Les causes de la violence domestique
“Au lieu d’être un refuge contre les tensions, les contraintes et l’irrationalité de la société, la famille donne souvent l’impression de transmettre, voire d’envenimer cet état de choses.” — L’environnement intime: exploration du mariage et de la famille (angl.).
L’ÉTUDE de la violence au foyer est une discipline relativement nouvelle. Les premières grandes enquêtes sur le sujet remontent tout au plus à quelques dizaines d’années. Même s’ils ne se recoupent pas systématiquement, les résultats de ces enquêtes ont mis en évidence certains facteurs fondamentaux de la violence domestique. Arrêtons-nous sur quelques-uns d’entre eux.
Le rôle du milieu familial
Plusieurs chercheurs ont constaté que “plus le couple interrogé était violent, plus les enfants se montraient violents entre eux et envers leurs parents”.
Le simple spectacle de la violence conjugale a un effet considérable sur un enfant. “Un enfant qui voit sa mère se faire battre est comme un enfant que l’on bat”, écrit le docteur John Bradshaw. Edouard détestait voir son père frapper sa mère. Pourtant, sans peut-être en avoir eu conscience, ces scènes l’ont conditionné à croire que les hommes doivent dominer les femmes et, pour ce faire, les apeurer, les brutaliser et les humilier. Une fois marié, Edouard a soumis sa femme à ce genre de traitement.
Sachant les enfants impressionnables, certains parents ont la prudence de les soustraire aux spectacles télévisés violents. Toutefois, ils devraient faire plus attention encore au modèle de conduite qu’ils leur laissent.
Quel rôle les tensions jouent-elles?
Grossesse, chômage, décès d’un proche, déménagement, maladie et difficultés financières sont autant de sources de tensions que la plupart des gens supportent sans exploser. Pour certains, cependant, la tension prélude à la violence, particulièrement lorsque d’autres facteurs viennent se greffer. Par exemple, il est fréquent que des personnes déjà surchargées par les responsabilités familiales et qui, en plus, doivent s’occuper de parents âgés parfois malades se laissent aller à les maltraiter.
L’éducation des enfants est une source de tensions. Dès lors, plus la famille est grande, plus les enfants risquent d’être brutalisés. Par ailleurs, la présence d’enfants favorise parfois la violence conjugale. En effet, comme l’explique le livre À l’abri des portes closes, “ce sont les accrochages à propos des enfants qui amènent le plus souvent un couple à se quereller”.
Un point de vue erroné sur les sexes
Selon Dan Bajorek, qui dirige un service de conseil au Canada, les maris violents ont une image déformée des femmes: “Quelle que soit leur culture, dit-il, on les a amenés à croire que les hommes sont les meilleurs.” Hamish Sinclair, responsable d’un programme d’aide aux maris violents, explique qu’on éduque les hommes dans l’idée qu’ils sont supérieurs aux femmes et qu’ils ont le droit de “les punir, de les discipliner ou de les intimider”.
Dans de nombreux pays, on estime que l’homme a le droit de traiter sa femme comme un objet, comme l’un de ses biens. La domination qu’il exerce sur elle est considérée comme une marque de sa virilité et de son honneur. Il peut bien la rouer de coups ou lui faire subir d’autres mauvais traitements, la justice ne fait souvent pas grand-chose; telle est en effet la règle: l’homme est supérieur, et la femme inférieure; elle lui doit une obéissance totale, aussi violent, perverti, égoïste ou peu honorable soit-il.
Voici ce que Morley Safer, journaliste à CBS, a déclaré à propos d’un pays d’Amérique du Sud: “Nulle part en Amérique latine le culte du machisme n’est aussi flagrant (...). Il se retrouve dans toute la société, y compris dans les salles de tribunal où l’on acquittera un homme qui a tué pour défendre son honneur, surtout si la victime était sa femme ou sa concubine.” Selon lui, “nulle part au monde la femme n’est rabaissée” comme dans ce pays. Cependant, la domination masculine conjuguée avec l’humiliation de la femme n’est pas l’exclusivité d’un pays, aussi excessive la situation y soit-elle. Ce phénomène est universel.
