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  • La délivrance de la captivité babylonienne
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 13

      La délivrance de la captivité babylonienne

      LOÏS: Durant toute cette semaine, j’ai songé aux persécutions qu’ont endurées les témoins en 1918. Ce dut être quelque chose de terrible, et qui a éprouvé la foi de ceux qui, à cette époque, étaient liés à la Société.

      JEAN: C’est vrai, mais comme le déclare Matthieu 24:13, “celui qui aura enduré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé”. Chaque fois que Jéhovah permet une épreuve, il pourvoit toujours au moyen d’en sortir. Beaucoup ont fait montre d’endurance. L’œuvre ne fut pas tuée définitivement et, pendant la période où les responsables de la Société étaient emprisonnés, la voix de La Tour de Garde se faisait encore entendre, quoique faiblement.

      On n’accomplit que peu de travail au cours de cet emprisonnement. On tint quelques petites assemblées, sans toutefois déployer d’effort spécial pour y inviter le public. Ces rassemblements tendaient principalement à fortifier ceux qui marchaient encore sur le sentier de la vérité et à maintenir l’œuvre au mieux des possibilités. Comme nous l’avons vu la semaine dernière, quelques colporteurs fidèles étaient encore actifs, bien que nombre d’entre eux aient été arrêtés.

      C’est alors que, brusquement, la Première Guerre mondiale prit fin, le 11 novembre 1918. La cessation des hostilités suscita un nouvel espoir chez les frères, bien que le juge Rutherford et ses associés fussent encore détenus au pénitencier d’Atlanta. Les frères avaient maintenant une très bonne raison pour commencer une campagne active tendant à les libérer. Vint janvier 1919 et, avec ce mois-​là, la réunion annuelle du conseil d’administration de la Société Watch Tower. Le 4 janvier, à Pittsburgh, fut organisée une assemblée ayant un double objectif: d’une part, examiner les dispositions qui pourraient être prises pour réveiller les frères sur le plan spirituel et, d’autre part, procéder à l’élection des responsables.

      THOMAS: Le juge Rutherford se trouvait alors en prison. Quelles mesures allaient donc pouvoir être prises pour tenir une réunion de ce genre?

      JEAN: Beaucoup avaient cette question présente à l’esprit, et en particulier frère Rutherford lui-​même. Tous les frères emprisonnés étaient restés actifs. Bien qu’on leur eût dit, dès leur entrée en prison, qu’ils ne pourraient pas prêcher, ils conduisaient régulièrement des études bibliques au bout de quelques mois, chaque frère dirigeant sa propre étude. Ces études avaient lieu le dimanche, et environ une centaine de détenus y assistaienta. Mais frère Rutherford était inquiet au sujet des résultats de la réunion du conseil d’administration. L’un de ses compagnons de captivité, frère A. H. Macmillan [qui vivait encore lorsque le présent ouvrage a été présenté en langue anglaise, en 1959] a souvent fait état de la crainte qu’avait frère Rutherford de voir, une fois les responsables de la Société emprisonnés, les adversaires de l’organisation parvenir, d’une façon ou d’une autre, à prendre le contrôle de l’œuvre et à réduire à néant les efforts déployés durant des années pour édifier la Société.

      UN SIGNE DE CONFIANCE

      LOÏS: Que s’est-​il passé à cette réunion?

      JEAN: Deux jours avant la réunion proprement dite, on tint une assemblée générale à laquelle assistèrent plus de 1 000 frères venus des États-Unis et du Canada. Le matin du 4 janvier, le vice-président C. H. Anderson prit la parole et présenta une résolution, laquelle fut adoptée à l’unanimité par tous les assistants. Cette résolution avait pour thème

      la confiance dans l’intégrité de ces huit défenseurs et dans leur loyauté envers le gouvernement et le peuple des États-Unis, aussi bien qu’envers le Seigneur, ainsi que notre entière confiance que le jugement sera infirmé et qu’ils seront totalement disculpés lorsque tous les faits auront été reconsidérés, avec impartialité, par la Cour d’appelb.

      En raison de l’absence du président et du secrétaire-trésorier de la Société, on posa quelques questions sur l’aspect légal de la situation. Certains étaient d’avis de surseoir à l’élection et d’attendre six mois. D’autres émettaient l’opinion qu’une telle attitude de la part des membres risquerait d’être interprétée par le public comme un désaveu des frères. Une longue discussion s’ensuivit, discussion au cours de laquelle un frère définit ce qui semblait être l’opinion de la majorité. Il déclara:

      Je crois que le plus grand plaisir que nous puissions faire à notre cher frère Rutherford serait de le réélire comme président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Je ne pense pas qu’il subsiste le moindre doute dans l’esprit du public quant à la position que nous adoptons à cet égard. Si, sur le plan technique, nos frères ont violé la loi qu’ils ne comprenaient pas, nous savons que leurs motifs étaient bons. Et, devant le Dieu tout-puissant, ils n’ont pas davantage violé la loi divine que la loi humaine. Nous ferions preuve de la plus grande confiance en réélisant frère Rutherford comme président de l’Association. Je n’ai rien d’un juriste, mais lorsqu’on s’attache à l’aspect légal de la situation, je sais ce qu’est la loi de la loyauté. La loyauté, voilà ce que Dieu exige. Je ne puis imaginer plus grand témoignage de confiance que celui consistant à procéder à des élections aux fins de réélire frère Rutherford comme présidentc.

      Après une pause, on rejeta la motion qui tendait à reporter l’élection à six mois. Il paraissait évident que la grande majorité des assistants étaient partisans d’une élection, et il ne subsistait pas le moindre doute quant à la réélection de Rutherford à la fonction de président.

      L’élection eut donc lieu, et frère Rutherford fut élu président, frère C. A. Wise, vice-président, et W. E. Van Amburgh, secrétaire-trésorierd. Aucun de ceux qui avaient attaqué la Société en 1917 et 1918 n’obtinrent de voix dans les débats.

      Le mois suivant, certains journaux agitèrent l’opinion en faveur de la libération de Rutherford et de ses associése. Les témoins écrivirent des milliers de lettres aux journaux, éditeurs, membres du Congrès, sénateurs et gouverneurs, les priant instamment d’agir en faveur des responsables de la Société. Nombre de ceux qui avaient été sollicités se prononcèrent pour la libération et indiquèrent qu’ils feraient leur possible en ce sensf.

      L’effort suivant en faveur de ces frères consistait en une pétition à l’échelle nationale, pétition que l’on fit circuler en mars 1919. En peu de temps, on recueillit 700 000 signaturesg. Par son entremise, on demandait au gouvernement des États-Unis de rendre justice à ces hommes accusés faussement et emprisonnés. Cette manifestation publique constituait la preuve de la résurrection des témoins et de leur vitalité. En son temps, ce fut la plus grande pétition organisée jusque-​là, et, bien qu’elle n’ait jamais été présentée au gouvernement, elle servit à rendre un puissant témoignageh.

      LES RESPONSABLES DE LA SOCIÉTÉ SONT RELAXÉS ET JUSTIFIÉS

      THOMAS: Mais après tout le travail que représentait l’obtention de 700 000 signatures, comment s’expliquer le fait que la pétition n’ait pas été soumise au gouvernement?

      JEAN: Ce ne fut pas nécessaire. Le gouvernement avait déjà pris des mesures pour libérer les huit frères. À ce propos, il est intéressant de noter que Harlan B. Howe, juge du district fédéral, qui avait été le premier à refuser les cautions après la condamnation des frères, avait télégraphié au procureur général Gregory à Washington, le 2 mars 1919, “recommandant la commutation immédiate” des peines des huit hommes. Gregory avait envoyé un télégramme à Howe, l’invitant à faire lui-​même cette démarchei. Ils tentaient cette manœuvre parce que les frères avaient interjeté appel, et ni le procureur général ni Howe ne désiraient que cette affaire soit portée à l’attention des juridictions supérieures. Souvenez-​vous que les responsables de la Société étaient incarcérés alors qu’ils étaient en instance d’appel, et ce uniquement parce que Howe et Manton avaient refusé leur cautionnement. Cependant, cette manœuvre de Howe échoua et, le 21 marsj, Louis D. Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, ordonna la mise en liberté sous caution des huit frères, précisant que leur affaire viendrait en appel le 14 avril.

