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Des chrétiens fuient de cruelles persécutions au MalawiRéveillez-vous ! 1973 | 8 février
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rarement été égalée durant l’histoire moderne. Parmi les milliers de chrétiens qui vivent maintenant dans des camps de réfugiés hâtivement construits, nombreux sont ceux qui portent encore les traces des coups et des tortures cruelles qu’ils ont dû subir.
La commission des réfugiés de l’Organisation des Nations unies envoya un représentant, le Dr Hugo Idoyaga, à la frontière entre la Zambie et le Malawi. Il rapporta “qu’un grand nombre de réfugiés portaient des entailles et des balafres apparemment causées par des coups de panga, grand couteau courant en Afrique orientale”. — New York Times, 22 octobre 1972.
Tous ces réfugiés étaient des témoins de Jéhovah. Ils constituaient l’énorme majorité des quelque 23 000 témoins de Jéhovah africains vivant au Malawi.
Pour beaucoup d’entre eux, ces souffrances n’étaient pas nouvelles. En 1967, ils avaient connu de grandes difficultés à cause d’une vague de persécutions. Par milliers, leurs maisons, leurs magasins et leurs lieux de culte avaient été détruits ou saccagés ; un certain nombre de témoins avaient été tués, et des centaines de femmes violées, parfois à plusieurs reprises. Leur activité chrétienne, leurs écrits bibliques et leurs réunions pour le culte avaient été officiellement interdits.
Cinq ans plus tard, une vague de persécutions sauvages s’est abattue sur eux avec une intensité jamais égalée. Dans tout le pays, des efforts ont été faits pour détruire le groupe chrétien uni que constituent les témoins de Jéhovah au Malawi, en les privant de toute possibilité d’emploi et de ce qui est nécessaire pour se nourrir et se loger. On estime qu’il y a eu au moins dix tués, et que ce nombre peut s’élever jusqu’à soixante.
Aussi incroyables que puissent paraître ces faits au vingtième siècle, ils sont pourtant vrais. Lisez les récits des témoins oculaires des actes de violence écœurants qui eurent lieu au Malawi. Puis demandez-vous si de telles choses peuvent être justifiées. Vous conviendrez, nous en sommes convaincus, qu’il s’agit là d’un crime contre l’humanité qui doit cesser rapidement.
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Des crimes contre l’humanitéRéveillez-vous ! 1973 | 8 février
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Des crimes contre l’humanité
TANT à l’intérieur qu’à l’extérieur du Malawi, les gens honnêtes ont été révoltés par les actes commis dans ce pays contre une minorité sans défense.
Cette violence a commencé sur une petite échelle au milieu de l’année 1972. Elle a atteint d’énormes proportions en automne. À cette époque de l’année, un vent d’émeute et de violence fut soulevé par la réunion annuelle du parti du Congrès, parti unique du Malawi. Cette réunion fut clôturée par trois résolutions très dures visant les témoins de Jéhovah. Depuis juillet, les membres de la Ligue de la jeunesse et ses Jeunes pionniers avaient pris la tête des attaques menées contre les témoins de Jéhovah ; mais désormais ils allaient mener une véritable guerre contre eux. Ils s’organisèrent en bandes groupant de douze à une centaine de jeunes gens. Puis ils sont allés de village en village, armés de gourdins, de massues, de pangas et de haches, recherchant les témoins de Jéhovah, les attaquant et détruisant leurs biens.
Comme le fait remarquer Guy Wright, journaliste au San Francisco Examiner (17 octobre 1972), c’était “une guerre à sens unique, opposant la force à la foi”. Mais la foi s’est vraiment révélée la plus forte, car les témoins ont démontré que celle-ci ne pouvait être détruite par la violence.
