Coup d’œil sur le monde
“La paix et les convictions”
Ouvrant dernièrement une conférence organisée à Paris par l’UNESCO sur le sujet “Les convictions des hommes constituent-elles une force historique capable d’aider à la paix ?”, M. René Maheu, directeur général de l’UNESCO, a déclaré : “Si la paix n’est pas un simple équilibre de la terreur, mais une projection de la justice organisée, seuls les hommes qui possèdent une conviction déterminée peuvent avoir une théorie de la paix. Les autres ne peuvent avoir qu’une technique de la paix.” Cette conférence, qui a duré quatre jours, a réuni des personnalités venues de vingt-six nations. Elles représentaient des idéologies philosophiques, religieuses et politiques diverses, sinon opposées. C’est ainsi que des prêtres et des juristes libanais s’en sont pris au sionisme et ont exigé une définition de l’agression. Le représentant d’Israël a parlé d’“arrogance” et de “slogans”. L’observateur du Vatican a proposé de créer une commission de contrôle des Nations unies pour vérifier si les droits de l’homme étaient respectés partout et par tous. L’Église continue donc à considérer l’ONU comme indispensable à la paix du monde. En tout cas, ce colloque convoqué par un organisme des Nations unies a donné un bien piètre exemple des possibilités humaines d’établir sur la terre une paix véritable. En effet, à l’issue des discussions les experts réunis ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une déclaration finale ! Il faut croire que les convictions des hommes, pour peu qu’elles ne soient pas fondées sur la vérité divine, sont plutôt un facteur de désunion que de paix.
Le pape se solidarise avec les travailleurs
Dans un “salut aux travailleurs” qu’il fit à l’occasion de la dernière fête du Travail, le pape Paul VI a dit : “L’Église voit les aspirations des travailleurs à la justice et au progrès avec une sympathie solidaire. Elle craint seulement que l’ardeur de leur lutte mette dans leurs cœurs l’esprit de haine, de vengeance et de violence et ferme leurs yeux à la vision des biens spirituels aussi nécessaires à leur vie que les biens économiques, et qui sont dignes de leur condition sociale. Le Christ fut pauvre. Le Christ fut, lui aussi, un travailleur. Le Christ a rencontré l’opposition et l’incompréhension de ses contemporains.” Le souverain pontife a cependant jugé bon de mettre en garde la classe ouvrière contre “l’esprit de violence et la fascination de la révolte”. Peut-être cette mise en garde s’adressait-elle également à certains prêtres, voire à certains évêques catholiques ! En effet, pendant la période des élections présidentielles françaises, le quotidien L’Aurore a pu titrer : “Plus à gauche que Mitterrand et le [parti communiste] lui-même, les prêtres du Programme commun.” Et Jean Bourdarias a pu écrire dans Le Figaro : “Les récents événements du Mozambique et du Portugal venant après ceux du Chili ont mis en évidence les distances que les Églises locales entendaient désormais prendre à l’égard des pouvoirs en place. (...) Comme le faisait remarquer, le 10 mars 1972, Mgr Dadaglio, nonce apostolique en Espagne, si l’Église a le devoir de prendre sa liberté et son indépendance, elle ne saurait ‘s’enfermer dans les sacristies’. Elle ‘doit même faire entendre sa voix face aux injustices et contribuer par ses jugements moraux à la construction d’un ordre social et civil de plus en plus parfait’. (...) Aujourd’hui, c’est le socialisme que certains [catholiques] prétendent fonder sur l’Évangile. N’a-t-on pas même vu en Amérique latine fleurir des théologies de la libération et même de la révolution ? Ce nouveau glissement du moral au politique n’est pas sans inquiéter de nombreux responsables.”
Les embarras de l’Église au Portugal
Devant les récents événements au Portugal, l’Église catholique présente un front divisé. D’une part, les prêtres gauchistes et bon nombre de catholiques qui, pendant des années, luttaient clandestinement avec les communistes et les socialistes, se réjouissent du changement de régime. D’autre part, la hiérarchie, dont la plupart des prélats ont toujours soutenu l’ancien régime, se trouve embarrassée. En effet, depuis des années, un seul évêque avait osé manifester son opposition au régime du docteur Salazar. Il s’agit de Mgr Ferreira Gomes, qui fut exilé de 1958 à 1969. Lors du récent changement de régime, cet évêque a condamné l’anticommunisme comme “stérile et négatif”. Il a déclaré : “Nous n’avons pas de doute que l’avenir sera fait par le peuple et par ses représentants ou alors il sera fait par le pouvoir et ses détenteurs.” Invitant les catholiques à agir “politiquement”, il a précisé : “Si jusqu’à présent nous n’avons pas tous eu la possibilité ou le courage de le faire, aujourd’hui nous devons non seulement penser et parler, mais aussi vivre dans la vie publique.” En revanche, la plupart des dignitaires de l’Église catholique portugaise n’ont retrouvé leur voix que pour condamner “la violence” du peuple à l’égard de certains agents de la DGS (l’ancienne police politique). Commentant la situation de l’Église catholique au Portugal, Le Monde a écrit : “L’Église catholique portugaise, dont les chefs n’ont pas su ou pu se dégager à temps de l’emprise du salazarisme, est l’une des grandes perdantes du changement de régime. (...) Si les signes de révolte et d’engagement des chrétiens, laïcs ou religieux, n’ont donc pas manqué, particulièrement depuis le début de la guerre en Afrique, la hiérarchie en tant que telle n’a pour sa part pratiquement jamais bronché. Elle observe aujourd’hui un silence embarrassé.”
