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  • La corrida — une fête espagnole
    Réveillez-vous ! 1976 | 8 janvier
    • La corrida — une fête espagnole

      De notre correspondant en Espagne

      DANS de nombreux foyers à travers le monde, les murs sont décorés de peintures ou de gravures qui exaltent les exploits d’un matador. Les courses de taureaux exercent une sorte de fascination sur bien des gens, mais la plupart n’en ont jamais vu. Allons donc visiter une arène à Barcelone : la Plaza de Toros Monumental.

      En vous en approchant, vous êtes saisi par l’atmosphère fiévreuse et pleine d’excitation qui y règne. Il y a foule devant l’édifice à ciel ouvert, de style maure. Chacun paie son ticket en billets de 500 et 1 000 pesetas (40 et 80 francs français environ). Mais malgré le prix, le monde afflue.

      Haut dans les tribunes, vers la gauche, un orchestre a attaqué un paso doble, la musique habituelle des arènes. À droite, et également vers le haut, voilà la loge du presidente, généralement un dignitaire local qui préside la corrida et distribue les récompenses. Dans une enceinte appelée toriles sont enfermés six taureaux de pure race ; on les a entraînés depuis au moins quatre ans. Chacun d’eux pèse 500 kilos.

      En bas, à gauche, attendent trois toreros, des matadors, accompagnés de leur cuadrilla ou troupe d’aides, les uns à cheval, les autres à pied. Avant la fin du jour, les trois matadors auront mis à mort les six taureaux, chacun deux.

      “La Corrida de Toros” commence

      Le doyen des trois toreros est à présent dans l’arène. On ouvre le toril et un splendide animal noir s’élance en avant. Cette demi-tonne de muscles ondulants parcourt la piste au trot, la tête haute, d’un air de défi, semble-​t-​il. Il n’attend pas longtemps. Sur un signe du torero, ses aides commencent à exciter le taureau par leurs jeux de capes.

      Le torero s’est dirigé vers le centre de la piste et il se livre à quelques premières passes avec la capote, ou grande cape. Il s’éloigne lentement en se balançant tandis que le taureau charge. Si le torero se sent particulièrement confiant, il se livre à ses passes de cape à genoux et, par son mouvement tourbillonnant, il attire plusieurs fois le taureau près de lui. La foule réagit en criant son approbation à pleine voix : “Olé !... Olé !” Mais un clairon retentit.

      Cette sonnerie marque la fin des passes de cape et le début des varas ; c’est le travail du picador à cheval. La pique en main, il choisit une position à l’extrémité de l’arène pour engager le taureau à attaquer. L’animal aperçoit soudain cette cible beaucoup plus grosse et il s’élance en avant pour frapper le flanc droit du cheval. Quand le taureau heurte de ses cornes l’armure protectrice du cheval, aux yeux bandés, celui-ci recule sous le choc. Il lutte pour garder son équilibre et, pendant ce temps, le picador lance sa pique dans l’épaule du taureau, appuyant de tout son poids. Certains muscles et tendons du puissant animal sont sectionnés, ce qui l’oblige à tenir la tête baissée ; c’est nécessaire pour les passes de muleta (un petit tissu rouge tendu sur un bâton) auxquelles va bientôt se livrer le torero. Le taureau s’éloigne momentanément, mais il attaque de nouveau et, une fois de plus, la pique pénètre plus profondément dans ses épaules. Ses forces diminuent et il perd de sa vitesse.

      Maintenant c’est aux banderilleros à entrer en action. Leur rôle consiste à planter dans les épaules du taureau des espèces de dards longs de 75 centimètres et ornés de bandes multicolores, appelés banderillas. D’une distance de 20 à 30 mètres, le banderillero attire l’attention du taureau en criant. Il court alors vers l’animal avec une banderille dans chaque main, puis, au moment crucial, il les lui enfonce dans les épaules en se dressant sur la pointe des pieds. Le procédé peut être répété jusqu’à quatre fois et peut aussi être effectué à cheval.

