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Allemagne (1re partie)Annuaire 1974 des Témoins de Jéhovah
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jours faire le salut hitlérien. Quand je refusais, j’étais battu, mais, fortifié par mes parents, je me réjouissais d’être resté fidèle. Parfois cependant, la crainte du châtiment corporel ou de la situation me faisait dire ‘Heil Hitler’. Je me souviens alors dans quel état je rentrais à la maison, les yeux remplis de larmes et comment nous nous mettions ensemble à prier Jéhovah, ce qui me redonnait du courage pour résister aux prochaines attaques de l’ennemi. Puis, tout recommençait.
“Un jour, la Gestapo est venue perquisitionner à notre maison. L’un de ces S. S. aux larges épaules a demandé à ma mère : ‘Êtes-vous témoin de Jéhovah ?’ Je la vois comme si c’était hier, penchée sur la porte, répondant avec assurance ‘Oui !’, sachant pourtant parfaitement que cela provoquerait tôt ou tard son arrestation. C’est arrivé deux semaines plus tard.
“Ma mère s’occupait de ma petite sœur, qui allait avoir juste un an le lendemain, quand la police est arrivée avec un mandat d’arrêt contre elle (...). Mon père étant encore à la maison à ce moment-là, nous sommes restés sous sa dépendance (...). Deux semaines plus tard, mon père a également été arrêté. Je le revois encore, accroupi devant le fourneau de la cuisine et regardant fixement le feu. Avant de partir à l’école, je l’ai serré dans mes bras aussi fort que je pouvais, mais il ne s’est pas retourné pour me regarder. J’ai bien souvent réfléchi au dur combat qu’il a dû mener et je suis reconnaissant envers Jéhovah de ce qu’il lui ait accordé la force nécessaire pour me donner le bon exemple. Quand je suis revenu à la maison, j’étais seul. Mon père avait été appelé au service militaire et il était allé expliquer son refus au bureau de recrutement de la ville. Il a aussitôt été arrêté. Mes grands-parents et d’autres membres de notre famille — tous opposés aux témoins de Jéhovah et dont certains appartenaient au parti nazi — ont entrepris des démarches pour que ma petite sœur de un an et moi-même soyons mis sous leur garde au lieu d’être placés dans une maison de jeunes ou peut-être même dans une école de correction. Mon autre sœur, qui avait vingt et un ans, a été arrêtée deux semaines après mon père, et elle est morte en prison trois semaines plus tard des conséquences de la diphtérie et de la scarlatine.
“Ma petite sœur et moi vivions désormais chez nos grands-parents. Je me souviens avoir prié à genoux devant le lit de ma petite sœur. Je n’avais pas le droit de lire la Bible, mais je suis passé outre à cette interdiction après qu’une voisine m’eut donné une bible en cachette.
“Une fois, mon grand-père, qui n’était pas dans la vérité, a rendu visite à mon père en prison. Il en est revenu vivement indigné et dans une grande colère. ‘Ce criminel, ce bon à rien ! Comment peut-il abandonner ses enfants ?’ Les mains et les pieds enchaînés, mon père a été conduit devant mon grand-père qui, avec d’autres, s’est efforcé de lui prouver qu’il devait entreprendre le service militaire pour le bien de ses enfants. Mais il est resté fidèle et a fermement repoussé cette proposition. Là-dessus, un agent a fait cette remarque à mon grand-père : ‘Même si cet homme avait dix enfants, il n’agirait pas autrement.’ Cette phrase était terrible pour mon grand-père, mais pour moi, elle prouvait que mon père maintenait son intégrité et que Jéhovah le soutenait.
“Quelque temps plus tard, j’ai reçu une lettre de mon père ; la dernière. Étant donné qu’il ignorait où ma mère était enfermée, c’est à moi qu’il a écrit. Je suis monté dans la mansarde et j’ai lu les premiers mots : ‘Au moment où tu recevras cette lettre, réjouis-toi, car j’ai enduré jusqu’à la fin. Dans deux heures, je vais subir ma condamnation. (...)’ J’étais triste et je pleurais en lisant cette lettre, bien que je n’en aie pas saisi toute la portée comme maintenant.
“Devant tous ces événements capitaux, je suis resté relativement fort. Jéhovah m’accordait sans aucun doute la force indispensable pour résoudre mes problèmes. Mais Satan utilise de nombreuses méthodes pour attirer quelqu’un dans un piège. Je ne devais pas tarder à l’apprendre. Un membre de ma famille a fait une démarche auprès de mes professeurs en leur demandant d’être patients à mon égard. Tout d’un coup, ils sont tous devenus extrêmement gentils avec moi. Les professeurs ne me punissaient plus, même si je ne saluais pas en disant ‘Heil Hitler’, et les membres de ma famille sont devenus particulièrement bons envers moi. C’est alors que j’ai changé.
