Coup d’œil sur le monde
“Le sabre et le goupillon”
Sous ce titre, M. Raymond Aron a écrit ce qui suit dans Le Figaro : “Les hommes de gauche, au siècle dernier, se faisaient gloire de combattre le sabre et le goupillon, le pouvoir de l’armée, sanctifié par l’Église, et mis au service des docteurs de la foi. Qu’ils y prennent garde ! Les voici en train d’accepter, au Portugal, le règne de l’armée, pourvu que celle-ci se réclame des nouveaux docteurs de la foi, qu’elle orne ses drapeaux de la faucille et du marteau (...).” Parlant des militaires au pouvoir, M. Aron a ajouté : “Ils ne savent pas ce qu’ils veulent, mais ils savent ce qu’ils ne veulent pas : retourner dans les casernes et se soumettre à un gouvernement élu. (...) Dès les premiers mois il [le Mouvement des Forces Armées] laissa les membres du PCP [parti communiste portugais], le mieux organisé dans la clandestinité, s’emparer des positions clés dans la presse, dans la radio, dans les syndicats, dans les municipalités. (...) Il imposa l’intersyndicale ou syndicat unique que noyautait le PCP. Il contraignit ensuite les partis à signer un pacte par lequel ceux-ci renonçaient, au profit de l’armée, à gouverner le pays. Les électeurs votèrent massivement en faveur du parti socialiste et du parti du centre, le parti communiste ne recueillant qu’entre 12 et 13 pour cent des suffrages. Qu’importe, écrit la Pravda, la majorité n’est pas une notion arithmétique, mais politique. Qu’importe, déclarait Alvaro Cunhal [leader communiste], nous n’attachons pas d’importance aux élections.” Pour le célèbre sociologue français, “après la perte de l’empire un seul avenir s’offre au Portugal, (...) l’entrée dans l’Europe démocratique, la participation à la communauté européenne”.
Dépenses militaires
Bon an, mal an, les nations du monde dépensent environ 200 milliards de dollars chaque année pour leurs forces armées. Depuis la dernière guerre mondiale, les États-Unis ont dépensé à des fins militaires plus de 1 000 milliards de dollars. Actuellement, parmi les pays développés, ce serait le Japon qui dépenserait le moins d’argent pour les armements, à l’exception du Danemark. En effet, le Japon y consacre moins de un pour cent du produit national brut. À titre de comparaison, l’Allemagne fédérale y consacre 2,9 pour cent du PNB, la France, 3,1 pour cent, la Grande-Bretagne, 4,6 pour cent, les États-Unis, 7,2 pour cent, et l’URSS, 15,7 pour cent. Le Japon dépense à des fins militaires 33 dollars par habitant et par an, alors que l’Union soviétique dépense 352 dollars, les États-Unis, 404, et Israël, 468.
Les PC européens recherchent l’unité
Les représentants de vingt-sept partis communistes européens se sont réunis dernièrement afin de renforcer l’unité du mouvement communiste en Europe. En effet, en dépit des apparences, les partis communistes nationaux sont loin d’être unis. Deux lignes principales s’affrontent : l’unité à tout prix, sous la direction de l’Union soviétique, et l’autonomie de chaque PC, qui serait libre de faire sa révolution ou de s’acheminer vers le communisme à sa manière, suivant les particularités de son pays. Les partisans du premier point de vue sont, bien évidemment, d’abord l’Union soviétique, mais aussi la plupart des partis communistes d’Europe de l’Est. Les défenseurs de l’indépendance sont principalement les partis communistes espagnol, italien, roumain et yougoslave. Lors de la préparation de la conférence des PC européens, la ligue des communistes yougoslaves exprima son opposition à “tout document pouvant apparaître comme une plate-forme politique commune qui assignerait une série d’objectifs identiques à tous les communistes européens”. De son côté, le parti communiste espagnol a posé la condition suivante pour la tenue de la conférence : “Les PC européens ne devraient pas adopter de déclaration ‘programmatique’, ni idéologique, puisqu’elle risquerait de créer la fausse image d’une unité qui n’existe pas.”
Les langues les plus parlées
D’après des statistiques publiées dernièrement, la langue la plus parlée dans le monde est le chinois (750 millions de personnes). En fait, c’est l’écriture qui fait l’unité du chinois, puisque la langue parlée se subdivise en dialectes, dont les principaux sont le mandarin, le cantonais, le wou et le min. La deuxième langue du monde est l’anglais, parlée par 350 millions de personnes, suivi de l’hindi (250 millions), de l’espagnol (220 millions) et du russe (145 millions). Ensuite viennent, dans l’ordre, l’allemand, l’arabe, le bengali, le portugais, le japonais, le malais et le français (parlé par 85 millions de personnes).