      Le taureau a perdu la plus grande partie de ses forces et le sang ruisselle de ses blessures ; tout son corps est palpitant. Le clairon sonne de nouveau, annonçant la mise à mort.

      La mise à mort

      Avant de procéder à la mise à mort, le torero soulève son chapeau et dédie le taureau à quelqu’un dans l’assistance, peut-être à un personnage important, ou même au public en général. Puis il avance vers l’animal avec sa muleta et s’en sert pour l’exciter au combat. Quoique épuisé, le taureau accepte le défi et charge, non parce que le tissu est rouge (le bœuf ne discerne pas les couleurs), mais parce qu’il est attiré par le mouvement.

      Les passes de muleta ont pour but de provoquer les charges du taureau et de l’attirer de plus en plus près, mais l’homme évite soigneusement ses dangereuses cornes. Au cours d’une passe, l’animal est si près que le torero manque de perdre l’équilibre. Quand il fait de nouveau face au taureau, son habit est maculé du sang de ce dernier.

      Le torero se prépare à présent à la mise à mort à l’aide de l’estoque, une épée spéciale. Taureau et matador se font face pour la dernière fois : l’un, épuisé, ensanglanté, respirant péniblement et les épaules hérissées de six banderilles ; l’autre, pieds joints, déterminé, l’épée prête.

      Pour tuer proprement et selon les règles, l’épée doit frapper entre les épaules et s’enfoncer jusqu’à la garde, sectionnant une artère ou un organe vital. Mais cela réussit rarement du premier coup. Cette fois-​ci, il faut deux tentatives. Le taureau reste encore debout quelques instants, la langue pendante, la salive et le sang dégouttant de sa bouche. Puis il s’écroule, mort. Pour plus de sûreté, un aide s’approche et, avec une dague, frappe la moelle épinière juste derrière les cornes.

      Après la mise à mort

      Maintenant c’est à la foule d’exprimer son opinion. Cela peut varier du silence complet (marque de désapprobation) aux sifflements, aux applaudissements et aux mouchoirs qu’on agite. Pendant ce temps-​là, un groupe de chevaux entraînent le corps de l’animal. Depuis le moment où le taureau est apparu pour la première fois jusqu’à sa mort, environ quinze minutes se sont écoulées.

      Le presidente doit à présent décider s’il va décerner un trophée. Si le torero a fait du bon travail, il pourra recevoir une des oreilles du taureau. S’il a déployé une grâce et une habileté particulières, il recevra même les deux oreilles. Une performance magnifique lui donnera droit à la récompense suprême, les deux oreilles et la queue, ainsi que la gloire, la renommée et peut-être une rémunération plus élevée lors d’une prochaine corrida.

      Les courses de taureaux à travers les âges

      Les courses de taureaux existent depuis des milliers d’années, surtout en Espagne. L’une des raisons en est que la race de taureaux espagnole possède les qualités requises pour cette activité. Ces quinze dernières années, grâce à l’essor du tourisme, qui amène annuellement trente millions de personnes en Espagne, les courses de taureaux ont reçu un soutien financier considérable. La plupart des touristes assistent à une corrida parce que, pensent-​ils, c’est un divertissement typiquement espagnol, ce qui est d’ailleurs loin d’être la vérité. En réalité, beaucoup d’Espagnols n’y assistent pas et ne s’y intéressent guère. Mais aussi longtemps qu’il y aura assez de gens qui voudront payer, il y aura des toreros qui voudront combattre et des éleveurs qui voudront élever des taureaux. Mais quel effet les courses de taureaux ont-​elles sur les spectateurs ?