“De moi-même, je me suis rallié à la Jeunesse hitlérienne. Personne ne m’y obligeait et, de plus, quelques mois seulement nous séparaient de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Là où Satan avait échoué en employant la force, il avait réussi en employant la flatterie et la ruse. Je peux aujourd’hui affirmer qu’une persécution brutale venant de l’extérieur met à l’épreuve notre fidélité, mais que les attaques sournoises et indirectes de Satan sont aussi dangereuses. Je comprends désormais à quelles épreuves la foi de ma mère était soumise en prison. J’avais reçu la dernière lettre de mon père confirmant qu’il était resté fidèle à son vœu jusqu’à la mort et cela m’a procuré beaucoup de force. De son côté, ma mère avait reçu ses vêtements et ses costumes, sur lesquels des taches de sang bien visibles apportaient le témoignage muet des souffrances de sa mort. Par la suite, ma mère m’a confié qu’elle avait eu beaucoup de mal à supporter toutes ces choses, mais à cette époque-là, l’épreuve la plus cruelle venait de mes lettres indiquant que j’avais cessé de servir Jéhovah.
“La guerre a fini rapidement. Ma mère est rentrée à la maison et elle m’a aidé à revenir sur la voie qui mène à l’offrande de soi. Elle a continué de m’élever en cultivant chez moi l’amour de Jéhovah et la fidélité à mon vœu. En jetant un coup d’œil sur le passé, je constate que j’ai connu à cette époque-là pratiquement les mêmes problèmes qu’un grand nombre de nos jeunes frères doivent affronter de nos jours. Mais ma mère n’a jamais cessé de lutter pour m’aider à rester sur le chemin menant à l’offrande de soi. Grâce à la bonté imméritée de Jéhovah, j’ai le privilège d’être dans le service à plein temps depuis vingt-deux ans. Sur ce total, j’ai passé six ans et quatre mois en prison en Allemagne de l’Est, incarcéré comme mes parents.
“Je me suis souvent demandé, ce que j’avais fait dans le passé pour mériter tant de bénédictions de Jéhovah. Aujourd’hui, je crois que les prières de mes parents, y ont été pour quelque chose. Mon père et ma mère n’auraient pu me donner un meilleur exemple de conduite chrétienne que celui qu’ils m’ont donné dans leur vie.”
On connaît 860 cas précis où des enfants ont été enlevés à leurs parents, bien que le chiffre exact puisse être beaucoup plus élevé. Étant donné la cruauté d’un tel traitement, il n’est pas étonnant que les autorités en soient arrivées à empêcher des parents d’avoir des enfants en déclarant simplement qu’un des deux conjoints souffrait d’une “maladie héréditaire”. Selon la loi, il devait alors subir une opération le rendant stérile.
PROCÉDÉS UTILISÉS LORS DES INTERROGATOIRES
Un procédé cruel consistait à laisser le conjoint et d’autres membres de la famille connaître le supplice subi par ceux qu’ils aimaient. Emil Wilde décrit la cruauté de ce traitement. On l’a obligé à entendre de sa cellule les cris de sa femme littéralement torturée à mort.
“Le 15 septembre 1937, dit-il pour commencer, vers cinq heures du matin, deux agents de la Gestapo sont venus perquisitionner à notre domicile, après avoir tout d’abord interrogé mes enfants. Ensuite, ma femme et moi avons été emmenés au siège de la police et nous avons aussitôt été enfermés dans des cellules. Nous devions subir notre premier interrogatoire environ dix jours plus tard. On m’a appris que ma femme devait également être interrogée le même jour, ce qui s’est révélé exact.
