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Que devient la religion en Union soviétique ?Réveillez-vous ! 1973 | 8 août
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toutes les grandes villes, on continue à célébrer des services religieux, et une certaine partie de la jeunesse se tourne vers la religion.”
Un article du périodique allemand Stern parle d’une cathédrale que les autorités de la ville de Novgorod avaient transformée en musée. Les visiteurs, lit-on, faisaient le signe de croix, priaient et écoutaient de la musique religieuse. Le périodique considérait cela comme la preuve d’un intérêt grandissant pour la religion.
D’après ces rapports, on pourrait conclure qu’il y a vraiment un renouveau religieux en Union soviétique.
Cependant, si l’on examine un plus grand nombre de témoignages, y compris les récits de témoins oculaires, la situation apparaît tout à fait différente. Ces récits arrivent à des conclusions assez semblables à celle d’un historien qui déclara nettement qu’en Union soviétique, “à part quelques régions isolées où règnent encore la dévotion et le zèle religieux, la religion organisée semble être une institution moribonde”.
On ne peut donc pas se contenter de considérer les faits superficiellement. Pour déterminer quelle est la situation de la religion en Union soviétique, on doit tenir compte de nombreux facteurs. C’est seulement alors qu’il est possible de tirer des conclusions précises. L’une d’elles ne manquera pas de vous surprendre.
Examinons d’abord l’histoire des relations entre l’Église et l’État en Russie. Cela nous aidera à mieux comprendre les causes de certains événements et la tendance actuelle.
L’emprise de la religion
L’histoire de la religion en Union soviétique se confond pratiquement avec celle de l’Église orthodoxe russe. Cette dernière était, de loin, la religion la plus importante du pays.
On peut faire remonter les débuts de cette Église à 988 de notre ère, quand Vladimir, grand-prince de Kiev, fut baptisé dans la religion grecque. On dit qu’il se convertit à la religion d’Orient afin d’épouser Anne, sœur de l’empereur byzantin. L’Empire byzantin avait sa capitale à Constantinople, siège de l’Église d’Orient.
Vladimir obligea ses sujets à recevoir le baptême. Ceux qui refusaient étaient considérés comme des ennemis de l’État. Ainsi, depuis le début, l’Église russe fut soutenue par le pouvoir séculier. Après la chute de l’Empire byzantin en 1453, l’Église orthodoxe russe se déclara indépendante de Constantinople. Plus tard, le patriarche de Moscou devint l’égal de celui de Constantinople. Cependant, en 1692 Pierre le Grand abolit la dignité de patriarche et dirigea l’Église lui-même. En 1721, la religion orthodoxe russe devint officiellement la religion nationale.
Au cours des années, l’Église fut de plus en plus intimement associée au gouvernement tyrannique des tsars (mot slave dérivé du latin Caesar, empereur). Les tsars exigeaient du peuple qu’il pratique la religion orthodoxe russe, et il était illégal de se convertir à un autre culte. Les tsars impitoyables et l’Église intéressée se liguaient pour maintenir le peuple dans l’ignorance et la pauvreté.
Puis, en mars 1917, des groupes politiques de tendance libérale fomentèrent une révolution et renversèrent le régime tsariste. L’Église orthodoxe russe entrevit alors une chance de se rendre indépendante du contrôle de l’État. Le nouveau gouvernement provisoire était favorable à cette attitude et, au mois d’août de cette année mémorable, on rétablit la charge de patriarche. Avec un nouveau patriarche, Tikhon, et une liberté nouvelle, on pensait que l’Église deviendrait plus puissante que jamais.
Des changements menaçants
Néanmoins, avant qu’il pût en être ainsi, la Russie fut balayée par un véritable ouragan politique. En novembre 1917 (selon le calendrier occidental), une autre révolution amena au pouvoir les bolcheviks (appelés plus tard communistes), qui renversèrent l’ordre établi, y compris le gouvernement provisoire.
En quelques années, sous la direction de Lénine, les communistes affermirent leur emprise sur la Russie et d’autres pays voisins. Plus tard, le 30 décembre 1922, le nouveau régime proclama la naissance de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). Elle finit par englober quinze républiques, y compris la Russie, la plus grande de toutes. Aujourd’hui, cette fédération d’États s’étend sur le territoire national le plus grand du monde. Quant à la population soviétique, qui compte près de 250 000 000 d’habitants, elle occupe le troisième rang, après la Chine et l’Inde.
Exerçant leur domination sur plus d’une centaine de nationalités, les dirigeants communistes se sont trouvés devant une variété de croyances religieuses. Naturellement, la religion orthodoxe russe était de loin la plus répandue. Mais il y en avait bien d’autres, surtout dans les territoires tombés depuis peu au pouvoir des communistes.
Ces diverses religions se demandaient quelle serait leur situation sous le nouveau gouvernement. Elles n’allaient pas tarder à le savoir. Toutes subirent la violence de l’ouragan politique qui commença à souffler en novembre 1917.
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L’Union soviétique s’efforce de détruire la religionRéveillez-vous ! 1973 | 8 août
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L’Union soviétique s’efforce de détruire la religion
À PEINE les communistes s’étaient-ils assuré la domination de la Russie, qu’ils ont proclamé leurs intentions à l’égard de la religion. Ils se proposaient de l’anéantir complètement et de faire régner l’athéisme dans le pays.
Au début du siècle, Lénine s’était pourtant prononcé en faveur de la tolérance religieuse. Mais une fois les bolcheviks au pouvoir, il apparut nettement que le gouvernement considérait la religion comme l’ennemi à détruire. Dans son ouvrage Les rapports entre le parti des travailleurs et la religion, Lénine dit :
“‘La religion est l’opium du peuple’ — Cette déclaration de Marx est la pierre angulaire de la pensée marxiste en matière de religion. Pour le marxisme, toutes les Églises actuelles et tous les organismes religieux sont au service des forces [ennemies] bourgeoises et réactionnaires.”