      L’effet sur les gens

      Les réactions des spectateurs sont variées. Pour certains, les courses de taureaux sont répugnantes, tandis que d’autres en deviennent des passionnés. L’aficionado (fanatique) n’est pas du tout troublé par la mort du taureau. Il est surtout intéressé par l’art, la grâce et l’habileté du torero dans ses passes de cape et de muleta. Mais quoi qu’on dise sur l’art et la grâce du torero, même les défenseurs actuels des corridas reconnaissent qu’on y fait preuve de cruauté envers l’animal. Une encyclopédie, par exemple, qui prétend que les courses de taureaux ont progressivement changé au cours des années, “perdant une grande partie de leur brutalité”, admet qu’elles sont “encore cruelles dans certains détails”. — C’est nous qui soulignons.

      Une autre question à considérer est le risque délibéré que prend le torero pour plaire au public. L’Encyclopédie britannique explique :

      “La foule ne souhaite pas réellement voir tuer un homme, mais la possibilité de la mort, le mépris que l’homme affiche pour les blessures, l’habileté qu’il met à les éviter, tout cela électrise une foule. Ce qui intéresse l’assistance, ce n’est pas simplement de voir un homme entrer dans l’arène, tuer un animal de la manière la plus sûre et en sortir indemne ; elle veut voir de l’adresse, de la grâce et de l’audace. Aussi, une corrida n’est pas vraiment un combat entre un homme et un taureau, mais plutôt entre un homme et lui-​même. Jusqu’où laissera-​t-​il les cornes s’approcher de lui ? Jusqu’où ira-​t-​il pour plaire à la foule ?”

      Chose intéressante, les courses de taureaux portugaises (dans lesquelles il n’y a pas de mises à mort) n’ont pas autant de succès auprès du public payant.

      Comme on peut le penser, tous les combats ne tournent pas en faveur des toreros. L’Encyclopédie britannique dit encore : “Virtuellement, chaque matador est blessé plus ou moins grièvement au moins une fois par saison. Belmonte (un des toreros les plus renommés des années 20) a été blessé plus de 50 fois. Des quelque 125 principaux matadors (depuis 1700), 42 ont été tués dans l’arène ; ne sont pas compris dans ce chiffre, les matadors débutants, les banderilleros ou les picadors.” Malgré cela, plus de 3 000 taureaux seront tués dans les arènes espagnoles au cours de cette saison et des douzaines de toreros risqueront leur vie plusieurs fois par semaine.

      L’Église catholique et les courses de taureaux

      Pendant des années, l’Église catholique a interdit les courses de taureaux. Le pape Pie V (1566-​1572) émit des bulles menaçant les toreros d’excommunication et leur refusant la sépulture chrétienne. D’autres papes adoptèrent la même attitude jusqu’à Clément VIII (1592-​1605), qui supprima l’excommunication mais stipula que les courses de taureaux en Espagne ne devraient pas avoir lieu les jours fériés. Néanmoins, elles devinrent une partie intégrante des fêtes et événements religieux. À ce sujet, nous lisons le commentaire suivant dans la Enciclopedia Universal Ilustrada :

      “Les transferts du très saint sacrement (Santísimo Sacramento) d’un autel à un autre étaient célébrés par des courses de taureaux ; également les transferts des reliques et des images de saints ; les commémorations des saints patrons des villes ; la construction des églises ; les canonisations et bien d’autres fêtes religieuses. On sacrifia joyeusement plus de 200 taureaux lors de 30 corridas pour célébrer la canonisation de sainte Thérèse. Des courses de taureaux eurent lieu dans la cathédrale de Palencia ; la chair des taureaux tués en l’honneur des saints était gardée comme relique et pour opérer des guérisons. Les chapitres ecclésiastiques organisaient et finançaient les courses (...). À Tudela, le matin de la course, un moine capucin jetait un sort sur les taureaux afin qu’ils soient féroces.”

      Les toreros ont tendance à être religieux, mais, comme certains l’admettent, plutôt de façon superstitieuse. L’un d’eux expliqua que chaque arène possède sa chapelle privée où les toreros vont prier avant d’affronter le taureau. En fait, quand ils voyagent, beaucoup de toreros emportent avec eux une sorte d’autel portatif qu’ils peuvent installer dans une chambre d’hôtel et devant lequel ils prient avant de partir pour l’arène.