Voici quelques-uns des centaines de récits qui ont été faits par des témoins des atrocités commises contre eux :
● Le rapport suivant de David Banda de Kaluzi, dans la région de Lilongwe, illustre bien ce qui s’est passé dans de nombreux autres villages : “Le 23 septembre, M. Gideon Banda, ministre du parlement, est venu prononcer un discours public. Les haut-parleurs m’ont permis d’entendre la majeure partie de son discours, car ma maison se trouve à quelques mètres du lieu où était organisée la réunion. M. Banda commença par rapporter aux assistants ce qui avait été dit à la réunion annuelle du parti. Puis il parla des témoins de Jéhovah. Je l’ai entendu dire que la réunion annuelle avait décidé d’agir sans pitié contre les témoins de Jéhovah parce qu’ils refusaient d’acheter la carte de membre du parti.
“Le 25 septembre au soir, frère Swila est venu me dire qu’il avait vu des groupes de jeunes gens s’approcher. Nous avons aussitôt prévenu les frères ; mais avant que nous n’ayons pu faire quoi que ce soit, les jeunes gens se sont lancés à l’attaque en brisant les fenêtres et les portes de nos maisons et en frappant les frères. Comme il faisait nuit et que nous étions tous dispersés, nous ne savions pas exactement quel était le sort de chacun de nous. Je me suis caché et, le lendemain matin, je suis allé au commissariat de police pour rapporter les faits. Au lieu de m’écouter, l’agent de police m’a éconduit. Alors que j’étais encore au commissariat, j’ai vu des groupes de frères et sœurs d’autres congrégations venir rapporter des faits identiques. La police leur a ordonné de retourner dans leur village.”
Cependant, les témoins ont refusé de s’en retourner sans être protégés ; ils se sont rendus sur la place du marché. David Banda rapporte ce qui s’est passé alors :
“Quand les jeunes gens ont appris que les témoins s’étaient rendus sur la place du marché, ils y sont allés et se sont mis à battre les frères et sœurs à coups de poing et de bâton et à leur donner des coups de pied. La police n’a rien fait pour les arrêter. Ces actes de violence se sont alors multipliés dans toute la ville de Lilongwe. Cependant, les frères ont réussi à s’échapper et finalement à fuir en Zambie.”
● Evans Noah, du village de Mwalumo, rapporte ceci : “Le 18 septembre 1972, je suis allé rendre visite à un frère. Nous avons vu s’approcher une voiture dont j’ai reconnu le conducteur ; c’était M. Gamphani, membre du parlement du Malawi. Il y avait avec lui deux jeunes gens. Ils semblaient me chercher, car, alors qu’ils s’approchaient, j’ai entendu l’un d’eux dire : ‘Le voici.’ La voiture s’est arrêtée, et M. Gamphani m’a ordonné d’y monter. Il s’est alors dirigé vers le poste de police. Après m’avoir demandé pourquoi je ne possédais pas une carte de membre du parti, il ordonna aux agents de police de m’incarcérer. Je suis resté sept jours en prison, durant lesquels on ne m’a donné ni à manger ni à boire.
“Quand les agents de police ont vu que j’étais très faible physiquement, ils ont commencé à se moquer de moi en me disant de transformer l’herbe en nourriture. Finalement, voyant que tous leurs efforts pour me faire acheter une carte étaient vains, ils m’ont relâché et m’ont ordonné de retourner chez moi par mes propres moyens. N’ayant pas mangé, j’étais très faible ; cependant, j’ai pu parcourir à pied les trente-cinq kilomètres et rentrer chez moi sain et sauf.”
Toutefois, peu après, Evans Noah et une dizaine d’autres témoins ont été obligés de s’enfuir de leur village et de quitter le Malawi.