La drogue en URSS
Les journaux soviétiques ne font presque jamais mention des problèmes de la toxicomanie en URSS. Mais dernièrement le Bulletin officiel du Soviet suprême a publié le texte d’un décret intitulé “Renforcement de la lutte contre la toxicomanie”. Cette nouvelle loi aggrave considérablement les peines prévues contre les trafiquants de drogue. Désormais, ceux qui s’adonnent à la drogue seront passibles d’une amende de 50 roubles (335 francs français) et seront obligés de se faire soigner dans des établissements spécialisés. La culture et l’ensemencement illégal du pavot et du chanvre comporteront des peines de cinq ans de prison. La peine sera la même pour l’incitation à la toxicomanie, mais elle pourra aller jusqu’à dix ans en cas de récidive ou d’incitation de mineurs. Quant aux trafiquants de drogue, les récidivistes pourront se voir infliger quinze ans de prison ainsi que la confiscation de leurs biens s’ils se procurent de la drogue en ayant recours à la violence. Ainsi, bien que l’Union soviétique prétende que la toxicomanie est “une maladie typique de la société capitaliste”, ces nouvelles mesures légales démontrent, si besoin était, que le “paradis communiste” est également touché par ce fléau.
Le rôle de l’armée en Chine
Sous le titre “Vive la violence révolutionnaire !”, l’organe communiste chinois Quotidien du peuple a publié au mois de mai un article où l’on pouvait lire : “Les activités de Lin Piao pour s’emparer du pouvoir dans le parti et semer le trouble dans l’armée n’ont pas causé le moindre dommage à cette dernière. L’armée populaire de libération que le grand dirigeant, le président Mao, a fondée et dirigée en personne est le ferme pilier de la dictature du prolétariat, elle constitue une garantie pour prévenir une restauration capitaliste, elle est une grande muraille d’acier pour protéger la patrie socialiste. En soutenant l’industrie, l’agriculture et les forces de la gauche, en assurant le contrôle et l’instruction militaires, elle s’est acquis de nouveaux mérites auprès du peuple.” Les Chinois sont d’autre part exhortés à “prendre modèle sur l’armée”.
“De Confucius à Mao Tsé-Toung”
On sait que depuis quelque temps une campagne de propagande est menée en Chine contre Confucius, considéré jusque-là comme le père de la philosophie chinoise. Cette campagne est menée tambour battant à la radio, à la télévision et dans la presse écrite. Les maisons d’éditions sortent continuellement des livres anticonfucianistes et les librairies réservent un comptoir spécial pour la vente de ces livres, qui bat tous les records. Commentant ce phénomène, M. Alain Peyrefitte, auteur d’un célèbre livre intitulé Quand la Chine s’éveillera..., a fait dernièrement devant l’Académie des sciences morales et politiques à Paris une communication intitulée “De Confucius à Mao Tsé-Toung”. Dans son compte rendu de cette réunion, Le Monde a écrit : “L’indice le plus révélateur d’un changement de climat en Chine, c’est, pour M. Alain Peyrefitte, la déconfucianisation à laquelle on assiste depuis un mois, depuis que le philosophe Fen Yu-lan, spécialiste de Confucius, a fait son autocritique et dénoncé le conservatisme réactionnaire du sage le plus vénéré de l’antiquité chinoise, mort il y a deux mille cinq cents ans, et précisé que cette campagne était dirigée personnellement par le président Mao. (...) Quel courant prédomine en Chine : le courant gauchiste, idéologique, ou le courant économiste ? Sans doute le premier dans les masses, compensé peut-être chez les gens raisonnables par un souci des réalités économiques. Ce qui est ressorti de cette petite ‘table ronde’, au cours de laquelle ont été donnés nombre de détails sur la vie chinoise, c’est que Mao est vénéré comme le prophète — le dieu — d’une véritable religion, qu’il est l’objet d’un culte, grâce à son génie, sa sagesse paysanne et son passé de héros national.” Il semble donc que les Chinois soient en voie de remplacer un faux dieu par un autre.