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Les cultivateurs et les pénuries alimentairesRéveillez-vous ! 1975 | 22 octobre
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Les cultivateurs et les pénuries alimentaires
LA PLUPART des travailleurs dans le monde — exactement trois sur quatre — sont cultivateurs et souvent très pauvres. La grande majorité d’entre eux se trouvent en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Quand la récolte est bonne, ils ont de quoi nourrir leur famille et quelques autres, mais quand l’année est mauvaise, ils meurent de faim.
Dans les pays plus industrialisés, le nombre des cultivateurs est nettement inférieur à celui des consommateurs. Les États-Unis sont les plus gros producteurs ; bien qu’il y ait beaucoup de petites fermes, les grandes prédominent.
Production abondante
Au cours des quelque quarante années qui se sont écoulées depuis la grande crise économique, la production du maïs a presque quadruplé aux États-Unis ; elle est passée de 17 à 65 quintaux à l’hectare. Celle du blé est passée de 9 à 21 quintaux à l’hectare, et celle du riz de 24 à 52 quintaux à l’hectare.
En 1974, le nombre de champs cultivés étant plus élevé que jamais, les cultivateurs américains ont produit 490 millions de quintaux de blé, et se sont ainsi classés immédiatement après l’Union soviétique. En 1974, les États-Unis ont produit 1 milliard 460 millions de quintaux de maïs, ce qui représente la plus grosse production mondiale. Ils ont également abattu 36 millions de têtes de bétail, soit 7 pour cent de plus qu’en 1973.
Cette abondante production est le fruit du travail de 2 800 000 cultivateurs seulement, alors que le pays tout entier compte 208 millions d’habitants. Autrement dit, un fermier nourrit environ 74 Américains.
Bien que le prix de ces denrées alimentaires soit modéré comparativement aux autres pays, le coût de la vie augmente sans cesse pour les gens dont les revenus sont fixes ou ceux de la classe laborieuse. Certes les cultivateurs comprennent leur situation difficile, mais ils doivent eux-mêmes faire face à des problèmes d’argent.
Des cultivateurs prennent des mesures draconiennes
Les cultivateurs américains aimeraient aider les victimes de la sous-alimentation ; ils ont d’ailleurs nourri des millions de gens affamés dans le monde. Entre les années 1965 et 1972, les États-Unis prétendent avoir produit 84 pour cent des denrées alimentaires destinées à secourir les pays sous-alimentés. Toutefois, seulement 20 pour cent de ces produits sont arrivés à destination, tandis que le reste a été vendu à ceux qui pouvaient en payer le prix.
Le profit est l’élément capital ; en effet, le cultivateur doit absolument faire des bénéfices s’il veut garder son exploitation. Certains fermiers ont pris des mesures draconiennes pour que le public soit conscient de la situation dans laquelle ils se débattent. Dans certains États, ils ont tué des centaines de veaux qu’ils ont laissé pourrir dans des fosses.
Bien sûr, des cultivateurs admettent que ce massacre est un gaspillage honteux, mais voici ce qu’un éleveur de Motley, dans le Minnesota, a déclaré : “Il est inadmissible pour un cultivateur de travailler toute une année pour s’apercevoir finalement qu’il a un déficit de 20 000 à 30 000 dollars [80 000 ou 120 000 francs français]. (...) Je pense que cela est bien plus terrible que de jeter un peu de viande dans une fosse.”
Les circonstances varient
L’évolution de la situation économique a durement touché de nombreux cultivateurs. Par exemple, il arrive que la vente d’un veau ne couvre même pas les frais d’élevage de l’animal. De même, les frais de production du lait sont plus élevés que le profit qu’on en retire. Il n’est donc pas étonnant que des laiteries ferment leurs portes ; dans le Wisconsin, par exemple, on en comptait récemment en moyenne dix par jour.
Il y a bien sûr des cultivateurs qui réussissent très bien financièrement. Voici le témoignage de l’un d’eux, propriétaire d’une exploitation de 40 hectares dans l’Iowa : “Le ministère de l’Agriculture a parfaitement raison ; mon exploitation n’a jamais été aussi florissante. J’en conclus donc que tout dépend de la région où nous nous trouvons, certaines étant bonnes, d’autres très mauvaises.”
Toutefois, même ceux qui ont eu une très bonne récolte savent que les conditions peuvent changer d’un jour à l’autre. En 1974, par exemple, les cultivateurs ont dans l’ensemble réalisé de gros bénéfices, car le grain s’est vendu très cher. Par contre, bon nombre d’éleveurs qui avaient besoin de ce grain ont fait faillite.