      Les frères étaient aussitôt élargis. Le mardi 25 mars, ils quittaient le centre pénitentiaire d’Atlanta et prenaient le train pour Brooklyn où ils devaient arriver le lendemain. C’est là que, le 26 mars 1919, les autorités fédérales les libérèrent contre une caution de 10 000 dollars chacun, sous réserve d’un jugement ultérieurk. Je vous laisse à penser la joie des frères de Brooklyn qui avaient été avisés de cette libération et qui étaient présents pour accueillir leurs frères de retour. Bien que le siège de la Société ait été transféré à Pittsburgh, les frères loyaux envers l’œuvre avaient prévu, à New York, un grand banquet qui eut lieu au Béthel. Certains de ceux qui y prirent part racontent qu’il n’y avait même pas de sièges en nombre suffisant, mais cet inconvénient ne refroidit pas pour autant les esprits ni n’amoindrit l’enthousiasme avec lequel furent écoutés les commentaires des frères libérés. Aussitôt après cette joyeuse rencontre, frère Rutherford et ses compagnons partirent pour Pittsburgh, où les frères du Béthel leur avaient préparé une réception tout aussi joyeuse.

      THOMAS: Puisque les frères étaient en liberté sous caution, cela signifie que leur affaire n’était pas encore classée. Qu’en est-​il résulté en définitive?

      JEAN: Leur affaire fut évoquée le 14 avril 1919, devant la Cour d’appel du deuxième district fédéral de New York. Le 14 mai 1919, cette juridiction cassait la décision rendue l’été précédent, décision qui reposait sur des convictions erronées. En renvoyant l’affaire pour un second jugement, le juge Ward déclara:

      Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas bénéficié du jugement modéré et impartial auquel ils auraient pu prétendre; c’est pour cette raison que le jugement précédent est cassél.

      Cela revenait à dire que les frères étaient libres, sous réserve que le gouvernement ne décide de reprendre les poursuites. Toutefois, la guerre était terminée et les frères savaient, preuves à l’appui, que leur condamnation s’avérait impossible. De fait, l’année suivante, le 5 mai 1920, les huit hommes furent définitivement disculpés du jugement illégal lorsque, sur l’ordre du procureur général, le procureur du gouvernement annonça, en audience publique à Brooklyn, l’abandon des poursuites. Les accusations furent retirées après motion de nolle prosequia.

      La presse prit bonne note de ce revirement. Le Brooklyn Eagle du 15 mai 1919 publia le compte rendu suivant:

      Le verdict prononcé contre les Russellistes annulé en appel; “Le jugement était injuste”. Les juges Ward, Rogers et Manton de la Cour d’appel pour le district fédéral de New York ont annulé aujourd’hui les condamnations des chefs du russellisme, qui furent déclarés coupables, en juin dernier, devant le juge Harlan B. Howe de Vermont, siégeant à Brooklyn, d’avoir comploté pour entraver la conscription, nuire à l’enrôlement et fomenter l’insurrection et l’insubordination parmi les forces armées de la nation.

      Le jugement considère que l’attitude du juge Howe fut injuste dans sa manière de traiter [trois] des témoins. (...) Puisque la décision soutient la légitimité des prétentions russellistes selon laquelle leur organisation, qui interdit à ses membres de tuer, leur confère le droit à l’exemption du service armé, il n’est guère probable que les responsables de ce mouvement passent de nouveau en jugement. (...)

      Le juge Martin T. Manton ne partagea pas l’opinion de la majorité, opinion que transcrivit le juge Henry G. Wardb.

      Le vote contraire du juge Manton n’était pas tellement surprenant car, le 1er juillet 1918, cet éminent catholique avait refusé la caution de Rutherford et de ses associés, sans raison apparente. C’est ce qui explique les neuf mois d’emprisonnement injustifié qu’ils durent subir, alors que leur appel était en suspens. Un tel refus de mise en liberté sous caution était

      en contradiction formelle avec un arrêt rendu par la Cour suprême des États-Unis, dont voici un extrait: “Les statuts des États-Unis sont fondés sur la théorie selon laquelle toute personne accusée d’un crime ne devra subir un emprisonnement ou une punition qu’après avoir été reconnue coupable par le tribunal qui juge en dernier ressort; elle pourra être autorisée à verser une caution, non seulement après son arrestation et avant le jugement, mais encore après condamnation et instance de recours pour cause d’erreur.” — Hudson contre Parker, 156 U.S. 277c.

      Bien que, par la suite, Manton ait été nommé “chevalier de l’Ordre de saint Grégoire le Grand” par le pape Pie XI, son mépris de la justice fut finalement rendu manifeste lorsque, le 3 juin 1939, il fut condamné à la peine maximum de deux ans de prison ainsi qu’au paiement d’une amende de 10 000 dollars, pour avoir mésusé honteusement de ses hautes fonctions de juge fédéral et s’être laissé corrompre en acceptant 186 000 dollars pour six jugementsd.

      THOMAS: L’annulation de leur décision voulait donc dire que le juge Rutherford était mis hors de cause ainsi que ses compagnons. Est-​ce bien cela? Il y a quelque temps, j’ai lu un ouvrage catholique qui traitait le juge Rutherford d’“ancien forçat”.

      JEAN: Pareille accusation est absolument fausse. Le verdict rendu par la cour le 14 mai 1919 établissait que Rutherford et ses associés avaient été emprisonnés suite à une condamnation illégale; mais il s’est avéré que Rutherford n’était pas un ancien forçat puisqu’il a plaidé plus tard devant la Cour suprême des États-Unis. Cela lui aurait été impossible s’il avait eu un casier judiciaire chargé. Ou bien ceux qui profèrent de telles accusations sont totalement ignorants des faits, ou bien ils s’efforcent de ruiner, de propos délibéré, la réputation de frère Rutherford.

      UNE ÉPREUVE CONCLUANTE RANIME L’ACTIVITÉ

      LOÏS: Que firent les frères après leur libération?

      JEAN: L’une des premières tâches qu’ils entreprirent consista à remettre en mouvement les rouages de l’organisation. Ce ne fut pas chose facile. L’œuvre était tombée pour ainsi dire au point mort. Le Tabernacle de Brooklyn avait été vendu, le Béthel de Brooklyn était en mauvais état et pratiquement dépourvu de mobilier; les frères de Pittsburgh ne disposaient que de peu d’argent, le siège était devenu trop petit pour permettre l’expansion de l’œuvre et les conditions n’étaient pas favorables à l’imprimerie, nombre de clichés servant à imprimer les livres ayant été détruits. Les perspectives étaient sombres. Mais les frères étaient animés d’un zèle nouveau. Ils étaient libres maintenant, et l’avenir présentait quelque espoir.

      Certes, frère Rutherford ignorait quelle ligne de conduite il lui convenait d’adopter. C’est la raison pour laquelle il décida de faire une tentative en Californie. Il s’était rendu dans l’ouest des États-Unis peu après sa sortie de prison, d’une part parce que sa famille s’y trouvait, et d’autre part pour raison de santé. Il avait contracté une affection pulmonaire au cours de son séjour en prison, et il devait en souffrir pour le restant de ses jours. Pour connaître l’ampleur de l’intérêt que le message du Royaume serait susceptible de provoquer, il organisa une réunion publique au Clune’s Auditorium de Los Angeles, le dimanche 4 mai 1919. Usant de la publicité intensive de la presse, il avait promis d’exposer les raisons pour lesquelles les responsables de la Société avaient fait l’objet d’une condamnation illégale. La réunion obtint un grand succès. Le discours intitulé “L’espoir pour l’humanité en détresse” fut accueilli avec enthousiasme.

      D’après la réaction de son auditoire, frère Rutherford acquit la conviction que l’œuvre n’était pas terminée et qu’il y avait encore beaucoup à faire. Il prit aussitôt des dispositions pour qu’une assemblée ait lieu à Cedar Point (Ohio) en automne. Il envisagea également la possibilité de rétablir à Brooklyn, New York, le siège de la Société.

      Voici un incident digne d’intérêt que relata plus tard C. A. Wise, le vice-président. Frère Rutherford lui avait donné pour instruction de se rendre à Brooklyn pour tenter d’y louer un local destiné à l’imprimerie et d’examiner les mesures à prendre pour rouvrir le Béthel. Frère Rutherford lui avait dit: “Va voir si la volonté du Seigneur est que nous retournions à Brooklyn.” Frère Wise lui dit: “Comment saurai-​je si la volonté du Seigneur est que nous y retournions ou non?” Et frère Rutherford de répondre: “C’est la pénurie de charbon qui, en 1918, nous a contraints de quitter Brooklyn pour Pittsburgh. Que le charbon serve d’épreuve! Va passer commande.” N’ignorant pas que le charbon était encore rationné à New York à la fin de la guerre, frère Wise ajouta: “À ton avis, combien de tonnes dois-​je en commander pour la tentative que nous faisons?” “Eh bien, dit Rutherford, pour que l’épreuve soit concluante, commandes-​en cinq cents tonnes.”

