-
Des ténèbres à la lumièreLa Tour de Garde 1964 | 1er octobre
-
-
Des ténèbres à la lumière
raconté par Wenzel Kuhn
“APPELÉS des ténèbres à son admirable lumière !” Ces paroles d’un apôtre de Jésus-Christ, consignées dans I Pierre 2:9 (MN), ont une profonde signification pour moi. Mais ce n’est pas en flânant le dimanche après-midi, qu’on peut émerger des ténèbres du présent système de choses et venir à la lumière de la vérité de la Parole de Dieu.
Né à la fin du siècle dernier, j’eus une enfance relativement heureuse que je passai dans un petit village à l’est de la Bohême. Mon père mourut alors que je n’avais pas encore cinq ans. Très jeune, je me mis à réfléchir aux choses relatives à la foi en Dieu.
Je séjournai souvent dans une ville de pèlerinage, lieu propice à mes méditations. J’y vis des choses qui me firent réfléchir : des béquilles, de vieilles lunettes et autres objets de ce genre qu’on voyait accrochés ; on disait qu’ils avaient appartenu à des gens guéris soudainement, d’une manière miraculeuse. Je demandai un jour à ma mère : “Est-il possible aujourd’hui à quelqu’un d’être guéri aussi rapidement ?” “Probablement que oui”, me répondit-elle en hésitant, car elle était incapable de me citer un seul cas de guérison. Mon attention était souvent attirée par des groupes de pèlerins qui, venant de près ou de loin, affluaient vers ce lieu de pèlerinage ; les fidèles disaient à haute voix le rosaire ou des litanies, tandis que parfois quatre hommes portaient sur leurs épaules la statue de Marie, montée sur un socle de bois.
Mais ma mère me conduisait à d’autres lieux de pèlerinage, plus éloignés encore. Ce qui me frappait, lorsque j’y réfléchissais, c’était la différence marquante entre la simplicité des vêtements dont étaient revêtues les statues de Jésus et des apôtres, et la richesse des habits que portaient les évêques et les papes. Les premiers étaient toujours vêtus comme les gens du peuple. Pourquoi ne voyait-on jamais Jésus paré de magnifiques habits sacerdotaux ? Je pensais que les apôtres, qui ne portaient que des vêtements très ordinaires, et surtout Jésus, auraient mérité de porter ces habits somptueux. Comment ce changement dans la façon de se vêtir s’était-il produit ? Je ne pouvais aller bien loin dans mes réflexions, car la “clé” me manquait, semblait-il. Je ne savais même pas alors que la sainte Bible existait.
J’étais déjà dans ma douzième année, lorsqu’un jour le prêtre apporta à l’école un livre dont la couverture était noire pour l’instruction religieuse ; il nous apprit que ce livre renfermait les saintes Écritures et contenait des prophéties. Je pensai : “Voilà exactement le livre qu’il faut au clergé !”
Quand, à l’âge de quatorze ans, je quittai l’école, je choisis une occupation qui me permettrait de voyager. Je quittai la Bohême pour le Tyrol autrichien et, un an plus tard, en 1914, je me rendis en Suisse. Cette année-là, à la fin de l’été, j’en vins à connaître les témoins de Jéhovah et, grâce à eux, la Bible.
LA VÉRITÉ COMMENCE À PÉNÉTRER
À mon arrivée en Suisse, je remarquai, dans le journal Anzeiger für die Stadt Bern (Feuille d’Avis de la ville de Berne), remis à toutes les familles de la ville de Berne, sous la rubrique “Services religieux”, la liste de toutes les différentes réunions religieuses auxquelles on pouvait assister. J’allai à plusieurs de ces réunions. Mais ce que j’y entendis ne fit aucun effet sur moi. J’examinai la liste une seconde fois et lus vers le bas : “Association des Étudiants de la Bible”. La Bible ! N’avais-je pas déjà entendu ce mot ? Si, et je me rappelais où : à l’école ! Je me disais : “La Bible ! Mais à quoi ce livre ressemble-t-il ? Il faut que je le sache.” J’assistai donc aux réunions des “Étudiants de la Bible”, une fois, deux fois, et continuai d’y aller ; ce que j’y entendis m’étonna beaucoup : la Bible est la Parole de Dieu, la révélation que Dieu a faite à l’homme de ses desseins !