Pourquoi cette situation instable ?
Problèmes fondamentaux
Pour beaucoup de cultivateurs, le temps est le problème numéro 1 ; des experts en météorologie confirment que les brusques changements de temps enregistrés récemment ont touché les cultivateurs. Dans l’Iowa, par exemple, l’année dernière de grosses pluies dévastatrices ont littéralement lavé la terre, retardant les semailles de printemps. Le soleil torride de juillet (on a enregistré des températures de 38 degrés) a brûlé des champs de céréales ; finalement, la première gelée est apparue le 2 septembre, battant tous les records.
Un problème nouveau et grave qui affecte l’agriculture est l’augmentation considérable du prix du pétrole. Pour produire seulement un demi-hectare de maïs, il faut au moins 300 litres d’essence. On a également besoin de pétrole pour faire fonctionner les machines agricoles et produire des fertilisants. En 1972, les engrais obtenus à partir du pétrole coûtaient 260 francs français la tonne ; en 1974, les cultivateurs les ont payés 700 francs.
Le prix des machines agricoles a également monté en flèche. Un tracteur qui valait 31 000 francs français il y a deux ans, coûte plus du double maintenant. Même à ce prix-là, les fabricants ne peuvent satisfaire la demande ; les délais de livraison sont de trois à six mois. Quant aux pièces de rechange, il est parfois plus difficile de se les procurer que d’acheter un nouveau tracteur. Certains agriculteurs préfèrent en acheter deux malgré la montée des prix ; cela leur permet de poursuivre leurs travaux même en cas de panne. À long terme, cette opération est plus avantageuse que de perdre des récoltes.
Le prix des semences a aussi subi une hausse sensible. Entre 1974 et 1975, la semence de maïs a augmenté de plus de 30 pour cent, et la ficelle utilisée pour lier les bottes de foin a augmenté de 400 pour cent en trois ans.
Vient ensuite le problème de la main-d’œuvre. Quand un cultivateur se voit dans l’obligation d’utiliser des ouvriers non qualifiés pour conduire ses machines, les pannes sont souvent nombreuses et les frais de réparation importants. Ayant établi la liste des raisons pour lesquelles il abandonnait l’agriculture, un cultivateur des États de la Prairie a cité en premier lieu : “La difficulté de trouver des ouvriers honnêtes et dignes de confiance.”
Il semble que des dizaines — peut-être même des centaines — de “petites choses” se soient abattues en même temps sur les cultivateurs. Conjointement, on a exigé qu’ils produisent davantage en raison des pénuries alimentaires. Mais l’augmentation des prix rend souvent l’expansion difficile.
Le prix de la terre augmente aussi régulièrement. Dans l’État du New Jersey, elle coûte maintenant 16 000 francs français l’hectare. Le journal Review de Denison, dans l’Iowa, écrit : “Le prix de toutes les terres cultivables a subi cette année [1974] une hausse nationale de 31 pour cent, hausse qui est intervenue après une augmentation de 32 pour cent en 1973.”
Pour toutes ces raisons et d’autres encore, les cultivateurs doivent maintenant relever le prix de leurs produits.
Fixation du prix des produits fermiers
Les cultivateurs se disent prisonniers d’un système économique qui leur interdit de fixer eux-mêmes le prix de leurs produits. Ils doivent accepter le prix qui leur est proposé, prix qui peut être inférieur au prix de revient du produit. Mais supposons que les cultivateurs soient autorisés à fixer eux-mêmes les prix ; la situation dans le monde s’en trouverait-elle améliorée ?
Réfléchissez bien à ceci : Parmi les cultivateurs qui ont bien travaillé l’année dernière, combien ont partagé leurs revenus avec ceux qui ont eu moins de chance qu’eux ? Le Times de Seattle, dans l’État de Washington, écrit ce qui suit à propos de la réunion tenue à Spokane par l’Association des cultivateurs de blé : “De toute évidence, (...) les cultivateurs se réjouissent de leur prospérité. (...) Si les cultivateurs de blé semblent avoir pris la tête, ils ne vont quand même pas s’en excuser.”
En fait, le cultivateur n’est qu’un élément du système économique qui exige que chacun veille sur ses propres intérêts. Ce système est fondé sur la recherche du profit. Considérons donc les effets produits par cette recherche du profit à une époque où le monde exige plus de nourriture.