      Rempli de doutes, en raison du manque de charbon, frère Wise se rendit à New York, formula sa demande auprès des autorités et, à son vif étonnement, reçut un bon lui permettant d’obtenir cinq cents tonnes de charbon. Il téléphona aussitôt la nouvelle à frère Rutherford. Cet élément garantissait le fonctionnement de la Société pendant un certain nombre d’années. Un problème se posait cependant: où entreposer le charbon? Il s’avéra nécessaire de convertir une grande partie des sous-sols en soute à charbon. Pour les frères, il ne faisait aucun doute que le temps était venu de retourner à Brooklyn et d’y remettre l’œuvre en mouvement. C’est ce qu’ils firent le 1er octobre 1919e.

      LOÏS: L’idée de tenir une assemblée à Cedar Point, dans l’Ohio, fut-​elle aussi heureuse que celle de retourner à Brooklyn?

      JOYEUSE RÉUNION À CEDAR POINT

      JEAN: Certes, ce devait être une occasion particulièrement heureuse! Il est évident que des doutes subsistaient quant aux résultats de cette assemblée, du moins en ce qui concernait l’assistance, car les frères avaient perdu tout contact avec les témoins dispersés en Amérique. Nous pouvons sans peine imaginer ce que fut leur joie lorsqu’ils virent plus de 6 000 frères venus du Canada et des États-Unis. En fait, cette réunion rassemblait les membres du reste qui avaient subi la persécution rigoureuse de l’époque, et qui s’étaient trouvés dispersés. Leur foi était ferme, et certains avaient dépensé jusqu’à leur dernier centime pour assister à cette assemblée inoubliable de Cedar Point, du 1er au 7 septembre 1919. Mais ils n’étaient pas seuls à faire montre de zèle, puisque 200 nouvelles recrues pour la guerre du vrai culte symbolisèrent le don de leur personne par l’immersion dans l’eau. Il y avait une assistance de 7 500 personnes au discours publicf.

      Nombreux furent les témoignages de gratitude envers Jéhovah, qui avait fortifié son peuple au cours de la période de crise qu’il venait de vivre. On eut aussi la preuve que les frères avaient conscience de la responsabilité qui leur incombait: prêcher à la face du monde la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Dans un discours qui parut dans La Tour de Garde sous le titre “Annoncez le Royaume”, frère Rutherford souligna cette responsabilité. Voici un extrait de sa déclaration:

      Obéissant au commandement de notre Maître et reconnaissant notre privilège et notre devoir consistant à faire la guerre aux bastions de l’erreur qui tiennent depuis si longtemps les peuples en esclavage, notre vocation était, et est encore, l’annonce de la venue du glorieux Royaume messianique. Alors que nous nous efforcions de remplir fidèlement notre alliance, soudain une tempête terrible s’est déchaînée sur nos têtes et, comme des brebis, le peuple du Seigneur s’est vu, soit dispersé, soit refoulé. Les attaques venant de l’ennemi furent à tel point sans pitié que nombre de brebis du Seigneur en furent comme stupéfaites et restèrent dans l’expectative, attendant et priant que le Seigneur leur fasse connaître sa volonté. En raison de leur fidélité au Seigneur, les étudiants de la Bible ont enduré des tribulations de toutes parts, et l’intensité de celles-ci fut telle que, pour un temps, leur sentiment se fit l’écho de celui du prophète Jérémie qui déclara: “Je suis chaque jour un objet de risée; tous se moquent de moi. Car chaque fois que je parle, j’ai à crier, j’annonce violence et dévastation, et la parole de Yahweh finit par me couvrir de honte et de moqueries, chaque jour. Je disais: ‘Je ne ferai plus mention de lui, je ne parlerai plus en son nomg.’” Mais en dépit de leur découragement momentané, les disciples fidèles du Maître avaient le désir ardent de proclamer le message du Royaume et, à l’exemple de Jérémie, ils disaient: “Il y a dans mon cœur comme un feu dévorant qui est renfermé dans mes os. Je m’efforce de le contenir, et je ne le puis. Car j’apprends les mauvais propos de plusieurs, l’épouvante qui règne à l’entourh.”

      Lorsqu’il raisonne sérieusement, le chrétien se pose naturellement la question: Pourquoi suis-​je sur terre? Et la réponse qui s’impose est la suivante: Dans sa bonté, le Seigneur a fait de moi son ambassadeur pour porter au monde le message divin de la réconciliation, et mon privilège et devoir consiste à annoncer ce messagei.

      UN NOUVEL INSTRUMENT EST PUBLIÉ

      Frère Rutherford déclara ensuite qu’au cours de la guerre qui venait de se livrer contre la vérité, les clichés originaux utilisés pour imprimer la Tribune du Peuple et l’Étudiant de la Bible avaient été détruits avec les archives de la Société. Il dit aussi qu’en raison des nouvelles ordonnances qui étaient sur le point d’être adoptées, il y aurait dans de nombreuses communautés des difficultés pour distribuer des journaux, excepté aux abonnés. Il révéla alors ce qui suit:

      En cherchant diligemment et dans la prière à connaître la volonté du Seigneur, il nous est venu à l’esprit de faire paraître un journal destiné à porter le message d’actualité; cette publication sera présentée de façon à ce que les gens la recherchent et la lisent. Nous nous sommes souvenus qu’à une certaine occasion, frère Russell avait envisagé de publier un périodique susceptible de réunir ces conditions; nous avons pensé que le moment était venu pour que celui-ci voie le jour. Le résultat, c’est que, par la providence du Seigneur, nous avons élaboré un nouveau périodique qui paraîtra sous le nom de “L’ÂGE D’OR”j.

      Depuis lors, ce périodique s’est avéré efficace et utile pour dévoiler la fausse adoration et les œuvres des ténèbres commises par les dirigeants de ce monde; il a également été une source de réconfort et d’espoir pour tous les peuples. La première édition parut le 1er octobre 1919k. Les frères accueillirent ce périodique avec un réel enthousiasme; il les stimula encore davantage dans leur désir de reprendre l’œuvre et d’activer la tâche que Dieu leur avait confiée.

      THOMAS: Puisque les clichés employés dans l’imprimerie avaient été détruits, comment pouvaient-​ils se remettre à l’ouvrage et mener leur œuvre à bonne fin?

      JEAN: Il va de soi que les frères continuaient à imprimer La Tour de Garde, et, désormais, L’Âge d’Or paraissait également. De plus, un grand nombre d’exemplaires du Mystère accompli, imprimés avant l’emprisonnement des frères, étaient également disponibles pour la diffusion. Ainsi, le 21 juin 1920, une édition du Mystère accompli, du format de La Tour de Garde, était prête à être distribuée. Cette édition, connue sous le sigle “ZG”, avait été imprimée avant que les États-Unis ne soient entrés en guerre et elle avait été stockée par les frères alors que la diffusion du livre se trouvait restreintel. En en réorganisant la diffusion, La Tour de Garde déclarait:

      En 1917, et au début de 1918, Le mystère accompli était largement répandu. La guerre servit de prétexte pour en interrompre la diffusion. (...) À présent, la guerre est finie, (...) et il n’y a ni raison ni prétexte pour empêcher que ne soit répandu de nouveau Le mystère accompli. (...)

      Il ne devrait y avoir désormais aucune objection légale à la diffusion de n’importe lequel des sept volumes. Toutefois, la Société estime qu’il est plus approprié d’employer en premier lieu l’édition du format de LA TOUR DE GARDE, qui revient moins cher, et des dispositions sont prises pour que la vente et la diffusion de cette édition commence le 21 juin prochain; les classes ont d’ailleurs été informées de cela. L’édition sera cédée pour 20 cents l’exemplairea.

      Dès lors, une tâche immense attendait les frères. Nombre d’entre eux possédaient des exemplaires de l’Étudiant de la Bible et des Nouvelles du Royaume, mais tous étaient encouragés à mettre au premier plan l’œuvre de diffusion du “ZG”.

      LOÏS: Que signifient les initiales “ZG”?