L’attaque commence
Immédiatement après s’être emparé du pouvoir en novembre 1917, le nouveau gouvernement publia un décret aux termes duquel tous les terrains, y compris ceux de l’Église, devenaient propriété du peuple (autrement dit du gouvernement). C’était là le premier pas vers la confiscation des biens ecclésiastiques.
Un autre décret déclara que tous les citoyens sont égaux, qu’ils professent ou non une religion et peu importe celle-ci. Pratiquement, c’était approuver et encourager l’athéisme.
Puis, au début de 1918, le gouvernement annonça la séparation complète de l’Église orthodoxe russe et de l’État. C’est alors que les communistes mirent la main sur les propriétés de l’Église. L’instruction religieuse dans les écoles fut interdite, et tous les subsides gouvernementaux aux Églises cessèrent.
Ce n’était que le début de l’assaut ; le pire était encore à venir. Pour le gouvernement, il était vital de prendre des mesures pour agir sur l’esprit des gens, surtout la jeunesse. La première constitution de 1918 déclarait que “tous les citoyens avaient le droit de faire de la propagande religieuse ou antireligieuse”. Mais en 1929, la constitution fut amendée, et “le droit de faire de la propagande religieuse” fut supprimé. On maintint ‘le droit de faire de la propagande antireligieuse’ et on permit de “professer des croyances religieuses”.
Les décisions de 1929 furent désastreuses pour la religion. Elles lui interdisaient toute œuvre sociale, éducative ou charitable. Les églises devaient se contenter des bâtiments que les autorités leur assignaient. Elles n’avaient plus la possibilité de répandre leur religion. Comme dans les écoles on n’enseignait que l’athéisme, l’avenir des Églises était très sombre.
Les effets
Ces diverses mesures et l’attitude hostile du gouvernement eurent un effet rapide. Dès les premières semaines de la révolution, on s’attaqua aux églises à travers tout le pays. Elles furent pillées, démolies ou converties en fabriques, en magasins, en salles de réunion politique ou en musées.
On ne s’attaqua pas seulement à l’Église orthodoxe. Des prêtres catholiques romains furent emprisonnés, les biens ecclésiastiques confisqués, et l’instruction catholique fut soumise à des restrictions. Des associations de prêtres loyaux seulement envers Moscou furent formées pour saper l’autorité du pape.
Les pressions étaient telles que certaines religions disparurent complètement. L’Église uniate était de ce nombre. Cette Église, sorte d’hybride, moitié catholique, moitié orthodoxe, avait exercé une forte influence sur les Ukrainiens. Mais les prêtres qui s’opposèrent au communisme furent envoyés en prison ou exilés. D’autres membres du clergé renoncèrent à leur loyalisme envers le pape, abandonnèrent leur religion et s’enrôlèrent sous la bannière du patriarche orthodoxe de Moscou.
En même temps que la confiscation des biens ecclésiastiques, l’emprisonnement ou l’exil des prêtres réfractaires et la fermeture des églises, les communistes entreprirent une violente campagne d’endoctrinement au moyen de la presse, de la radio, du cinéma et des écoles. Dans celles-ci, l’atmosphère antireligieuse avait un effet particulièrement destructeur. Un manuel scolaire, publié en Union soviétique, est un exemple typique de cet endoctrinement. Il dit en effet :
“L’étude des lois de l’évolution du monde organique nous aide à élaborer une conception matérialiste (...).
“De plus, cet enseignement nous arme pour la lutte antireligieuse en nous donnant une interprétation matérialiste du dessein apparent dans le monde organique. En même temps, il prouve que l’homme est issu des animaux inférieurs.”
Les enfants étaient à la merci de leurs enseignants athées. Quant aux parents qui fréquentaient l’église, ils étaient généralement incapables de neutraliser l’influence de l’école. La plupart d’entre eux ne connaissaient guère les raisons des enseignements et des pratiques de leur propre religion. Ils étaient donc très mal équipés pour endiguer la marée de l’athéisme.
En outre, on mit sur pied d’importants organismes, afin de rassembler la jeunesse. Pour les enfants, il y avait les “Jeunes pionniers”, et pour les adolescents entre seize et vingt-trois ans, l’“Union de la jeunesse communiste”. Ces organismes étaient imprégnés des idées de Marx et de Lénine. L’affiliation n’était pas obligatoire, mais les pressions sociales étaient énormes. Comme les jeunes sont naturellement enclins à participer à ce qui est populaire, le but visé était atteint.
Ainsi, dès leur arrivée au pouvoir, les communistes s’efforcèrent de déraciner la religion traditionnelle. La campagne antireligieuse se poursuivit pendant un quart de siècle après 1917, quoique les vagues d’assaut n’eussent pas toutes la même violence.
Pourquoi une telle hostilité contre la religion ?
Beaucoup de gens dans d’autres pays étaient horrifiés par ces attaques. Ce n’était cependant pas le cas pour tous les Russes. Pour un grand nombre d’entre eux, ce que les Églises subissaient n’était que la juste rétribution de leurs crimes.
Pour comprendre ces sentiments, il faut savoir que les Églises, surtout l’Église orthodoxe, étaient des éléments majeurs dans le régime tyrannique des tsars. Pendant des siècles, le clergé, voyant son propre avantage, avait soutenu les dirigeants, méconnu les besoins du peuple et tenu ce dernier dans l’ignorance. Les masses étaient virtuellement esclaves des classes dirigeantes et riches, et le clergé s’employait à maintenir cette situation. Beaucoup de prêtres étaient cupides, immoraux et avides de pouvoir.
Les historiens reconnaissent que l’Église orthodoxe en particulier était honteusement corrompue. Dans son livre La maison sans toit (angl.), Maurice Hindus écrit :
“Le batouchka [prêtre] du village était souvent lui-même un homme ignorant, adonné à la vodka et qui n’hésitait pas à séduire une jolie paroissienne (...).
