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Qu’est-ce que la “révolution verte” ?Réveillez-vous ! 1972 | 22 novembre
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Qu’est-ce que la “révolution verte” ?
IL Y A quelques années, la famine touchait des centaines de milliers de gens dans divers pays et faisait chaque jour des milliers de victimes.
Cela se passait surtout en Inde. Pendant deux années consécutives, en 1965 et en 1966, la sécheresse eut un effet désastreux sur les récoltes, et beaucoup de gens moururent de faim. Seules d’importantes cargaisons de denrées alimentaires en provenance d’autres pays ont permis d’éviter une catastrophe plus terrible encore.
Après cela, on entendit de toutes parts de sombres prédictions concernant une famine mondiale. Selon certaines autorités en la matière, cette famine allait sûrement avoir lieu vers le milieu des années 70 et, à en croire d’autres, elle aurait déjà commencé.
Cependant, actuellement, on entend beaucoup moins parler de gens qui meurent de faim. Il y a même un excédent de denrées alimentaires là où on connaissait la disette, il y a seulement quelques années.
Quelle est la raison de cet état de choses ? Il s’est produit une ‘révolution’ dans la production des céréales. Le phénomène est tellement remarquable qu’on lui a donné le nom de “révolution verte”.
Cependant, on a soulevé diverses questions à ce sujet et notamment celles-ci : Comment cette “révolution verte” a-t-elle eu lieu ? Ne comporte-t-elle pas certains dangers ? Est-elle réellement une aide pour les pauvres et les affamés du monde ? Est-elle la solution aux problèmes alimentaires de l’humanité ?
Comment a-t-elle commencé ?
La “révolution verte” désigne le développement de la culture de variétés de blé et de riz à très grand rendement. Or, ces deux céréales, surtout le riz, sont la base de l’alimentation de la majeure partie de la population du globe.
La “révolution verte” eut lieu vers 1965. Au Mexique, le ministère de l’Agriculture de ce pays et la fondation Rockefeller avaient entrepris conjointement un programme ayant pour but l’amélioration du blé.
Les premiers résultats étaient le fruit de vingt années d’expériences effectuées par une équipe d’agronomes dirigée par le Dr Norman E. Borlaug. Ils étaient arrivés à faire pousser des variétés de blé qui produisaient quatre boisseaux (environ 110 kilos) là où auparavant on n’en obtenait qu’un seul.
Le nouveau blé était court, et sa tige rigide. C’était très important, car cela empêchait la plante de se courber sous le poids des lourds épis. De plus, il n’était pas sensible à la durée du jour. Autrement dit, on pouvait le planter dans des parties de la terre où les heures de lumière n’étaient pas les mêmes que là où la semence avait été recueillie. De plus, il réagissait très bien à l’amendement et à l’irrigation.
À peu près au même moment, on produisait aux îles Philippines du riz à grand rendement sous les auspices de l’International Rice Research Institute. Cette découverte faisait pour le riz ce que les expériences mexicaines accomplissaient pour le blé.
En 1965, on expérimenta le nouveau blé en Asie sur une plus grande échelle. Plusieurs hectares furent ensemencés. Aujourd’hui, seulement sept ans plus tard, on a semé ces nouvelles variétés sur des millions d’hectares à travers le monde. Cela est particulièrement vrai pour les régions de l’Inde et du Pakistan, consommatrices de blé. Aux Philippines et dans d’autres pays du Sud-Est asiatique, les plantations de nouvelles variétés de riz se sont considérablement étendues.
Les résultats
La production de grain a fortement augmenté dans diverses régions grâce aux nouvelles variétés. La revue BioScience, dans son numéro du 1er novembre 1971, cite particulièrement l’Inde et le Pakistan, “où, dit-elle, on a repoussé le spectre de la famine ; du moins, on le tiendra en échec peut-être pendant une génération”.
