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États-Unis d’Amérique (1re partie)Annuaire 1975 des Témoins de Jéhovah
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trois ans et demi (des 4/5 octobre 1914 aux 26/27 mars 1918). Puis, le système politique bestial du Diable l’emporta sur les “deux témoins” de Dieu, et les tua. Autrement dit, il mit fin aux tourments que ces “deux témoins” provoquaient en prophétisant “vêtus de sacs”, au grand soulagement de leurs ennemis d’entre les chefs religieux, politiques ou militaires et les magistrats (Rév. 11:3-7 ; 13:1). C’est ce que la prophétie annonçait, et elle s’est accomplie. Comment cela ?
Le 7 mai 1918, le tribunal du district est de New York lança des mandats d’arrêt contre les principaux serviteurs de la Société Watch Tower. Il s’agissait du président Rutherford, du secrétaire-trésorier Van Amburgh, de Clayton Woodworth et de George Fisher (les deux compilateurs du Mystère accompli), de Robison (membre du comité de rédaction de La Tour de Garde), de Macmillan, de Martin et de Giovanni DeCecca.
Le lendemain, soit le 8 mai 1918, ceux d’entre ces frères qui se trouvaient au Béthel de Brooklyn furent arrêtés et mis en prison. Peu après, ils furent traduits devant le tribunal fédéral que présidait le juge Garvin. Tous se trouvèrent devant un acte d’accusation qui avait été renvoyé précédemment par le Grand Jury, les accusant
“1, 3) [du] crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’insubordination, la déloyauté et le refus d’obéissance aux forces navales et militaires des États-Unis d’Amérique au moyen de sollicitations personnelles, de lettres, de discours publics, en distribuant et en faisant circuler parmi le public un certain livre appelé ‘Volume sept — ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli’, et en distribuant et faisant circuler parmi le public dans tous les États-Unis certains articles imprimés dans des tracts appelés ‘L’ÉTUDIANT DE LA BIBLE’, ‘LA TOUR DE GARDE’, ‘NOUVELLES DU ROYAUME’ et d’autres pamphlets non désignés, etc. ;
“2, 4) Le crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’opposition au recrutement et à l’enrôlement dans le service des États-Unis quand ces derniers étaient en guerre.”
Cette accusation était principalement fondée sur un paragraphe du livre Le mystère accompli qui disait : “Nulle part dans le Nouveau Testament le patriotisme (haine mesquine des autres peuples) n’est encouragé. Partout et toujours, le meurtre a été interdit, sous toutes ses formes. Pourtant, sous le couvert du patriotisme, les gouvernements de la terre exigent que des hommes qui aiment la paix se sacrifient, eux et ceux qui leur sont chers, et réclament le sang de leurs semblables, proclamant cela comme un devoir exigé par les lois célestes.”
Frères Rutherford, Van Amburgh, Macmillan et Martin ont dû faire face à un second acte d’accusation de collaboration avec l’ennemi, basé sur le fait que les responsables de la Société avaient envoyé une somme de 500 dollars au directeur de la filiale suisse de la Société à Zurich. Les frères condamnés furent retenus en prison jusqu’au paiement d’une caution fixée à 2 500 dollars par chef d’accusation, après quoi ils furent relâchés et convoqués devant le tribunal le 15 mai 1918. Ils passèrent en jugement le 3 juin 1918 devant le tribunal du district est de New York. Ils plaidèrent “non coupables” pour les deux chefs d’accusation, et se savaient innocents de tous les crimes dont on les accusait.
Comme le juge Garvin n’avait pas caché ses sentiments au cours des auditions préliminaires, les accusés firent une déposition exposant ses préventions contre eux. Le juge Harland Howe du tribunal de district des États-Unis fut donc désigné comme président du tribunal. D’après frère Macmillan, les accusés ne connaissaient pas les idées préconçues de Howe ; par contre, le gouvernement savait qu’il “était particulièrement en faveur de la mise en application de la loi et contre les accusés à qui l’on reprochait de l’avoir transgressée”. Macmillan dit également : “Mais nous ne sommes pas restés longtemps dans les ténèbres. Dès la première conférence des avocats dans le cabinet du juge avant que ne commençât le jugement, son animosité se manifesta, et il dit sèchement : ‘Je vais infliger à ces coupables ce qu’ils ont cherché.’ Toutefois, il était trop tard pour que nos avocats déposent une plainte contre le juge pour ses préventions contre les accusés.”