      JEAN: “Z” était le sigle utilisé à l’origine pour représenter La Tour de Garde de Sion (en angl. Zion’s Watch Tower). La lettre “G” indique le septième volume des Études des Écritures. Les ouvrages de cette série étaient successivement désignés par les sept premières lettres de l’alphabet. “ZG” représentait tout simplement le Mystère accompli ou septième volume imprimé en tant qu’édition spéciale de La Tour de Garde du 1er mars 1918b.

      Lorsque les frères se rendirent à Brooklyn en 1919, ils purent acquérir un local dans l’avenue Myrtle où ils installèrent une grande rotative d’occasion qu’ils avaient achetée. Les frères de l’imprimerie l’appelaient le “vieux cuirassé” et la Société l’utilisa pendant des années pour imprimer des millions d’exemplaires de La Tour de Garde, de L’Âge d’Or ainsi que des brochures. Plus tard, je vous en dirai plus long sur le vieux cuirassé.

      Le service de colporteur ou de pionnier fut ranimé à son tour en 1919; 150 membres étaient actifs au printemps et, en automne, 507 étaient engagés dans le service à plein temps. Le service de pèlerin reprit également, et quatre-vingt-six représentants spéciaux furent envoyés de congrégation en congrégation pour rassembler ceux qui avaient été dispersés suite à la guerre et à la persécution, et pour stimuler le nouvel enthousiasme en établissant un contact étroit avec le siège de l’organisationc. Les années de tempête et de crise avaient été surmontées avec succès, et les frères étaient dès lors en voie d’accomplir de nouveaux exploits pour la défense du vrai culte.

  • Réorganisés en vue du service actif
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 14

      Réorganisés en vue du service actif

      JEAN: Quand la libération de la Société en vue d’une extension de l’œuvre de prédication après la Première Guerre mondiale eut commencé, les frères prirent rapidement conscience qu’eux aussi avaient été tenus par de nombreux liens dans la servitude spirituelle. L’organisation ne s’était pas encore purifiée d’un nombre important de doctrines et de pratiques erronées. Celles-ci ne furent pas toutes identifiées d’un seul coup, mais, à mesure que les années passèrent, la puissance de l’emprise babylonienne qui avait tenu les frères captifs au cours de cette époque leur apparut avec clarté. La compréhension de l’époque les avait amenés à voir dans les gouvernements politiques de la terre les “autorités supérieures” que Dieu a ordonnées, selon Romains 13:1; il en avait résulté la crainte de l’homme, en particulier des pouvoirs civilsa.

      Par ailleurs, de nombreux témoins attachaient une grande importance au prétendu “développement du caractère”, car ils attribuaient à leur mérite personnel des vertus salvatricesb, et le culte de la créature était pratiqué dans une large mesure au sein de l’organisationc. De plus, on continuait de célébrer des fêtes païennes, telles que la Noëld, et même d’utiliser le symbole de la croix en signe de dévotion chrétiennee. Quant au nom de Jéhovah, bien qu’on en fît usage de temps à autre, on ne tentait rien pour le sortir de l’ombre et amener à la lumière sa véritable signification. L’organisation était encore gouvernée sur la base de la congrégation localef. En d’autres termes, c’était une époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon, et cet ensemble de dispositions se résumait en une association mal coordonnée et privée de la direction théocratique. De 1870 à 1918, le renouvellement de la pensée avait été si remarquable dans nombre de domaines, que l’étreinte de ces tentacules corrompues que sont les pratiques et les conceptions fausses héritées des traditions païennes absorbées par la chrétienté avait échappé, pour ainsi dire sournoisement, à l’attention des frères.

      Mais dès l’année 1919 s’ouvrit une perspective nouvelle, glorieuse. Dans l’effort qu’ils déployaient pour obtenir le pardon de Jéhovah et retrouver sa faveur, qu’ils comprenaient avoir temporairement perdue, ces serviteurs voués se mirent à faire état de leurs fautes et à confesser publiquement leur erreur. Ils se repentirent de leur ligne de conduite passée, exprimèrent le désir de modifier leurs voies et demandèrent à Jéhovah de leur faire grâce. Ils reconnurent qu’en supprimant les pages 247 à 253 du livre Le mystère accompli afin de plaire à ses censeurs, ils avaient fait un compromisg. Nous en trouvons un autre dans La Tour de Garde (angl.) du 1er juin 1918.

      En accord avec la résolution adoptée par le congrès le 2 avril, et la proclamation lancée le 11 mai par le président des États-Unis, nous suggérons que partout le peuple du Seigneur fasse du 30 mai un jour consacré à la prière et aux supplicationsh.

      Les phrases qui faisaient suite à cet avis ne manifestaient pas la véritable neutralité chrétienne; et si on parlait, dans ces lignes, de l’espoir de voir Dieu répandre ses bénédictions sur l’humanité par le rétablissement de toutes choses, comme il l’a promis, il n’en est pas moins vrai que les paroles sur lesquelles finissait cet appel ont pu laisser un doute dans l’esprit d’un grand nombre d’hommes qui n’avaient pas une connaissance exacte de la nature strictement biblique de leur responsabilité. Voici ces paroles:

      Que Dieu soit loué et remercié pour la promesse qu’il a faite d’assurer à la guerre une issue victorieuse, d’anéantir l’oppression exercée par l’autocratie, de libérer les captifs (Ésaïe 61:1) et de faire du monde un lieu de sécurité pour les gens du peuple — toutes ces bénédictions étant assurées par la Parole de Dieu au peuple de ce pays et au genre humain du monde entieri!

      Enfin, le fait que les témoins prirent part à des entreprises de caractère non religieux est une indication de plus qu’ils ne comprenaient pas l’obligation qui incombe au chrétien de se dévouer à la cause exclusive de Dieuj.

      APPELÉS À AGIR COURAGEUSEMENT

      Le discours que le président de la Société prononça au congrès de septembre 1919 sur le sujet stimulant intitulé “Heureux ceux qui ne craignent pas” est une preuve concrète de leur détermination d’avancer dans une voie de droiture et d’offensive malgré l’opposition soutenue de l’adversaire. Ce discours fut publié la même année dans La Tour de Garde, dans un article en deux parties. Voici ce que dit l’un des derniers paragraphes:

      Résumant les pensées des parties I et II de ce sujet, nous trouvons que Dieu préordonna un petit troupeau qui se développa pendant l’âge de l’Évangile et auquel il lui plaît de donner le Royaume. Nous trouvons que Dieu en a développé les membres à travers l’âge de l’Évangile et particulièrement dans la période de la moisson de cet âge; qu’il les a enseignés par des figures, des types et des illustrations, aussi bien que par la Parole et que la classe à laquelle il se propose de donner ce grand et merveilleux prix est celle de ceux dont la foi et la confiance en lui sont absolues et qui sont sans crainte de l’homme ou des institutions humaines et dont l’amour est parfait. Considérant donc la situation de l’église à la lumière des Écritures et à la lumière des événements qui se sont passés durant l’année écoulée et sachant que c’est par beaucoup de tribulations que la classe du Royaume doit y entrer, que chacun de ceux qui sont maintenant dans la lice pour le prix du haut appel ceigne les reins de son entendement et soit sobre en attendant le commandement du Seigneur, le Prince de notre salut. Qu’il soit prêt en tout temps, désireux et anxieux d’obéir à ce commandement au prix de la réputation, du renom, des richesses et même de la viek.

      LOÏS: Cela nécessitait une foi réelle, n’est-​ce pas, après la période que ces témoins venaient de traverser?

      JEAN: Certes, et l’organisation qui se réveillait s’en trouva réanimée. Leur travail revêtit une signification nouvelle, et d’autres raisons leur étaient données de maintenir leur intégrité et de soutenir fermement la pure adoration. Cette époque de rafraîchissement amena un changement de condition spirituelle.

      THOMAS: Il me semble que la diffusion, après la guerre, du Mystère accompli ou “ZG”, à laquelle vous avez fait allusion, allait exiger du courage. Si j’avais subi les mêmes traitements qui furent infligés à certains témoins pour avoir distribué quelques exemplaires de ce livre, je ne suis pas sûr que j’aurais eu un désir très vif de commencer une vaste campagne avec le même ouvrage.

      JEAN: Pourtant cet effort fut couronné d’un immense succès; les frères firent preuve de courage, bien que le gouvernement ait condamné le livre publiquementl. Mais ils manifestèrent à d’autres reprises encore cette force d’âme. En 1920, la Société imprima un numéro spécial de L’Âge d’Or; il était tellement virulent que certains frères refusèrent de prendre part à sa diffusiona. Les témoins en parlaient comme du “GA No 27”, d’après le sigle du journal et le numéro de l’édition.

