C’est bien beau de vouloir la paix — encore faudrait-il que les nations désarment
JAMAIS on ne souhaite tant la paix que lorsqu’on réfléchit aux horreurs de la guerre. La guerre du Viêt Nam, par exemple, a fait des millions de morts et de blessés horriblement mutilés. Mais ses conséquences ne s’arrêtaient pas là: six mois après leur retour aux États-Unis, 38 pour cent des anciens combattants américains se retrouvaient séparés ou en instance de divorce, 175 000 d’entre eux étaient héroïnomanes et un demi-million avaient fait au moins une tentative de suicide depuis leur démobilisation.
Pour illustrer les suites des atrocités de la guerre, voici le cas typique de Claude Eatherly, cet aviateur décédé l’été dernier qui était aux commandes du B-29, lorsque ce bombardier largua une bombe atomique sur Hiroshima. Ce militaire fut rendu à la vie civile en 1947 parce que les examens psychiatriques montraient chez lui “une névrose avancée associée à un complexe de culpabilité”. Dès lors, il ne fit plus que se traîner d’hôpitaux psychiatriques en hôpitaux psychiatriques. “Je le revois encore, raconta son frère lors de l’enterrement, incapable de fermer l’œil pendant plusieurs nuits d’affilée. Il disait qu’il avait le cerveau en feu et qu’il voyait ses victimes brûler devant lui.”
Pour être pleinement conscient de tout ce que la guerre comporte d’horrible, reportons-nous 34 années en arrière, le 6 août 1945. Ce matin-là, le bombardier Enola Gay vole à très haute altitude au-dessus des 400 000 habitants d’une ville industrielle grouillante d’activité, Hiroshima. À 8 heures 15 minutes précises, la bombe atomique de 13 kilotonnes est lâchée, freinée dans sa descente par trois parachutes. Arrivée à 580 mètres au-dessus du centre ville, elle explose, tuant 140 000 personnes, dont beaucoup meurent brûlées vives par la chaleur et le rayonnement. Les survivants irradiés continueront de se consumer de mort lente jusqu’à maintenant.
Les horreurs consécutives à cette explosion atomique et à celle qui eut lieu trois jours plus tard à Nagasaki sont indescriptibles.
Le besoin de paix
Moins d’un mois après, le 2 septembre 1945, le Japon se rendait solennellement. “Une nouvelle ère s’ouvre devant nous”, fit remarquer ce jour-là le général MacArthur, avant d’ajouter: “La victoire elle-même comporte une leçon profondément inquiétante en ce qui concerne notre sécurité future et la survie de la civilisation. (...) Le pouvoir destructeur de la guerre moderne exclut aujourd’hui cette possibilité [le recours à la guerre]. Nous avons eu notre dernière chance. Si, à présent, nous ne réussissons pas à trouver un moyen plus efficace et plus équitable, Har-Maguédon sera à notre porte.”
D’autres chefs d’État se sont souvent fait l’écho de tels propos. Ainsi, à l’automne 1961, le président Kennedy proposa “un programme de désarmement général et complet”. Il expliqua que “l’humanité doit mettre un point final à la guerre si l’on ne veut pas que la guerre mette un point final à l’humanité. (...) Les risques que comporte le désarmement ne sont rien en comparaison de ceux d’une folle course aux armements”.
Depuis que ces paroles ont été prononcées, les nations ont-elles progressé sur la voie du désarmement?
La paix est-elle en bonne voie?
Peu après ce discours sur le désarmement, le président Kennedy demanda au parlement américain une rallonge budgétaire de 6 milliards de dollars (25 milliards de FF) pour l’armée. La manœuvre est typique. On commence par parler désarmement et paix, puis, l’instant d’après, on réclame la fabrication d’armes plus redoutables et plus puissantes. Finalement, on parle bien, et même très bien, du désarmement et de la limitation des armements stratégiques (plus de 9 000 titres dans une bibliographie détaillée), mais la solution n’a pas progressé d’un pas. Il suffit d’ailleurs de lire les journaux pour s’en rendre compte, témoin cet article qui date d’un an:
“Depuis 1945, plus de 6 000 rencontres se sont déroulées entre Américains, Soviétiques et diplomates d’autres pays pour parler du ‘désarmement’ et de son sous-produit, la ‘limitation des armements stratégiques’. Mais, en trente-deux ans, les accords passés mutuellement entre pays n’ont pas fait disparaître une seule arme. Bien au contraire, la course aux armements, qu’il s’agisse d’armes classiques ou d’équipements nucléaires (mais surtout nucléaires), n’a pas ralenti une minute.”