“De midi jusque vers une heure, j’ai entendu les cris stridents d’une femme qu’on était en train de rouer de coups. Les cris devenant plus forts, je les ai entendus plus distinctement et j’ai reconnu la voix de ma femme. J’ai sonné et j’ai demandé pourquoi on frappait ainsi ma femme. On m’a répondu qu’il ne s’agissait pas d’elle, mais d’une femme qui méritait d’être punie pour sa mauvaise conduite. En fin d’après-midi, les hurlements ont repris et sont devenus si forts que j’ai de nouveau sonné pour me plaindre des brutalités infligées à ma femme. La Gestapo refusait toujours d’avouer qu’il s’agissait d’elle. Au cours de la nuit, vers une heure du matin, je n’en pouvais plus et j’ai de nouveau sonné. Cette fois, un officier, dont je ne connais pas le nom, est arrivé en disant : ‘Si vous sonnez encore une fois, nous vous ferons subir le même sort que votre femme !’ Un long silence a ensuite régné dans toute la prison, car entre-temps ils avaient transporté ma femme dans un hôpital psychiatrique. Le 3 octobre, Classin, chef geôlier de la Gestapo, est entré tôt le matin dans ma cellule et a déclaré que ma femme était morte à l’hôpital psychiatrique. Je lui ai dit en face qu’ils étaient responsables de sa mort et, le jour de son enterrement, j’ai porté plainte pour meurtre contre la Gestapo. En revanche, celle-ci m’a attaqué en diffamation.
“Cela signifiait que j’aurais deux procès au lieu d’un seul. Lorsque le jugement a eu lieu, deux sœurs se sont présentées au cours de l’interrogatoire spécial du tribunal et ont témoigné en ces termes : ‘Nous avons entendu Madame Wilde crier : “Démons, vous me battez à mort.”’ Le juge répliqua : ‘Mais elles ne l’ont pas vue, elles n’ont fait que l’entendre. Je vous condamne à un mois de prison.’ Plusieurs sœurs, qui ont vu ma femme après sa mort, ont confirmé qu’elle avait été atrocement défigurée par de grosses balafres à la gorge et au visage. On m’a refusé l’autorisation d’assister à l’enterrement.”
Dans d’autres cas, on s’est efforcé d’engourdir les frères par l’hypnose. Quelques-uns ont reçu de la nourriture mélangée avec des narcotiques, de sorte que pendant un certain temps ils ne savaient plus ce qu’ils disaient. Pour en contraindre d’autres à avouer, on les laissait toute une nuit les mains et les pieds attachés derrière le dos. Certains, n’arrivant pas à supporter des tortures aussi horribles, ont fourni à la Gestapo des renseignements sur la façon dont l’œuvre des témoins de Jéhovah était organisée et accomplie.
DES AGENTS ET DES PATRONS BIENVEILLANTS
Bien que des agents se soient servi du ‘nouveau langage puissant et fort’, qui caractérisait particulièrement les chefs du nouvel État, tiré du Führerprinzip (principe du chef), il était cependant réconfortant de trouver çà et là des policiers qui pouvaient encore, dans leurs relations avec les témoins libres ou en prison, faire preuve de compassion pour leurs semblables.
Étant donné son refus de faire le “salut hitlérien” et de s’engager dans le Front du travail, Carl Göhring a été licencié de son emploi dans une compagnie privée des chemins de fer de l’entreprise Leuna à Mersebourg. Le bureau d’emploi n’a pas voulu lui trouver du travail et l’assistance sociale a refusé de subvenir un tant soit peu à ses besoins. Mais Jéhovah, qui sait ce qui est nécessaire à son peuple, a fait en sorte que frère Göhring ne tarde pas à trouver du travail dans une usine de papeterie à Weissenfels. Son directeur, un certain Monsieur Kornelius, engageait tous les frères du voisinage qui avaient été licenciés de leur travail et n’exigeait d’eux rien qui soit opposé à leur conscience.
Comme cela s’est révélé par la suite, il existait d’autres patrons comme cet homme, mais peu nombreux. Grâce à cela, un bon nombre de frères ne sont pas tombés dans les griffes de la Gestapo.
Il y avait aussi certains magistrats qui, dans leur for intérieur, n’étaient pas du tout d’accord avec les méthodes violentes employées par le gouvernement de Hitler. Surtout au début, plusieurs juges faisaient signer aux frères un papier non compromettant, déclarant simplement qu’ils s’abstiendraient de toute activité politique. Étant donné que les frères pouvaient le signer sans faire de restriction, ils ont ainsi pu conserver leur liberté.
Les perquisitions à domicile montraient souvent que tous les agents ne haïssaient pas autant les témoins de Jéhovah que les apparences le faisaient croire. Le frère et la sœur Poddig s’en sont rendu compte quand leur maison a été perquisitionnée. Ils venaient de recevoir du courrier, des exemplaires de La Tour de Garde ainsi que d’autres imprimés, envoyés des Pays-Bas par la sœur charnelle de sœur Poddig. Tout à coup, la sonnette d’entrée résonna, avant qu’ils aient pu commencer à lire quoi que ce soit.
