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Nous n’avons pas renié nos convictionsRéveillez-vous ! 1979 | 8 septembre
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Nous n’avons pas renié nos convictions
Nourrissez-vous des convictions que vous placez au-dessus de votre vie ou de celle de vos proches? C’était le cas des premiers chrétiens. Ceux-ci refusaient d’adorer les empereurs romains, même si leur attitude leur valait d’être jetés aux bêtes sauvages dans les arènes. Aujourd’hui encore, il reste des chrétiens qui persistent à observer les lois de Dieu même en face de la mort. C’est ce que montre le récit publié ci-dessous.
QUAND le docteur m’eut confirmé que j’étais enceinte, toute ma joie d’attendre un enfant fut gâchée par la crainte obsédante que cette nouvelle vie que je portais en moi ne survivrait que quelques semaines après l’accouchement. D’où venait cette peur qui me tenaillait?
Quatre ans auparavant, j’avais donné naissance à une belle petite fille que nous avions appelée Lisa. Puis, sans raison apparente, elle était tombée gravement malade et était morte, alors qu’elle avait à peine deux mois. L’affection peu courante dont elle était atteinte, la maladie de Werlhof, se traduisait par un manque de plaquettes dans le sang.
L’origine de la maladie de Lisa me hantait. C’est pourquoi, à la naissance de notre fils, Adam, je me fis beaucoup de souci et passai par quelques moments d’anxiété. Mais, à mon grand soulagement il ne souffrait pas de l’affection de sa sœur. À présent que je me trouvais de nouveau enceinte, j’étais tenaillée par la peur, car je m’étais mis dans la tête que cette maladie rare frappait un enfant sur deux. Dana, notre premier fils, né deux ans avant Lisa, était en effet en parfaite santé.
Gary, mon mari, essayait de me raisonner. “Jan, me disait-il, peut-être n’est-ce pas héréditaire. Peut-être que tout cela provient d’un médicament. Tu as bien lu que des rapports mettent en cause certains médicaments dans plusieurs cas d’anomalies sanguines observées chez les bébés. Cette fois-ci, tu n’as rien pris, même pas de l’aspirine.”
Enfin, le jeudi 23 juin 1977, au petit matin, les contractions m’avertirent que l’accouchement était proche. À 13 h 35, notre bébé, un garçon, vint élargir notre cercle de famille. Utilisant la méthode d’accouchement naturel du docteur Leboyer, mon accoucheur posa délicatement le bébé sur mon ventre, puis, quelque temps après, Gary coupa le cordon ombilical, et l’accoucheur plaça l’enfant dans un bain d’eau tiède, à une température voisine de celle du corps. Tandis que mon mari me serrait contre lui, nous contemplions notre fils, Bryan, qui flottait légèrement dans l’eau pendant qu’on le rinçait délicatement. Tout en contemplant notre rejeton, nous étions remplis d’admiration.
Une nouvelle catastrophique
La nuit suivante, à 3 h 30 du matin, pendant que ma mère s’occupait de langer Bryan, je remarquai que le bébé présentait des pétéchies dans la région inguinale, ces fameuses petites taches violettes que je ne connaissais que trop. Après avoir regardé une seconde fois de plus près, pour être bien sûre que je ne m’étais pas trompée, je faillis me trouver mal. Je ne sentais plus mon corps et j’avais les jambes qui tremblaient. “Oh, non! Pas encore!”, laissai-je échapper. Je réveillai immédiatement Gary pour le mettre au courant.
Le médecin arriva dans la matinée. Il connaissait bien le cas de Lisa, aussi fit-il immédiatement procéder à une numération des plaquettes de Bryan. Quelques minutes plus tard, il prononça le verdict que nous redoutions tant: “Bryan a la même chose que Lisa.” Il nous suggéra de conduire l’enfant à l’hôpital le plus tôt possible. Nous quittâmes son bureau, accablés et effondrés.
De retour chez nous, nous avons téléphoné un par un à tous les médecins, y compris à celui qui s’était occupé de Lisa. Malheureusement il avait quitté la région pour le Wisconsin. Comme nos recherches téléphoniques ne donnaient aucun résultat, nous avons emmené Bryan dans un centre hospitalier universitaire très célèbre de Los Angeles. Alors que nous expliquions la maladie qui avait frappé notre fille et ce bébé, l’un des médecins prit la parole pour nous avertir que dès son arrivée à l’hôpital, Bryan recevrait une transfusion de sang. Je regardai Gary et dit: “On ferait mieux de partir!” Sur le chemin du retour, nous étions découragés et nous n’arrivions plus à rassembler nos idées.
