Les documents historiques assyriens et la Bible
AU COURS des siècles, les noms de Sargon, de Tiglath-Piléser, de Salmanasar et de Sennachérib, rois assyriens célèbres, sont devenus familiers aux lecteurs de la Bible, génération après génération. Avec un sens de la réalité que n’égale aucun autre récit historique profane, la Bible relate les rapports de ces monarques avec les habitants de Juda et d’Israël. Dans le cas de Sargon, les historiens profanes des temps modernes ont même longtemps douté de son identité.
Puis, aux dix-huitième et dix-neuvième siècles commença l’ère de l’archéologie. Les fouilles pratiquées dans les tertres ou tells de Mésopotamie ont donné lieu à des découvertes sensationnelles. Se référant spécialement à l’œuvre entreprise par l’archéologue Paul-Émile Botta, C. W. Ceram déclare à la page 206 de son ouvrage Des dieux, des tombeaux, des savants : “La Bible parlait bien de la Mésopotamie, mais la science du XIXe siècle la considérait comme un ‘recueil de légendes’.”
Or, voici que ces rois guerriers assyriens reprenaient vie au fur et à mesure que leurs annales, leurs palais, leurs inscriptions “monumentales” et leurs “listes royales” étaient exhumés. L’assyriologie fut reconnue comme une science, et ceux qui l’étudiaient explorèrent la masse des données non encore sorties de terre pour bâtir l’histoire d’un empire peu connu. L’authenticité des faits rapportés par la Bible touchant l’Assyrie et ses rois fut dès lors reconnue, mais les chercheurs modernes commencèrent à mettre en doute la chronologie ou datation des événements marquants de l’histoire assyrienne, telle qu’elle est établie dans la Bible.
Les questions suivantes se posent donc : Les assyriologues disposent-ils de matériaux sûrs justifiant les prétendues corrections qu’ils apportent au Livre qui a perpétué au cours de tant de siècles le souvenir vivant de ces noms antiques et des événements s’y rattachant ? Les récits et les monuments arrachés aux tumulus du Proche-Orient démontrent-ils que la chronologie biblique peut à présent être reléguée à une place secondaire ? Si oui, alors on devrait s’attendre à ce que ces documents offrent un degré d’exactitude et de crédibilité particulièrement élevé. Or, quels sont les faits ?
Les documents assyriens
Les documents laissés par les Assyriens eux-mêmes et exhumés à une date relativement récente, sont constitués par des inscriptions “monumentales” comme celles qui ornent les murs des palais, des annales royales rédigées par des scribes royaux ou de la classe sacerdotale, à la gloire du monarque au pouvoir, des “listes royales” comme celles mises au jour à Khorsabad, et les limu ou listes d’éponymes, listes de magistrats en vue, probablement un pour chaque année, avec l’événement marquant en regard. Tous ces documents, ainsi que certaines données astronomiques de l’Antiquité, constituent les matériaux bruts dont les assyriologues se sont servis pour bâtir leur histoire.
Mais qu’en est-il des inscriptions “monumentales” et des annales ? Leur exactitude est-elle à ce point rigoureuse qu’on puisse établir sur elles la chronologie ? Voici ce que reconnut le professeur Olmstead, qui, jusqu’à sa mort survenue en 1945 est resté l’une des plus éminentes autorités dans le domaine de l’histoire ancienne du Proche-Orient : “Les inscriptions monumentales peuvent nous être utiles quand il s’agit de combler les lacunes des Annales [chroniques royales rapportant les événements année après année], mais elles ne sauraient faire autorité quand elles sont en désaccord avec l’original.” “De même, poursuit Olmstead, le fait qu’elles [les inscriptions ‘monumentales’] présentent rarement un ordre chronologique mérite considération (...). Il est évident qu’il faut les utiliser avec prudence.” À propos des annales, le professeur Olmstead écrit : “Nous avons ici une vraie chronologie, et si parfois nous découvrons des erreurs, intentionnelles ou non, elle est du moins relativement exacte (...). Mais nous commettrions une grave faute en prétendant que les annales sont toujours dignes de foi. À moins d’avoir une preuve solide de leur inexactitude, les premiers historiens acceptaient trop souvent leurs déclarations. Au cours des dernières années, on a découvert des quantités de matériaux nouveaux pouvant être utilisés pour la critique des documents des Sargonides. (...) Ajoutons à cela les références aux sources étrangères, hébraïques et babyloniennes, par exemple, et il ne sera guère nécessaire de nous livrer à une étude intrinsèque pour être convaincus du caractère peu sûr des annales.” — Assyrian Historiography, université des Recherches du Missouri, série Science sociale, tome II, pages 5, 6.