Un fait qui parle de lui-même, c’est qu’il n’est plus question maintenant de désarmement, mais de “limitation des armements stratégiques”, laquelle ne se réalisera pas de sitôt. Le public ne s’y trompe d’ailleurs pas et il n’attend rien de positif de quelque initiative que ce soit.
Cela est apparu clairement l’an passé, lors des sessions spéciales de l’ONU sur le désarmement. Un journal les avait présentées en ces termes: “L’ONU APPELÉE À PRENDRE DES MESURES POUR ÉVITER HARMAGUÉDON.” Cette réunion, qui se prolongea cinq semaines, peut être qualifiée d’historique, car elle représente la première conférence sur le désarmement mondial tenue depuis celle de la Société des Nations, 45 ans auparavant (de 1932 à 1934). Néanmoins, l’événement ne rencontra que peu d’échos dans la presse et dans les autres organes d’information.
Vers le milieu des travaux de cette assemblée, F. Barnaby, directeur à Stockholm de l’Institut de recherches pour la paix internationale, déplora qu’on ne soit même pas arrivé à ce qu’on pouvait légitimement attendre. “Le ton est au pessimisme, déclara-t-il, et le climat général est franchement malsain.”
Comme toute personne bien informée le sait, la situation actuelle est critique et réclame d’urgence une solution. Le risque de conflit nucléaire n’est pas un mythe; jamais il n’a été si grand, souligna encore M. Barnaby. Notons également cette remarque de Lord Noel-Baker, vénérable délégué britannique qui avait déjà pris part à la conférence sur le désarmement organisée par la Société des Nations: “Ce qu’il y a de grave, c’est que personne n’est vraiment conscient de ce que représente exactement une guerre nucléaire.”
Eh bien, qu’est-ce qu’une telle guerre représente au juste?
Une incroyable puissance de destruction
Citons en tout premier lieu l’incroyable puissance et le nombre des armes nucléaires ainsi que les moyens perfectionnés de les lancer sur n’importe quel objectif. Laissons d’ailleurs parler les faits.
Quand on mentionne des kilotonnes ou des mégatonnes à propos d’armes atomiques, il faut savoir que ces unités représentent respectivement des milliers et des millions de tonnes de TNT. Avec ses 13 kilotonnes, la bombe d’Hiroshima ferait figure de pétard à côté des engins de plusieurs mégatonnes que l’on fabrique aujourd’hui. Pour en donner une idée, rappelons que l’on a effectué des essais avec des bombes de 60 mégatonnes, soit 4 600 fois plus destructrices que celle d’Hiroshima. Pensez qu’il a suffi d’une bombe relativement petite pour ravager Hiroshima et carboniser 140 000 personnes, dont des milliers dans des conditions atroces.
Les bombes modernes ont une puissance moyenne d’environ une mégatonne, soit 75 fois plus que celle d’Hiroshima. Comme il suffit d’une de ces bombes pour anéantir une grande ville, représentez-vous un peu ce que feraient des bombes de plusieurs mégatonnes lâchées sur des zones habitées comme New York, Paris, Londres ou Tokyo. Et ce n’est pas une bombe, mais des dizaines de milliers de bombes que possèdent certains pays, particulièrement les États-Unis et l’Union soviétique. Avec un tel arsenal, il y a de quoi tuer plusieurs fois chaque être humain. Mais, à ce niveau, les chiffres ne veulent plus rien dire.
L’affolant dans cette puissance de destruction, c’est qu’il ne faut qu’un délai de quelques minutes pour anéantir n’importe quel objectif. Le président des États-Unis ne plaisantait pas lorsqu’il a déclaré: “Je n’ai qu’à appuyer sur ce bouton-là, et dans 20 minutes 70 millions de Russes seront morts!”