“Le temps des assassins”
Écrivant au sujet de la condamnation à mort d’un jeune Français âgé de dix-sept ans qui avait commis un crime odieux, M. Jean d’Ormesson a écrit dans Le Figaro : “Il n’y a plus de sacré dans notre décadence. Le sacré s’est retiré de la nation, de la famille, de la religion, de Dieu lui-même. Voici qu’à leur tour il se retire aussi des enfants. Le déclin d’une civilisation ne frappe pas seulement les puissants, les mandarins, les clercs. Il frappe aussi les enfants. Les enfants, comme beaucoup d’autres, ont fait tout ce qu’il fallait pour que tout ce qui les protégeait s’écarte enfin d’eux et les laisse sans recours. Ils ont saisi des casques, des pioches, des couteaux, des barres de fer. Eux qui ne cessent de crier qu’ils détestent la guerre, ils ont tué de plus en plus jeunes. (...) On ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Ils ne sont plus des enfants quand ils massacrent les autres. Ils ne seront plus des enfants quand les autres les tueront. (...) Vous souvenez-vous qu’il y a quelque vingt ou trente ans, la mode était à la vertu ? Plus de guerres, plus de diplomaties secrètes, plus de violence et, surtout, plus de peine de mort. Où en sommes-nous, aujourd’hui ? Les tractations secrètes triomphent, la violence est partout et cette fameuse peine de mort qu’on voulait extirper, on l’applique aux enfants. (...) Je l’écris avec tristesse, mais sans trop de crainte, hélas ! d’être démenti par les faits : nous entrerons dans l’âge des bûchers parce que nous sommes entrés dans l’âge de la licence. Nous entrerons dans l’ère de la violence des individus et des clans parce que nous sommes entrés dans l’ère de la faiblesse des parents et de l’État. Nous entrons dans l’âge de la répression parce que nous sommes entrés dans l’âge du terrorisme. Nous entrons dans le temps des bourreaux parce que nous sommes entrés dans le temps des assassins.”
La criminalité en France
Lorsqu’il a présenté son budget devant la Commission sénatoriale des finances, M. Michel Poniatowski, ministre français de l’Intérieur, a déclaré : “La violence de certaines émissions de télévision ou de certains films constitue une incitation au meurtre. Le gouvernement devra prendre des mesures.” Tout en avouant que la violence et la délinquance continuent de progresser en France, le ministre a toutefois fait remarquer que parmi les pays occidentaux c’est la France qui conserve le taux de criminalité le plus bas. Il a révélé qu’en 1974 on a compté en France 34 crimes et délits pour 1 000 habitants, contre 41 aux États-Unis, 44 en Allemagne fédérale, 64 au Danemark et 78 en Suède. Il convient cependant de noter que si l’ensemble des crimes et délits commis en France en 1974 n’a augmenté que de 3,62 pour cent, le nombre des grands crimes (homicides, hold-up, vols avec violences, prises d’otages, etc.) a augmenté de presque 16 pour cent.
Destruction de denrées alimentaires
Alors que dans les pays en voie de développement des millions de gens ont faim, dans les pays industrialisés on continue allégrement de détruire des denrées alimentaires pour soutenir les prix. C’est ainsi que l’automne dernier on a pu lire la dépêche suivante dans Le Monde : “Huit cents tonnes de pommes ont été jetées le mardi 7 octobre sur les rives de la Durance, à Châteaurenard, pour être détruites. En quelques semaines, 2 500 tonnes de pommes ont été ainsi déversées à la décharge pour permettre un redressement des cours du marché. En outre, alors que la campagne de choux-fleurs commence à peine, 10 tonnes ont été ‘retirées’ mardi sur les 130 tonnes mises en marché.” À titre d’explication, le journal a ajouté : “En raison des conditions atmosphériques particulièrement favorables, la production de pommes en France sera supérieure de 200 000 tonnes environ à celle de 1974. Pour l’ensemble des pays de la CEE la progression sera de 2 millions de tonnes. Bien qu’une telle surproduction ait été prévue depuis plusieurs mois, on estime au ministère de l’Agriculture qu’il était difficile d’éviter la destruction massive pour plusieurs raisons : la conjoncture actuelle ne permet pas un développement de la consommation ; la France, qui exporte déjà près de 600 000 tonnes de pommes, ne peut espérer améliorer ce résultat, car la production a augmenté dans tous les pays ; les organismes de stockage et de distribution sont actuellement saturés.” Malheureusement, cette pratique n’est pas limitée à la France, et il n’y a pas que des pommes et des choux-fleurs qui sont détruits “pour permettre un redressement des cours du marché”. Si un riche brûlait du pain ostensiblement dans son jardin alors que dans la maison d’à côté des gens mouraient de faim, il serait mis au ban de la société. Il est vrai que dans de nombreux domaines les États se permettent bien des choses qui sont considérées comme des crimes quand c’est un particulier qui les commet.