● Dans la région de Blantyre, principale ville du Malawi, Richadi Nyasulu, Greyson Kapininga et d’autres témoins de Jéhovah furent conduits au quartier général du parti du Congrès du Malawi (PCM) pour la région sud. On leur a demandé pourquoi ils n’avaient pas acheté la carte de membre du parti. Les témoins ayant répondu qu’ils ne faisaient absolument pas de politique en raison de leurs croyances bibliques, ils ont été remis à quelque seize Jeunes pionniers et membres de la Ligue de la jeunesse. Ceux-ci ont battu chaque témoin à tour de rôle. Comme ils refusaient toujours d’acheter la carte politique, les jeunes gens leur ont frotté les yeux avec un mélange de sel et de poivre rouge. Certains témoins ont été frappés sur le dos et sur les reins avec une planche garnie de clous. Comme aucun d’eux ne laissait échapper un cri de douleur, leurs bourreaux les ont frappés encore plus violemment en disant : “Que votre Dieu vienne à votre secours !” Ils ont ensuite brisé une bouteille et, au moyen d’un tesson, ont ‘rasé’ quelques témoins. Le 22 septembre, Jasteni Mukuna, de la région de Blantyre, fut si violemment battu qu’il en eut le bras cassé.
● À Cape Maclear, à l’extrémité sud du lac Malawi, Zelphat Mbaiko, témoin de Jéhovah, fut recouvert d’herbe arrachée autour de lui. On versa de l’essence sur l’herbe et on y mit le feu. Il mourut brûlé vif.
Personne n’est épargné
La sauvagerie des agresseurs était telle qu’aucun témoin ne fut épargné en raison de son âge ou de son sexe. Tous les témoins de Lilongwe n’ont pu s’enfuir. Ainsi, Mme Magola, témoin de Jéhovah, qui était enceinte et alourdie par l’enfant qu’elle portait, ne put courir assez vite. Des membres du PCM l’ont rattrapée et l’ont battue à mort sur la place du marché, à la vue de nombreux habitants dont aucun n’est venu à son aide. Quand on demanda à un policier pourquoi il n’était pas intervenu, il répondit que l’on avait ‘retiré tout pouvoir à la police’.
● Dans la région de Ntonda, au sud de Blantyre, Smith Bvalani, sa mère très âgée et d’autres témoins de Jéhovah, parmi lesquels des hommes et des femmes, furent battus par des membres de la Ligue de la jeunesse jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent. Ayant trouvé de l’argent dans les poches d’un témoin de Jéhovah, un des jeunes gens acheta pour chacun d’eux une carte de membre du parti sur laquelle il inscrivit leur nom et qu’il laissa à côté des témoins inconscients. Les jeunes gens déclarèrent alors autour d’eux que les témoins avaient cédé et renoncé à leur foi. Quand la mère de Smith Bvalani est revenue à elle et a vu la carte, elle a dit aux jeunes gens qu’elle ne l’accepterait pas même si elle devait en perdre la vie. Ils l’ont alors battue jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse de nouveau.
● Israël Phiri, âgé de soixante-treize ans, du village de Khwele, près de Mchinji, fait ce rapport : “En juillet 1972, nous avons entendu dire que le parti du Congrès projetait de mener une campagne pour vérifier si les habitants du pays possédaient une carte du parti. Comprenant que cela signifiait des ennuis pour les témoins de Jéhovah, nous avons décidé de quitter le village et de nous cacher dans la brousse. Nous étions une trentaine de témoins. Nous sommes restés cachés pendant deux mois. Mais brusquement, le 5 octobre, nous avons été entourés par une bande importante de jeunes gens. Je n’en connaissais aucun.
“Alors que j’essayais de m’enfuir, quelques-uns d’entre eux m’ont attrapé et se sont mis à me frapper sur tout le corps à coups de pied et avec des bâtons. Je n’ai pas pu voir ce qu’ils ont fait aux autres témoins. Finalement, ils m’ont abandonné inconscient sur le sol. Après être revenu à moi, j’ai essayé de retrouver les autres frères, mais en vain. J’ai donc décidé de quitter le Malawi pour la Zambie. Bien que mon corps fût couvert d’hématomes et que mes yeux fussent injectés de sang, avec l’aide de Jéhovah j’ai pu parcourir à pied de nombreux kilomètres pour atteindre l’hôpital de Thamanda, en Zambie.”