À l’heure actuelle. les fusées porteuses peuvent amener des têtes nucléaires à des milliers de kilomètres de leur point de départ, avec une précision de l’ordre de quelques mètres. Par ailleurs, les missiles ne transportent pas seulement une bombe, mais souvent plusieurs. Une fois qu’ils ont atteint la région à détruire, chacune des bombes peut être dirigée sur une cible particulière. De plus, les fusées porteuses ne sont plus confinées au sol, mais elles peuvent être lancées à partir d’une base mobile, telle qu’un sous-marin ou un avion.
Un seul sous-marin équipé de missiles lanceurs peut détruire 224 objectifs distincts, chacun de la taille d’une grande ville. Les États-Unis et l’Union soviétique disposent de dizaines de ces sous-marins conçus pour semer la mort et ils ont mis en chantier des modèles encore plus grands et plus perfectionnés. Bientôt va entrer en service un nouveau sous-marin américain, le Trident. Voici comment un hebdomadaire le décrit:
“Le Trident comporte une aire de lancement sous-marine pour bombes thermonucléaires. Certaines de ces bombes ont une puissance de destruction mille fois supérieure à celle qui fut larguée sur Hiroshima en 1945. (...) Les officiers du Trident ont entre les mains une puissance supérieure à tout ce que l’humanité a accumulé dans son Histoire jusqu’à 1945.”
Une facture très lourde
De tels préparatifs coûtent cher, très cher. Depuis 1945, les nations ont dépensé la somme astronomique de 25 000 milliards de FF uniquement dans le secteur militaire. En mai dernier, le Bulletin du savant atomiste (angl.) a fait ce calcul: “À l’échelle mondiale, les dépenses militaires s’élèvent couramment à 400 milliards de dollars par an [1 700 milliards de FF].” L’addition ne cesse de grimper et elle s’élève aujourd’hui à 4 millions de FF par minute. Oui, vous avez bien lu!
On a peine à se représenter les incroyables proportions prises par les projets militaires. En 1977, J. Reston écrivait dans le New York Times: “Les nations ont dépensé l’année dernière 60 fois plus pour armer un soldat que pour éduquer un enfant.” Quelque 60 millions de personnes servent de par le monde dans les forces armées ou bien sont occupées à des activités paramilitaires. Un savant sur deux travaille à la mise au point de nouveaux armements.
Pensez à toutes les réalisations utiles auxquelles on pourrait parvenir en consacrant tout cet argent et tous ces efforts à autre chose qu’à entasser des armes! Tout le monde pourrait être bien logé, jouir d’une meilleure santé, bénéficier d’une meilleure éducation et de bien d’autres avantages. Or, tels qu’ils se présentent à l’heure actuelle, les programmes d’armement sont en train de mener les nations à la faillite, tant financière que morale.
D’aucuns ont prétendu que les préparatifs militaires permettraient d’éviter la guerre. Quelle naïveté! Comment les croire, quand on sait que plus de 25 millions de personnes sont mortes au cours des 150 guerres qui ont éclaté dans le monde depuis 1945? Durant toute cette période, il y a eu en moyenne 12 conflits chaque jour dans le monde. Certes, on n’a plus utilisé de bombe atomique depuis 1945, mais est-ce une garantie pour l’avenir, alors qu’on accumule des stocks énormes de ces armes et que les moyens de les faire parvenir à destination ne cessent de se perfectionner?
Beaucoup ne le croient pas, témoin cette déclaration d’un ex-parlementaire américain: “La partie qui s’engage ne peut mener qu’à la destruction sur une vaste échelle et à la mort. (...) Les faits tiennent en peu de mots: primo, il y a aujourd’hui des milliers d’armes nucléaires, dont beaucoup sont d’une puissance inimaginable. Secundo, la plupart d’entre elles sont prêtes à exploser à l’instant même. Tertio, leur surveillance est confiée à de simples humains.”
