagers. À cela viennent s’ajouter les systèmes antimissiles et les moyens de communication les plus sophistiqués, ainsi que quantité d’autres aménagements adaptés aux besoins du chef de la Maison-Blanche. “Les Américains consacrent près d’un milliard de dollars à cet avion présidentiel dont l’heure de vol reviendra à environ 6 000 dollars, dit encore Time. C’est plus que le produit national brut du Groenland.”
MAIN-D’ŒUVRE QUALIFIÉE
Face à une grave pénurie de main-d’œuvre, un exploitant agricole coréen de la banlieue de Séoul a fait appel à des singes pour assurer la cueillette de ses pommes de pins. Selon un journal japonais (Mainichi Daily News), “après une courte période de dressage, [les 20 singes utilisés] se sont montrés extrêmement efficaces, chaque animal abattant autant de travail dans sa journée que cinq ouvriers”. Les autorités locales ont exprimé leur intention d’importer cette année davantage de singes de Thaïlande, afin de les employer dans d’autres fermes. Bien qu’il soit interdit en République de Corée de faire venir des travailleurs manuels de l’étranger, il semble que cette loi ne s’applique pas aux singes.
UNE TECHNIQUE CONTROVERSÉE
La kératotomie radiaire, une technique mise au point au Japon et en Union soviétique pour traiter chirurgicalement la myopie, est critiquée par de nombreux ophtalmologistes, qui, selon le New York Times, la trouvent “inégale dans ses résultats et dangereuse pour des yeux myopes mais sains”. Cette opération, qui coûte aux États-Unis entre 1 500 et 3 000 dollars par œil, peut être réalisée dans le cabinet d’un médecin en moins d’une demi-heure, sous anesthésie locale. Elle consiste à remodeler la cornée en pratiquant des incisions peu profondes disposées en rayons. Lorsque l’intervention est réussie, la convergence des rayons lumineux se fait correctement sur la rétine, produisant une image nette. Toutefois, une étude étalée sur plusieurs années montre que “des sous-corrections ou des surcorrections importantes se produisent dans 45 % des cas. En outre, chez une minorité représentative de patients, les changements s’accentuent avec les années, rendant le problème encore plus difficile à traiter qu’avant”. En plus de ces résultats imprévisibles, nombre d’opérés se plaignent d’éblouissements qui “les gênent énormément pour conduire la nuit”.
RÈGLES VESTIMENTAIRES À L’ÉCOLE
“Des écoliers sont battus, assassinés et dépossédés de leur manteau en cuir ou en duvet d’oie, de leurs lourdes chaînes en or, de leurs chaussures de marque et d’autres articles de luxe de ce genre, signale le Wall Street Journal. À New York, on a tué un collégien pour lui voler son blouson d’aviateur. Même chose à Detroit, où le mort avait été dépouillé de son manteau et de ses chaussures.” Face à l’accroissement de la violence et des vols, les autorités des principales villes des États-Unis souhaitent la mise en place de règles vestimentaires qui interdiraient le port de vêtements dernier cri à l’école ou exigeraient le port d’un uniforme scolaire. Pour empêcher les élèves de faire entrer des armes dans l’enceinte des établissements, certains suggèrent d’adopter le cartable transparent. “Toutefois, écrit le même journal, bon nombre d’élèves, qui sont persuadés que les problèmes n’arrivent qu’aux autres, sont opposés aux règles vestimentaires, qu’ils voient comme une atteinte à leur culture et à la liberté de s’exprimer à travers la mode.” Un responsable scolaire a fait ce commentaire: “La société tout entière est devenue extrêmement matérialiste. L’avidité est présente depuis les plus hautes sphères de l’État jusque dans la rue.”