● À Kavunje, au sud-est de Blantyre, tous les témoins, hommes et femmes, furent cruellement battus et obligés de marcher nus sur la route. Un de leurs enfants est mort à cause des coups qu’il avait reçus. À Nkhotakota, dans la région nord du Malawi, une femme enceinte, témoin de Jéhovah, fut dévêtue et cruellement battue. Le chef local du PCM incita de petits enfants à lui donner des coups de pied dans le ventre dans l’intention de provoquer une fausse couche.
Traitements révoltants infligés aux femmes
Les viols qu’ont dû subir les femmes des témoins de Jéhovah furent trop nombreux et trop répugnants pour qu’on les rapporte tous. Voici quelques exemples :
● Une jeune fille âgée de dix-sept ans, Rahabu Noah, de Mtontho, près de Kasungu, fait ce récit : “Le 26 septembre 1972, nous avons été informés que des jeunes gens allaient de village en village, attaquant les témoins de Jéhovah et détruisant leurs maisons et leurs biens. Les frères nous ont suggéré de nous cacher dans la brousse et de profiter de la nuit pour nous enfuir en Zambie. Nous étions cinq sœurs et trois frères. Nous avons quitté le village, mais alors que nous suivions un sentier, nous avons rencontré un groupe d’une vingtaine de jeunes gens. Ils ont commencé par nous demander nos cartes. Comme personne d’entre nous n’en possédait une, ils ont commencé à nous frapper à coups de poing et de bâton. Puis ils nous ont tous dévêtus et ont continué de nous battre. Une dizaine d’entre eux m’ont entraînée à l’écart. Pendant que quelques-uns me tenaient par les mains et par les pieds, huit d’entre eux m’ont violée. Je n’en connaissais aucun. Après nous avoir battus sauvagement, ils nous ont laissés. Plus tard, j’ai appris qu’une autre sœur de notre groupe avait été violée.”
● Funasi Kachipandi, jeune femme de Nyankhu, dans la région de Lilongwe, nous rapporte : “Le 1er octobre 1972, après avoir appris que les témoins de Jéhovah étaient l’objet d’agressions, j’ai décidé de m’enfuir en Zambie. Je suis donc partie avec Dailes Kachipandi, ma fille de dix-neuf ans. Mais nous avons vite été rattrapées par un groupe de jeunes gens que je ne connais pas. Ils nous ont demandé nos cartes, mais nous n’en avions pas. Ils nous ont conduites à leur bureau, près du marché de Chileka. Sous mes yeux, cinq jeunes gens ont violé ma fille. Puis l’un d’eux m’a jetée par terre. J’ai essayé de le dissuader de me violer, car j’étais enceinte de neuf mois et très faible. Mais il ne manifesta pas la moindre pitié. Il me viola en présence de ma fille. Ensuite, il nous ont relâchées. J’ai rapporté ce qui s’était passé aux agents de police. Ils en ont pris note, mais n’ont rien fait. Le lendemain matin, j’ai donné naissance à un enfant et, le jour même, nous sommes parties pour la Zambie. Nous reposant de temps à autre, nous avons finalement pu atteindre ce pays.”
Dans de nombreux autres cas, les victimes connaissaient les noms de leurs agresseurs. Certains d’entre eux occupaient des fonctions officielles au sein du parti du Congrès du Malawi.
● À Kamphinga, Matilina Chitsulo, du village de Gwizi, fut violée par un nommé Kachigongo, responsable de la section locale du parti. À Mkombe, le 2 octobre 1972, Velenika Hositeni fut retenue une nuit entière dans une pièce du quartier général du PCM par le président de la section locale et le secrétaire du parti. Tous deux l’ont violée. Dans le même endroit, sept hommes ont violé une autre femme témoin de Jéhovah, nommée Nezelia. Après avoir réussi à s’enfuir en Zambie, ces deux femmes ont été hospitalisées à Misale à cause des mauvais traitements qu’elles avaient subis.