“Le moujik [paysan] (...) en apprenait davantage concernant le bien et le mal en écoutant les récits et les ballades des mendiants ambulants et des pèlerins qu’auprès du prêtre de la paroisse (...).
“La faute capitale de l’Église russe réside dans sa soumission totale à l’État tsariste qui, selon les termes de Milioukov, ‘étouffait dans l’œuf tout essor religieux’.”
Cet auteur cite aussi le critique littéraire Vissarion Bielinsky, qui écrivit : “Aux yeux de tous les Russes, le prêtre n’est-il pas le symbole vivant de la gloutonnerie, de l’avarice, de l’égoïsme et de l’impudence ?”
Dans son livre L’origine du communisme russe, N. Berdiaev, philosophe russe, récemment décédé, parle de l’emploi, par l’Église orthodoxe, de la force armée des tsars pour favoriser ses propres intérêts. Nous lisons :
“Les prêtres peuvent-ils justifier cette ‘politique’ antichrétienne ? Pourquoi recourent-ils à la force plutôt qu’à l’amour ? (...) Nous remarquons avec stupéfaction l’union de l’Église et de l’État dans cette action odieuse. C’est cette subordination de l’Église à l’État qui est cause que tant de gens ont perdu la foi.”
Les chefs religieux eux-mêmes admettent que la religion a une grande responsabilité dans ce qui s’est passé en Russie. Dans un compte rendu paru dans le périodique Harper’s d’août 1960, un théologien d’un pays communiste s’exprime en ces termes :
“Je ne suis pas communiste, je suis chrétien. Mais je sais que c’est nous, nous seuls chrétiens, qui sommes responsables du communisme. Nous avions une tâche à accomplir dans le monde ; Jésus-Christ ne nous a pas laissés dans l’incertitude à cet égard. Nous avons échoué. Nous ‘avons dit, mais nous n’avons pas fait’. (...) Rappelez-vous que les communistes étaient autrefois chrétiens. S’ils ne croient pas à un Dieu juste, à qui la faute ?”
Il n’y a aucun doute, la corruption des Églises en Russie a détourné beaucoup de gens de Dieu, de la Bible et du christianisme. Leur raisonnement est le suivant : “Si c’est ça la religion de Dieu, alors nous préférons croire qu’il n’y a pas de Dieu.”
L’hostilité féroce des dirigeants soviétiques à l’égard de la religion avait certes des raisons. Malheureusement, ils n’ont pas fait de distinction entre la vraie foi en Dieu et la religion hypocrite. Dans leur amertume, ils ont rejeté toute religion.
Le clergé fait des compromis
Au début, une grande partie du clergé s’insurgea contre l’invasion de son domaine par les communistes. Mais bientôt, de plus en plus de prêtres acceptèrent de faire des compromis et de devenir des instruments du gouvernement soviétique. Cependant, comme ce dernier était en quelque sorte le fossoyeur de la religion, ce clergé sans dignité assistait en fait à ses propres funérailles.
Le patriarche Tikhon est un exemple frappant. Il n’imita pas Jésus-Christ, qui préféra la mort aux compromis. En 1923, après sa sortie de prison, il signa une déclaration promettant de ne s’engager dans aucune action qui pourrait nuire aux intérêts de l’État. Peu avant sa mort, en 1925, il invita tous les Russes “à soutenir sincèrement le pouvoir soviétique, à travailler pour la prospérité commune et à condamner toute agitation déclarée ou secrète contre le nouveau régime”.
Après la mort de Tikhon, l’Église ne fut pas autorisée à élire un nouveau patriarche, mais les autres hauts dignitaires de l’Église suivirent en général la même ligne de conduite que leur chef. Cela fut rendu manifeste en 1927 quand Serge, un métropolite (dignité immédiatement inférieure à celle de patriarche), publia une proclamation. Le livre Les cinquante premières années (angl.) dit que Serge “promit le soutien et la coopération politique de l’Église et de ses ouailles”. Il engagea les membres du clergé à donner une garantie écrite de leur loyauté envers le gouvernement soviétique s’ils ne voulaient pas être expulsés de l’Église.
Malgré tous ces compromis, les communistes poursuivirent leur campagne contre la religion. Durant les purges politiques de 1936 à 1938, les églises subirent des attaques particulièrement sauvages. Alors qu’en 1930, Serge avait proclamé le soutien loyal de 163 évêques, en 1939, il n’y en avait plus que 12. On dit que 40 évêques ont été fusillés et qu’environ 10 000 églises ont été fermées. Comme le fait remarquer le livre précité, “en 1939, l’Église était près de s’écrouler”.
Mais en 1939, un événement provoqua un changement. La Seconde Guerre mondiale éclata, et les rapports entre le gouvernement soviétique et la religion en furent affectés.
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La Seconde Guerre mondiale provoque un changementRéveillez-vous ! 1973 | 8 août
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La Seconde Guerre mondiale provoque un changement
LA SECONDE Guerre mondiale éclata en septembre 1939. En deux ans, les armées d’Hitler envahirent la Pologne occidentale, la France et plusieurs pays d’Europe, y compris la plus grande partie des Balkans. Ensuite, en 1941, les nazis victorieux tournèrent leur attention vers l’Est.
Au mois de juin de cette année-là, les armées allemandes déferlèrent sur l’Union soviétique. En décembre, elles s’étaient emparées de presque toute la partie occidentale du pays et avaient atteint les faubourgs de Moscou. L’existence même de la nation était en danger.
Cependant, le rude hiver et la résistance acharnée des troupes soviétiques et des partisans arrêtèrent la marée germanique à la fin de l’année. Mais il était évident qu’il fallait s’attendre à de nouveaux assauts au printemps. Le gouvernement soviétique se rendit compte qu’il devrait faire un maximum d’efforts pour stimuler le peuple.