Minna Schulman, directrice d’un service new-yorkais de lutte contre la violence domestique, a fait observer que les hommes se servent de la violence pour asseoir leur autorité et leur pouvoir sur la femme. Elle a ajouté: “Nous considérons la violence domestique comme un abus de pouvoir.”
Certains bourreaux domestiques souffrent d’un manque d’estime de soi, le sentiment même qu’ils suscitent chez leurs victimes. La tyrannie qu’ils exercent les rassure quant à leur valeur, leur confère un certain sentiment de supériorité et leur procure la satisfaction de dominer un autre humain. Ils pensent établir ainsi leur virilité. Est-ce le cas? L’usage de la violence envers des femmes, physiquement plus faibles, est-il vraiment un signe de force? N’est-ce pas plutôt de la déraison? En quoi le fait de battre une femme, plus faible et vulnérable, est-il une preuve de virilité? C’est en témoignant de la considération et de la compassion à ceux qui sont plus faibles et sans défense, et non en abusant d’eux, qu’un homme fait la démonstration de sa force morale.
Autre manifestation du caractère déraisonnable de son comportement, le mari brutal accuse souvent sa femme d’être responsable de la correction qu’il lui administre. Il laisse entendre, ou lui dit carrément, des choses du genre: ‘Si je te frappe, c’est parce que tu n’as pas fait correctement ceci ou cela’, ou bien: ‘Le dîner n’était pas prêt à l’heure; tu n’as que ce que tu mérites.’ Dans son esprit, c’est sa faute à elle. Quoi qu’il en soit, aucun manquement de son conjoint ne justifie le recours à la violence.
L’alcool est-il en cause?
Puisque l’alcool émousse la maîtrise de soi et favorise l’impulsivité, il n’est pas étonnant que certains voient en lui un facteur déclenchant de la violence. Nombreux sont les gens capables de se dominer à jeun, mais qui deviennent violents au bout de quelques verres. L’alcool embrume leur esprit, et ils ont alors du mal à maîtriser leur tempérament.
D’autres, par contre, affirment que le problème tient plus aux tensions qu’à l’alcool lui-même. Selon eux, celui qui boit de l’alcool pour faire face aux tensions de la vie est le même type d’individu qui aura recours à la violence pour soulager son stress. Autrement dit, le buveur se montrera aussi brutal à jeun qu’en état d’ébriété. Quoi qu’il en soit, l’alcool n’a jamais aidé personne à maîtriser ses émotions, au contraire.
Le rôle des médias
On dit aussi que la télévision et le cinéma encouragent le machisme et présentent la violence comme un moyen légitime de régler les différends et de passer sa colère. “J’ai été abasourdi par l’intensité de ma réaction au film Rambo, raconte un conseiller familial. Alors que mon côté adulte respectueux des lois s’horrifiait des carnages de Rambo, mon côté enfant en redemandait.”
Quand on sait combien d’enfants passent des milliers d’heures devant le téléviseur, assistant à un nombre incalculable de scènes de violence, de viol et d’humiliation, dont les victimes sont surtout des femmes, faut-il s’étonner que beaucoup adoptent ce comportement en grandissant? Les adultes aussi subissent cette influence.
On a également remarqué que, depuis ces dernières années, la violence, l’immoralité sexuelle et l’humiliation des femmes sont montrées à l’écran avec un réalisme de plus en plus poussé. Cette tendance ne peut que favoriser la violence domestique. Comme l’a constaté une équipe de chercheurs, il existe “une évidente (...) corrélation entre le spectacle de la violence et le comportement agressif”.
L’effet de l’isolement
Beaucoup aujourd’hui vivent une existence impersonnelle et souffrent de solitude. Les supermarchés et les grandes surfaces ont remplacé les épiceries de quartier conviviales. Les rénovations urbaines, les difficultés économiques et le chômage obligent les familles à se déplacer régulièrement. On constate un taux élevé de violence domestique parmi les individus privés d’attaches sociales solides.