Nous répétons que ces faits ne sont pas des exceptions. Il ne s’agit que de quelques exemples parmi des centaines d’autres qui nous ont été rapportés.
Cependant, il y a un autre facteur expliquant pourquoi les persécutions subies par les témoins de Jéhovah sont encore plus cruelles que celles qu’ils ont dû supporter à partir de 1967.
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Résolution : ‘Que ces gens soient rejetés de la société humaine !’Réveillez-vous ! 1973 | 8 février
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Résolution : ‘Que ces gens soient rejetés de la société humaine !’
TELLE est essentiellement la déclaration faite par l’assemblée annuelle du parti du Congrès du Malawi pour 1972 concernant les témoins de Jéhovah de ce pays.
Réunis dans l’École secondaire catholique de Zomba, la capitale, les délégués du parti adoptèrent le 16 septembre une série de motions. Nous citons ici le MANA Daily Digest du 18 septembre 1972, publié par le ministère de l’Information et de la Radiodiffusion du Malawi. À la page 17, on trouve le texte des résolutions adoptées par les délégués du parti :
“a) Nous déplorons le fait que certaines sectes religieuses fanatiques agissant à l’exemple de celle des témoins de Jéhovah, qui est interdite, gênent le développement politique et économique du pays.
“b) Nous déclarons que tous les membres de ces sectes religieuses fanatiques employés dans le commerce et dans l’industrie doivent être congédiés sur-le-champ et qu’il faut annuler la licence de toute entreprise commerciale ou industrielle qui ne se conformerait pas à cette résolution.
“c) Nous déclarons que tous les membres de ces sectes religieuses fanatiques employés par le gouvernement doivent être congédiés sur-le-champ et qu’il faut décourager les activités commerciales ou agricoles de tout membre de ces sectes travaillant à son compte.
“d) Nous déclarons que tous les membres de ces sectes doivent être chassés des villages où ils habitent, et nous prions le gouvernement d’accorder un maximum de protection aux membres du parti qui s’occuperont des membres de ces sectes.”
En réalité, seuls les témoins de Jéhovah étaient concernés par ces résolutions. Aucun autre groupe religieux du Malawi n’a souffert comme eux.
Que signifiaient en réalité ces résolutions ? Elles voulaient tout simplement dire que les témoins de Jéhovah du Malawi devaient se voir refuser tout emploi lucratif, quel qu’il soit et en quelque endroit que ce soit. Il ne fallait même pas leur permettre de produire la nourriture dont ils ont besoin. Il fallait les chasser de leur village. Qu’allait-il en résulter pour eux ?
Il ne leur restait plus qu’une chose à faire : vivre dans la forêt ou dans la brousse comme les animaux sauvages, comme des parias de la société humaine.
Mais n’est-ce pas nous qui interprétons de cette façon ? Ces résolutions ne sont-elles pas que de simples condamnations sans qu’il soit vraiment question de priver des hommes des choses indispensables à la vie ?
Les faits démontrent que ces paroles ont été comprises par ceux qui les ont entendues comme une sentence de proscription, et pratiquement de mort, prononcée contre les témoins de Jéhovah.
Voyons de quelles façons ont été ‘découragées’ les activités ‘commerciales ou agricoles’ des témoins ‘travaillant à leur compte’.
Des commerçants sont ruinés
● À son retour de Salisbury, en Rhodésie, où il avait assisté à une assemblée chrétienne, B. Lameek Chirwa, témoin de Jéhovah et commerçant au Malawi, trouva son frère Beneya inconscient. Ce dernier, propriétaire d’une épicerie, avait été sévèrement battu par les membres de la Ligue de la jeunesse parce qu’il était témoin. Il ne revint à lui que cinq heures plus tard et fut transporté à l’hôpital, où il demeura trois jours.