Il était presque minuit, quand nous avons rejoint notre domicile. En notre absence, mes parents gardaient nos garçons. Ils nous dirent qu’un médecin de l’hôpital d’Orange, près de Los Angeles, avait téléphoné. Il voulait nous parler et voir Bryan. Il n’en fallut pas plus pour que nous reprenions courage.
Le lendemain matin, à mesure que nous nous approchions de l’hôpital moderne, nous reprenions confiance que l’on pourrait peut-être faire quelque chose. Un médecin nous accueillit et, après quelques minutes d’entretien, il fit conduire Bryan dans une petite chambre du service de pédiatrie. On le mit en couveuse et on lui administra des médicaments pendant les 5 jours qu’on le garda en observation. Ensuite, ne pouvant faire mieux, les médecins nous le rendirent.
Bien qu’une injonction du tribunal ait été délivrée pour nous enlever la garde de Bryan et lui administrer du sang, il nous apparut que de toute façon le sang ne serait d’aucun secours. On nous avait expliqué que peu d’enfants survivaient à cette maladie. Le pronostic médical était que Bryan mourrait vraisemblablement dans un délai de six mois. Sa numération plaquettaire n’était que de 4 000 unités par millimètre cube, alors que la normale se situe entre 200 000 et 400 000. Il suffisait que le bébé pleure ou qu’il éternue pour que se déclenche une hémorragie mortelle.
Juste avant le moment prévu pour sa sortie, Bryan commença à présenter des saignements du tube digestif. Alarmé, le médecin poursuivit le traitement et le garda en observation. Comme rien n’était prévu pour que je passe la nuit à l’hôpital, je m’assurais toujours que l’enfant dormait avant de rentrer à la maison. Les infirmières se montraient remarquables. Elles prenaient soin du bébé avec dévouement et me permettaient de l’emmener dans une autre salle pour le bercer jusqu’à ce qu’il s’endorme avant que je parte.
Une seconde catastrophe
Le mardi 19 juillet commençait comme tous les autres jours. Nous avions à présent Bryan avec nous. Gary s’était levé de bon matin et s’était rendu à son travail. À 16 heures, je reçus un coup de téléphone. “Gary a eu un accident, me disait mon correspondant, mais ne t’affole pas! Il a une jambe cassée. Le mieux serait de te rendre sans plus attendre au service des urgences.”
En entrant dans la salle d’urgences, je déclinai mon identité auprès de la réceptionniste et lui demandai des nouvelles de Gary. Un cri terrible retentit, suivi de plusieurs autres. Mon sang ne fit qu’un tour. “C’était mon mari?”, demandai-je. L’employée me répondit par l’affirmative.
“Dans quel état est-il?”, ajoutai-je.
“C’est assez sérieux”, répliqua la réceptionniste d’un ton neutre. Elle m’informa que mon mari présentait de sévères contusions à la tête, qu’il avait eu plusieurs fractures et faisait une hémorragie interne.
“Il va lui falloir une transfusion de sang. Autrement, il mourra”, déclara le médecin qui s’occupait de lui. Sur l’instant cette phrase me laissa pantoise, incapable de dire un mot. Puis, comme la première fois, je sentis que j’allais me trouver mal. Rassemblant toutes mes forces pour ne pas céder à la panique, je répondis au médecin: “Pas de sang!” Il protesta, et je répétai: “Pas de sang. C’est comme cela!” Il haussa les épaules, tourna les talons et s’éloigna.
“Puis-je voir Gary?”, demandai-je.
“Absolument pas”, me répondit-il.
“Écoutez, dis-je, j’ai déjà perdu ma fille. Je vais perdre incessamment mon fils. Je pense que j’ai tout de même le droit d’être avec mon mari!” Il plia.
Gary était allongé sur une table de la salle d’opérations, sous la lumière aveuglante des scialytiques. Pendant quelques secondes qui me parurent un siècle, je le regardais fixement, consternée. On l’avait allongé sur le dos, en ne lui laissant que son slip. Il avait la jambe gauche ouverte en deux endroits différents, au-dessus du genou et au-dessous, le visage tuméfié et soufflé. La profonde entaille qu’il avait sur l’arête du nez provenait sans doute de ses lunettes de soleil qui l’avaient blessé au moment où il avait heurté le trottoir. Sur le sommet du crâne, un trou béant laissait entrevoir un morceau de chair rose.
Je m’aperçus que le médecin avait de la peine à dissimuler son inquiétude. Il déclara qu’on allait transférer Gary par hélicoptère jusqu’à un service situé à l’est de Los Angeles. Une fois les détails administratifs réglés, je surmontai ma peur du vide et grimpai dans l’appareil qui allait emmener Gary. Cinq minutes plus tard, nous étions parvenus à destination. On emmena Gary sur un brancard jusqu’à une salle où d’autres accidentés attendaient des soins.