      Les courses de taureaux sont-​elles pour les chrétiens ?

      Comment un chrétien devrait-​il considérer les courses de taureaux ? À ce propos nombre de questions se présentent immédiatement à l’esprit. Par exemple, puisque l’homme est fait à l’image de Dieu et que Dieu est amour, reflète-​t-​on cet amour en pratiquant la cruauté envers les animaux (Gen. 1:26 ; I Jean 4:8) ? Si un chrétien a voué sa vie à Dieu, est-​il raisonnable qu’il la mette en danger en provoquant délibérément un taureau féroce ? De pareils divertissements auront-​ils lieu dans l’ordre nouveau de Dieu où, parmi les hommes comme parmi les animaux, “on ne fera aucun mal et on ne causera aucun ravage” ? — És. 11:9.

      Par conséquent, que penser du fait de collectionner des photos de matadors ou d’orner sa maison avec des représentations de courses de taureaux ? Est-​ce faire preuve d’un point de vue équilibré, d’un esprit sain et d’un bon jugement que d’idolâtrer des hommes qui méprisent le don de la vie et qui font leur gagne-pain d’une exhibition publique de cruauté envers les animaux ? Autre chose encore : Si nous avions des représentations de corrida dans notre maison, quel effet cela aura-​t-​il sur nos compagnons chrétiens ? La même question se pose s’ils nous voient assister à une course de taureaux. Les chrétiens réfléchis n’oublieront pas l’exhortation de Paul : “Que chacun continue à chercher, non pas son avantage personnel, mais celui d’autrui.” — I Cor. 10:24.

  • La vie d’un matador est-elle satisfaisante ?
    Réveillez-vous ! 1976 | 8 janvier
    • La vie d’un matador est-​elle satisfaisante ?

      Voici l’histoire de quelqu’un qui a réalisé son rêve de devenir un matador et qui a ensuite compris ce que cela signifiait vraiment.

      PENDANT près de vingt ans, j’ai rêvé de devenir un matador qualifié, et finalement mon rêve s’est réalisé. Cela s’est passé le 2 avril 1967, à Madrid.

      Quand je suis sorti de l’hôtel, j’ai vu une foule d’amis et de compagnons qui voulaient être avec moi en ce grand jour. Cet après-midi-​là, au cours d’une cérémonie appelée alternativa, je devais recevoir le titre de matador de toros, le grade le plus élevé en tauromachie.

      Les deux hommes qui allaient me présenter étaient, l’un, le doyen des matadors, Curro Romero, parrain de la cérémonie, l’autre, le fameux matador El Cordobés, Manuel Benitez, qui servirait de témoin officiel. Après quelques mots d’encouragement et de bienvenue dans ce groupe de professionnels, j’ai reçu ce qu’on appelle couramment los trastos de matar, les outils du métier. Il s’agit de l’épée et de la muleta, un morceau de flanelle rouge fixé sur un petit bâton, pour leurrer le taureau.

      Puis les deux vétérans m’ont donné l’accolade. Finalement je me suis trouvé face à face avec le taureau. J’ai réussi l’épreuve. Une carrière prometteuse s’ouvrait devant moi. J’avais enfin atteint le but que je m’étais fixé depuis si longtemps.

      Un désir précoce

      Quand j’étais gamin, je ne pensais qu’aux courses de taureaux. J’allais m’asseoir à la porte de la boutique du coiffeur, rien que pour entendre les hommes en discuter. À cette époque-​là ils parlaient encore de la mort d’un des toreros les plus renommés de tous les temps, Manolete (Manuel Rodriguez), qui a été tué par un taureau en 1947.

      Je m’évertuais à répéter les gestes des toreros, mais je n’avais pas d’animal. Finalement l’occasion se présenta ; c’était en décembre 1958, alors que je n’avais que quinze ans.