Mais un membre de la Ligue de la jeunesse avait vu Lameck porter secours à son frère. Peu après, des membres de la Ligue sont arrivés dans son magasin de Zingwangwa. Ils lui ont demandé s’il avait une carte de membre du parti. Comme il n’en avait pas, ils ont fermé sa maison et son magasin et lui ont enlevé toute possibilité de rentrer chez lui. Ensuite, ils l’ont emmené à Limbe, où il possédait un magasin de vêtements dirigé par sa femme. Quand celle-ci adopta la même attitude que lui à propos de la carte politique, les jeunes gens fermèrent également ce magasin. Lameck décida d’aller trouver Aleke Banda, secrétaire général du parti du Congrès du Malawi. Mais il s’aperçut que les membres de la Ligue de la jeunesse avaient dégonflé les pneus de sa voiture et emporté les clés de celle-ci. Les fonctionnaires du gouvernement qu’il interrogea ne lui donnèrent aucun espoir d’intervention favorable à moins qu’il n’achète une carte de membre du parti. Son compte en banque, ainsi que celui de tous les autres témoins connus, fut bloqué. Finalement, il put retirer l’argent d’une assurance et prendre un avion pour la Rhodésie, laissant derrière lui des maisons, des meubles, des stocks de vêtements, du matériel, un camion de sept tonnes et une automobile. Tout cela avait une valeur de plus de 600 000 francs français. Il était dans les affaires depuis 1959. Il a tout perdu.
● Un autre témoin et commerçant du Malawi, nommé Chinondo, dirigeait une auto-école à Blantyre, la principale ville du Malawi. On lui confisqua toutes ses voitures. Plus tard, il les aperçut en stationnement près du bureau régional du PCM pour la région du sud.
● William McLuckie, âgé de 64 ans, vivait au Malawi depuis près de quarante ans. Il possédait une boutique de bibelots à Blantyre. Outre les onze personnes qui travaillaient directement pour lui, il achetait régulièrement des bibelots auprès de 120 sculpteurs du Malawi, eux-mêmes chefs de famille. McLuckie a estimé que 600 à 700 personnes vivaient de son commerce. Étant témoin de Jéhovah, il fut emmené au tribunal où on lui donna quarante-huit heures pour quitter le pays. Un jour après son expulsion, sa femme et ses trois enfants furent invités à quitter le pays dans les vingt-quatre heures.
● Cependant, certains témoins de Jéhovah n’ont pas seulement perdu leur commerce. Le Sunday Mail de Rhodésie du 1er octobre 1972 déclare qu’un “homme d’affaires important du Malawi” fut “battu à mort”. Il s’agissait de M. L. Chirwa, propriétaire d’une épicerie et d’un entrepôt de bouteilles à Blantyre. Rapportant le même événement, The Rhodesia Herald déclara : “Jusqu’à maintenant, la mort de M. Chirwa n’a provoqué aucune action officielle.”
‘Qu’ils soient congédiés sur-le-champ !’
La résolution selon laquelle tous les témoins devaient être congédiés de leur emploi ne fut pas non plus une simple menace.
● M. R. Kalitera travaillait dans l’administration des postes depuis 1949. Après vingt-trois ans de service, il fut congédié sans salaire ni retraite.
● M. Kadewere, témoin de Jéhovah, travaillait au ministère de la Santé comme inspecteur des hôpitaux. Il avait été formé aux États-Unis. En rentrant chez lui, à Zomba, il s’aperçut que ses champs de maïs avaient été répartis entre plusieurs membres de la Ligue de la jeunesse. Retournant à Blantyre, il apprit qu’il avait été congédié. M. Kadewere est père de neuf enfants.