La barbarie de l’envahisseur allemand rendait cette tâche plus facile. Ses prétentions à la supériorité raciale, son intention manifeste d’exterminer la plupart des Slaves, les dévastations et les massacres de millions de gens dont il se rendit coupable, provoquaient la fureur des Soviétiques.
Mais il fallait plus encore. Afin de rassembler toutes les ressources de la nation et de s’assurer la coopération pleine et entière de tout le peuple, le gouvernement avait besoin du soutien des chefs religieux.
En effet, le pays comptait encore des dizaines de millions de croyants. Les communistes étaient au pouvoir depuis vingt-quatre ans mais ce laps de temps n’avait pas été suffisant pour que, selon le point de vue soviétique, l’ancienne génération de croyants fût complètement remplacée par des athées. Beaucoup de gens âgés de plus de vingt ans avaient encore une religion, surtout les femmes.
Un changement d’attitude
Les dirigeants soviétiques, y compris Staline, se sont donc rendu compte qu’ils devaient changer d’attitude à l’égard de la religion. Ils comprirent que leurs campagnes antireligieuses avaient éloigné d’eux de nombreux croyants. Aussi, à partir de l’automne 1941, commencèrent-ils à faire des concessions.
Leurs efforts ne tardèrent pas à donner des résultats. En 1942, le métropolite Serge salua Staline comme “le chef divinement oint” de la Russie. Puis, en 1943, Staline reçut au Kremlin des dignitaires de l’Église orthodoxe russe et les autorisa à élire Serge comme nouveau patriarche. Ainsi se termina cette période de dix-huit ans durant laquelle l’Église orthodoxe se trouvait sans chef officiel.
On fit encore d’autres concessions. L’Église put faire paraître un journal. Plusieurs séminaires furent rouverts ainsi que de nombreuses églises. On mit une sourdine à la campagne antireligieuse. Les restrictions imposées aux autres cultes se relâchèrent également.
Le patriarche Serge mourut en 1944, et Alexis lui succéda. Selon l’Encyclopédie britannique, il assura Staline des “sentiments de profond amour et de gratitude des militants de l’Église”. Tous les chefs religieux engageaient leurs ouailles à accorder leur soutien au gouvernement. De son côté, celui-ci récompensa certains membres du clergé en leur octroyant des médailles.
Le clergé expliqua à ses fidèles qu’en combattant contre l’envahisseur nazi, non seulement ils défendaient l’Union soviétique, mais ils luttaient aussi pour le christianisme. On fit des collectes dans les églises afin d’acheter des armes. Au mois de janvier 1943, les dons étaient suffisants pour équiper une escadrille d’avions de chasse. D’autres contributions permirent de fabriquer des chars d’assaut, et, quand ceux-ci furent remis à l’Armée rouge au cours d’une cérémonie solennelle, le métropolite Nicolas fit l’éloge de Staline en l’appelant “notre Père à tous”.
Finalement, en 1945, les armées allemandes furent repoussées, et les troupes soviétiques entrèrent en Allemagne. Pour célébrer ces événements, une assemblée se réunit sous la direction du patriarche Alexis. Dans une proclamation, adoptée à cette occasion, les victoires de l’Armée rouge étaient glorifiées comme celles du Christ sur les forces des ténèbres. Elle déclarait : “Chacun peut voir quelles armes [celles des Soviétiques] ont été bénies par notre Seigneur Jésus et quelles armes [celles des Allemands] n’ont pas reçu cette bénédiction.” Quelques jours plus tard, les dirigeants communistes exprimèrent leur gratitude pour les efforts des Églises.
Un changement sincère ?
Ce changement d’attitude du gouvernement à l’égard de la religion était-il sincère ? Évidemment non ! L’ouvrage L’Europe depuis 1939 (angl.) déclare :
“Des objectifs strictement profanes incitèrent les maîtres soviétiques, des athées matérialistes, à faire des concessions aux sentiments religieux. Ils avaient compris qu’en URSS, les citoyens à l’esprit religieux donneraient un appui plus total à l’État en guerre. De plus, l’hostilité des chrétiens des pays alliés occidentaux envers le mode de vie communiste s’adoucirait, et les orthodoxes des Balkans accorderaient une sympathie plus chaleureuse à la Russie.”
Cette tactique a-t-elle réussi ? Arthur J. May, de l’université de Rochester et auteur du livre précité, déclara : “Grâce à l’attitude modérée adoptée par le Kremlin, tous ces buts ont pu être atteints, à un degré plus ou moins grand.” Comme autre résultat, il a également remarqué que “dans les milieux religieux, comme partout ailleurs, le culte de Staline était florissant”.
La religion était devenue utile aux communistes. Elle le fut encore après la fin de la guerre. Dans le livre L’Union soviétique a cinquante ans (angl.) d’Harrison Salisbury, on lit : “Après la fin de la guerre, les chefs religieux se conformèrent aux exigences de la guerre froide qui était un aspect de la politique étrangère de Staline.”
Lors de la célébration de Pâques en 1945, il y eut un événement très significatif. Au cours du service religieux de minuit à la cathédrale de Yelokhovsky de Moscou, le patriarche Alexis demanda la bénédiction de Dieu sur le chef de l’État soviétique, Joseph Staline. En 1950, Alexis envoya un télégramme au Conseil de sécurité des Nations unies pour protester contre “l’agression des États-Unis en Corée”.
Il était donc manifeste que les concessions des dirigeants soviétiques avaient un mobile politique. Ils s’assuraient ainsi une meilleure coopération des Églises. De plus, comme le gouvernement n’agréait que les prêtres loyaux à l’État, la religion pouvait être manœuvrée de façon à servir les buts communistes.
Il ne pouvait y avoir aucun doute ; le changement d’attitude des dirigeants soviétiques ne signifiait pas que leur cœur avait changé. Leur but était toujours le même : la disparition de toutes les religions. Mais leur tactique était plus subtile ; ils jugeaient préférable de grignoter progressivement la puissance et l’influence de la religion. Ils évitaient de cette façon une opposition excessive ou l’apparition de martyrs, ce qui fut le cas lors des attaques de front du début.