      Mais l’œuvre ne subit de forte opposition qu’à une échelle très limitée pendant les années 1919 à 1922. En fait, il s’avéra que cette époque d’après-guerre fut pour les serviteurs de Dieu celle du rétablissement. Jéhovah protégeait son peuple et le préparait en vue d’une campagne formidable qui devait s’ouvrir en 1922. La conclusion de l’article “Heureux ceux qui ne craignent pas” laissait prévoir cette offensive. L’avant-dernier paragraphe de cet article dit:

      Cette petite troupe de chrétiens livre la plus grande bataille de tous les temps. Il n’y en aura jamais une autre semblable! Le grand Dieu de l’univers l’a préparée et rangée; le grand Rédempteur, le Roi des rois et Seigneur des seigneurs est le Prince et le Conducteur de cette petite troupe. Nous savons qu’il est absolument certain de la victoire et à cause de cela nous savons qu’après avoir été appelés et choisis pour courir dans la lice, si nous continuons à être fidèles, sans crainte, étant mus par l’amour dans toutes nos actions, le servant loyalement en toute occasion jusqu’à la fin, nous serons victorieux avec lui et nous entendrons l’approbation du Père: “C’est bien, bon et fidèle serviteur.” Ne craignons donc pas, car “le Dieu d’éternité est notre refuge et sous ses bras paternels est une retraiteb”.

      Déjà dans ce même numéro du 15 août 1919 de La Tour de Garde (angl.), à la page suivante, paraissait un article intitulé “Occasions de servir”.

      Reconnaissant que ces perspectives de service s’offraient à eux, les serviteurs de Jéhovah réorganisèrent leurs forces pour réaliser un double plan d’action comprenant premièrement “l’annonce de la chute de Babylone, et la proclamation de jugements adverses contre cette même puissance inique”, et deuxièmement “le rétablissement de la vérité et du peuple du Seigneur, en accomplissement d’une figure prophétique: la restauration du culte au temple et la reconstruction de la ville” de Jérusalem par Esdras et Néhémie, suite à la captivité du peuple d’Israël à Babylonec. Cela signifiait qu’on s’apprêtait non seulement à effectuer un nouveau rassemblement de chrétiens dans le Seigneur pour la vie éternelle, mais aussi à identifier ceux qui persistaient dans leur refus de considérer la bonne nouvelle du Royaume comme une doctrine de salut, pour leur propre destruction.

      APPARITION DE NOUVELLES SOCIÉTÉS POLITIQUES APRÈS LA GUERRE

      Tandis que Dieu fortifiait son peuple et le rassemblait en une société vouée aux intérêts de son nouvel ordre de choses, les gouvernements du système de choses satanique renforçaient leur structure, et l’on assista au développement de nouvelles organisations politiques. Toutes, sans exception, se mirent en opposition avec les représentants du nouvel ordre de Jéhovah réunis en une société en pleine expansion.

      En janvier 1918 déjà, dans les affres de la Première Guerre mondiale, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, avait proposé la formation de la Société des Nations. Vous vous souvenez qu’au lendemain de cet événement, le mois suivant, le président de la Société Watch Tower, parlant au nom des témoins de Jéhovah, lança ce message sensationnel: “Le monde a pris fin — Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir”. Au début du mois suivant, les principaux responsables de l’œuvre furent arrêtés pour avoir annoncé le Royaume de Dieu comme seul et unique espoir de l’humanité. La question se posait donc aux Églises les plus importantes de la chrétienté en Amérique de savoir quel instrument ceux qui professaient le christianisme devaient choisir: le Royaume de Dieu ou la Société des Nations.

      La Première Guerre mondiale prit fin en novembre 1918 avec la victoire des puissances démocratiques alliées, mais frère Rutherford, ainsi que ses compagnons de service, étaient toujours en prison. La conférence pour la paix devait s’ouvrir en janvier 1919 à Paris. Les principales Églises américaines de la chrétienté firent connaître leur option, mais elles créèrent une confusion entre les deux termes du choix qui s’imposait, pour faire un compromis. Le 12 décembre 1918, les membres du comité exécutif du Conseil fédéral des Églises du Christ en Amérique tinrent leur assemblée annuelle et signifièrent leur adhésion au projet du président Wilson pour la formation de la Société des Nations en une Déclaration qui contient ces affirmations remarquablesd:

      La crise de la guerre qui a ébranlé la terre tout entière est passée, mais c’est maintenant une crise mondiale qui est ouverte. (...) Le temps est venu d’organiser le monde pour la vérité et le droit, pour la justice et l’humanité. À cette fin, nous recommandons instamment la création d’une Société des Nations libres lors de la prochaine conférence pour la paix. Une telle société n’est pas seulement un moyen d’action politique; elle est plutôt l’expression politique du Royaume de Dieu sur la terre. (...) Si une nouvelle terre où la justice habitera ne sort pas de la victoire, ceux qui sont morts en héros auront sacrifié leur vie pour rien. L’Église a beaucoup à prodiguer et beaucoup à gagner. Elle peut donner à cette organisation une ratification puissante en investissant ce nouvel ordre international d’une part de la gloire prophétique du Royaume de Dieu. (...) L’Église peut donner un esprit de bonne volonté, sans lequel aucune Société des Nations ne peut subsister. (...) La Société des Nations a ses fondements dans l’Évangile. Comme l’Évangile, son but est “paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes”. L’appel qu’elle lance est comme l’Évangile: universel. (...) Nous en appelons à tous les chrétiens, à tous ceux qui croient en Dieu, et à tous les amis de l’homme, pour qu’ils travaillent et prient de toute leur âme, afin que, des cendres de la vieille civilisation, puissent s’élever les belles structures d’un monde nouveau, fondé sur l’idéal de justice, de coopération, de fraternité et d’entraide promu par le Christ.

      Une délégation spéciale qui réunissait le président du Conseil fédéral et d’autres chefs ecclésiastiques fut désignée pour transmettre cette Déclaration à la conférence de la paix à Paris, en 1919. Un document fait état de ce que cette commission d’autorités religieuses communiqua effectivement cette Déclaration à des représentants du gouvernement français à Parise.

      THOMAS: Quelles sont les autres sociétés politiques dont vous avez parlé? Le communisme est-​il de leur nombre?

      JEAN: En effet. Suite à la révolution de 1917, le communisme, ou bolchevisme comme on l’appelait alors, commença à étendre sa puissance en Russie. Mais, à la même époque, on vit apparaître un autre pouvoir dans le jeu des forces politiques. Souvenez-​vous que la restauration du culte pur dans le dernier quart du dix-neuvième siècle avait fait suite à une vague d’activité révolutionnaire au sein de l’organisation terrestre de Satan. Cependant, tout au long des quelque quarante années au cours desquelles le peuple de Jéhovah avait annoncé que la domination gentile prendrait fin en 1914, l’Empire germanique ne cessa de recevoir de nouvelles forces. Il s’en fallut de peu que l’empereur Guillaume ne parvienne à lui rendre toute son ancienne puissance, mais il perdit la guerre et fut envoyé en exil.

      L’Allemagne cependant recouvra son pouvoir au cours des années qui suivirent la guerre. En mai 1919, Adolf Hitler devint membre du parti nazi dans la ville allemande de Munich. Le mouvement nazi mit plus de temps à s’emparer du pouvoir que le fascisme italien qui, ayant pris naissance en 1919, devait, dès 1922, servir d’instrument à Benito Mussolini pour contrôler l’Italie. Tandis que la Société des Nations était présentée aux peuples comme le seul espoir de paix et qu’elle était acclamée par le clergé de la chrétienté, ce furent le nazisme et le fascisme, soutenus par la Rome papale, qui, au cours des années suivantes, allaient menacer l’existence de la société des témoins de Jéhovah dans sa croissance.

      Ces deux mouvements politiques apparus la même année se lancèrent ensemble à la conquête du pouvoir, et tandis que la société des témoins, fondée sur le culte pur de Jéhovah, s’étendait et adoucissait l’attitude des peuples envers Dieu et sa Parole, la coalition nazie-​fasciste-​catholique influença beaucoup les hommes dans la direction contraire pour les amener à s’endurcir et à manifester ouvertement de l’hostilité contre Dieu et ses véritables serviteurs. C’est également ce que fit le bolchevisme ou communisme.