● Après avoir passé un concours pour être secrétaire, William Nsangwe a travaillé pendant cinq ans à la mairie de Blantyre. Quand les témoins ont commencé à rencontrer des difficultés, le secrétaire de mairie a convoqué Nsangwe dans son bureau et l’a interrogé. Plus tard, il fut également interrogé par le maire. Dans les deux cas, malgré leurs efforts pour l’inciter à acheter ou à accepter une carte de membre du parti, il refusa pour des motifs de conscience. Quand on lui dit d’‘aller parler à sa femme, à sa mère et à son père de cette question’, il répondit que ‘cela concernait sa propre foi et que celle-ci ne dépendait ni de son père, ni de sa mère, ni de sa femme’. Il fut congédié. Joy, sa femme, diplômée de l’université du Malawi et institutrice, fut également congédiée, ainsi qu’une autre femme témoin de Jéhovah, Venencia Kabwira, également diplômée et enseignante.
Les témoins de Jéhovah travaillant comme fonctionnaires ne furent pas les seuls à être congédiés. Ce fut également le cas de ceux qui travaillaient pour des maisons privées.
● W. Lusangazi travaillait pour la société Mandala Motors de Blantyre depuis plus de dix ans. Il fut congédié, ainsi que Widdas Madona, qui travaillait depuis autant d’années pour la société Horace Hickling de Blantyre. Un autre témoin, M. Lihoma, travaillait pour la société United Transport depuis quinze ans. Lui aussi fut congédié.
Un certain nombre d’employeurs protestèrent vigoureusement contre les pressions exercées sur eux pour congédier leurs employés témoins de Jéhovah.
● Des hommes de loi de Blantyre sont même intervenus auprès du président lui-même pour essayer de garder les deux employés en qui ils avaient le plus confiance, Luwisi Kumbemba et L. D. Khokwa, mais cela fut vain (la femme de Khokwa, qui était institutrice, a également perdu son emploi).
● Quand le propriétaire d’une maison de confection de Blantyre, un Hindou, revint de voyage, il s’aperçut que l’employé à qui il avait confié la direction de son affaire durant son absence avait été congédié de force. C’était un témoin, Skennard Mitengo. Le propriétaire déclara qu’il allait fermer son atelier, car, selon lui, il ne pouvait travailler sans les services précieux de cet employé. On s’attendait à ce qu’une société appartenant à des fonctionnaires du gouvernement, la Presse Trading, rachète l’affaire.
Ce ne sont là que quelques cas pris parmi la longue liste des témoins qui ont ainsi perdu leur emploi. À notre connaissance, aucun témoin de Jéhovah du pays n’a gardé son emploi. Cependant, la campagne menée contre les témoins de Jéhovah ne se limitait pas là.
Privés des choses indispensables à la vie
Le Malawi est un pays agricole plutôt qu’industriel. La grande majorité de ses habitants vivent de l’agriculture en cultivant autour de leurs petits villages les lopins de terre qui leur sont transmis par héritage. La plupart des témoins de Jéhovah du Malawi se trouvaient dans cette situation. Comme tous les humains, ils ont besoin de choses aussi essentielles que la nourriture, l’eau, le vêtement et l’abri. Cependant, des efforts concertés furent faits pour les priver même de ces choses.
● À Supuni, dans la région du Chikwawa, on enleva leurs jardins à tous les témoins de Jéhovah et on les empêcha même de puiser de l’eau à la fontaine du village. Pour avoir l’eau indispensable, ils devaient aller jusqu’à la rivière éloignée de plus de six kilomètres.
Des milliers de leurs maisons ont été incendiées ou détruites. Rien que dans le village de Jali, dans la région de Zomba, quarante maisons appartenant à des témoins de Jéhovah furent incendiées.
● De la région de Chiromo, à l’extrémité sud du pays, nous est parvenu ce rapport : “Dans les districts de Chiromo, de Bangula et de Nguluwe, toutes les maisons des frères ainsi que leurs biens ont été détruits par la Ligue de la jeunesse. Tous les frères et les sœurs du village de Chamera ont été dispersés et se trouvent dans la brousse. Tous leurs biens ont été détruits.”