Naturellement, à l’étranger comme en Union soviétique, beaucoup pensaient que certains hauts dignitaires de l’Église n’étaient pas de véritables ecclésiastiques. À cause de l’ampleur de leurs compromis, on les accusait d’être des agents du gouvernement placés là pour contrôler l’Église. On fit remarquer que d’autres hauts dignitaires avaient été emprisonnés ou exécutés pour s’être opposés au communisme, tandis que les prêtres approuvés pouvaient aller et venir librement et conserver leurs fonctions.
Que les chefs religieux fussent ou non des agents spéciaux du gouvernement, l’effet était le même. Ils travaillaient en étroit accord avec les dirigeants communistes pour réaliser les objectifs de ces derniers. Or, un de ces objectifs était toujours la destruction de la religion.
Des objectifs inchangés
Les actes officiels et les déclarations du gouvernement montraient bien que le but final restait la destruction de la religion. Par exemple, malgré les concessions faites à l’Église en échange de son soutien, le prosélytisme était toujours interdit et l’athéisme continuait d’être une condition sine qua non pour être membre du parti communiste.
En outre, l’instruction religieuse n’avait pas été rétablie dans les écoles. L’athéisme y était officiellement enseigné, et cet enseignement incluait de la propagande antireligieuse. On s’occupait activement de promouvoir l’athéisme parmi les membres des “Jeunes pionniers” et de l’“Union de la jeunesse communiste”. La politique du parti a été résumée dans ce conseil publié dans la Komsomolskaya Pravda, journal officiel de la ligue de la jeunesse :
“Les jeunes communistes ne doivent pas seulement être des athées convaincus et opposés à toute superstition [religion], mais ils doivent encore combattre activement la diffusion des superstitions et des préjugés parmi la jeunesse.”
La mort de Staline n’a pas écarté l’objectif final des Soviétiques concernant la religion. Vers la fin des années 1950 et surtout au début des années 1960, quand Nikita Khrouchtchev était Premier ministre, on exerça de fortes pressions sur toutes les Églises. On constata plus tard les résultats de ces pressions. Voici ce qu’écrivit Peter Grose, journaliste au New York Times :
“On commence à découvrir l’étendue des dommages causés à l’édifice religieux en Union soviétique durant les cinq années précédant 1964. En Russie, les ecclésiastiques dissidents ont prétendu que 10 000 lieux de culte ont été fermés au cours de cette période (...).
“On mit sur pied une vaste bureaucratie ayant pour but de maintenir toutes les activités de l’Église sous le contrôle du pouvoir civil.”
On peut donc dire que si les chefs communistes ont apporté certaines modifications à leur combat contre la religion, leurs objectifs restent inchangés. Ils travaillent sans relâche à la destruction complète de la religion en Union soviétique.
Après toutes ces années d’opposition, que reste-t-il de la religion dans ce pays ? Plus exactement, quelle est la force de la religion en Union soviétique à notre époque ?
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Quelle est la force de la religion en URSS aujourd’hui ?Réveillez-vous ! 1973 | 8 août
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Quelle est la force de la religion en URSS aujourd’hui ?
L’UNION soviétique ne publie plus de statistiques officielles sur la religion. Mais elle l’a fait pendant un certain temps. Ces statistiques anciennes, les récits de témoins oculaires et d’autres rapports rédigés au cours des années permettent de se faire une idée assez complète de la situation.
On peut ainsi savoir ce qu’il est advenu des “croyants” ainsi que du clergé de la religion traditionnelle, ce qu’est devenue la puissance de cette religion et quelle est la situation des églises, des séminaires et des couvents. Cette vue d’ensemble révèle une tendance très nette.
Combien y a-t-il de “croyants” ?
Avant la Première Guerre mondiale, l’édition de 1911 de l’Encyclopédie britannique déclarait : “Selon des rapports officiels publiés [par la Russie] en 1905, les membres des différentes religions dans tout l’Empire russe étaient au nombre (...) de 125 640 020.”
Puisque, à cette époque, la population comptait environ 143 000 000 d’habitants, 87 pour cent des Russes appartenaient donc à une Église. Vraisemblablement, le nombre des “croyants” était plus élevé encore si l’on ajoute ceux qui croyaient en Dieu sans pour cela pratiquer un culte.
De ce qui précède, il ressort fondamentalement qu’avant l’essor du communisme la Russie était profondément religieuse. L’écrasante majorité des gens appartenaient à une religion ou affirmaient croire en Dieu. Que s’est-il passé depuis lors ?
En 1937, l’Union soviétique effectua un recensement spécial pour déterminer l’attitude du peuple à l’égard de la religion. Environ 50 000 000 de citoyens se déclarèrent “croyants”. En 1939, la population de l’Union soviétique était estimée à 170 000 000 d’habitants. Par conséquent, vers la fin des années 1930, moins d’un tiers des citoyens soviétiques se disaient “croyants”. Après vingt ans de régime communiste, la proportion des gens “croyants” était donc passée de 90 pour cent à quelque 30 pour cent.
En 1970, le New York Times publia un rapport du Mouvement pour les droits des minorités, organisme d’enquêtes ayant son siège à Londres. Le journal disait : “Le rapport estime que l’Église orthodoxe russe compte 30 millions de fidèles sur une population de 237 millions d’habitants.” En 1971, le Herald-Examiner de Los Angeles déclara : “Il n’existe aucune estimation officielle concernant le nombre d’orthodoxes pratiquants en Union soviétique. Les estimations officieuses parlent de plus de 20 millions.”
Si l’on considère que les “croyants” appartenant à d’autres cultes totalisent seulement quelques millions, la tendance est nette. En réalité, la situation des Églises est plus mauvaise qu’il ne semble, car beaucoup de “croyants” ne sont pas pratiquants, alors que ce n’était pas le cas avant la révolution de 1917.
