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Nous étions des escrimeurs enthousiastesLa Tour de Garde 1978 | 1er février
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Nous étions des escrimeurs enthousiastes
À l’âge de treize ans, j’assistai à la projection d’un film tiré du roman d’Alexandre Dumas “Les trois mousquetaires”. Je fus alors conquis par l’art de l’escrime et par l’amitié qui unissait les trois hommes dont la devise était “un pour tous, tous pour un”.
À l’époque, j’habitais dans un pays d’Europe de l’est et je faisais mes études dans un lycée, où je devins membre d’un club d’escrime. Ce sport me plut tellement que je fis de mon mieux pour en maîtriser les techniques. Comme j’avais de bons résultats scolaires, mes parents ne s’opposèrent pas à cette fantaisie.
À l’âge de dix-neuf ans, je m’inscrivis à l’Université pour faire mes études de droit, mais mon premier soin fut de trouver l’adresse du club d’escrime de l’Université, où il y avait d’excellents maîtres d’armes. Ce club était fréquenté par des jeunes gens et des jeunes filles.
Une jeune fille nommée Marie retint mon attention. Exceptionnellement douée, elle savait imposer son propre style à l’adversaire et garder le contrôle absolu de la situation. J’attendais une occasion de me mesurer avec elle, car j’appréciais à leur valeur toute la finesse et l’astuce de son jeu d’escrime.
Avec le temps, une amitié profonde naquit entre moi et deux autres garçons du club, Jean, étudiant en sciences naturelles, et Paul, étudiant en mathématiques et en physique. Tous deux s’adonnaient à l’escrime avec ferveur, bien que ne pratiquant le sport que depuis peu.
Nous passions ensemble, dans des montagnes pittoresques, une partie de nos vacances. C’est là que naquit notre amitié. Il nous apparut vite que nous nous complétions très bien mutuellement. Jean faisait montre d’un enthousiasme spontané, parfois même débordant, que Paul s’efforçait de tempérer par son sens pratique. Comme dans le roman de Dumas, nous avions fini par former un trio de bons escrimeurs et d’amis inséparables.
Pendant les vacances, nous élaborions des projets pour la prochaine saison d’escrime. Presque tous nos loisirs étaient consacrés à l’entraînement physique et psychologique en vue des compétitions que nous appréciions tant.
Mais il y avait Marie. En fait, elle nous surpassait par la finesse et l’élégance de son style et se classait brillamment dans de nombreux tournois importants. C’est ainsi que des relations amicales exceptionnelles s’établirent peu à peu entre nous quatre.
UNE MENACE POUR NOTRE UNITÉ
Quand j’atteignis mes vingt-deux ans, nous partîmes tous ensemble pour une partie de ski organisée par le club d’escrime. C’est alors que Marie nous tint des propos surprenants concernant certains changements qui se produiraient à l’échelle mondiale. À l’appui de ses dires, elle cita un passage biblique — le vingt-quatrième chapitre de l’Évangile selon Matthieu Mt 24. Notre réaction fut unanimement négative. Je me contentai de répondre: “Il y a dans le monde certaines valeurs auxquelles je ne suis pas disposé à renoncer sur la foi d’une prophétie douteuse.”
Environ un mois plus tard, quand Marie vint à la salle d’armes, elle paraissait tout à fait transformée. Nous nous connaissions alors depuis deux ans et demi à peu près. Elle mit son équipement dans un sac, prit congé et s’en alla. Le moins que je puisse dire est que cela nous fit un choc, car il semblait bien qu’elle nous quittait pour de bon. Nous lui demandâmes par téléphone si nous pouvions lui rendre visite le soir même. Elle accepta.
Le soir venu, c’est une toute autre personne qui nous accueillit, quelqu’un que nous n’avions encore jamais vu. Marie, toujours prête à manier son fleuret de main de maître, à parer vivement les attaques et à joindre son rire aux nôtres, Marie avait les larmes aux yeux. Et pourtant, elle semblait en même temps très confiante. Ouvrant sa Bible, elle se mit à lire d’un ton empreint de gravité: “Et ils devront forger leurs épées en socs de charrue et leurs lances en cisailles à émonder. Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation, et ils n’apprendront plus la guerre.” — És. 2:4.