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La recherche du profit — l’ennemi du monde affaméRéveillez-vous ! 1975 | 22 octobre
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La recherche du profit — l’ennemi du monde affamé
EN 1973, les États-Unis ont exporté un cinquième de leurs récoltes. Si ces exportations étaient supprimées ou trop réduites, les produits agricoles s’accumuleraient, ce qui aurait pour conséquence une baisse des prix. Que faire dans ce cas ?
Évidemment, les cultivateurs pourraient décider de diminuer leur production ; s’ils continuaient à alimenter le marché, ils feraient baisser les prix.
La réponse suivante de Earl Butz, du ministère de l’Agriculture, ne vous étonnera donc pas ; à un journaliste du Farm Chemicals qui lui demandait ce qui arriverait si le prix des produits agricoles baissait, il a dit : “La production agricole baisserait également.” Selon un observateur de l’Iowa, les cultivateurs en ont donc conclu “que le profit mène le jeu”.
D’autre part, la recherche du profit a plongé de nombreux cultivateurs dans une espèce d’euphorie. Jusqu’à ce que les événements des dernières années viennent troubler leur sérénité, ils croyaient que leur source de revenus était intarissable. Mais ceux qui n’ont cessé d’investir dans le but de faire davantage de bénéfices sont maintenant criblés de dettes.
La recherche du profit a également poussé de nombreux cultivateurs à s’opposer à l’accumulation de réserves de nourriture à l’échelle mondiale. Pour le consommateur, l’idée de stocker d’importantes quantités de grain pendant les années d’abondance pour nourrir les affamés paraît certainement raisonnable. Le récit biblique rapporte que cela s’est fait dans l’ancienne Égypte du temps de Joseph ; les partisans de cette méthode citent d’ailleurs cet exemple biblique comme argument. — Voir Genèse, chapitres 41 à 47.
Mais pour bon nombre de cultivateurs américains cela n’est pas une bonne idée. Pourquoi ? Une des réponses nous est fournie par un ancien attaché au ministère de l’Agriculture, qui a dit aux cultivateurs que ce serait à eux de constituer ces réserves de nourriture et d’avancer les fonds nécessaires à cette opération. Il va sans dire que les exportations baisseraient considérablement et que les cultivateurs perdraient ainsi l’une de leurs principales sources de revenus. D’après le Farm Journal, les experts sont formels : Il est impossible de constituer des réserves sans faire baisser les prix et diminuer du même coup les revenus des cultivateurs.
La recherche du profit pourrait donc avoir des conséquences désastreuses pour le monde.
Les intermédiaires récoltent-ils les bénéfices ?
Si les cultivateurs ne s’enrichissent pas de la montée des prix, qui s’enrichit ? Bon nombre de cultivateurs et de consommateurs désignent les intermédiaires. Qui sont-ils ?
Le terme intermédiaire s’applique à tous ceux qui se placent entre le producteur et le consommateur. Les cultivateurs accusent les fabricants de conserves, les transporteurs, les directeurs de supermarchés et d’autres encore de faire monter les prix. Pourtant, tous ces intermédiaires prétendent être victimes de l’inflation, au même titre que les cultivateurs ; ils doivent donc faire monter les prix, car leurs frais augmentent également. Tout ce qu’ils veulent, disent-ils, c’est tirer un profit raisonnable pour assurer la bonne marche de leur affaire. En d’autres termes, ils ne sont qu’un élément du système.
Les cultivateurs accusent aussi les spéculateurs et les grandes sociétés d’alimentation de faire monter les prix. Ces accusations sont-elles fondées ?
Aux États-Unis, quand un cultivateur a une denrée à vendre, du grain par exemple, en général il ne la vend pas directement à un boulanger ou à un autre commerçant qui en aura l’utilisation. Il apporte plutôt son produit à une sorte de coopérative agricole qui le lui achète et le stocke tout au moins temporairement. Le prix offert au cultivateur est fonction des “cours”.
Le ministère du Commerce tient un relevé des quantités de grain (ou autres denrées) vendues aux coopératives réparties dans tout le pays, et en informe les acheteurs éventuels. C’est également ce ministère qui enregistre les commandes. Le prix payé au cultivateur est fonction de la demande et de la quantité de grain disponible dans les coopératives des États-Unis.
Les spéculateurs achètent des denrées alimentaires de la même manière que l’on achète des actions en Bourse. En réalité ils n’achètent pas le grain ; ils n’ont d’ailleurs nullement l’intention de se le faire livrer, mais ils attendent tout simplement que les cours montent. À ce moment-là, ils vendent le grain et encaissent les bénéfices. De l’avis des cultivateurs, ces intermédiaires qui n’ont rien à voir avec la culture sont les principaux responsables de la montée des prix.
