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L’oppression vaincueRéveillez-vous ! 1975 | 8 juillet
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qu’une des tâches des tribunaux était de débarrasser la communauté des hérétiques. L’Inquisition faisait mourir les hérétiques. Le Québec se contente de les mettre en prison, mais il semble que le juge Mercier ne serait pas opposé au retour à des peines plus sévères. Il aurait dit que si cela était possible il condamnerait chaque témoin de Jéhovah ‘au moins à la prison à vie’.”
Beaucoup de Canadiens s’indignent
Les informations concernant les persécutions que subissaient les témoins de Jéhovah choquèrent beaucoup de Canadiens. La foi et l’endurance des témoins, une petite minorité, face à une opposition très vive, leur gagnèrent le respect de nombreuses personnes.
Jack Karr, journaliste très connu, écrivit dans le Toronto Star du 26 décembre 1946 :
“Il faut aujourd’hui du courage pour être témoin de Jéhovah dans la province du Québec, — du courage et aussi du cran, comme on dit familièrement. En effet, les témoins sont un objet de haine, de suspicion et de mépris de la part de la masse des gens. Toutefois, peu de Québécois savent vraiment pourquoi ils haïssent et méprisent les témoins, sinon que leur gouvernement leur a dit de se méfier d’eux.
“S’il est difficile pour des gens qui ne sont pas Québécois d’être témoins de Jéhovah au Québec, cela doit être beaucoup plus dur encore pour les Québécois qui ont renoncé à leur foi pour se joindre à ce mouvement. Ils ont perdu leurs amis et sont frappés d’ostracisme dans leur quartier. Ceux qui étaient auparavant leurs amis les espionnent maintenant ; ils déposent contre eux et dénoncent leurs activités. Quand les témoins se réunissent, leurs voisins immédiats sont remplis de haine et les espionnent ouvertement.
“C’est pourquoi il est parfois difficile pour quelqu’un de l’extérieur de saisir la signification de la situation et de comprendre que de telles choses puissent se produire au Canada. Un observateur peut ne pas être tout à fait d’accord avec les doctrines des témoins ni avec les méthodes qu’ils emploient pour atteindre leur but, mais après les avoir fréquentés il sera au moins rempli d’un profond respect pour leur courage et la persévérance avec laquelle ils font valoir leurs droits (...).
“En bref, les témoins de Jéhovah, qui ne sont que 200, ont provoqué une véritable tempête dans le vieux Québec. Dans un ville dont la population est composée à 90 pour cent de francophones et à 95 pour cent de catholiques, leurs réunions commencent à ressembler à celles des premiers chrétiens dans la Rome de Néron.”
Mais qu’allait-il résulter de toutes ces souffrances ?
Entre 1949 et 1959, les témoins de Jéhovah luttèrent et remportèrent cinq victoires décisives auprès de la Cour suprême du Canada. Elles furent un coup d’arrêt pour les attaques vicieuses que leur portaient l’Église et l’État associés. Ces procès jugés par la Cour suprême établirent des précédents qui permirent de remporter de nombreuses autres victoires.
Les deux derniers grands procès furent gagnés en 1959. L’un d’eux avait été intenté contre Duplessis lui-même par un témoin de Jéhovah restaurateur à Montréal. On lui avait retiré la licence qui lui permettait de vendre des boissons alcooliques parce qu’il avait fourni la caution de nombreux témoins arrêtés. La Cour suprême condamna Duplessis à payer les dommages causés à ce témoin. Duplessis mourut trois mois après avoir satisfait au jugement.
La valeur des décisions est reconnue
De nombreuses autorités canadiennes dans le domaine des questions juridiques ont reconnu la grande valeur des décisions obtenues par les témoins de Jéhovah ainsi que leur attitude courageuse. Dans un livre (Federalism and the French Canadian), Pierre Elliott Trudeau, maintenant premier ministre, écrivit : “Dans la province du Québec, les témoins de Jéhovah (...) ont été l’objet des moqueries, des persécutions et de la haine de notre société tout entière ; mais ils ont réussi à lutter par des moyens légaux contre l’Église, le gouvernement, la nation, la police et l’opinion publique.”