Macmillan dit que l’accusation, telle qu’elle a été retournée à l’origine, reprochait aux accusés d’avoir commencé à conspirer entre le 6 avril 1917, date à laquelle les États-Unis sont entrés en guerre, et le 6 mai 1918. À la suite d’une motion, le gouvernement a déterminé que le crime reproché avait été commis entre le 15 juin 1917 et le 6 mai 1918.
SCÈNES DANS LA SALLE D’AUDIENCE
Les États-Unis étaient en guerre. Un procès intenté contre les Étudiants de la Bible accusés de sédition ne manquerait pas d’attirer fortement l’attention. Quels étaient les sentiments du public en général ? Il approuvait tout ce qui favorisait les intérêts de la guerre. À l’extérieur du tribunal, des fanfares jouaient et des soldats défilaient dans les rues près de Borough Hall, à Brooklyn. Dans le prétoire, les débats se poursuivaient, — ils durèrent quinze jours, — accumulant un monceau de témoignages. Mais entrons plutôt dans la salle d’audience et voyons comment cela se passe.
Frère Macmillan, l’un des accusés, nous dépeint l’ambiance qui y règne ; il écrivit en effet par la suite : “Pendant le jugement, le gouvernement décréta que quiconque se tiendrait au coin d’une rue et réciterait le Notre Père dans l’intention de décourager les hommes d’entrer dans l’armée serait emprisonné. Vous voyez donc avec quelle facilité les autorités interprétaient toute intention. Ces hommes se croyaient capables de lire dans les pensées, et c’est en fonction de cela qu’ils se sont retournés contre nous, bien que nous leur ayons certifié qu’à aucun moment nous n’avons conspiré ou fait quoi que ce soit contre le service militaire ou pour encourager l’insoumission. Mais nos affirmations ne servirent à rien. Certains chefs religieux de la chrétienté et leurs alliés politiques étaient déterminés à nous abattre. Avec l’accord du juge Howe, l’action engagée a abouti à un jugement de condamnation, soulignant que nos mobiles étaient irrecevables et que nos actions avaient été commises délibérément. J’ai été condamné pour le simple fait d’avoir contresigné un chèque, dont la destination n’a pu être déterminée, et d’avoir apposé ma signature sur une déclaration écrite qui avait été lue par frère Rutherford lors d’une réunion du comité directeur. Même là, on ne pouvait prouver qu’il s’agissait bien de ma signature. Cette injustice nous aida par la suite lorsque nous avons fait appel.”
À un moment donné, un ancien représentant de la Société a été appelé à la barre. Après avoir examiné un document portant deux signatures, il prétendit reconnaître celle de frère Van Amburgh. Voici ce que dit à ce sujet la minute du tribunal :
“Q. Voici la pièce no 31 que vous voudrez bien identifier ; je vous demande d’examiner les deux signatures, ou prétendues signatures, de MacMillan et de Van Amburgh. Commençons par celle de Van Amburgh ; d’après vous, s’agit-il d’une copie de sa signature ? R. Je le crois, en effet.
“Q. Et celle de MacMillan ? R. La sienne n’est pas aussi facile à identifier, mais je pense qu’il s’agit bien de sa signature.”
Plus tard, frère Macmillan écrivit ce qui suit à propos de la défense présentée par les accusés :
“Après le réquisitoire du représentant du gouvernement, nous avons présenté notre défense. En bref, nous avons montré que la Société est une organisation essentiellement religieuse ; que ses membres acceptent les enseignements de la Sainte Bible, tels qu’ils sont expliqués par Charles Russell, comme fondement de leurs croyances ; que de son vivant Russell écrivit et publia six volumes intitulés Études des Écritures, et que dès 1896 il promit d’écrire un septième volume basé sur les livres d’Ézéchiel et de la Révélation ; que sur son lit de mort il dit que quelqu’un d’autre rédigerait ce septième volume ; que peu de temps après sa mort, la direction autorisa Clayton Woodworth et George Fisher à écrire et à soumettre leur manuscrit à l’approbation de la direction sans aucune promesse de publication, que le manuscrit sur la Révélation était terminé avant que les États-Unis n’entrent en guerre et que le manuscrit du livre tout entier (à l’exception du chapitre sur le Temple) avait été remis à l’imprimeur avant que ne soit édictée la Loi sur l’espionnage ; par conséquent, l’accusation de conspiration contre cette loi n’était pas fondée.