Le Daily Post de Kotorua, en Nouvelle-Zélande, s’exprime comme suit : “Une étude récente faite à Pskov [dans la partie occidentale de l’Union soviétique] révèle que 13 pour cent des habitants de cette ville se considèrent comme croyants.” Selon l’interprétation du journal, ces chiffres signifieraient que dans cette région, la religion est forte. En réalité, c’est le contraire. Alors qu’avant 1917 près de 90 pour cent des gens étaient “croyants”, aujourd’hui, seulement 13 pour cent le sont.
Par conséquent, si ces chiffres signifient quelque chose, c’est bien qu’après cinquante-cinq ans d’endoctrinement athée, le peuple de l’Union soviétique est en train d’abandonner la religion. Les jeunes générations ont l’esprit imprégné de conceptions qui les détachent de la religion. Chaque année, elles forment un pourcentage plus grand de la population, tandis que s’éteint l’ancienne génération des “croyants”.
L’Église orthodoxe dévastée
L’Église orthodoxe russe a subi de terribles pertes. Non seulement le nombre des “croyants” diminue, mais également le nombre d’églises, de prêtres et de gens travaillant pour le culte. En 1959, l’Encyclopédie britannique parlait en ces termes de l’Église orthodoxe : “En 1914, il y avait en Russie 55 173 églises et 29 593 chapelles.” Cela faisait un total d’environ 85 000 édifices pour le culte. En 1955, il en restait à peu près 20 000.
La même source nous donne les chiffres suivants :
1914 1955
Prêtres 112 629 32 000
Couvents 1 025 70
D’autres sources fournissent des chiffres semblables. Par exemple, le livre L’Europe depuis 1939 (angl.) dit qu’en 1959 le nombre des églises était d’environ 20 000 et celui des membres du clergé, 32 000. Il estime à 90 le nombre de couvents.
À la fin des années 1950 et au début des années 1960, d’autres églises, encore furent fermées. Le New York Times cite “une étude faite par deux prêtres orthodoxes de Moscou selon laquelle 10 000 églises ont été fermées pendant la dernière partie du régime de M. Khrouchtchev, à peu près la moitié de celles qui étaient encore ouvertes.” Le même journal ajoute : “Une publication soviétique officielle de 1966 estime le nombre des églises à 7 500.”
La situation dans les grandes villes est caractéristique. Le Herald-Examiner de Los Angeles écrit : “En 1917, Moscou comptait plus de 600 églises pour une population d’un million d’habitants. Il n’y en a plus à présent que 40 ou 50 pour une population de sept millions d’habitants, et certaines de ces églises ont à peine la dimension d’une chapelle.” Un rédacteur du Christian Century, qui a visité cinq fois l’Union soviétique, confirme ce fait, disant : “Combien y a-t-il d’églises orthodoxes ouvertes à Moscou ? Quarante.” À Moscou, le cœur même de la religion avant l’ère communiste, les églises ont pratiquement disparu. Selon le Herald-Examiner, “il est rare qu’on en construise une nouvelle”.
La situation est la même à Leningrad. On lit dans le Christian Century : “Considérez Leningrad, une ville de cinq millions d’habitants. Il y a quatorze églises ouvertes.” Cependant l’article montre que ces églises sont “bondées chaque dimanche matin”. Le lecteur pourrait donc en conclure qu’il y a un regain d’intérêt pour l’Église orthodoxe.
Ce n’est pourtant pas le cas. Supposons qu’il y ait trois églises avec chacune une congrégation de 1 000 membres. Au cours des années, chaque congrégation descend à 500 membres, et deux églises sont fermées. Que se passe-t-il alors ? Vraisemblablement, on voit 1 500 personnes essayant de s’entasser dans l’église qui reste. Un observateur occasionnel pourrait conclure à un puissant renouveau, une véritable “résurrection” parce que cette seule église est bondée. En réalité, il y a moins de gens pratiquant une religion dans cette région ; mais à cause de la fermeture continuelle des églises, celle qui reste est bondée.
Qui fréquente encore l’église ?
Qui sont généralement ces gens qui fréquentent encore les églises orthodoxes ? Peter Grose, correspondant du New York Times, écrivit :
“Chaque fois que j’ai visité une église soviétique (...), j’y ai vu de pauvres vieilles femmes, la tête couverte d’un fichu, assises dans les coins sombres. Elles respiraient l’encens et semblaient avoir perdu tout intérêt pour la vie qui les entoure.
“Si c’est cela la religion, alors les bâtisseurs du communisme n’ont pas grand-chose à craindre, ni maintenant, ni plus tard.”
Le Herald-Examiner de Los Angeles dit encore : “Ceux qui assistent au culte sont peu nombreux ; ce sont surtout des personnes âgées et surtout des femmes.”
Que faut-il alors penser des rapports selon lesquels la jeunesse se tourne vers la religion ? Le Daily Post de Nouvelle-Zélande répond à cette question : “En Russie, certains jeunes (peu nombreux) se tournent vers la [religion] orthodoxe pour des raisons plus esthétiques que spirituelles.” Autrement dit, ils assistent au culte, non pour apprendre les vérités divines, mais pour des raisons d’art, de culture, de curiosité ou même de superstition. Comme le dit bien l’Annuaire de l’Encyclopédie britannique pour 1972, “les jeunes nouvellement convertis à la foi orthodoxe ne comprenaient pas la liturgie et ne se souciaient pas des sermons, mais étaient néanmoins baptisés”.
Dans son livre La maison sans toit (angl.), Maurice Hindus parle ainsi des jeunes gens qui fréquentent les églises :
“Il serait téméraire de parler d’un mouvement populaire. Dans son immense majorité, la jeunesse soviétique est soit athée, soit complètement indifférente à la religion orthodoxe.