Puis elle leva vers nous des yeux interrogateurs. Je pense qu’elle espérait notre approbation lorsqu’elle dit: “Je veux servir Jéhovah, notre Dieu, et rester fidèle aux principes de la Bible. Je ne veux plus apprendre à me battre; or, l’escrime est un sport martial.”
J’étais anéanti. J’avais rêvé de faire revivre entre nous l’amitié des trois mousquetaires, et ce rêve s’écroulait. C’est avec Jean que j’étais le plus intime, aussi lui dis-je plus tard que nous devions à tout prix ramener Marie à la salle d’armes.
“Oui, bien sûr, acquiesça-t-il, mais comment? Certes, je n’approuve pas l’attitude de Marie, mais je l’admire. Il faut pas mal de courage pour prendre une telle décision.”
SAURIONS-NOUS LA FAIRE CHANGER D’AVIS
Pour amener Marie à revenir sur sa décision, j’empruntai une Bible et commençai à la lire. Je trouvai ce que je cherchais dans le chapitre trois du Cantique des cantiques, aux versets sept et huit Ca 3:7, 8: “Voici, c’est sa couche, celle qui appartient à Salomon! Soixante hommes puissants sont autour d’elle, d’entre les hommes puissants d’Israël; tous, ils sont en possession d’une épée, ils sont exercés à la guerre, chacun a son épée sur sa cuisse, à cause de l’effroi durant les nuits.”
Cette trouvaille me transporta. Je ne pus m’empêcher de m’exclamer à haute voix: “Ainsi, non seulement la Bible ne condamne pas le fait de porter les armes, mais elle encourage nettement leur emploi!” J’écrivis à Marie pour lui faire part de ma découverte. Sa réponse ne se fit pas attendre. Elle m’expliquait que dans l’Antiquité, avant la venue du Christ, les serviteurs de Dieu étaient autorisés en certaines occasions à combattre par l’épée, mais que les armes des vrais chrétiens sont tout autres:
“Robert, les serviteurs de Dieu sont comparables à une armée spéciale, formée pour accomplir n’importe quelle mission. C’est pour cela qu’ils sont armés. Leur équipement de combat est semblable à celui des légionnaires romains, tel que Paul le décrit dans sa lettre aux Éphésiens [6:14-17]: ‘Tenez donc ferme, les reins ceints de vérité, revêtus de la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’équipement de la bonne nouvelle de paix. Et surtout, prenez le grand bouclier de la foi, avec lequel vous pourrez éteindre tous les projectiles enflammés du méchant. Acceptez aussi le casque du salut, et l’épée de l’esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu.’
“Et cette armure, poursuivait-elle, n’est pas en elle-même suffisante. Il nous faut apprendre à observer les principes énoncés dans la Parole de Dieu. C’est alors seulement que nous ressemblerons à l’homme dont Jésus nous parle dans le livre de Matthieu [7:24-27]: ‘Quiconque donc entend mes paroles et les met en pratique sera comparé à un homme avisé qui a bâti sa maison sur la masse rocheuse. Et la pluie est tombée à torrents, et les inondations sont venues, et les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, mais elle ne s’est pas effondrée, car elle avait été fondée sur la masse rocheuse. Mais quiconque entend mes paroles et ne les met pas en pratique sera comparé à un homme stupide qui a bâti sa maison sur le sable. Et la pluie est tombée à torrents, et les inondations sont venues, et les vents ont soufflé et ont heurté contre cette maison, et elle s’est effondrée; et grand a été son écroulement!’”
Et pourtant, je persistai à ne voir dans les propos de Marie rien qui justifiât pour moi l’abandon de l’escrime. De son côté, Paul s’efforçait lui aussi d’amener Marie à revenir sur sa décision. Il commença même d’étudier la Bible avec les Témoins de Jéhovah, mais connaissant ses vues matérialistes, nous n’avions pas peur qu’il se laisse influencer.