C’est en 1964-65 que l’Inde eut sa meilleure récolte, environ 89 millions de tonnes de grains. Mais en 1970-71, elle en produisit à peu près 107 millions de tonnes. Le blé connut l’accroissement le plus spectaculaire ; la production a plus que doublé en six ans, car elle est passée de 11 à 23 millions de tonnes. La récolte de riz n’a pas augmenté de façon aussi prodigieuse, mais des personnalités indiennes ont prédit qu’en 1972 l’Inde pourrait en produire assez pour sa propre consommation.
Grâce à cet important accroissement des récoltes, les pays exposés à la famine, qui devaient importer d’énormes quantités de grains, non seulement se suffisent à eux-mêmes, mais deviennent exportateurs. Le succès de ces nouvelles céréales incite chaque année un plus grand nombre de fermiers à en planter.
De ce qui précède on pourrait conclure que la science a enfin résolu les problèmes alimentaires de l’humanité. Il semble que les populations affamées du globe n’aient qu’à planter ces nouvelles variétés de riz et de blé pour éviter la famine.
Un avertissement
Cependant, de nombreux agronomes mettent le public en garde contre une telle conclusion. Selon eux, la “révolution verte” n’a pas résolu le problème de la faim actuellement et elle ne le fera pas dans l’avenir.
Par exemple, dans le livre Le problème de la survie (angl.), un chapitre écrit par l’économiste et agronome Wolf Ladejinsky déclare ce qui suit :
“Depuis près de cinq ans, la ‘révolution verte’ est à l’œuvre dans nombre de pays d’Asie sous-développés sur le plan agricole. Son avènement parmi les sociétés rurales attachées aux anciennes traditions a été salué comme une réfutation des sombres prédictions annonçant des famines dans de vastes régions de la terre.
“De plus, certains, gagnés par l’euphorie et espérant de grands changements, y voient un remède à la pauvreté d’une grande majorité de cultivateurs. (...)
“Cependant, on ne peut pas toujours bénéficier des circonstances favorables dans lesquelles la nouvelle technique s’est développée. C’est pourquoi elle est inévitablement limitée dans sa portée et son application. Même là où elle a remporté des succès, la révolution a donné lieu à quantité de problèmes politiques et sociaux. En bref, comme le Dr Wharton l’a fait remarquer avec raison dans la revue ‘Affaires étrangères’ d’avril 1969, la révolution verte peut être à la fois une corne d’abondance et la boîte de Pandore.”
Pourquoi de nombreuses autorités en la matière mettent-elles le public en garde contre un optimisme excessif alors que la “révolution verte” est en plein essor ? Quels sont quelques-uns des problèmes auxquels il faut faire face ? Comment ceux-ci pourraient-ils empêcher la “révolution verte” de vaincre la faim et la pauvreté ?
Un des problèmes concerne un grand danger latent, d’ordre génétique.
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Danger de la monocultureRéveillez-vous ! 1972 | 22 novembre
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Danger de la monoculture
LA REVUE BioScience donna récemment l’avertissement suivant :
“Un autre spectre, une épidémie générale, menace la ‘révolution verte’.” Quelle en est la raison ?
Quand de grands espaces sont consacrés à la même culture, toute la récolte est gravement exposée. Qu’une nouvelle sorte d’insecte ou de maladie surgisse, et toute la plantation risque d’être endommagée, ce qui, n’est généralement pas le cas si l’on plante diverses variétés.
Les experts reconnaissent que c’est là un danger indéniable en ce qui concerne ces grains à grand rendement. Ces nouvelles variétés proviennent d’une base génétique très étroite.
Selon la Fondation Rockefeller, c’est d’une seule et unique souche que provient la famille entière des blés qui, en Asie, occupent une plus grande superficie que n’importe quelle autre variété.