À cela, les spéculateurs répondent qu’eux aussi font partie du système et que leur but est simplement de réaliser un profit raisonnable. Chaque fois qu’ils investissent leur argent, ils prennent de gros risques. Les prix n’augmentent pas toujours, disent-ils, et lorsqu’ils baissent, les spéculateurs subissent parfois des pertes désastreuses.
De toute façon, disent les spéculateurs, il faut bien que quelqu’un achète le grain au cultivateur avant qu’il ne soit livré à l’utilisateur. Si le spéculateur ne risquait pas son argent uniquement pour stocker le grain, quelqu’un d’autre devrait le faire ; ainsi, il faudrait bien verser à quelqu’un la part du spéculateur.
Mais que dire des grandes sociétés céréalières ? Se concertent-elles pour influencer le marché afin de faire de plus gros profits ? Évidemment, il leur est possible de faire contrôler le marché à leur profit, mais une possibilité n’est pas une preuve. Tout comme le cultivateur et tous les autres intermédiaires, les sociétés céréalières prétendent que leur but est uniquement de réaliser un profit raisonnable. C’est la raison pour laquelle elles vendent la plus grande partie du grain exporté par les États-Unis aux pays “riches” et non aux pays “pauvres”, qui n’ont pas les moyens de le leur payer.
Le gigantesque système agricole américain fondé sur la recherche du profit ne subsistera pas indéfiniment, même s’il réussit pour un temps. C’est un cercle vicieux. Chaque élément du système veut faire des bénéfices, dont il a nécessairement besoin ; les denrées alimentaires ne sont pas pour ceux qui ne peuvent les payer ou qui n’ont personne pour les acheter à leur place.
Le Globe-Democrat de St Louis conclut donc en ces termes : “Le problème de l’alimentation se présente ainsi : d’un côté il y a les cultivateurs, de l’autre les épiciers et, entre les deux, la masse des intermédiaires. Découvrir le coupable, s’il y en a un, est pratiquement impossible.”
De toute évidence, on a besoin d’un nouveau système, mais lequel ?
Un espoir pour les affamés
Un système fondé sur le désintéressement, le véritable amour et l’intérêt pour ses semblables ne serait-il pas meilleur que le système actuel basé sur la recherche du profit ? Mais qui est capable de créer et de faire fonctionner un tel système ?
Le Créateur de la terre et de l’homme peut le faire. La Bible révèle que tel est son dessein. Le Royaume ou gouvernement pour lequel Jésus a enseigné ses disciples à prier instaurera bientôt sur la terre un nouveau système juste (Mat. 6:9, 10 ; II Pierre 3:13). La Bible promet qu’à ce moment-là “la terre donnera assurément son produit ; Dieu, notre Dieu, nous bénira”. (Ps. 67:6.) La terre sera un paradis.
Permettez aux témoins de Jéhovah de vous expliquer à l’aide de la Bible ce que le Royaume de Dieu apportera à la terre entière. Adressez-vous donc aux éditeurs de Réveillez-vous !
Mais que dire de la culture dans le présent système de choses ? Bon nombre de cultivateurs ne souhaitent pas abandonner leur métier, dont ils apprécient les nombreux avantages. Un cultivateur du Wisconsin écrit ce qui suit : “Nous avons la satisfaction d’être notre patron. Il est agréable de travailler avec les bêtes, de les voir grandir et s’ébattre joyeusement. Il est également plaisant de voir croître le grain et l’herbe, et de moissonner chaque année. Un cultivateur est maître de son programme de travail et il passe beaucoup de temps avec les membres de sa famille. La culture a donc un côté agréable. De nombreux cultivateurs pensent aussi que leur travail les rapproche de Dieu.”
Les cultivateurs aiment la culture, mais ils détestent le système mondial oppressif qui oblige des hommes honnêtes — cultivateurs, fabricants de conserves, vendeurs, transporteurs, distributeurs — à travailler nuit et jour pour un salaire dérisoire, et qui refuse la nourriture à ceux qui en ont réellement besoin. Avec ferveur, ces hommes honnêtes prient pour que Dieu réalise sa promesse : “Que ton royaume vienne ! Que ta volonté se fasse, comme dans le ciel, aussi sur la terre !” — Mat. 6:9, 10.
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