      Quelques amis plus âgés avaient projeté de se rendre de nuit dans un corral pour s’entraîner, et je parvins à les décider de m’emmener. Ils réussirent avec difficulté à séparer du troupeau une vache méchante. Puis, chacun à notre tour, nous nous sommes exercés. Après, il y eut une discussion quant à savoir qui avait été le meilleur. Un garçon dit que c’était moi, ce qui me surprit, car je n’avais aucune idée de ce qui était bien ou mal en matière de corrida. Depuis lors, mes amis m’ont toujours emmené avec eux lors de leur entraînement nocturne et j’ai acquis ainsi beaucoup d’expérience.

      Une nuit, un coup de corne de vache me fit une entaille depuis la bouche jusqu’au menton. Comme médecin je n’avais que mon compagnon, qui versa sur la blessure de l’aguardiente, une eau-de-vie bon marché. C’était la première fois que mon sang coulait et je me sentais très honoré. Mais comment allais-​je réagir la prochaine fois ? Aurais-​je peur face à un taureau dans l’arène, devant un public ?

      Après avoir réfléchi, j’étais plus déterminé que jamais à devenir un matador accompli.

      Je poursuis mon but

      Mon père essaya de toutes les manières de me décourager. Il me battit et me priva de nourriture. Quand un soir il découvrit que je n’étais pas là, il verrouilla la porte, de sorte que j’ai dû passer le reste de la nuit dans la rue. C’est pourquoi j’ai décidé de m’enfuir avec deux camarades qui voulaient eux aussi devenir matadors ; j’avais alors environ seize ans.

      Nous sommes allés à Salamanque, dans le nord du pays, à quelque 700 kilomètres de Palma del Rio, où j’habitais. Nous avons voyagé dans des trains de marchandises, nous avons souffert du froid et de la faim, mais nous sommes parvenus à subsister en mendiant de la nourriture dans les fermes et parfois en volant des poulets. Par moments, je pensais retourner à la maison, mais en songeant à la glorieuse carrière de matador, je reprenais courage.

      Un jour, nous avons entendu dire qu’il y aurait une course de taureaux à Ciudad Rodrigo, dans la province de Salamanque. Les taureaux sont si gros là-bas que peu de personnes osent se risquer dans l’arène. Quant à moi, mon désir de devenir un matador était si grand que je ne me souciais pas du danger. Je voulais simplement devenir célèbre.

      À cette occasion, à cause de mon audace, j’ai reçu quelque argent, assez pour me rendre à Madrid. Là, avec l’aide de parents, j’ai pu m’inscrire à une école de toreros. Je l’ai fréquentée pendant trois mois et j’y ai appris à améliorer mon style.

      Ma première corrida officielle

      J’étais alors un novice, un novillero. Pour atteindre mon but et devenir un matador pleinement qualifié, j’avais besoin d’expérience et de la présence d’un public.

      Puis en 1963 eut lieu ma première corrida officielle et mon nom parut sur les affiches. Cela se passait dans ma ville natale, Palma del Río, dans la province de Cordoue, à l’occasion d’une fête religieuse. Comme c’est généralement la coutume, on avait prévu deux courses de taureaux.

      Une fois dans l’arène, j’avais un tel désir de gagner que j’étais sûrement plus acharné que le taureau. Ce fut un triomphe et j’ai reçu la récompense suprême, les deux oreilles et la queue du taureau, outre le droit de revenir le lendemain. Le lendemain également j’ai eu beaucoup de succès. Tout le monde m’acclamait et me prédisait un bel avenir comme torero ou matador.

      Un homme d’affaires offrit de devenir mon manager et mon représentant. Mon père avait changé d’avis ; il n’était plus opposé à l’idée que je devienne un matador, car il voyait les avantages matériels de cette profession. Il m’émancipa devant notaire et me confia au manager, car j’étais encore mineur. Ma mère, par contre, ne voyait pas la chose d’un bon œil à cause des dangers qui me menaçaient.