“Nous avons certifié qu’à aucun moment nous n’avons manigancé ou conspiré pour faire quoi que ce soit contre le service militaire ou pour entraver l’action du gouvernement dans la poursuite de la guerre, et que telle n’a jamais été notre intention ; que nous n’avons jamais projeté de faire obstacle à la guerre, de quelque façon que ce soit ; que notre activité était essentiellement religieuse et en aucun cas politique ; que nous n’avons jamais invité, conseillé ou encouragé nos membres à refuser le service militaire ; que les lettres écrites ont été envoyées à ceux que nous savions être des chrétiens voués, autorisés par la loi à recevoir des conseils ; que nous ne nous opposions pas à ce que la nation entre en guerre, mais qu’en qualité de chrétiens voués nous ne pouvions participer à un combat à mort.”
Mais la franchise n’a pas toujours été le trait dominant de ce procès. Frère Macmillan rapporta ce qui suit par la suite : “Certains des nôtres qui assistaient au jugement m’ont dit plus tard que l’un des avocats du gouvernement était sorti de la salle d’audience pour avoir un entretien à voix basse avec quelques-uns de ceux qui avaient pris la tête du mouvement d’opposition au sein de la Société. Ceux-ci lui dirent : ‘Ne le [Macmillan] relâchez pas ; c’est le pire de la bande. Il poursuivra la lutte si vous ne le frappez pas comme les autres.’” N’oublions pas qu’à cette époque-là des hommes ambitieux cherchaient à s’emparer de la direction de la Société Watch Tower. Rien d’étonnant à ce que frère Rutherford adressât ensuite cette mise en garde aux frères responsables du Béthel : “On nous a fait savoir que sept personnes qui s’étaient opposées à la Société et à son œuvre au cours de l’année dernière ont assisté au jugement et aidé nos accusateurs. Nous vous mettons en garde, bien-aimés, contre les efforts insidieux de certaines d’entre elles pour vous flatter servilement maintenant, afin d’essayer de mettre la main sur la Société.”
Finalement, après un jugement qui avait traîné en longueur, le jour attendu du verdict arriva. Le 20 juin 1918, vers 17 heures, le jury entra en délibération. Rutherford rapporta plus tard : “Les membres du jury hésitèrent longtemps avant de se prononcer. Finalement, le juge Howe leur adressa un message pour leur dire qu’ils devaient rendre un verdict de culpabilité, selon ce que nous apprit par la suite l’un des jurés.” Après quelque quatre heures et demie de délibération à 21 h 40 le jury revint et se prononça — “Coupable”.
La sentence fut annoncée le 21 juin. La salle d’audience était pleine. Lorsqu’on leur demanda s’ils avaient quelque chose à dire, les accusés gardèrent le silence. Alors le juge Howe prit la parole. Il dit avec colère : “La propagande religieuse à laquelle se livrent ces hommes est plus nuisible qu’une division de soldats allemands. Ils sont non seulement entrés en contestation avec les représentants du gouvernement et du service du contre-espionnage de l’armée, mais ils ont aussi condamné tous les ministres des Églises. Leur châtiment devrait être sévère.”
Il le fut. Sept des accusés furent condamnés à quatre-vingts ans de prison (vingt années par chef d’accusation, qui étaient au nombre de quatre, avec confusion des peines). La condamnation de Giovanni DeCecca fut retardée, mais finalement il fut condamné à quarante années de prison, soit dix ans par chef d’accusation. Les accusés devaient purger leur peine à la prison fédérale d’Atlanta, en Georgie.
Le procès avait duré quinze jours. On avait recueilli de très nombreux témoignages et la procédure avait souvent été arbitraire. En fait, il a été démontré par la suite que le procès renfermait au moins 125 vices de forme. Quelques-uns seulement auraient suffi à la Cour d’appel pour condamner toute la procédure comme étant arbitraire.
James Gwin Zea, qui a été témoin oculaire, dit : “J’ai assisté à ce procès et j’ai souffert d’un bout à l’autre avec les frères que l’on avait soumis à cette dure épreuve. J’entends encore le juge refuser à frère Rutherford l’occasion de présenter une défense. ‘La Bible n’a rien à voir dans ce tribunal’, dit-il. Cette nuit-là, je suis resté au Béthel avec frère Howlett ; vers 22 heures, nous avons appris que nos frères avaient été déclarés coupables. Leur sentence a été prononcée le lendemain.”