Dans son livre Intimité, mariage et famille (angl.), James Coleman donne son explication de ce phénomène. Selon lui, la solitude réduit les conversations constructives, elle n’aide pas l’individu brutal à percevoir sa situation objectivement et à rechercher l’aide d’un confident. L’absence d’amis ou de proches qui pourraient l’aider quotidiennement à corriger son point de vue l’amène à donner plus facilement libre cours à son égoïsme. Comme le dit Proverbes 18:1: “Celui qui s’isole cherchera son désir égoïste; il se déchaînera contre toute sagesse pratique.”
De l’aide pour les familles touchées par la violence
Nous n’avons évoqué que quelques-unes des causes de la violence domestique. La liste n’est pas close. Mais maintenant que nous avons identifié certaines de ces causes, intéressons-nous aux solutions. Comment mettre un terme à la violence au sein d’une famille? Qu’en dit la Bible? La violence domestique disparaîtra-t-elle un jour? L’article de la page 10 répondra à ces questions.
[Encadré/Illustration, page 9]
Violence psychologique: la cruauté des mots
LA VIOLENCE physique s’exerce à coups de poing, la violence psychologique à coups de mots. La seule différence réside dans le choix des armes. Ainsi qu’on le lit en Proverbes 12:18: “Il y a celui qui parle inconsidérément, comme à coups d’épée, mais la langue des sages est guérison.”
À quel point la violence psychologique — y compris ces “coups d’épée” — est-elle dangereuse? Le docteur Susan Forward écrit: “Le résultat est le même [que pour une agression physique]. Vous êtes tout aussi terrorisée, vous vous sentez tout aussi impuissante et il vous fait tout autant souffrir.”
Violence psychologique envers un conjoint: “La violence conjugale n’est pas seulement physique. Elle est souvent, voire le plus souvent, verbale et psychologique”, témoigne une femme qui vit depuis longtemps cette situation. Les agressions peuvent revêtir la forme d’injures, de cris, de critiques constantes, d’insultes humiliantes et de menaces de violence physique.
Les remarques méchantes qui rabaissent, humilient ou intimident peuvent faire un mal considérable. Comme de l’eau tombant goutte à goutte sur une pierre, les insinuations dénigrantes semblent inoffensives au début. Mais elles ne tardent pas à saper l’estime de soi. “Si je devais choisir entre des violences physiques ou des violences verbales, je préférerais être battue, sans hésiter, a dit une femme. Les marques sont visibles, on peut au moins se faire plaindre. Tout ce qui est dit vous rend [folle]. Les blessures sont invisibles. Personne ne s’en occupe.”
Violence psychologique envers un enfant: Elle peut s’exercer sous la forme de critiques et d’humiliations constantes à propos du physique, de l’intelligence, des capacités ou de la valeur de l’enfant. Le sarcasme est particulièrement destructeur. Les enfants prennent souvent les remarques sarcastiques pour argent comptant, ne faisant pas la différence entre la plaisanterie et ce qui est dit sérieusement. Sean Hogan-Downey, psychologue de la famille, a fait cette observation: “L’enfant se sent blessé, mais comme tout le monde rit il apprend à ne pas se fier à ce qu’il ressent.”
Ainsi se vérifie très souvent cette remarque de l’historien et essayiste écossais Thomas Carlyle: “Le Sarcasme, je le vois maintenant, est en général le langage du Démon: raison pour laquelle j’ai depuis longtemps pratiquement renoncé à lui.”
Joy Byers, spécialiste des questions d’agressions d’enfants, dit: “Les coups peuvent tuer un enfant, mais on peut aussi tuer son esprit; c’est ce que risquent de faire des parents par des propos constamment critiques.” “À la différence des hématomes, qui peuvent être constatés et qui disparaissent, écrit une revue éducative, la violence psychologique provoque dans l’esprit et la personnalité d’un enfant des changements invisibles qui altéreront de façon permanente son vécu et ses relations avec autrui.”
[Illustration, page 7]
L’exposition d’un enfant à la violence influencera fortement son comportement futur.