Où va le monde?
“AUTREFOIS, si quelqu’un commettait un meurtre, c’était pour une raison bien précise, mais aujourd’hui il y a une grande proportion de crimes sans motif, de meurtres gratuits.” Ainsi s’est exprimé un officier supérieur de police à Los Angeles.
À l’autre extrémité du pays, le préfet de police de New York a fait ressortir un argument semblable: “Aujourd’hui, un gosse armé d’un Magnum 357 va voler quelques cents à un autre gamin ou à une dame âgée et, parce que la tête de l’autre gosse ou celle de la vieille dame ne lui reviennent pas, le voleur va les abattre. Lorsqu’on l’arrêtera, il rira de son geste. (...) Nul ne comprend. C’est effroyable.”
À notre époque, les meurtres gratuits, les guerres, les prises d’otages, la violence, tout cela est devenu tellement banal que les citoyens terrorisés et les victimes en viennent à se demander: “Où va le monde?”
En s’adressant à son auditoire, un officier de police de Los Angeles avança une opinion selon laquelle “l’Histoire révèle qu’une société se doit de garder un certain niveau de moralité si elle veut exister, et il se pourrait bien, ajouta-t-il, que nous soyons descendus au-dessous de ce niveau”.
L’insensibilité s’installe
Certaines personnes soutiendront que l’officier de police a exagéré les choses. À leur avis, la situation n’est pas pire aujourd’hui qu’avant. Mais ont-elles raison? Ne sont-elles pas tout simplement devenues insensibles du fait que de gros titres bouleversants s’étalent en permanence à la une des journaux?
Jetons un regard sur ce qui arrive aux enseignants new-yorkais. On pouvait lire récemment dans le New York Times: “Les actes criminels perpétrés contre les professeurs de la ville sont si courants que beaucoup d’enseignants ne s’en indignent même plus.” On prête la phrase suivante à un professeur qui, à plusieurs reprises, a été chahuté, menacé, injurié et dévalisé: “Vous devez perdre toute sensibilité et avancer avec des œillères.”
Alors que les conditions mondiales s’aggravent, les gens perdent-ils toute sensibilité en même temps que toute perspective d’avenir?
Après tout, n’avons-nous pas tous grandi en ayant sous les yeux des articles de journaux contenant le récit des guerres, des atrocités et des conditions sociales qui se dégradent? Nous n’avons rien connu d’autre. Pourtant, quelques personnes âgées se souviennent encore d’une autre époque.
Tout a pris fin
Dans un discours qu’il a prononcé récemment, Harold Macmillan, ancien premier ministre britannique, a évoqué le monde qu’il a connu alors qu’il était enfant. Il se souvient qu’à l’époque victorienne, les gens envisageaient l’avenir comme “une ère de progrès constants où tout n’irait qu’en s’améliorant”. Au lieu de cela, “de manière soudaine, par un matin de 1914, tout prit fin”.
Des citoyens de toutes conditions sociales ont fait des remarques analogues. Pour George Hannan, un Américain né en 1899, “personne ne s’attendait à la Première Guerre mondiale. Ce fut un choc terrible. On avait dit aux gens que le monde était bien trop civilisé pour connaître la guerre, mais venue de nulle part, la guerre mondiale éclata comme un coup de tonnerre”.
L’un des best-sellers de l’époque fut l’ouvrage de Sir Norman Angell, La Grande Illusion, qui “cherchait à établir que la guerre était inenvisageable en raison du tort considérable qu’elle ne manquerait pas de causer à la finance internationale.
Lorsque la guerre éclata, Ewart Chitty avait 16 ans. Il se souvient de son Angleterre natale: “Le monde était différent avant 1914. Un sentiment de sécurité existait qui fait défaut aujourd’hui. On considérait la sécurité comme quelque chose de normal.” Qui peut en dire autant aujourd’hui?