      Plus près du but

      Mon manager a été excellent au début ; il organisait des corridas avec de jeunes taureaux, ce qui me permettait de me perfectionner. Puis, j’ai cessé de faire des progrès, car ce manager était un amateur et il n’avait pas les qualités requises pour m’aider à devenir un matador accompli. Mon contrat m’attachait à lui pour cinq ans ; la seule solution était donc d’acheter ma liberté, ce que j’ai fait. J’ai rompu le contrat moyennant un dédommagement élevé, mais au moins j’étais libre et j’allais pouvoir progresser.

      Avec mon nouveau manager j’ai obtenu un contrat pour une corrida à Bilbao, dans l’une des plus grandes arènes d’Espagne. Cette corrida s’est révélée particulièrement importante dans ma carrière.

      Au cours de mes passes de cape, le taureau m’arracha la cape d’un coup de corne. Je me trouvais sans défense, sans moyen de leurrer l’animal. J’aurais pu m’enfuir tout en gardant l’honneur sauf. Mais, dans mon inexpérience et mon désir de réussir, je tins bon et j’ai envoyé un coup de pied à la tête du taureau. Celui-ci, cependant, me donna un coup de corne à la cuisse gauche, la transperçant presque.

      Mon sang coulait à flot ; la foule aurait sûrement excusé mon abandon. J’ai eu un moment d’indécision, mais mon désir de triompher et la détermination de devenir un matador renommé ont été plus puissants que la douleur. J’ai demandé une autre cape et, malgré les efforts des autorités de l’arène pour m’en dissuader j’ai de nouveau fait face au taureau. Je commençais à m’affaiblir.

      Bien que le public ne souhaite pas voir une tragédie, on le sent survolté dans des situations où la vie du matador est en danger. En dépit de ma blessure, je réussis à terminer mes passes de cape et à tuer le taureau. J’ai fait le tour de la piste au milieu des acclamations, puis j’ai été emmené à l’infirmerie. Après qu’on m’eut donné les premiers soins, on me conduisit à l’hôpital spécial pour les toreros, à Madrid.

      L’événement a été commenté dans les journaux qui attirèrent sur ma personne l’attention du public des corridas. En outre, une photo me montrait combattant le taureau malgré le coup de corne à la cuisse. Je suis devenu célèbre, ce qui m’a valu des engagements dans les meilleures arènes d’Espagne et du sud de la France. J’ai finalement atteint mon but, concrétisé par la cérémonie de l’alternativa le 2 avril 1967.

      Les joies du succès...

      Chaque corrida me rapportait environ 11 000 francs français. Cependant, après avoir payé ma cuadrilla, ou troupe, le voyage, la nourriture, les notes d’hôtel et versé 10 pour cent à mon manager, il ne restait souvent qu’à peine 10 pour cent pour moi. Je n’amassais pas les richesses que je désirais ; en fait, je dépensais plus que je ne gagnais, comptant que la saison suivante m’apporterait davantage.

      Pendant quelque temps, être matador me sembla merveilleux ; j’étais une célébrité qu’on adulait. Puis j’ai commencé à comprendre que c’était le torero qui avait des amis, et non pas l’homme. On voulait être vu en compagnie du matador victorieux, jouir d’une partie de sa gloire. Aussi, quand j’avais remporté des succès dans l’arène, l’hôtel était plein d’“amis” et on organisait des fêtes en mon honneur. Mais lorsque les choses allaient moins bien, ces mêmes “amis” brillaient par leur absence.

      En outre, je me suis rendu compte que les courses de taureaux étaient dirigées par un petit nombre de gens influents. Quelques empresarios contrôlaient les grandes arènes et le torero y obtenait un contrat grâce à ses relations plutôt qu’à son habileté. De plus, généralement les journalistes ne relataient les triomphes d’un matador que s’ils avaient reçu au préalable une “gratification”.

      Il y avait aussi les blessures inévitables. Si elles étaient douloureuses pour le corps, elles l’étaient également pour le portefeuille. La saison ne durait que quelques mois et une blessure vous mettait hors de combat pendant deux à quatre semaines ou davantage. J’ai eu sept blessures, dont les cicatrices font penser à une carte routière.