“Même parmi les cosaques du Kouban, reconnu de tout temps comme la région la plus pieuse du pays, la jeunesse a pratiquement cessé de fréquenter l’église. Tandis que je traversais en voiture les villages cosaques, le dimanche matin, je voyais des groupes de jeunes gens qui se promenaient dans les rues ou jouaient dans les parcs ; mais ils n’allaient pas à l’église. Je n’ai pas vu dans une seule église un nombre important de jeunes gens.”
La conclusion suivante s’impose : l’Église orthodoxe russe autrefois toute-puissante est moribonde. Selon Peter Grose, elle n’est plus que “l’ombre de ce qu’elle était avant la révolution bolchevique”. Anatole Y. Levitin, théologien et historien de l’Église orthodoxe, dit également :
“L’Église russe est malade, gravement malade. Elle souffre surtout de ce mal très ancien, le ‘césaro-papisme’, la soumission aux autorités séculières.
“On y voit des évêques qui font penser aux branches d’un figuier mort, stérile et inutile, des adhérents gangrenés qui (...) la corrompent par leurs exhalaisons putrides et lui injectent le poison jusque dans ses profondeurs les plus secrètes.”
Comme le dit bien Levitin, la “gangrène” existe aux niveaux les plus élevés. On l’a encore constaté en 1971 quand le nouveau patriarche, Pimen, remplaça Alexis, mort l’année précédente. Au sujet de Pimen, l’Annuaire de l’Encyclopédie britannique pour 1972 déclare : “Il s’est montré pleinement d’accord avec la politique du gouvernement.”
C’était tellement manifeste que, selon le périodique Time du 3 avril 1972, un éminent écrivain russe “accusa le patriarche Pimen, chef de l’Église orthodoxe russe, de soumission abjecte à la politique antireligieuse du Kremlin”. Il “reprocha à la hiérarchie de s’incliner devant les mesures comme la fermeture des églises, la répression des prêtres dissidents et l’interdiction de l’instruction religieuse des enfants”.
Une chose est certaine, le clergé orthodoxe russe est en train d’assister aux funérailles de sa propre religion. Mais que deviennent les autres religions ? Se trouvent-elles en meilleure posture ?
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Que deviennent les autres religions ?Réveillez-vous ! 1973 | 8 août
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Que deviennent les autres religions ?
SELON une liste des délégués de diverses Églises ayant assisté à une conférence à Zagorsk, près de Moscou, il y a au moins vingt-trois autres religions reconnues par le gouvernement soviétique. Elles ont l’autorisation de célébrer le culte dans leurs lieux de réunions.
Citons les musulmans, les luthériens, les catholiques, les baptistes, les orthodoxes géorgiens et arméniens, les juifs, les bouddhistes et quelques autres Églises moins importantes. Évidemment, ce sont là des minorités, en comparaison de l’Église orthodoxe russe. Toutes ensemble, elles ne représentent que quelques millions de gens pour l’Union soviétique tout entière.
Mais le fait que ces autres religions sont ‘reconnues’ par le gouvernement est significatif. Cela montre qu’elles aussi ont fait des compromis avec les dirigeants communistes. La preuve en est qu’il existe des religions non reconnues, qui ne peuvent tenir de réunions. Le plus important de ces groupements religieux est celui des témoins chrétiens de Jéhovah. À maintes reprises, ils ont demandé à être enregistrés comme religion, mais en vain.
Les religions ‘reconnues’ agonisent
À quelques exceptions près, les religions ‘reconnues’ sont en train de mourir. Le livre L’Europe depuis 1939 (angl.) dit entre autres choses : “Quelque 15 millions de musulmans, en Asie soviétique, ont tendance à s’assimiler au style de vie communiste ; sous les pressions officielles, ils abandonnent leur loyalisme envers l’Islam ainsi que leurs coutumes particulières. Un Américain, qui a récemment visité la république soviétique d’Ouzbékistan, autrefois musulmane, a dit : “La majorité des citoyens de cette contrée musulmane ont abandonné les pratiques de leur religion.”
Il fut un temps où le bouddhisme était prépondérant dans les régions soviétiques orientales. Mais d’après le journaliste Peter Grose, à présent les bouddhistes “doivent faire face au dépeuplement rapide des communautés religieuses, à l’âge avancé des lamas et, par-dessus tout, à la servilité des dirigeants bouddhistes qui, faisant écho à la politique étrangère des Soviétiques, saluent leurs coreligionnaires de l’étranger avec des déclarations sur la liberté religieuse en Union soviétique”.
La situation du judaïsme est la même. Grose déclare que les tactiques de l’Union soviétique “ont porté un coup terrible à la communauté juive d’URSS”. Il ajoute : “Les juifs soviétiques ont presque cessé d’exister en tant que collectivité ; (...) le démembrement de la communauté juive a toujours été un but constant depuis le début de l’ère soviétique.” Il fait également remarquer que la communauté juive manque de direction. Un père de famille juif déclara en effet : “Nos rabbins ont renoncé trop facilement.” En outre, la jeune génération a généralement abandonné les pratiques du judaïsme.
Que penser cependant des rapports laissant croire à un regain d’intérêt à l’égard du yiddish, même parmi la jeunesse ? Il est vrai que ces dernières années, le gouvernement a permis la publication d’un journal littéraire en yiddish, le Sovetish Heimland, dont le tirage va croissant. Mais son rédacteur en chef est communiste ! Quand on demanda à ce dernier s’il imprimait des articles religieux, il comprit manifestement mal, car il répondit : “Non, nous n’imprimons que peu d’articles contre la religion.” Lorsqu’on lui fit remarquer qu’on voulait parler d’articles favorables à la religion, il se mit à rire. “Nous ne nous occupons pas du tout des intérêts de la synagogue”, dit-il alors. Ainsi, quelle que soit la culture que dispensent les publications yiddish, elle est en harmonie avec les buts communistes, mais non avec ceux du judaïsme.