Les accusations injustes et les peines sévères n’avaient pas réussi à ébranler frère Rutherford et ses compagnons. Il est intéressant de noter le compte rendu suivant publié le 22 juin 1918 par le New York Tribune : “Joseph F. Rutherford et six autres ‘Russellistes’, convaincus d’avoir violé la Loi sur l’espionnage, ont été condamnés hier, par le juge Howe, à vingt ans de réclusion à la prison d’Atlanta. ‘C’est le plus beau jour de ma vie, a déclaré M. Rutherford sur le chemin conduisant du tribunal à la prison ; subir un châtiment terrestre pour sa croyance religieuse est l’un des plus grands privilèges qu’un homme puisse avoir.’ Les familles et les amis intimes des accusés se sont livrés à la plus étrange des démonstrations qu’on ait jamais vues au bureau du greffier du tribunal fédéral de Brooklyn, aussitôt après que les prisonniers eurent été amenés devant le Grand Jury. Tout le groupe fit résonner le vieux bâtiment aux accents de ‘Béni soit le lien qui unit’. ‘C’est la volonté de Dieu’, se disaient-ils, et leurs visages rayonnaient presque. ‘Un jour le monde saura ce que tout cela signifie. En attendant, soyons reconnaissants envers Dieu pour sa grâce qui nous a soutenus à travers nos épreuves, et attendons avec joie le Grand Jour qui doit venir.’”
Après avoir interjeté appel, les frères ont essayé à deux reprises d’obtenir leur mise en liberté provisoire sous caution, mais ils ont été déboutés, d’abord par le juge Howe, et plus tard par le juge Martin Manton. Entre-temps, ils étaient détenus dans la prison de la rue Raymond, à Brooklyn, “le trou le plus infect que j’aie jamais connu”, dit Macmillan. Clayton Woodworth l’appelait en plaisantant l’“Hôtel de Raymondie”. Après avoir passé une semaine désagréable en cet endroit, on les conduisit à la prison de la ville de Long Island, où ils demeurèrent également une semaine. Finalement, le 4 juillet, jour de la fête nationale aux États-Unis, ces hommes injustement condamnés prirent le train pour la prison d’Atlanta, en Georgie.
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États-Unis d’Amérique (2e partie)Annuaire 1975 des Témoins de Jéhovah
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États-Unis d’Amérique (2e partie)
LES ENNEMIS SE RÉJOUISSENT
L’incarcération de ces témoins chrétiens de Jéhovah était pour ainsi dire un coup mortel, qui réjouissait et soulageait leurs ennemis. Les paroles suivantes de Révélation 11:10 s’étaient accomplies : “Et ceux qui habitent sur la terre se réjouissent à leur sujet et se divertissent, et ils s’enverront des présents les uns aux autres, car ces deux prophètes tourmentaient ceux qui habitent sur la terre.” Les ennemis de ces “deux témoins”, qu’ils soient politiques, militaires ou de la magistrature, se sont ‘envoyé des présents’ les uns aux autres en ce sens qu’ils se félicitèrent mutuellement du rôle qu’ils avaient joué dans la victoire sur leurs tourmenteurs.
Dans son livre Preachers Present Arms, Ray Abrams analysa le jugement de Rutherford et de ses associés et fit cette remarque :
“Une analyse du procès nous amène à la conclusion que les Églises et le clergé ont été à l’origine de l’action entreprise pour écraser les Russellistes. (...)
“Quand les éditeurs de la presse religieuse ont appris les différentes condamnations à vingt ans, presque tous, grands et petits, se sont réjouis. Je n’ai trouvé aucune parole de sympathie dans l’un quelconque des journaux religieux. ‘Il n’y a pas de doute, a conclu Upton Sinclair, que la persécution (...) est due en partie au fait que [les Russellistes] se sont attiré la haine des grandes Églises.’ Là où les efforts conjugués des Églises ont échoué, le gouvernement semble avoir réussi, écrasant éternellement pour elles ces ‘prophètes de Baal’.”
OPTIMISTES MALGRÉ LA ‘CAPTIVITÉ BABYLONIENNE’
De 607 à 537 avant Jésus Christ, les Juifs ont langui en captivité dans la Babylone antique. Pareillement, les adorateurs de Jéhovah, oints de l’esprit saint, ont été exilés et ont subi la captivité babylonienne durant la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1918. Ils ont particulièrement ressenti cet esclavage lorsque les huit frères fidèles du siège de la Société ont été incarcérés à la prison fédérale d’Atlanta.
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