      La vie d’un matador n’était pas du tout ce que j’avais imaginé. Autre chose cependant me fit douter de la valeur de l’existence que je menais.

      Le matador et la religion

      La religion est étroitement liée aux courses de taureaux. Avant chaque corrida les matadors s’en vont prier dans une chapelle remplie d’images. Beaucoup emportent même avec eux une chapelle portative. Un jour, j’avais prié comme de coutume devant ma chapelle avant de me rendre à l’arène ; mais en rentrant je découvris qu’elle avait pris feu. Si j’étais revenu un peu plus tard, toute la chambre aurait brûlé. Cela m’a fait réfléchir. Si ces images, me suis-​je dit, ne pouvaient pas se garder elles-​mêmes, comment pourraient-​elles me protéger lors d’une course de taureaux ? Le doute me tourmentait.

      Une autre fois, alors que je me trouvais en France pour une corrida, je voulus me confesser, comme j’en avais également l’habitude. J’attendais le prêtre en même temps que d’autres personnes, mais à notre surprise et notre déception, il refusa de venir nous écouter. Puis, quand il sut que j’étais là, il vint entendre ma confession, mais il ignora les humbles gens qui attendaient depuis si longtemps. Des incidents de ce genre commençaient à affaiblir ma foi dans l’Église catholique. Néanmoins, je croyais en Dieu et je respectais la Bible. En fait, je prenais plaisir à la lire.

      Un jour, j’ai donc expliqué à un prêtre que j’aimerais comprendre la Bible. Il me découragea en me disant que la Bible était pour les théologiens et que je deviendrais fou si je la lisais. J’étais attristé et ma foi en l’Église s’affaiblit encore.

      Un meilleur but dans la vie

      À peu près à ce moment-​là, un jour de l’automne 1968, ma femme et moi étions en train de prendre notre petit déjeuner lorsqu’on frappa à la porte. Ma femme alla ouvrir et se trouva en face de deux dames qui nous parlèrent de la Bible. J’ai posé différentes questions et chaque fois elles m’ont donné une réponse biblique. J’étais émerveillé et souhaitais pouvoir, moi aussi, manier la Bible de cette façon. En lisant les publications que ces dames m’avaient laissées, j’ai compris que je pourrais y trouver la connaissance biblique que je désirais tant. Bientôt, ma femme et moi avons accepté une étude régulière de la Bible dans notre foyer.

      À cette époque j’étais invité à participer à une corrida organisée à l’occasion d’une fête dans un ranch. L’évêque de Séville était présent et j’ai remarqué combien il prenait plaisir au déroulement des opérations. Quant à moi, je ne me sentais pas à ma place.

      Au cours de ma carrière, j’ai tué environ 240 taureaux. Même pendant cette période, quand je regardais d’autres matadors combattre un animal ensanglanté et affaibli, j’étais pris de pitié pour lui. À mesure que je me familiarisais avec les enseignements bibliques je comprenais mieux que la carrière de torero ne convenait pas à un vrai chrétien. La corrida du ranch a été la dernière à laquelle j’ai participé.

      J’ai appris que Dieu va créer un nouveau système de choses juste et j’ai senti grandir en moi le désir de servir ce Dieu plein d’amour (II Pierre 3:13). C’est ce qui est devenu le but principal de ma vie. Et, puisque la Bible montre que chacun doit connaître le dessein de Dieu, j’ai commencé à en parler aux autres. — Mat. 24:14.

      Beaucoup de gens paraissaient agréablement surpris de me voir à leur porte. Ils étaient enchantés de parler de corridas avec moi. Mais alors, je saisissais l’occasion de leur expliquer que dans la vie il y a quelque chose de bien mieux que les courses de taureaux — connaître et servir notre grand Créateur. J’en ai fait personnellement l’expérience.

      — D’un de nos lecteurs.

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