      Pour préparer ses témoins à cette attaque à outrance qu’ils allaient subir sous peu, Jéhovah leur traça, de 1919 à 1922, un programme d’entraînement et de développement spirituel que l’avenir rendait indispensable.

      THOMAS: C’est donc la raison pour laquelle vous avez parlé de l’importance de cette période (1919 à 1922) à la fois pour les témoins de Jéhovah et pour leurs adversaires. Elle marquait en quelque sorte le développement de deux organisations antagonistes.

      JEAN: C’est exact, et ce fut un temps de grands changements pour les témoins de Jéhovah.

      ON COMMENCE À APPRÉCIER L’ORGANISATION THÉOCRATIQUE

      C’est en automne de l’année 1919 que l’œuvre prit un nouveau départ, avec la première édition du périodique L’Âge d’Or. La création de ce journal avait été annoncée le vendredi 5 septembre de cette même année, lors du congrès de Cedar Point, à l’issue d’un discours intitulé “Aux compagnons de travail”, que prononça le président de la Société alors en fonction, frère Rutherford.

      Le peuple de Dieu ne savait pas alors le grand rôle que ce nouvel instrument, L’Âge d’Or, allait jouer dans la mise à nu de l’alliance impure nazie-​fasciste-​catholique. Dans les années qui suivirent, nombreux et puissants furent les coups que ce journal courageux devait assener à cette coalition par le moyen d’articles et de caricatures.

      THOMAS: Vous voulez dire que l’organisation publia le même genre d’écrits que le GA No 27? La Société prit-​elle des dispositions particulières pour assurer la diffusion de ce numéro spécial?

      JEAN: Oui. On fit un gros effort pour atteindre le plus grand nombre possible de personnes. Environ quatre millions d’exemplaires furent tirés et on les distribua soit gratuitement, soit contre une contribution volontaire de dix cents. Les frères les répandirent non seulement de maison en maison, mais ils les donnèrent à leurs amis et à tous ceux dont ils faisaient occasionnellement la connaissance.

      Mais en temps normal le travail de prédication par le moyen de L’Âge d’Or s’effectuait d’une manière différente. Comme le soulignait une brochure publiée en 1919 par la Société Watch Tower,

      la diffusion de L’ÂGE D’OR s’inscrit dans le cadre de la prédication du royaume de maison en maison, et son but est de proclamer le jour de la vengeance de notre Dieu et de réconforter ceux qui se lamentent. Outre cette campagne, il faut laisser un exemplaire de L’ÂGE D’OR dans chaque foyer, que l’abonnement soit accepté ou refusé. (...) Les ouvriers d’ecclésia se procureront leurs périodiques auprès du Directeurf.

      THOMAS: Ce responsable était-​il élu par les congrégations comme c’était auparavant le cas pour les aînés?

      JEAN: Non. La Société demanda aux congrégations qui désiraient participer à cette nouvelle forme de service inaugurée en 1919 de se faire inscrire. Dès réception de ces demandes, les frères du bureau central choisirent théocratiquement, dans chacune de ces congrégations, un frère pour représenter la Société dans cette fonction, et qu’on allait appeler “directeur”. Personne ne pouvait être désigné à ce poste par voie d’élection, d’année en année, à l’échelle locale. Cela signifiait que, pour la première fois, l’autorité était enlevée aux congrégations qui s’administraient démocratiquement par l’intermédiaire des “anciens électifs”, et il était clair que la direction de l’œuvre passait sous le contrôle international de la Société. Ce contrôle était limité, bien sûr, mais c’est par cette disposition que l’organisation théocratique visible commença de fonctionner. Le directeur devait agir de concert avec le groupe des aînés élus de façon démocratique qui, pour leur part, continuaient de présider de la manière habituelle aux études de congrégation et aux conférences.

      THOMAS: J’incline à penser que cette modification n’a pas dû plaire beaucoup à certains de ces aînés.

      JEAN: Ceux qui n’avaient pas l’esprit de progressivité et qui ne voyaient pas l’œuvre à accomplir opposèrent une certaine résistance à ce renouvellement. Certains tenaient absolument à vivre comme par le passé, à en rester à l’époque du pasteur Russell où les frères le considéraient en général comme le seul canal des lumières bibliques. On a pensé jusqu’en 1927, et on disait dans les publications, que “ce serviteur” dont parle Matthieu 24:45 était Russellg. Jéhovah, cependant, allait continuer de se servir de la Société Watch Tower pendant cette période de la restauration du vrai culte, tout comme il l’avait fait pour publier des vérités bibliques aux jours de frère Russell. Les frères reçurent un avertissement leur enjoignant de ne pas accepter d’interprétations privées ou de suivre aveuglément de prétendus guides que leur position personnelle intéressait plus que l’extension de l’œuvre du Royaume de Dieu. Il leur fallait éviter de chercher à plaire aux hommesh. À cette époque donc, la Société Watch Tower arrêtait là le contrôle de sa juridiction sur les affaires principales des congrégations localesi.

      L’année suivante, la Société commença à inviter certains anciens électifs à abandonner l’idée qu’ils constituaient un “conseil de directeurs” à l’échelle de la congrégation locale et qu’ils avaient le droit de prendre des mesures indépendamment d’elle, sans qu’elle le leur accorde par vote. Le canal dirigeant de Dieu fit en cela un effort pour clarifier la position des aînés dans la congrégationj. Il lança également un appel à l’unité mondiale. On conseilla aux chrétiens de Grande-Bretagne d’utiliser les mêmes méthodes dont on se servait en Amérique pour effectuer l’œuvre du Royaumek.

      La réaction des frères devant ce nouveau programme d’activité démontra leur bonne attitude d’esprit. En 1920, on commença à insister sur la responsabilité qui incombe au chrétien de prêcher la bonne nouvelle, en demandant à tous les témoins qui prenaient part à ce travail de remettre chaque semaine un rapport de leur activité de prédication. Avant 1918, seuls les colporteurs, c’est-à-dire les pionniers, rendaient compte de leur activité. On attribua aux congrégations des territoires précis pour le travail du champ. D’après le premier rapport annuel, il y eut, en 1920, 8 052 “ouvriers d’ecclésia” et 350 pionniersl. Les statistiques de 1922 indiquent qu’en Amérique, sur 1 200 congrégations, 980 étaient déjà complètement réorganisées pour le service du champ, avec un effectif de 8 801 “ouvriers d’ecclésia”, c’est-à-dire de frères qui plaçaient des publications, livres, brochures ou périodiques, en échange d’une contribution par l’acquéreura.

      RÉORGANISATION DES FILIALES

      THOMAS: Après la guerre, comment l’accroissement de l’œuvre s’effectuait-​il en dehors des États-Unis?

      JEAN: À cette époque, le Canada cessa de soumettre les publications de la Société à la censure. Cette mesure devint réalité le 1er janvier 1920, et elle permit aux étudiants de la Bible de se lancer aux côtés de leurs frères américains dans une campagne énergique pour l’extension de la pure adoration dans leur territoireb. Par ailleurs, les bureaux de la filiale furent transférés à Torontoc.

      Le 12 août 1920, frère Rutherford et un petit groupe de ses collaborateurs quittèrent New York par bateau à destination de l’Europe, où une série d’assemblées devaient avoir lieu à Londres, à Glasgow et dans d’autres villes de Grande-Bretagne qui manifestaient beaucoup d’intérêt pour le message. Puis frère Rutherford, accompagné de quelques frères, alla jusqu’en Égypte et en Palestine. Il rendit visite à d’autres filiales encore et à des groupes d’étudiants de la Bible, fortifiant l’œuvre dans tous ces territoiresd. Pendant ces assemblées, ainsi qu’aux congrès tenus plus tard en Amérique, il fut démontré à l’auditoire, par le moyen des Écritures, qu’une œuvre nouvelle commençait et qu’une campagne aux dimensions plus grandes encore était en cours.

      À l’issue de ce voyage d’inspection, le président de la Société écrivit dans son rapport annuel:

      La Première Guerre mondiale a gêné dans une très large mesure la libre coopération entre le Béthel de Brooklyn et les bureaux des différentes filiales dans le monde; et la grande persécution de 1918 en Amérique a interrompu presque tous ces contacts. Nous avons cependant le plaisir d’annoncer que, depuis lors, cette unité d’action et d’esprit qui était nôtre est à présent rétablie, et que l’œuvre dans les territoires étrangers progresse à la gloire du Seigneur et pour l’édification de son peuple. Aucun représentant du bureau central n’avait pu rendre visite aux filiales d’Europe de 1914 à la présente année, quand, pour répondre à la demande expresse des frères de l’étranger et sur l’avis du comité des directeurs, le président de la Société se rendit en Europe. (...)