Dans le même temps, nous continuions de nous exercer à l’escrime, au point que j’en négligeais mes études de droit. Paul m’encourageait à travailler plus sérieusement, mais je ne tenais aucun compte de ses conseils et cela me valut de redoubler toute une année d’études. Paul pour sa part, était très bien noté, ce qui m’amena à adopter vis-à-vis de lui une attitude encore plus distante. Quand je fis part de mes griefs à Jean, il me rétorqua que Paul différait de nous en ce qu’il attachait, quant à lui, quelque importance à ses études.
RÉCONCILIATION AVEC MARIE
Comme nous n’avions pas revu Marie depuis trois mois, Jean et moi décidâmes de lui rendre visite. Elle écouta avec un vif intérêt les dernières nouvelles de la salle d’armes, soupira et dit: “Quel dommage de ne plus se voir comme avant! Que diriez-vous de nous retrouver régulièrement pour lire tous ensemble quelque chose d’intéressant — et même la Bible, pourquoi pas? Je sais que vous aimez la lecture en groupe.” Nous acceptâmes.
L’Évangile de Matthieu fit la matière de nos premières réunions, mais nous ne nous limitions pas à la lecture en groupe. Nous recherchions ensemble le sens des textes. Un jour que je m’interrogeais à haute voix sur la responsabilité de l’homme vis-à-vis du Dieu de la Bible, Jean m’interrompit en disant: “Écoute, Robert, selon toi, d’où Jésus a-t-il tiré assez de force morale pour pardonner à ceux qui l’avaient traité avec tant d’injustice?”
Voilà une question à laquelle j’étais bien incapable de répondre, mais je comprenais que cette force-là n’était pas sans rapport avec les relations que Jésus entretenait avec Dieu. Pour obtenir des réponses véridiques à ces questions religieuses, nous entreprîmes d’étudier la Bible avec un Témoin de Jéhovah que Marie nous avait recommandé. Nous utilisions un auxiliaire biblique intitulé La vérité qui conduit à la vie éternelle.
NOUS ÉTUDIONS POUR DE BON
Nous nous empressions d’aller parler à Paul des perspectives nouvelles qui s’ouvraient devant nous au fur et à mesure que nous progressions dans l’étude. De son côté, il établissait des parallèles entre la Bible, les mathématiques et la physique et nous faisait part de ses conclusions. Il discutait souvent avec Jean pour savoir dans quelle mesure la Bible et la biologie pouvaient s’accorder.
Mes amis s’engagèrent un jour dans un débat animé pour savoir si, oui ou non, l’existence des brontosaures se trouve démentie par la Bible. La discussion alla si loin que tous deux décidèrent d’arrêter l’étude. Navré, j’essayai de mettre un terme à la controverse en disant: “Vous savez, je pense que dans un tel cas, la question primordiale est plutôt d’ordre moral que d’ordre scientifique. Pour ma part, je continuerai d’étudier jusqu’à ce que j’aie compris le problème de la responsabilité.”
Cette intervention calma l’ardeur du débat, et tous deux décidèrent à leur tour de poursuivre l’étude. À présent, c’était Jean qui pensait que nous consacrions trop de temps à l’escrime, aussi fit-il en sorte que l’étude de la Bible ait lieu après les séances d’entraînement. Voilà qui ne me plaisait guère, car cela nous obligeait à quitter la salle d’armes deux heures plus tôt que d’habitude.
Quelque temps auparavant, une telle décision nous eût paru impensable, mais notre intérêt pour la Bible ne faisait que croître. En fait, l’étude nous passionnait au point que nous en étions venus à souligner aux crayons de couleur nos textes bibliques préférés. Et comme tous les textes expliqués nous intéressaient, nos Bibles eurent tôt fait de devenir multicolores!
ALLAIS-JE MOI AUSSI RENONCER À L’ESCRIME?
Ma question touchant la responsabilité de l’homme envers Dieu trouvait peu à peu une réponse. Marie y était pour beaucoup, aussi lui dis-je au bout de cinq mois que j’envisageais sérieusement de me vouer à Jéhovah, mais que je voulais attendre Paul et Jean.
