“ Ne bouge plus et écoute ! ”
Vivre avec un trouble hyperkinétique avec déficit de l’attention
“ Jean avait toujours pensé que Christophe était tout simplement un enfant gâté et que si nous, c’est-à-dire moi, lui serrions la vis, il s’assagirait. Et voilà qu’un médecin nous disait que nous n’étions pas en cause, ni moi, ni son père, ni ses professeurs, mais que notre petit garçon avait un problème réel. ”
CHRISTOPHE souffre d’un trouble hyperkinétique avec déficit de l’attention (THADA) ; autrement dit, il est inattentif, impulsif et hyperactif. Ce trouble affecterait 3 à 5 % des enfants d’âge scolaire. “ Leur esprit est comme un poste de télévision dont le sélecteur de chaînes est défectueux, dit Priscilla Vail, spécialiste en pédagogie. Les pensées s’enchaînent sans aucun ordre. ”
Considérons trois manifestations majeures d’un THADA :
Inattention : l’enfant atteint d’un THADA est incapable de faire abstraction des détails pour fixer son esprit sur un sujet précis ; ce qui lui vaut d’être facilement distrait par un stimulus visuel, un son, une odeura. Il est attentif, mais rien dans ce qui l’entoure ne retient en particulier son attention : impossible pour lui de déterminer ce sur quoi il doit se concentrer.
Impulsivité : l’enfant souffrant d’un THADA agit avant de réfléchir, sans s’interroger sur les conséquences de ses actes. Son irréflexion et son piètre jugement rendent parfois ses actions dangereuses. “ Il se précipite dans la rue, grimpe comme un chat sur les rebords ou aux arbres, écrit Paul Wender. Du coup, il n’arrête pas de se couper, de s’écorcher, de se faire des bleus et d’aller chez le médecin. ”
Hyperactivité : les enfants hyperactifs ne tiennent pas en place. “ Même quand ils auront grandi, écrit le professeur Gordon Serfontein dans Le handicap caché (angl.), une observation attentive révélera quelque mouvement incessant des jambes, des pieds, des bras, des mains, des lèvres ou de la langue. ”
Cependant, tous les enfants inattentifs et impulsifs ne sont pas hyperactifs. Ils ont dans ce cas ce que certains appellent un trouble déficitaire de l’attention (TDA). Cet état, explique le psychiatre Ronald Goldberg, “ peut ne s’accompagner d’aucune hyperactivité comme d’une hyperactivité à peine décelable, plutôt gênante ou gravement handicapante ”.
THADA : les causes
Au fil des ans, on a attribué les déficits de l’attention à tout et à n’importe quoi, d’une mauvaise éducation parentale aux tubes au néon. On pense maintenant que le THADA est lié à une perturbation de certaines fonctions cérébrales. En 1990, l’Institut américain de la santé mentale s’est intéressé à 25 adultes souffrant d’un THADA et a constaté chez eux une métabolisation du glucose plus lente dans les régions du cerveau qui contrôlent les mouvements et l’attention. Dans environ 40 % des cas de THADA, la constitution génétique de l’individu semble intervenir. Selon Enfants hyperactifs : mode d’emploi (angl.), la consommation d’alcool ou de drogue par la mère pendant la grossesse, l’intoxication par le plomb et, dans des cas isolés, l’alimentation de l’enfant sont d’autres facteurs plausibles.
Le THADA chez l’adolescent et l’adulte
Ces dernières années, les médecins ont découvert que le THADA n’est pas seulement une maladie d’enfant. Constat de Larry Silver : “ Combien de ceux qui m’amènent leur enfant me disent qu’ils étaient comme lui quand ils avaient son âge ! Puis ils me confient qu’aujourd’hui encore ils ont du mal à faire la queue, à rester assis pendant une réunion ou à terminer ce qu’ils ont commencé. ” Dans l’état actuel des connaissances, on pense qu’environ la moitié des enfants atteints d’un THADA en souffriront toujours, de façon plus ou moins aiguë, à l’adolescence et à l’âge adulte.
À l’adolescence, l’enfant risque de passer d’un comportement dangereux à un comportement délictueux. “ Avant, j’avais toujours peur qu’il n’arrive pas au collège, soupire une mère. Maintenant, je prie pour qu’il n’aille pas en prison. ” Pareilles craintes peuvent être fondées, comme en témoignent les résultats d’une étude comparative réalisée auprès de 103 jeunes hyperactifs et d’un groupe test de 100 sujets sains. “ À vingt et quelques années, rapporte Newsweek, les sujets hyperactifs étaient deux fois plus nombreux que les autres à avoir ‘ fréquenté ’ les postes de police, cinq fois plus nombreux à avoir été condamnés pour un crime ou un délit grave, et neuf fois plus nombreux à avoir fait de la prison. ”
Chez l’adulte, un THADA pose des problèmes très particuliers. La psychologue Edna Copeland explique : “ Le garçon hyperactif d’hier risque d’être aujourd’hui un homme qui change fréquemment d’emploi, est sans arrêt licencié, ne fait rien de productif de la journée et ne tient pas en place. ” Si elles ne sont pas comprises, ces manifestations peuvent mettre un mariage à rude épreuve. “ Lors de nos conversations les plus banales, dit une femme de son mari, il n’arrivait même pas à tout capter. On aurait dit qu’il était constamment ailleurs. ”
Bien entendu, de nombreuses personnes manifestent, au moins dans une certaine mesure, ces mêmes traits. “ Demandez-vous s’il a toujours été comme cela ”, dit le professeur George Dorry. Et d’expliquer par exemple qu’un homme qui n’oublie tout que depuis qu’il a perdu son travail ou depuis la naissance de son enfant n’a pas de trouble.
Par ailleurs, un THADA n’en est un que s’il affecte la presque totalité de la vie de la personne. C’était le cas de Gabriel, 38 ans, homme intelligent et dynamique, mais qui semblait incapable de faire quoi que ce soit sans être distrait. Il avait déjà occupé plus de 120 emplois. “ J’avais tout simplement accepté l’idée que j’étais un incapable ”, dit-il. Mais Gabriel, comme beaucoup d’enfants, d’adolescents et d’adultes, a été aidé. Comment ?
[Note]
a Le THADA est plus fréquent chez les garçons que chez les filles. Nous parlerons donc de l’enfant au masculin.