De fait, les humains sont imparfaits, sujets à l’erreur et enclins à l’égoïsme et à la cupidité, en somme à une série de défauts qui préparent le terrain de la guerre. La Bible, loin de cacher l’issue à laquelle aboutissent ces désirs égoïstes, dit au contraire: “D’où viennent les guerres, d’où viennent les batailles parmi vous? N’est-ce pas précisément de vos passions, qui combattent dans vos membres? Vous convoitez et ne possédez pas? Alors vous tuez. Vous êtes jaloux et ne pouvez obtenir? Alors vous bataillez et vous faites la guerre.” — Jacq. 4:1, 2, Jérusalem.
Chaque pays se bat avec ce qu’il a sous la main. Or, depuis Stockholm, l’Institut international pour la paix a expliqué que 35 pays disposeront vers 1985 d’un armement nucléaire. À quoi cela mènera-t-il? “L’équilibre de la peur tel que nous le connaissons ne sera plus possible, explique l’Institut pour la paix, et la guerre deviendra inévitable.”
Y a-t-il le moindre espoir de paix?
Le désir de paix est puissant chez les humains. Lors de la session spéciale de l’ONU sur le désarmement, 500 observateurs japonais ont remis aux responsables de cet organisme une pétition en faveur d’un désarmement mondial immédiat, pétition qui comportait 20 millions de signatures. Elle remplissait 450 cartons et pesait plus de 12 tonnes.
Parviendra-t-on à un désarmement mondial et à la paix? À en juger par les actions des chefs d’État, la réponse est sans équivoque: c’est non! Ils ne font absolument rien en effet pour arrêter la course aux armements. Un dernier exemple en date est celui du Traité de l’espace conclu en 1967 et qui devait réserver l’espace à des activités pacifiques. Pourtant, voici ce qu’on lit dans le Bulletin du savant atomiste déjà cité: “Le Traité n’a pas regardé de trop près à la question des satellites militaires. Or, trois lancements sur quatre correspondent à des satellites militaires. Rien qu’en 1977, sur 133 satellites lancés dans l’atmosphère, 95 étaient des engins militaires.”
Et pourtant, il existe de solides raisons de penser que le désarmement et la paix auront bien lieu. Voici en effet une promesse renfermée dans la Bible et que l’on retrouve gravée sur un mur en face du siège des Nations unies: “Ils devront forger leurs épées en socs de charrue et leurs lances en cisailles à émonder. Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation, et ils n’apprendront plus la guerre.” — És. 2:4.
Comment cette promesse se réalisera-t-elle? Il est évident que ce n’est pas sur l’ONU qu’il faut compter. Alors, quelles raisons nous poussent à affirmer qu’une paix durable sera quand même instaurée? La réponse serait-elle du côté de la religion?
[Entrefilet, page 5]
“Depuis 1945, plus de 6 000 rencontres se sont déroulées entre Américains, Soviétiques et diplomates d’autres pays pour parler du ‘désarmement’ et de son sous-produit, la ‘limitation des armements stratégiques’. Mais, en trente-deux ans, les accords passés mutuellement entre pays n’ont pas fait disparaître une seule arme.”
[Entrefilet, page 6]
“Le Trident comporte une aire de lancement sous-marine pour bombes thermonucléaires. Certaines de ces bombes ont une puissance de destruction mille fois supérieure à celle qui fut larguée sur Hiroshima en 1945.”
[Entrefilet, page 7]
“Au cours des trente-trois années passées, il y a eu des combats continuels sur tout le globe où, comme a calculé un professeur hongrois, ‘il n’y a pas eu plus de 26 jours sans guerre quelque part dans le monde’. Ce professeur a également calculé qu’au cours des trente années passées, vingt-cinq millions d’humains sont morts sur le champ de bataille, chiffre qui représente plus de victimes que celui des deux dernières guerres mondiales réunies.” — Esquire du 1er mars 1978.
[Entrefilet, page 8]
“Trois lancements sur quatre correspondent à des satellites militaires. Rien qu’en 1977, sur 133 satellites lancés dans l’atmosphère, 95 étaient des engins militaires.” — Bulletin du savant atomiste de mai 1978.
[Illustration, page 8]
THEY SHALL BEAT THEIR SWORDS INTO PLOWSHARES, AND THEIR SPEARS INTO PRUNING HOOKS; NATION SHALL NOT LIFT UP SWORD AGAINST NATION. NEITHER SHALL THEY LEARN WAR ANY MORE
ISAIAH