Notez aussi le témoignage suivant du professeur D. D. Luckenbill : “On ne tarde pas à s’apercevoir que ce n’est pas le souci de la vérité qui guidait les scribes royaux dans la relation qu’ils composaient des événements de chaque année du règne du monarque. Parfois, les différentes campagnes entreprises par un roi semblent avoir été attribuées à quelqu’un d’autre sans raison apparente, mais le plus souvent, il apparaît que la vanité royale exigeait qu’ils prennent de grandes libertés avec la vérité historique.” — Ancient Records of Assyria and Babylonia, tome I, page 7.
De toute évidence les annalistes étaient loin de rapporter avec impartialité les faits et les dates conformes à la réalité. Les historiens affirment qu’ils n’hésitaient pas à inclure dans la liste des monarques vassaux assujettis au tribut le nom d’un souverain qui, selon d’autres récits historiques, était déjà mort à ce moment-là. Leur compilation présente de puissants indices de négligence, de malhonnêteté et de confusion pure et simple. Mais pour ce qui concerne les listes d’éponymes, les choses sont-elles différentes ?
Les listes d’éponymes de l’Assyrie
Les chronologistes des temps modernes soutiennent généralement que les limu ou listes d’éponymes ont échappé, on ne sait comment, à l’altération subie par les annales et les inscriptions, et qu’elles sont d’une exactitude pour ainsi dire absolue. Ils affirment que ces listes constituent le plus sûr fondement permettant d’établir la chronologie de cette époque-là. Voici, à titre d’exemple, une partie d’une de ces listes qui vous aidera à en apprécier l’importance :
Bel-harran-bel-usur (gouverneur) contre Damas
de Guzana
Salmanasar monta sur le trône
Marduk-bel-usur (gouverneur) dans le pays
d’Amédi
Mahde (gouverneur) contre [Samarie]
de Ninive
Assur-ishmeani (gouverneur) contre [Samarie]
de [Kakzi]
Salmanasar roi contre [Samarie]
d’Assyrie
Comme le prouve clairement cet exemple, ces listes n’indiquent aucune date réelle, bien que chacun des noms y figurant soit censé représenter une année, ce qui permettrait de calculer le temps année après année. C’est comme si, pour parler en langage moderne, le nom de “l’homme de l’année” était inscrit sur la liste en regard de l’événement marquant de la même année. Pour déterminer la durée du règne d’un souverain quelconque, étant donné que les noms des monarques assyriens figurent sur ces listes d’éponymes, les historiens comptent le temps à partir de la mention de ce souverain jusqu’à celle du roi qui le suit sur la liste. Après quoi ils comparent ce calcul avec tous les chiffres qui figurent sur les “listes royales” assyriennes.
On a prétendu que dans leur ensemble les listes d’éponymes avaient été établie avec une exactitude rigoureuse, les noms des éponymes ou magistrats étant inscrits dans un ordre déterminé, en commençant par le roi puis en continuant chaque année par le nom de magistrats tels que le “maréchal”, le “premier échanson”, le “grand chambellan”, etc. Toutefois, des recherches minutieuses ont révélé que cet ordre n’était pas uniformément respecté, et qu’en des temps plus récents, les noms des hauts fonctionnaires n’apparaissent plus sous ces titres. D’autre part, après l’époque de Sennachérib, même les noms des nouveaux rois ne figurent pas sur ces listes.
Les historiens de notre époque ne sont pas non plus conséquents quand ils disent qu’on peut calculer la durée d’un règne en comptant le nombre des éponymes à partir du nom du monarque en question jusqu’à celui de son successeur. Ils déclarent que Salmanasar V n’a régné que cinq ans, et pourtant d’après le calcul réel des années qui le séparent de son successeur figurant sur la liste des éponymes, son règne aurait duré huit ans. Pour donner une explication satisfaisante de ces contradictions évidentes, certains historiens insinuent que Sargon (successeur de Salmanasar) aurait modifié la liste en se proclamant éponyme la troisième année de son règne seulement, au lieu de la première. En outre, bien que Sargon semble avoir régné trente-deux ans si l’on s’en rapporte à la liste des éponymes, les historiens n’attribuent à son règne qu’une durée de dix-sept ans !
Étant donné le peu de renseignements fournis par ces listes, il est évident que le moyen de déceler les erreurs est considérablement limité. Toutefois, en dépit de ce fait et des lacunes présentées par ces listes, les historiens de notre temps préfèrent imputer l’erreur aux annales royales chaque fois que ces dernières sont en désaccord avec les listes d’éponymes. Il est certain que ces listes sont très imprécises.
La Bible est tout à fait digne de foi
L’exemple suivant vous permettra de constater le désaccord existant entre la chronologie établie par les assyriologues et celle que fournissent les Écritures. D’après le calcul biblique du temps, Ménahem, roi d’Israël, régna de 791 à 780 avant notre ère, et Achaz, roi de Juda, de 761 à 745. Le roi assyrien Tiglath-Piléser III, appelé aussi Pul dans la Bible, imposa un tribut à Ménahem et reçut des présents d’Achaz (II Rois 15:19, 20 ; 16:7, 8). Mais les assyriologues placent le règne de Tiglath-Piléser III aux environs de 744-727, par conséquent après la mort de Ménahem et d’Achaz. De même, les dates auxquelles ils font remonter la chute de Samarie et l’attaque de Juda par Sennachérib, la quatorzième année du règne d’Ézéchias, diffèrent de vingt à trente ans de celles que la Bible indique pour ces événements. — II Rois 17:3-6 ; 18:9, 10, 13.