● De Gorden, près de Zomba, le rapport suivant nous a été communiqué : “Toutes les maisons appartenant aux frères et aux sœurs ont été détruites. Les chefs locaux leur ont pris leur nourriture et leurs biens. Tous les frères et sœurs se sont enfuis du village.”
Le rapport suivant résume la situation concernant le logement des témoins : “Pour de nombreuses familles de témoins de Jéhovah, c’est la même situation. Des femmes et des enfants dorment dehors. D’autres dorment dans les gares, dans les stations d’autobus ou dans n’importe quel endroit où ils ne seront pas molestés.”
● Dans un village proche de Blantyre, Mme Mazongoza, une veuve âgée de soixante ans, fut abordée par des membres de la Ligue de la jeunesse qui lui demandèrent d’acheter une carte de membre du parti. Elle refusa par motif de conscience. Après cela, durant toute une semaine, du 24 au 30 septembre, ils tuèrent l’un après l’autre ses poulets, puis, comme elle refusait toujours, ses chèvres. C’étaient ses seuls biens. Ensuite ils menacèrent de la tuer, ce qui l’incita à s’enfuir du village.
De nombreux rapports sont très brefs. Cependant, pour quiconque connaît les conditions de vie au Malawi, ils signifient beaucoup de choses.
De façon typique, ils parlent de ‘portes et fenêtres (“6 carreaux chacune”) brisées ou emportées’. Ces détails peuvent paraître étranges. Toutefois, dans les villages du Malawi, la plupart des maisons ont des murs de terre et des toits de chaume. Quand une maison comporte une porte ou une fenêtre, c’est la partie la plus précieuse de tout l’édifice.
Les très nombreux rapports semblables qui nous sont parvenus parlent de la destruction ou du vol de choses comme ‘3 matelas, 3 couvertures, 2 chaises, 1 table, 1 nappe, 2 cravates, 8 paniers d’arachides décortiquées, 1 grenier d’arachides non décortiquées’. Les personnes vivant dans des pays très industrialisés penseront peut-être que ce sont là des pertes bien mineures. Mais pour les gens qui en ont été dépossédés, cela représente parfois tout le mobilier de leur modeste demeure et la perte de la seule récolte leur permettant de gagner un peu d’argent. La ‘nappe’ en question était peut-être la seule chose permettant à une femme témoin de Jéhovah d’égayer sa maison.
Parfois, on a dérobé aux témoins une bicyclette, un poste de radio ou une machine à coudre. Mais dans ce pays, la perte d’une bicyclette correspond à la perte d’une automobile pour un habitant d’autres pays. Ces différents objets peuvent correspondre à plusieurs mois de salaire. Ou bien, pour se les procurer, il a fallu un an ou plus de travail agricole et d’économies.
Un rapport venant directement du camp de Sinda Misale, en Zambie, parle en ces termes des milliers de témoins de Jéhovah qui y sont réfugiés :
“Du bétail, des brebis, des poulets, des porcs et des chèvres ont été dérobés aux frères. On a pris à un grand nombre d’entre eux leurs vêtements et leur literie, si bien qu’ils n’avaient pour tout bien que ce qu’ils portaient sur eux. Une des sœurs ne pouvait pénétrer dans le camp de réfugiés parce qu’elle était nue, les jeunes du PCM l’ayant complètement dévêtue. D’autres sœurs, qui se trouvaient dans le camp, ont dû lui faire parvenir quelques vêtements pour qu’elle se couvre, afin de pouvoir entrer. Pratiquement tous les frères qui se sont enfuis du Malawi n’ont rien pu sauver. En d’autres termes, ils n’ont aucun bien matériel qu’ils pourraient retrouver à leur retour.”
De tels traitements peuvent-ils se justifier ? Considérez les accusations portées contre les témoins du Malawi et jugez-en vous-même.
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