Maxwell Friend, âgé aujourd’hui de 90 ans, habitait Vienne, en Autriche, au début de la guerre. Lui aussi s’en souvient: “La guerre transforma les individus. Ils devinrent patriotes et très nationalistes. Les gens s’endurcirent. Je vois encore le flot de réfugiés qui venaient de l’Est, fuyant devant l’armée russe. Ils n’avaient plus que leurs yeux pour pleurer et ils n’avaient plus de larmes à force de pleurer.”
Guerre et religion
La Première Guerre mondiale, ce conflit qu’on ne peut comparer à aucun autre dans toute l’histoire humaine, laissa des marques très profondes sur ceux qui survécurent. Comme en a convenu The World Book Encyclopedia, “pendant la Première Guerre mondiale et pour la première fois dans l’Histoire, l’humanité connut la guerre totale. Toute la population des nations belligérantes participa à l’effort de guerre. La mort frappa des millions d’hommes, de femmes et d’enfants”.
Ewart Chitty, qui habitait Londres pendant la guerre, ajoute: “L’Angleterre fut saignée à blanc.” Et, comme dit Maxwell Friend: “En Autriche, tout n’était que larmes et sang.” Quel effet cela eut-il sur les gens?
Voici les propos d’Ewart Chitty: “Je crois que pendant la Première Guerre mondiale, beaucoup de soldats se rendirent compte de l’hypocrisie du clergé. Cela les fit changer. Le respect pour la religion disparut chez nombre de personnes. Certaines se retournèrent même totalement contre Dieu. Quand j’étais enfant, les gens prenaient intérêt à la Parole de Dieu, la Bible. Ils la respectaient et vous pouviez en parler avec tout le monde. Après la guerre, les choses changèrent et aujourd’hui les gens semblent avoir tout oublié de la Bible.”
John Booth, qui a aujourd’hui 78 ans, connut une situation analogue aux États-Unis: “Les Églises prirent une part active à l’effort de guerre. Tous les prédicateurs parlaient des atrocités commises par les Allemands et prêchaient en faveur de la guerre ‘pour garantir la démocratie’.
“Tout cet élan de patriotisme ennuyait mon père, qui était sacristain de notre petite église. Je l’ai même vu s’attrister parce que le prédicateur d’une église voisine avait été démis de ses fonctions pour avoir refusé de prêcher en faveur de la guerre.”
Sous toutes les latitudes, les gens au cœur honnête firent de semblables observations. Quelles furent les conséquences de cet état de guerre? Selon l’Encyclopédie britannique, “la guerre de 1914-1918 anéantit la confiance chancelante que l’Europe plaçait dans les mérites de sa civilisation. Puisque les nations chrétiennes en étaient les principaux belligérants, sur le plan mondial, le christianisme sortit affaibli de ce conflit”.
Christianisme ou chrétienté?
Pourtant, tout le monde ne fut pas surpris par le commencement de la Première Guerre mondiale. Pendant des années, un petit groupe de chrétiens zélés avaient annoncé que des événements mondiaux dramatiques se produiraient en 1914. Ce groupe avait pour nom les Étudiants internationaux de la Bible, qui sont connus aujourd’hui comme Témoins de Jéhovah.
George Hannan se souvient que “les Étudiants de la Bible étaient très connus pour leurs opinions sur 1914 et, dans la première moitié de cette année-là, ils se firent railler, car tout semblait paisible. Les gens disaient que les Étudiants de la Bible devaient oublier cette date qui leur servait de point de repère et qu’ils feraient bien de planter un autre jalon”.
Le déclenchement brutal de la guerre amena un grand nombre de personnes à se souvenir des prédictions faites par les Étudiants de la Bible. Dans sa partie magazine, le World de New York du 30 août 1914 leur consacrait un article qui précisait: “Le commencement de cette guerre épouvantable en Europe réalise une prophétie remarquable.”
Pourquoi ce petit groupe de chrétiens s’attendaient-ils à ces malheurs alors que les principales religions de la chrétienté furent surprises? C’est parce que ces Témoins de Jéhovah étaient des étudiants assidus des prophéties bibliques. Les prophéties bibliques ont beaucoup à dire au sujet des conditions de ce vingtième siècle.