Il m’est difficile de dépeindre le bonheur profond que je ressentis quand j’eus en main le premier exemplaire de la Bible que j’avais acheté. Son contenu m’absorba complètement. La Première Guerre mondiale commençait à faire rage autour des frontières de ce pays, et les “Étudiants de la Bible”, comme on appelait alors les témoins de Jéhovah, me montrèrent dans leurs livres que les événements en cours marquaient le début du temps de la fin du présent système de choses mauvais. Les preuves chronologiques que les publications présentaient me fascinaient. “À la vérité, se peut-il qu’une personne ait la faculté de prédire de tels événements à l’aide de la Bible ?” pensai-je. J’avais la possibilité de vérifier moi-même. “Me voici donc en mesure d’en savoir davantage sur ce grand Dieu”, me dis-je, et je ne me trompais pas. J’allai de surprise en surprise. J’appris que Dieu a un nom propre, Jéhovah, un nom dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors. Tout cela était bien nouveau pour moi et me fit une profonde impression.
Au cours des quelques mois qui suivirent mon premier contact avec la vérité, je dus faire de gros efforts pour sortir des ténèbres spirituelles qui m’entouraient et acquérir une conviction éclairée et ferme. Je n’avais pas cessé d’aller à l’église le dimanche, comme ma mère me l’avait enseigné. Mais, pendant que le prêtre disait la messe, je sortais la Bible de ma poche et la lisais au lieu de suivre dans mon livre de prières. Toutefois, je comprenais que cela ne pourrait durer indéfiniment. Après avoir examiné soigneusement la situation, je pris la décision de sortir des ténèbres pour venir à la lumière de la Parole de Dieu, la Bible.
MA MÈRE, INQUIÈTE, ESSAIE D’INTERVENIR
Il était naturel que je ne reste pas muet concernant ces merveilleuses vérités. Tout joyeux, j’écrivis à ma mère pour lui parler de ces connaissances bibliques. Mais elle ne partagea pas mon enthousiasme. Au contraire, elle fut terriblement inquiète. “Tu es sur la route de l’enfer”, me répondit-elle. Mais, quand elle s’aperçut que ni ses avertissements ni ses menaces ne réussissaient à me ramener à l’Église, elle écrivit aux autorités ecclésiastiques de Berne pour me confier à leurs soins. Un prêtre me pria de venir le voir et j’eus avec lui de longs entretiens, à trois reprises différentes. “Qu’avez-vous donc contre l’Église pour vouloir la quitter ?” me demanda-t-il. “Ses enseignements ne sont pas ceux de la Parole de Dieu”, rétorquai-je, et je lui citai comme exemple la doctrine de l’immortalité de l’âme. Pendant toutes ces discussions, le prêtre ne put arriver à me convaincre de la véracité de cette doctrine. J’eus ainsi la possibilité de voir briller la lumière de la Parole de Dieu. Je lus, par exemple, le passage d’Ézéchiel 18:4, qui dit : “L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra.” Ayant la conviction que l’homme n’a pas d’âme immortelle, je constatai que tous les autres enseignements, les tourments éternels, le purgatoire, les prières pour les morts, etc., s’écroulaient comme un château de cartes. Je me retirai de l’Église.
Quand ma mère se rendit compte que les autorités ecclésiastiques étaient impuissantes à provoquer mon “retour”, elle m’écrivit qu’elle aurait eu moins de peine si j’avais été tué à la guerre qu’à me voir me convertir à une autre religion. Dans une autre lettre, elle m’envoya une de ses photographies ; elle avait barbouillé son visage d’encre, voulant me dire par là : J’ai honte de toi, je ne peux plus te voir ! Elle montra par la suite qu’elle parlait sérieusement. En 1928, nous nous arrangeâmes pour nous revoir en Autriche ; c’était la première fois que nous nous retrouvions depuis que je l’avais quittée, quinze ans plus tôt. Quand j’entrai dans la pièce, je la vis se cacher rapidement derrière un meuble. Je saluai les autres personnes présentes et leur parlai du voyage, en attendant tranquillement qu’elle sortit de sa cachette. Plus tard, je l’emmenai en Suisse pour deux semaines. Nous eûmes maintes discussions intéressantes. Mais, fréquemment elle manifestait sa désapprobation par un silence éloquent, lorsque je lui disais : “Seul ce que disent les saintes Écritures a de la valeur pour moi.”