Le rapport du Mouvement pour les droits des minorités donne une estimation “raisonnablement exacte” du nombre de synagogues encore ouvertes en Union soviétique. De 3 000 en 1917, elles ne sont plus que 40 ou 50 à présent. Étant donné la politique soviétique récente qui permet à certains juifs d’émigrer en Israël, les juifs pratiquants seront encore moins nombreux.
De temps à autre, la presse étrangère contient des comptes rendus qui semblent indiquer un certain regain d’intérêt parmi les baptistes. Ces derniers forment l’une des religions ‘reconnues’ en Union soviétique. Voyons ce que dit le livre La Russie (angl.), publié par les éditions Time. Nous citons :
“Le visiteur qui se rend à l’église baptiste de Moscou, le seul lieu de culte protestant de la capitale, trouvera peut-être 2 000 personnes entassées dans un bâtiment prévu pour quelques centaines. Même les balcons provisoires présentent une mer de visages recueillis.
“Cependant, si l’on regarde d’un peu plus près n’importe quelle congrégation en Union soviétique, on s’aperçoit que la plupart des fidèles sont des personnes âgées, nées et élevées avant la révolution. Neuf sur dix sont des femmes. En province, la proportion des jeunes est légèrement plus élevée.
“Il serait fallacieux d’interpréter ce qui précède comme un renouveau religieux parmi la masse. À mesure que disparaîtra l’ancienne génération, il est vraisemblable que la religion aura encore moins de poids dans la vie soviétique.”
Pourquoi la religion baptiste est-elle ‘reconnue’ par le gouvernement communiste ? Grose, correspondant du New York Times, fournit une indication. Il cite le cas de 400 baptistes mécontents, qui ont adressé une pétition au gouvernement soviétique pour obtenir l’autorisation de former une nouvelle organisation religieuse. Quelle était la raison de ce mécontentement ? Grose dit : “Les [400] croyants avaient le sentiment que les chefs baptistes s’étaient montrés trop accommodants avec les autorités de l’État.” La pétition fut repoussée ; certains dissidents furent mis en prison, d’autres rejoignirent l’organisation nationale.
C’est encore un exemple prouvant que les dirigeants soviétiques ‘reconnaissent’ uniquement les religions qui leur sont totalement soumises, du moins jusqu’à présent.
Conclusion inéluctable
La conclusion est inéluctable : En Russie soviétique, les religions de la chrétienté et du paganisme sont étouffées lentement, mais sûrement.
Dans l’esprit de la plupart des gens, elles sont remplacées par l’athéisme, le matérialisme, la science, les réalisations économiques, les sports, la culture et le culte de l’État, dispensateur de tout progrès. Tels sont les succédanés offerts à l’inclination naturelle de l’homme à se tourner vers quelque chose de plus élevé, vers Dieu.
La situation en Union soviétique est bien telle que l’a décrite un historien : “À part quelques régions isolées où règnent encore la dévotion et le zèle religieux, la religion organisée semble être une institution moribonde.” En fait, elle est également moribonde dans le reste du monde. Elle l’est plus encore en Union soviétique où le clergé n’exerce aucune direction véritable, où il n’y a aucun enseignement convenable concernant Dieu dans les églises ou dans les foyers, et où le gouvernement a lancé toutes ses forces contre elle depuis cinquante ans.
Faut-il en déduire que dans l’avenir, l’Union soviétique ne sera pratiquement habitée que par des athées ? N’y aura-t-il plus aucune religion dans ce pays ? C’est peut-être la tendance actuellement, mais ce ne sera pas le cas dans un avenir rapproché.
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L’avenir de la religion en Union soviétiqueRéveillez-vous ! 1973 | 8 août
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L’avenir de la religion en Union soviétique
IL N’Y a aucun doute quant à l’avenir de la religion en Union soviétique. Il a déjà été défini. Par qui ? Par les communistes ? Par les religions de la chrétienté ou du paganisme ?
Non, ce n’est pas à eux d’en décider. Ce ne sont pas les hommes qui vont déterminer l’avenir de la religion dans ce pays. Pourquoi ? Parce que aussi bien la chrétienté que le paganisme ou le communisme n’ont pas tenu compte de Dieu et de ses desseins.
C’est Dieu qui a décidé de l’avenir de la religion en Union soviétique. Parlant de la réalisation de ses desseins, il nous donne cette assurance dans sa Parole : “Mes arrêts subsisteront, et j’exécuterai toute ma volonté.” (És. 46:10). Quoi que fassent les communistes soviétiques ou les religions traditionnelles, Dieu accomplira son dessein relatif à la partie de la terre qui forme aujourd’hui l’Union soviétique. — És. 14:27 ; 55:8-11.
Quand ? Dans un avenir proche. La Parole de Dieu nous montre clairement que le moment est très proche où il ne permettra plus aux hommes de pratiquer l’iniquité. Le délai qu’il leur a accordé touche à sa fin. Celle-ci sera marquée par des changements très grands dans la société, non seulement en Union soviétique, mais sur toute la terre.
Mais quel est au juste le dessein de Dieu pour notre époque ? Il fera disparaître de toutes les nations, y compris l’Union soviétique, tout individu et toute organisation qui transgressent ses lois. Cela signifie la destruction de tout le présent système de choses inique qui domine la terre. Il sera remplacé par un ordre nouveau établi par Dieu et peuplé de créatures respectant ses lois. Seules ces personnes survivront à la fin du présent système de choses et continueront à vivre sur la terre. La Parole de Dieu déclare : “Jéhovah garde tous ceux qui l’aiment, et il détruit tous les méchants.” — Ps. 145:20, Crampon 1905.
Déjà maintenant, en Union soviétique comme dans le reste du monde, il existe des gens qui aiment Jéhovah. Ils obéissent à ses lois et pratiquent le vrai christianisme. Sont-ils nombreux en Union soviétique ? Doit-on s’attendre à ce qu’il en
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