Dans son livre La liberté civile et le fédéralisme canadien (angl.), Frank Scott, professeur à l’Université McGill, cite l’affaire Lamb contre Benoit, disant : “Le cas Lamb est tout simplement un autre exemple de l’action illégale de la police ; mais il fait partie du tableau bien triste qu’on nous a souvent fait voir ces dernières années au Québec. Mademoiselle Lamb, témoin de Jéhovah, fut arrêtée illégalement et gardée enfermée pendant le week-end sans qu’aucune accusation n’ait été portée contre elle. On lui interdit de téléphoner à un avocat, puis on lui promit de la libérer à condition qu’elle signe un papier par lequel elle dégageait la police de toute responsabilité quant à la façon dont elle avait été traitée. Quand on lit pareille histoire, on peut s’étonner que les nombreuses autres victimes innocentes traitées de la même manière par la police n’aient pas eu le courage ni le soutien nécessaires pour mener l’affaire jusqu’à la victoire finale, — dans ce cas-là 12 ans et demi après l’arrestation. Nous pouvons être reconnaissants que dans ce pays quelques victimes de l’oppression de l’État aient combattu courageusement pour leurs droits. Leur victoire est notre victoire à tous.”
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Le Québec fait un bond en avant : la révolution tranquilleRéveillez-vous ! 1975 | 8 juillet
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Le Québec fait un bond en avant : la révolution tranquille
SIX mois après la mort de Duplessis en 1959, son gouvernement fut renversé. Dans son livre Le Canada et la question du Canada français (angl.), Ramsay Cook écrivit : “La mort de Duplessis ôta le couvercle qui retenait depuis plus de dix ans le mécontentement bouillonnant du Canada français. Duplessis n’aurait certainement pas pu le maintenir plus longtemps, car les forces sociales et économiques en action étaient beaucoup trop puissantes.”
Parlant de ces conditions, Pierre Elliott Trudeau (catholique lui-même) montra la nécessité de ‘libérer les consciences maltraitées par le cléricalisme et l’obscurantisme de l’Église, (...) et de libérer les hommes brutalisés par la tradition autoritaire et périmée’. Insistant sur le fait qu’il n’y avait jamais eu beaucoup de liberté au Québec, il ajouta : “Vers 1960, il apparut que la liberté allait enfin triompher (...), si bien que la génération de ceux qui entrèrent dans leur vingtième année en 1960 fut la première de notre histoire à bénéficier d’une liberté à peu près complète. Le dogmatisme de l’Église, de l’État, de la tradition et de la nation avait été vaincu.”
Un tournant
L’abandon des méthodes du passé apporta des changements dans de nombreux domaines. L’année 1960 fut un tournant, un bond en avant si soudain qu’on en parle couramment comme de la “Révolution tranquille”.
Une ère nouvelle commença alors, une ère caractérisée par la liberté dans le domaine des informations et sur le plan intellectuel. La presse et les autres moyens d’information commencèrent à s’intéresser aux réalités de la vie et à ses problèmes, au lieu de se soucier uniquement de protéger le catholicisme et de maintenir le statu quo. Les sociologues, auteurs de Canada 70, firent ce commentaire : “La création d’un ministère de l’Éducation en 1964 mit fin au contrôle de l’enseignement par l’Église, et l’avènement de la Révolution tranquille en 1960 mit un terme à l’incroyable puissance politique du clergé.”
Dans les années 1960, le Québec commença vraiment à se défaire de son image ancienne, caractérisée par sa politique d’isolement et par la domination du clergé. Il aspirait désormais à bénéficier du mode de vie américain qui existe dans le reste du Canada et aux États-Unis.