“Vite, s’est écrié sœur Poddig, cachez tout dans le garde-manger et fermez la porte.” Étant donné que cela aurait pu attirer l’attention, elle a cependant décidé au dernier moment de laisser la porte ouverte. Entre-temps, l’agent de la Gestapo, suivi par un S. A., pénétrait dans la maison. “Eh bien, commençons par là !”, dit-il en désignant le garde-manger dont la porte était ouverte. Brusquement, le petit garçon de frère Poddig s’est écrié : “Vous pourriez chercher un bon moment avant de trouver quoi que ce soit dans le garde-manger.” Cela a fait rire l’agent qui a répondu : “Bon, eh bien, passons dans l’autre pièce !” La fouille n’a rien donné. En réalité, frère Poddig et sa famille ont eu l’impression qu’ils — au moins l’agent de la Gestapo — ne désiraient pas trouver quelque chose. Il était évident que le S. A. pensait que la fouille avait été insuffisante et qu’il désirait la poursuivre. Mais l’agent de la Gestapo l’a réprimandé et lui a interdit de chercher davantage. Au moment de partir, il s’est retourné tout à coup et a murmuré à l’oreille de sœur Poddig : “Madame Poddig, écoutez ce que je vous dis. On emmènera vos enfants parce qu’ils n’appartiennent pas à la Jeunesse hitlérienne. Expédiez-les ailleurs, même si ce n’est que pour sauver les apparences.” Frère Poddig écrit : “Les deux agents sont ensuite partis et nous avons pu lire tranquillement notre courrier des Pays-Bas. Nous remercions Jéhovah des nombreux nouveaux points et de La Tour de Garde qui s’y trouvait une fois de plus.”
DÉJOUÉS
Bien sûr, il existe un grand nombre de cas où des agents de la Gestapo ont apparemment été frappés d’aveuglement tandis qu’ils effectuaient leurs perquisitions et où leurs entreprises ont souvent été déjouées par les actions rapides des frères, ce qui montre nettement la protection de Jéhovah et le soutien des anges.
Sœur Kornelius, de Marktredwitz, déclare : “Un jour, d’autres policiers sont venus perquisitionner à notre domicile. Nous possédions plusieurs publications, y compris quelques exemplaires de La Tour de Garde polycopiés. Sur le coup, je n’ai pas vu d’autre possibilité que de les mettre dans une cafetière vide, qui se trouvait justement sur la table. Étant donné qu’ils regardaient partout, ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils trouvent la cachette. À ce moment-là, ma sœur charnelle est arrivée à l’improviste. Immédiatement, je lui ai dit : ‘Tiens, tu peux emmener ton café.’ Tout d’abord, elle semblait interloquée, puis elle a compris ce que je voulais dire et elle est partie aussitôt en emportant la cafetière. Les publications étaient sauvées et les agents n’ont pas remarqué que leurs plans venaient d’être déjoués.”
Voici l’histoire amusante que racontent frère et sœur Kornelius sur Siegfried, leur fils de cinq ans. À l’époque, ce dernier n’avait aucun problème avec le “salut hitlérien” et des choses semblables, car il n’avait pas encore atteint l’âge scolaire. Mais étant donné que ses parents l’élevaient dans la vérité, il savait que les imprimés de ses parents, qu’ils cachaient toujours après les avoir lus, étaient très importants et qu’il ne fallait pas que la Gestapo les trouve. Le jour où il a vu deux agents traverser la cour pour venir chez ses parents, il a aussitôt compris qu’ils chercheraient les imprimés qui étaient cachés. Il a su immédiatement ce qu’il devait faire pour les en empêcher. Bien qu’il n’eût pas encore l’âge d’aller à l’école, il a pris la serviette de son frère plus âgé, l’a vidée de son contenu et l’a remplie d’imprimés. Il a accroché la serviette sur son dos et il est sorti dans la rue. Il a attendu que les agents sortent à leur tour, après avoir fait une fouille infructueuse. Ensuite, il est revenu dans la maison et a caché de nouveau les imprimés à l’endroit où il les avait trouvés.
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Allemagne (2e partie)Annuaire 1974 des Témoins de Jéhovah
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Allemagne (2e partie)
ON TROUVE DES “BREBIS” EN PRISON
En prison, les frères ont rencontré des personnes de toute sorte et, bien sûr, ils leur ont parlé autant que possible de leur espérance. Ils éprouvaient une joie profonde quand un autre prisonnier acceptait la vérité. Willi Lehmbecker nous raconte
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