      La guerre mondiale a largement désorganisé l’œuvre en Europe centrale; mais nous sommes heureux de pouvoir dire que maintenant elle avance à grands pas. La visite du président de la Société a été mise à profit pour réorganiser le travail sur une base plus efficace. Suite aux conversations qu’il a eues avec des frères de quelques-uns de ces pays, nous avons pensé que la création d’un bureau central européen était la mesure la plus favorable aux intérêts de l’œuvre dans cette partie du monde, et la décision a donc été appliquée. Ce bureau s’appellera le Bureau Central Européen de la Société Watch Tower. Ce siège se trouve pour le moment à Zurich, en Suisse; mais nous attendons son prochain transfert à Berne. Ce bureau supervisera l’œuvre en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Autriche, et en Italie. (...)

      Certains frères, qui se sont voués complètement au service de la vérité, ont mis sur pied une imprimerie en Suisse et l’ont entièrement équipée de bonnes presses et de séries de caractères en de nombreux idiomes; la Société se trouve là en possession d’un avantage rare pour éditer ses publications dans les langues parlées en Europe. La filiale de Suisse prépare en ce moment l’impression d’un certain nombre d’ouvrages pour ces pays. D’autre part, pendant la récente visite du président en Europe, des livres ont été commandés pour la Grande-Bretagne, les pays scandinaves et la Suisse, et nous avons à l’heure actuelle 550 000 exemplaires du livre “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”, qui sont déjà prêts ou en voie de l’êtree.

      Frère Rutherford révéla également dans ce rapport que l’œuvre progressait en Syrie et que la Société faisait des projets pour envoyer des témoins dans la vallée du Nil pour prêcher aux chrétiens de langue arabe. Il mentionna également la création d’une filiale en Palestine, à Ramallah, localité d’où l’on aperçoit Jérusalemf.

      L’accroissement se poursuivit en 1921. Le rapport annuel faisait état de l’existence de dix-huit filiales, dont le bureau central pour l’Europe qui desservait sept pays. Ces filiales s’étendaient en étoile à partir de l’Europe jusqu’aux confins du monde: l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Australie, la Corée, le Canada, l’Amérique du Sud. Pour s’occuper de l’œuvre en Amérique du Sud, la Société avait installé ses bureaux sur l’île de la Trinité. Elle avait également organisé douze filiales dites domestiques aux États-Unis, pour s’occuper des minorités nationales dans leur langue d’origineg.

      Voici un fait intéressant qui nous vient de Pologne:

      L’œuvre progresse et se développe rapidement. Les “ecclésias” se fortifient et le nombre des frères augmente régulièrement. À Varsovie, chaque dimanche matin, environ 700 personnes sont présentes à la réunion. Récemment un des frères polonais a été arrêté à Cracovie parce qu’il prêchait la vérité. Entre autres choses, il fut accusé de calomnie contre le pape. Il s’est défendu lui-​même devant la cour, sur la base de la Bible, et le juge l’a acquitté en déclarant de la tribune que sa défense avait été complète et que les Écritures l’autorisaient à dire les choses qu’il avait dites. Cet événement a augmenté l’intérêt de la population pour la vérité, et a amené les gens à chercher le pourquoi de cette persécutionh.

      DE NOUVEAUX LIVRES, UNE NOUVELLE ŒUVRE DE PRÉDICATION

      Tout cet accroissement signifiait un surcroît de travail pour les frères du bureau central de Brooklyn. De plus, la Société avait décidé d’imprimer elle-​même, pour la première fois, une partie de ses ouvrages. Le Tabernacle de Brooklyn ayant été vendu lors de l’incarcération des frères, on choisit un terrain industriel dans l’avenue Myrtle à Brooklyn, pour y établir une imprimerie. D’autre part, le nombre des membres de la famille du Béthel fut porté à 107, en vue de la publication à des millions d’exemplaires du numéro spécial de L’Âge d’Or (angl.) du 29 septembre 1920, qui correspondait au numéro 27.

      Ainsi un pas en avant fut réalisé au début de 1920 quand, pour la première fois, La Tour de Garde sortit des presses de la Société. C’était le numéro du 1er février 1920. Puis ce fut le tour de L’Âge d’Or, avec le numéro du 14 avrili. Cette année-​là, la Société tira plus de 4 000 000 d’exemplaires de L’Âge d’Or qui nécessitèrent assez de papier pour remplir trente-huit wagonsj. Mais ce n’est là qu’une partie de ce que la Société imprima en cette seule année. L’expansion était rapide. En 1922, il fallut un plus grand local pour l’imprimerie, qui fut transférée dans un bâtiment de cinq étages, au 18 Concord Street, toujours à Brooklyn. C’est de ce local que la Société sortit pour la première fois ses livres reliés. Mais aux alentours de 1926, cet immeuble était de nouveau trop petit. Cette fois la Société décida de construire ses locaux en fonction de ses besoins. On acheta un terrain, et un grand édifice moderne de sept étages fut érigé au 117 Adams Street, à Brooklyn, à dix minutes de marche du Béthelk, lequel fut également reconstruit et agrandi à la même époquel. Mais je ne veux pas empiéter sur mon histoire. Je vous raconterai cela plus en détail par la suite.

      LOÏS: Les frères ont-​ils continué de se servir des livres du pasteur Russell?

      JEAN: Après que les frères eurent largement distribué le septième volume, on continua de les encourager à utiliser les Études des Écritures. Cette diffusion s’effectua dès lors dans le cadre d’une nouvelle phase de l’œuvre dite la “Campagne des Millions”. Elle consistait en une série de conférences publiques qui avait débuté le 25 septembre 1920, et avait pour but d’attirer l’attention de millions de personnes. Elle avait pour thème principal le discours publié vers la fin de 1920 dans le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais, conférence que frère Rutherford avait prononcée pour la première fois le 24 février 1918, en Californie, et qui avait produit des résultats si sensationnelsa. L’ouvrage en question fut également traduit et publié en danois et norvégien, en finnois, en suédois, en français, en allemand, en néerlandais, en yiddish, en grec, en arabe, en russe, en polonais, en malayalam et en birman. Cette campagne fit une forte impression, comme en témoigne ce fait cité dans le rapport annuel de 1920. Nous lisons:

      Au cours de quatre réunions publiques présidées par frère Rutherford dans une petite partie de l’Europe, 5 050 exemplaires de ce livre ont été vendus. Cela nous donne une idée de l’avidité avec laquelle les gens cherchent la vérité. Jamais un tel intérêt n’a été manifesté jusqu’alors en Allemagne. De grandes foules viennent à la vérité; et si l’opposition monte, la vérité aussi se lèveb.

      Cette campagne dura deux ans. Tandis qu’on répandait le livre Millions qui avait 128 pages, on fit également usage dans toutes les villes importantes de grands panneaux publicitaires et de banderoles sur lesquels on lisait: “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”. On utilisa aussi la publicité dans les journaux. La campagne fut si étendue que ce slogan devint presque un dicton, et que beaucoup de gens s’en souviennent encore aujourd’hui.

      Les méthodes de prédication étaient légèrement différentes de celles de “l’œuvre pastorale” de l’époque précédente, en ce qu’au lieu de prêter les livres aux gens, on les leur plaçait en échange d’une contribution, afin de les inciter à les lire et à s’intéresser ensuite aux Études des Écritures.

      En 1921, cependant, il sembla que le moment était venu de produire un nouveau livre, ce qui fut fait. Le 1er décembre 1921, on commença à expédier des cartons renfermant un guide biblique écrit par J. F. Rutherford, La Harpe de Dieu, qui devint un manuel d’étude extrêmement populaire et qui aida pendant nombre d’années les personnes bien disposées à acquérir la connaissance des desseins de Dieu. La Tour de Garde lança à ses lecteurs l’invitation de lire cet ouvrage dès qu’il paraîtrait, disant:

      “La Harpe de Dieu” en est le titre; ce livre expose d’une manière méthodique l’essentiel de l’ensemble des desseins de Dieu, dans les chapitres suivants: La Création, La Justice manifestée, La Promesse abrahamique, La Naissance de Jésus, La Rançon, La Résurrection, Le Mystère révélé, Le Retour de notre Seigneur, La Glorification de l’Église, Le Rétablissement; ce sont là en quelque sorte dix cordes de la Harpe de Dieu, la Bible.