Que devons-nous penser de ces divergences ? Les documents historiques assyriens se caractérisent-ils par une exactitude et une logique telles qu’on puisse avoir confiance en eux ? On comprend que les assyriologues de notre époque soient fiers d’avoir réussi à reconstituer les pièces du puzzle de l’histoire assyrienne. Cependant l’image qui en est résultée se caractérise par de nombreuses lacunes et contradictions, ce qui laisse une grande place aux conjectures émises par les historiens.
Il est vrai que certaines des contradictions évidentes présentées par les documents païens peuvent être dues au fait que les chercheurs de notre époque ne peuvent pas comprendre les méthodes employées autrefois, tout comme certains points de la chronologie biblique sont parfois mal compris. Mais le lecteur impartial, qui fait honnêtement la comparaison, est obligé de remarquer le contraste existant entre l’histoire entachée de partialité, d’exagération grossière et souvent d’incohérence, que révèlent les tablettes cunéiformes assyriennes et le récit biblique remarquablement clair, positif et cohérent.
Lisez, par exemple, le récit relatif aux rois de Juda et d’Israël, consigné dans les livres bibliques des Rois et des Chroniques. Les écrivains bibliques rapportent avec une remarquable harmonie la durée du règne de chaque roi de Juda, indiquant l’âge du souverain lorsqu’il monte sur le trône, et à sa mort le nom du ou des rois du royaume rival du Nord ou d’Israël qui lui sont contemporains, les principaux événements ayant marqué son règne, sa fidélité ou son infidélité, ses bonnes et ses mauvaises actions, le nom de son successeur et les liens de parenté (s’il y en a) qui unissent ce dernier au roi défunt. C’est un fait reconnu que certains points d’intérêt secondaire dans la chronologie ont besoin d’être éclaircis ; toutefois, aucun récit historique païen ne peut être comparé à celui consigné dans la Bible.
Par leur franchise, les écrivains bibliques nous donnent de sérieuses raisons d’accepter avec confiance les données chronologiques qu’ils nous fournissent, même si les récits païens semblent ne pas coïncider avec les leurs. Par exemple, dans les récits fanfarons des Assyriens, où peut-on trouver le moindre aveu des défaites subies par ces monarques prétendus invincibles ? Par contre, les rédacteurs de l’histoire biblique rapportent loyalement les défaites et les épreuves humiliantes qui ont été infligées aux rois d’Israël par les autres nations, y compris l’Assyrie. À propos de Ménahem, roi d’Israël, ils nous apprennent qu’afin d’éviter un conflit avec Tiglath-Piléser (III), empereur assyrien, il consentit à payer un tribut évalué à 5 000 000 de francs français ; quant à Achaz, le roi craintif de Juda, il envoya des présents à ce monarque assyrien pour qu’il attaque les rois de Syrie et d’Israël, afin que ceux-ci cessent de le harceler (II Rois 15:19, 20 ; 16:5-9). Un peu plus tard, des écrivains nous rapportent la ruine complète du royaume du Nord, après que l’armée assyrienne eut assiégé Samarie pendant trois ans, ainsi que l’emprisonnement d’Osée, roi d’Israël (II Rois 17:1-6 ; 18:9-11). Ils ne cherchent pas à dénaturer les faits ou à cacher la vérité.
Gravés sur la pierre ou écrits sur l’argile, les anciens documents assyriens paraissent peut-être très impressionnants, mais cela suffit-il pour garantir leur exactitude et prouver qu’ils sont exempts d’erreurs ? À votre avis, quels sont les facteurs fondamentaux qui renforcent notre confiance dans les documents historiques ? Est-ce le matériau utilisé pour consigner les récits par écrit, ou bien l’écrivain, son dessein, son respect de la vérité et son attachement aux principes justes ? De toute évidence, ce sont les derniers.
Du fait que les récits bibliques furent écrits sur des matériaux périssables, du papyrus ou du vélin, on comprend facilement que, suite à l’usage et aux conditions climatiques de la plus grande partie de la Palestine, il n’existe plus actuellement aucune des copies originales de ces écrits. Cependant, étant le Livre inspiré de Jéhovah, la Bible a été copiée et préservée avec soin, de sorte qu’elle est parvenue intacte jusqu’à nous (I Pierre 1:24, 25). L’inspiration divine, qui a permis aux historiens bibliques de coucher par écrit leurs récits, est une garantie infaillible de la véracité de la chronologie biblique. — II Pierre 1:19-21.