Plusieurs facteurs propres au vingtième siècle ont contribué à la Révolution tranquille, à la “société en mouvement” du Québec. Citons le concile Vatican II, réuni par le pape Jean XXIII. Les changements qui s’ensuivirent dans l’Église troublèrent beaucoup de catholiques.
Le Star de Montréal explique que l’idée d’une domination catholique absolue a fait place “à un point de vue très répandu parmi les intellectuels québécois, à savoir que l’Église a de tout temps fait du tort au Québec”.
Les victoires que les témoins de Jéhovah ont remportées devant la Cour suprême du Canada ont introduit une ère nouvelle pour ce qui est des libertés civiles et de la liberté de la presse au Québec. La censure a été déclarée contraire à la constitution. Les orateurs publics et les écrivains ne craignent plus qu’on fasse appel à un procureur du gouvernement autoritaire pour arrêter la publication légitime des informations.
L’avènement de la télévision est un autre facteur qui a eu une grande influence sur la vie au Québec. Aussi longtemps que les habitants d’un village ne connaissaient que ce que le prêtre voulait bien leur dire, ils pouvaient facilement être abusés et croire que leur pasteur les conseillait bien. Mais quand la télévision a pris place dans leur vie, ils ont commencé à se rendre compte de ce qui se passait dans le reste du monde et à quel point leur village contrôlé par l’Église était en retard.
La Révolution tranquille n’a pas été faite avec des fusils, mais elle a provoqué d’énormes changements au Québec. Que devenait l’Église catholique dans tout cela ?
Déclin de la puissance de l’Église
On peut lire dans Canada 70: “Il était inévitable que l’Église catholique soit un jour obligée de renoncer à la domination absolue qu’elle exerçait sur le peuple. Mais au Québec, l’Église perdit son pouvoir d’une manière soudaine et dramatique.”
Ralph Surette a écrit dans le Star de Montréal : “La puissance de l’Église catholique au Québec s’est désintégrée ; l’angoisse et l’indifférence, aussi bien chez les laïques que parmi le clergé, trahissent un état de crise (...). La crise est connue. La commission reconnaît (et confirme) ce qui est connu de tous : la diminution considérable des assistants à la messe, les prêtres qui abandonnent le sacerdoce, les difficultés financières dans beaucoup de paroisses.”
Le même article parlait aussi des conséquences pour le clergé, disant : “Le pouvoir absolu du clergé commença à s’affaiblir à cette époque [1949], préparant la voie à l’État qui devint dans les années 1960 la principale institution dans la vie des Québécois (...). En relativement peu d’années, le prêtre québécois a perdu ‘et sa position sociale et son audience’.”
Les problèmes de l’Église catholique étaient devenus si graves qu’à la demande des évêques le gouvernement constitua une commission, la commission Dumont, qui fut chargée de faire un rapport sur “Les laïques et l’Église”. Le rapport de 315 pages de cette commission fut publié en décembre 1971. La plus grande partie de ce rapport ne faisait que confirmer ce que les personnes bien informées savaient déjà, c’est-à-dire que l’Église avait perdu la confiance des gens et que le clergé comme les laïques quittaient l’Église.
Pour beaucoup de Québécois, ‘l’Église avait disparu’, du moins pour ce qui était de leur province.
‘Les fidèles quittent l’Église’
Une Église dépend essentiellement du soutien de ses fidèles. Or, le rapport Dumont révèle ce qui s’est produit sous ce rapport au sein de l’Église catholique : “Depuis dix ans, la pratique religieuse décroît rapidement. Cela est plus évident pour les jeunes, mais le déclin atteint aussi progressivement et plus discrètement les plus vieux.”
Le périodique Relations, publié à Montréal à l’intention des prêtres, montre avec quelle rapidité ce phénomène s’est produit. Dans le numéro de mars 1974, il était indiqué qu’en dix ans ‘la pratique religieuse dominicale est tombée de 65 à 30 pour cent, et que parmi les jeunes, entre 15 et 35 ans, elle est réduite à 12 pour cent’.
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