Voyant qu’elle était incapable de l’emporter sur la vérité de la Parole de Dieu, ma mère utilisa sa dernière arme : les larmes ! Ce n’était pas toujours facile de rendre témoignage, mais je ne pouvais laisser les larmes avoir raison de mon amour pour la Parole de Dieu et leur permettre de me voiler la merveilleuse lumière de la vérité. À bout d’arguments, et se rendant compte de l’inutilité de ses efforts pour me détourner de mes croyances fondées sur la Bible, elle me dit en pleurant : “Ah ! Si seulement je ne t’avais pas donné le jour !” “Tu as un cœur de pierre”, me dit-elle finalement et, dès lors, les larmes cessèrent de couler.
SERVICE AU BÉTHEL ET ASSEMBLÉES
Ayant été appelé à la merveilleuse lumière de la vérité de Dieu, j’envisageai de faire de la prédication du Royaume de Dieu, ma nouvelle carrière. Je m’offris pour ce service. “Il vous est possible de venir à la Maison de la Bible, me répondit-on ; nous avons suffisamment de travail pour vous ici.” Déjà une filiale de la Société était ouverte à Berne ; on l’appelait alors la “Maison de la Bible”. C’est ainsi que je devins membre de cette maison où j’appris à faire fonctionner une machine linotype.
En 1935, j’eus la joie de me joindre à plusieurs frères pour faire un voyage en Amérique, afin d’assister à une assemblée à Washington. Je n’avais encore jamais vu autant d’amis de la vérité réunis que ce jour-là à Washington : 9 000 ! J’eus le privilège d’entendre la nouvelle impressionnante concernant la “grande foule”, dont il est parlé dans Révélation 7:9-17 (MN) ; j’appris qu’il ne s’agit pas d’une classe céleste secondaire mais d’une classe terrestre composée de fidèles qui vivront sur la terre sous le Royaume de Dieu. Cette “nouvelle vérité” me rappela un incident survenu dix ans plus tôt. Un homme, qui disait faire partie des témoins de Jéhovah, avait exprimé cette même pensée en se fondant sur ses propres méditations, puis il s’était mis à propager ses idées. Où était-il maintenant ? Il était tombé dans l’oubli. Cet incident m’apprit que même lorsqu’on croit avoir une meilleure compréhension que l’organisation de Dieu concernant une chose, on ne devrait pas devancer présomptueusement cette dernière.
En 1953, il me fut possible d’assister à une autre assemblée, au Yankee Stadium de New York. À mon avis, ces assemblées sont des preuves que Jéhovah approuve son peuple. Elles nous permettent de contempler la magnifique organisation de lumière que Jéhovah a établie sur la terre pour dispenser la nourriture spirituelle “en temps voulu”. — Mat. 24:45, MN.
Certes, toute une vie de service passée dans un Béthel, là où “la nourriture en temps voulu” est préparée et dispensée, est un privilège vraiment béni, car il apporte une satisfaction qu’aucune occupation de ce monde ne peut procurer. Quel bonheur procure le sentiment d’avoir travaillé en harmonie avec la volonté de Dieu ! Je remercie le grand Dieu Jéhovah de m’avoir appelé des ténèbres spirituelles à sa glorieuse lumière.
[En dépit d’une santé précaire dans ses dernières années, frère Kuhn, qui avait reçu “l’appel qui est vers le haut”, dont il est parlé dans Philippiens 3:14 (MN), resta fidèle dans le ministère au Béthel de Berne jusqu’au jour de sa mort, le 5 octobre 1963.]
-
-
Un courage inébranlableLa Tour de Garde 1964 | 1er octobre
-
-
Un courage inébranlable
Parlant des témoins de Jéhovah, dans son livre God is a Millionaire, Richard Mathison fait la remarque suivante : “Au cours de la guerre de Corée, les hommes, formés par un protestantisme commode et sortis de nos écoles militaires et de nos meilleurs collèges, s’effondrèrent par douzaines. (...) Une étude de la question par le Pentagone aboutit à cette conclusion gênante : Les quelques témoins de Jéhovah qui finirent comme prisonniers de guerre, (...) résistèrent jusqu’au dernier aux méthodes psychologiques pour les convertir au communisme, bien mieux que bon nombre d’officiers sortis de West Point (le Saint-Cyr de l’armée américaine).”
-