      Ce livre n’est pas destiné essentiellement aux enfants, mais c’est un manuel pour débutants. Chaque chapitre est suivi de questions, ce qui facilite l’étude de l’ouvrage et la rend utile, que le lecteur soit jeune ou âgé. Ces centaines de questions récapitulatives offrent un moyen commode d’étudier soit individuellement, soit en groupe. “La Harpe de Dieu” compte onze chapitres, trois cent quatre-vingt-quatre pages, six cent vingt-quatre paragraphes, et plus de sept cents citations des Écrituresc.

      En fait, on avait écrit ce livre dans le but d’en faire un manuel d’étude biblique, et en plus des questions qu’on y avait insérées, on offrait aux gens un cours complet d’instruction par correspondance contre une contribution couvrant seulement les frais d’impression et d’envoi par la poste. Cette offre parut d’abord dans le numéro du 4 janvier 1922 de L’Âge d’Or, tandis qu’une nouvelle édition de “La Harpe de Dieu” sortait de presse.

      L’occasion est maintenant offerte à tous ceux qui désirent étudier la Bible d’une manière systématique de le faire grâce à ce cours rapide mais cependant complet. Cette étude par correspondance se fait à l’aide d’un manuel de 384 pages intitulé “La Harpe de Dieu”, dont ce journal a annoncé récemment la parution.

      Chacun de ses onze chapitres est suivi d’une longue liste de questions (il y en a souvent plusieurs pour un seul paragraphe) conçues de manière à permettre même au lecteur le plus humble, non seulement de saisir la pensée, mais aussi d’en comprendre l’importance et de la retenir.

      Le bureau central de l’Association des Étudiants de la Bible enverra à chaque acquéreur de “La Harpe de Dieu”, à intervalles réguliers, un total de douze questionnaires, et ceci afin de l’aider et de l’encourager dans son étude.

      Cette édition a été réalisée à partir des mêmes clichés que ceux de l’édition de luxe précédemment annoncée. La seule différence qu’on y remarque, c’est que les marges sont moins larges et le papier plus fin, de sorte que le livre est facilement transportable soit dans la poche, soit dans un sac à main, ce qui permet au lecteur de tirer profit des minutes passées à voyager en train ou en autobus. Le livre est bien relié et sa couverture est en toile.

      Le prix du volume a été fixé à 68 cents pour ceux qui le commandent par la poste, et il comporte douze leçons. Cette étude par correspondance est du plus grand intérêt pour les enseignants de l’École du dimanche, pour les conducteurs de classes bibliques, et pour tous les étudiants de la Bibled.

      Les congrégations locales ou classes d’étude s’occupaient, elles aussi, d’envoyer des questionnaires. Les frères qui prêchaient de porte en porte offraient aux personnes à la fois le livre et le cours, et, chaque semaine, ils postaient les listes individuelles de questions. Une congrégation moyenne pouvait placer de 400 à 500 questionnaires par semaine dans ce service. On utilisa cette méthode pendant un certain nombre d’années.

      La Harpe de Dieu devint un ouvrage très populaire. C’est la première fois qu’on faisait quelque chose de nouveau depuis les Études des Écritures en sept volumes. Au fil des années on ajouta d’autres manuels à cette série de livres: Délivrance, en 1926, Création, en 1927, Réconciliation et Gouvernement en 1928. En 1927, la Société commença à publier le Yearbook (Annuaire) et elle a continué jusqu’à ce jour. Maintenant que la Société était en mesure de le faire, elle imprimait elle-​même ses livres; ainsi, au lieu de les offrir pour 50 ou 75 cents l’exemplaire, elle pouvait abaisser le prix jusqu’à 25 cents. Ce dernier prix fut en vigueur pendant de nombreuses années. Ce fut en 1919 que la Société décida de faire une réimpression complète de toutes les Tours de Garde publiées depuis quarante ans, de juillet 1879 au 15 juin 1919. Chaque collection représentait une série de sept volumes; ainsi la possibilité était offerte aux nouveaux frères de se procurer cette précieuse documentation pour une somme équivalant au tiers du prix initial de l’abonnemente.

      SUIVONS LES PROGRÈS DE LA LUMIÈRE CROISSANTE

      THOMAS: Vous avez mentionné le fait que certains pensaient que le pasteur Russell ne pouvait avoir de successeur, et que quelques-uns se sont opposés à la publication du Mystère accompli. Quel fut leur sentiment quand le juge Rutherford écrivit cette série de nouveaux livres?

      JEAN: Seul un petit nombre trouva à redire à cela. Cependant, la grande majorité des frères comprirent que ce flot de nouvelles publications arrivait au moment opportun, et ils en reconnurent la grande valeur. Malgré tout, il y a toujours certains chrétiens qui, comme nous l’avons dit, veulent vivre comme par le passé et manquent de maintenir cet esprit de progressivité qu’il faut posséder pour suivre la lumière de la vérité qui s’accroît au temps présent. L’œuvre de Jéhovah avance continuellement, et dans ces années de formation de 1919 à 1922, les frères avaient été préparés en vue d’une activité qui allait exiger d’eux toute la force spirituelle qu’ils seraient susceptibles d’acquérir. Cela signifiait qu’ils recevaient une nourriture spirituelle nouvelle, adaptée aux temps dans lesquels ils se trouvaient aussi bien qu’au besoin du public.

      Même frère Russell avait reconnu la réalité d’une telle nécessité. Prenez note de ce qu’il déclare dans La Tour de Garde (angl.) du 15 juillet 1906:

      Certains de ceux qui possèdent un exemplaire du livre Les Trois Mondes ou l’ancienne édition de L’Aurore du Jour voudraient peut-être savoir ce que je pense à présent de ces ouvrages — c’est-à-dire si je pense que ce sont là des livres qu’on peut encore prêter à ceux qui cherchent la vérité. À ceci je réponds: Certainement pas; la raison en est que les points de vue que ces écrits contiennent sur la vérité de Dieu sont dépourvus de maturité, et sont très inférieurs à la vision que nous avons à présent de son merveilleux dessein. (...) Le Seigneur m’a montré qu’il y a une grande responsabilité à assumer le rôle d’enseignant, et à faire circuler ne fût-​ce qu’un livre ou un écrit. Je ne recommande même plus l’étude de l’ouvrage Nourriture pour chrétiens réfléchis (que l’on ne réimprime plus) pour la raison que ce livre est moins systématique et par conséquent moins clair que nos publications ultérieuresf.

      Ainsi, bien que la Société n’ait jamais changé de point de vue sur les vérités fondamentales, nous avons assisté à la réalisation de la prophétie selon laquelle l’éclat de la lumière spirituelle deviendrait de plus en plus vif jusqu’à ce que le jour parfait soit établig. Ceux qui ont marché de pair avec elle ont continué de recevoir journellement de nouvelles forces pour réaliser cette œuvre de progrès qu’est la prédication de cette bonne nouvelle du Royaume.

      Après avoir appliqué le verset de Matthieu 24:14 à la prédication de l’évangile du Royaume à l’échelle mondiale, La Tour de Garde (angl.) de janvier 1921, dans son article de fond intitulé “L’Évangile du Royaume”, met en évidence la vérité suivante:

      Remarquons qu’il ne dit pas que l’évangile qui sera alors prêché sera le même que celui qui a été prêché aux humbles pendant tout l’âge de l’Évangile. De quel évangile voulait-​il donc parler? Le mot évangile signifie bonne nouvelle. Dans ce texte, la bonne nouvelle dont il est question est celle de la fin de l’ancien ordre de choses et de l’instauration du royaume du Messie. (...)

      Il est bon d’observer que, dans l’ordre indiqué, ce message doit être annoncé pendant l’intervalle compris entre la grande guerre mondiale et la “grande tribulation” mentionnée par le Maître dans Matthieu 24:21, 22. (...) Le moment semble donc opportun pour déclarer cette bonne nouvelle au loin comme dans la chrétienté.

      C’est par ce stimulant appel à l’action qui figurait sous le titre “Tous à l’œuvre” que s’ouvrit la “Campagne des Millions” qui, au cours des années préparatoires de 1919 à 1922, allait avoir des résultats sensationnels. Non seulement la nouvelle nourriture spirituelle affermissait les frères dans l’adoration pure à présent rétablie, mais elle les aidait à accomplir énergiquement cette tâche sérieuse qu’est le témoignage du Royaume. Ces mesures préliminaires ont fortifié les frères et les ont équipés pour la campagne qui devait commencer en 1922, et qui allait revêtir une grande significationh.

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