“Tu vois, Robert, répondit-elle, si j’ai continué à pratiquer l’escrime pendant un certain temps, c’était pour avoir l’occasion de vous parler, mais aucun de vous ne m’a prise au sérieux jusqu’à ce que je parte. C’est alors seulement que vous vous êtes tous demandé pourquoi j’avais fait cela — et aujourd’hui, vous étudiez la Bible tous les trois.” Cette conversation contribua largement à affermir ma décision de me vouer rapidement à Jéhovah.
À présent, j’étais confronté au même problème que Marie; allais-je moi aussi abandonner l’escrime? Je méditai une fois de plus les paroles bibliques entendues pour la première fois six mois plus tôt: “Et ils devront forger leurs épées en socs de charrue et leurs lances en cisailles à émonder. Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation, et ils n’apprendront plus la guerre.” — És. 2:4.
Les souvenirs de dix ans d’escrime défilaient devant mes yeux: les levers au petit matin; les maîtres d’armes, l’amertume de la défaite et, récemment, mes succès avec la chance qui s’offrait à moi d’avancer toujours plus loin dans le sport. Mais j’arrivai à la conclusion que Marie avait eu raison et je compris vraiment pourquoi elle avait pleuré, car maintenant j’avais moi aussi les yeux pleins de larmes. Pourtant, tout comme elle, j’éprouvais en même temps un sentiment de confiance.
QU’ALLAIENT FAIRE JEAN ET PAUL?
Jean et Paul furent très surpris par ma décision. Mais imaginez ma joie quand ils décidèrent à leur tour d’abandonner leurs fleurets et de renoncer à l’escrime en même temps que moi! Tous deux se rendaient à nos réunions chrétiennes, mais sans ressentir encore le besoin de vouer leur vie à Jéhovah et de symboliser ce vœu par le baptême.
C’est un an après mon propre baptême que nous nous retrouvâmes tous les quatre. Mais quelle joyeuse réunion! Nous étions maintenant tous des chrétiens voués. Nous avions été des escrimeurs enthousiastes, pleins de détermination et d’ambition, mais en apprenant quelle était la volonté de Dieu, nous avions déposé nos fleurets d’acier pour combattre avec l’épée de l’esprit, la Parole de Dieu. — Éph. 6:17.
Nous avons donc pu constater par nous-mêmes que “la parole de Dieu est vivante et fait sentir son action, et elle est plus acérée qu’aucune épée à deux tranchants et pénètre jusqu’à diviser l’âme et l’esprit, et les jointures et leur moelle, et elle peut discerner les pensées et les intentions du cœur”. (Héb. 4:12.) Oui, il est bon de combattre avec cette épée spirituelle pour la gloire et l’honneur de Jéhovah Dieu. C’est là notre plus cher désir et l’objet de tous nos efforts. — D’un de nos lecteurs.
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La proclamation de la bonne nouvelle par toute la terreLa Tour de Garde 1978 | 1er février
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La proclamation de la bonne nouvelle par toute la terre
JÉHOVAH Dieu a toujours eu des témoins pour proclamer sa souveraineté. Abel fut le premier d’une longue lignée de témoins (Mat. 23:35; Héb. 11:4; 12:1). Plus tard, quand sa divinité fut mise en doute par les nations, Jéhovah déclara à toute la nation d’Israël: “Vous êtes mes témoins.” (És. 43:10-12; 44:8). Jésus Christ est le principal Témoin de Dieu. Il se présenta lui-même comme “le témoin fidèle et vrai, le commencement de la création de Dieu”. — Rév. 3:14.
Tout véritable disciple de Jésus Christ est donc, par l’intermédiaire de Celui-ci, un témoin pour le nom et le dessein de Jéhovah. C’est d’ailleurs Dieu qui forma la congrégation chrétienne, comme en témoigna l’apôtre Pierre devant le collège central des chrétiens du premier siècle (Actes 15:7, 8, 14; I Pierre 2:9). Aux époques de jugement, notamment, le nom et les desseins de Dieu furent largement et intensivement proclamés. Nous en trouvons un exemple remarquable durant les quarante années qui précédèrent la fin du système de choses juif et la destruction de Jérusalem en l’an 70 de notre ère. Les desseins de Dieu concernant cette nation furent alors proclamés par Jésus et ses disciples. Ceux-ci devinrent nombreux et retinrent l’attention, même celle de leurs ennemis (Actes
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