Du fait que ces nouvelles variétés ont un si bon rendement, on leur donne la préférence. Les fermiers veulent gagner de l’argent et ils plantent ce qui leur rapporte le plus. Aussi abandonnent-ils de plus en plus les variétés locales en faveur des nouvelles dont le rendement est beaucoup plus élevé. Cependant, ces variétés, qui ne se sont pas développées dans la région, ont une prédisposition inconnue à certaines maladies.
C’est pourquoi un article de la revue New Scientist de Londres fit entendre ce cri d’alarme : ‘Si les quelques nouvelles variétés devaient succomber à une maladie, ce serait la catastrophe. Pendant un moment, il serait difficile de les remplacer, car il faut du temps pour trouver de nouvelles lignées résistant à une nouvelle maladie !’ L’article conclut en disant que l’homme, en altérant la nature, a peut-être accru les risques d’un désastre.
Y a-t-il des précédents ?
Cette crainte n’est pas uniquement théorique. Dans le passé, des maladies ont détruit des récoltes entières en raison d’une base génétique trop étroite.
On a l’exemple de l’épidémie de pourriture brune qui frappa les pommes de terre au siècle passé. En 1845 elle fit de sérieux ravages en Europe. L’année suivante, les pertes furent plus graves encore, et en Irlande ce fut un véritable désastre.
Les Irlandais avaient converti la majeure partie de leurs terres en champs de pommes de terre où prédominait une seule variété. La maladie détruisit toute la récolte. Une encyclopédie (The World Book Encyclopedia) raconte ainsi ce qui s’est passé : “La disette de pommes de terre des années 1840 fut pour l’Irlande la plus grande catastrophe de son histoire. (...) Près de 750 000 personnes moururent de faim et de maladie. À cette époque, des centaines de milliers de gens quittèrent l’Irlande.”
Un autre cas du même genre se produisit il y a une vingtaine d’années. Aux États-Unis, des agronomes avaient créé de nouvelles variétés d’avoine à grand rendement par croisements à partir de la race appelée Victoire. Ces variétés furent plantées sur une grande échelle. Plus tard cependant, un cryptogame particulier proliféra et détruisit une bonne partie de la récolte. En deux ans, ce cryptogame se répandit à tel point qu’il ne fut plus possible de semer ces variétés d’avoine.
Dans les années 30, une nouvelle variété de froment promettait de résoudre le problème de la rouille. En quelques années, on ensemença avec cette graine des régions entières de l’Ouest des États-Unis, du Texas au Dakota du Nord. Mais vers la fin des années 40, il survint un nouveau cryptogame très actif auquel était sensible tout le blé tendre et le blé dur des États-Unis et du Canada. Le nouveau cryptogame s’étendit rapidement et fit d’énormes ravages. Pendant plusieurs années, la production de blé dur cessa presque complètement dans les grandes plaines du Nord.
Déconvenues plus récentes
En 1971, on a pu lire le titre suivant dans le New York Times : “Un triomphe de la génétique risque de conduire au désastre.” L’article parlait des types améliorés de maïs hybrides qui ont été introduits aux États-Unis depuis 1950. La production de maïs avait plus que doublé.
Mais en 1970, on assista à une attaque inattendue d’une nouvelle maladie très virulente appelée helminthosporiose-maydis. Cela mit en lumière la vulnérabilité de ce maïs planté par la majorité des fermiers. En 1970, entre le mois de juillet et l’époque de la moisson, environ 252 000 000 d’hectolitres de maïs ont été détruits. Cela représentait 15 pour cent de toute la récolte de maïs, soit une perte de près de 5 milliards de francs français.
À propos de cette catastrophe, le New York Times fit le commentaire suivant :
“Fondamentalement, la vulnérabilité vient du fait que tous les fermiers veulent planter les meilleures variétés en même temps. À cause de cette uniformité on risque la catastrophe quand apparaît un nouveau mutant dévastateur, notamment la helminthosporiose-maydis.
“Comme dans beaucoup d’autres régions du monde moderne, ce qui, à court terme, semble
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