Le plus gros problème, chez Gary, était de déterminer s’il avait une rupture d’une grosse artère abdominale, auquel cas il mourrait, saigné à blanc. On pratiqua donc un examen pour tirer cette question au clair, et l’un des médecins annonça qu’il n’avait pas diagnostiqué de lésion artérielle et que les choses semblaient bien se présenter. Les rythmes cardiaque et respiratoire ainsi que la tension artérielle et la température s’étaient stabilisés. Par contre, l’hématocrite (qui mesure le rapport du volume des globules rouges du plasma sanguin) était tombé à 25, alors que la normale se situe entre 40 et 65.
Le lendemain matin, vers 11 h 30, on amena Gary en neurochirurgie. Le chirurgien expliqua qu’il allait d’abord suturer la plaie que Gary portait à la tête, ensuite nettoyer les fractures ouvertes qu’il avait à la jambe des graviers et des souillures qui s’y étaient glissés, et enfin qu’il allait fixer trois broches de traction avant de suturer la peau. Pour terminer, on mettrait la jambe de mon mari dans le plâtre et on la placerait en traction.
Un drame épuisant
Le vendredi 22 juillet, après avoir passé la journée aux côtés de Gary, je le quittai. Son état restait critique, mais ne s’était pas aggravé. Je mis Dana, Adam et Bryan au lit, puis je m’endormis aux alentours de 23 h 30. Quelques minutes plus tard, du moins c’est le temps que je croyais avoir dormi, la sonnerie du téléphone me réveilla. Glacée d’effroi et le cœur battant, je sautai du lit et décrochai le combiné pour m’entendre dire par un médecin qui parlait d’une voix neutre que l’état de Gary s’était aggravé et qu’il ne passerait pas la nuit. Abasourdie, je ne pus retenir ce cri: “Oh, non!” Et, de nouveau, je me sentis près de défaillir.
Des amis me conduisirent à l’hôpital, où j’arrivai une demi-heure plus tard. En mon for intérieur, je me sentais de plus en plus tendue. Si l’on donnait du sang à Gary, il risquait de survivre. Dans le cas contraire, il mourrait. En apparence, ce n’était pas plus compliqué que cela. Pourquoi mourir et me laisser seule avec ma douleur et mes trois garçons? Oui, pourquoi? En écrivant ces lignes, je suis pleinement consciente que certaines personnes risquent d’avoir de la peine à me comprendre. Mais, à mon sens, la loi de Dieu sur le sang est très claire. Celui-ci déclara à Noé et à tous ses descendants qu’ils ne devraient pas ‘manger de sang’. (Gen. 9:4.) Un décret du premier concile chrétien tenu à Jérusalem montra que cette loi continuait de s’appliquer aux chrétiens: “L’esprit saint et nous-mêmes, en effet, avons jugé bon de ne mettre sur vous aucun autre fardeau que ces choses-ci qui sont nécessaires: s’abstenir des choses sacrifiées aux idoles, et du sang, et de ce qui est étouffé, et de la fornication.” — Actes 15:28, 29.
Dès mon arrivée à l’hôpital, je me précipitai dans la chambre de Gary. En m’approchant de son lit, je remarquai qu’on lui avait appliqué un masque à oxygène sur le visage. Il était blanc comme un linge, et son anémie l’avait considérablement affaibli. Il respirait doucement et il avait une toute petite voix. À son chevet étaient suspendues deux bouteilles de perfusion de sérum salé qui remplaçait le sang au fur et à mesure qu’il le perdait. Les tubulures qui descendaient sur le lit étaient fixées à ses avant-bras par un ruban adhésif. Gary réussit avec effort à dire quelques mots, puis il ferma les yeux.
Une question d’intégrité
Je lui demandai: “Gary, es-tu sûr que c’est bien ta volonté?” Par cette question je voulais m’assurer qu’il restait bien conscient du choix qu’il avait fait. Il me répondit: “Jan, c’est tout ce que nous avons... Oui, c’est tout ce que nous avons!” Malgré mon chagrin, d’entendre une réponse aussi nette et aussi cohérente, je fus toute ragaillardie. Mon mari n’avait visiblement pas peur de la mort. Par contre, il était résolu à ne pas transgresser la loi de Dieu sur le sang.
L’un des médecins s’approcha de Gary. Sans cacher son inquiétude, il lui dit: “Gary, vous êtes en train de mourir. Qu’est-ce qui peut bien vous convaincre que vous avez raison, alors qu’aucune autre religion du monde ne partage vos croyances? Ils ne peuvent tout de même pas tous se tromper. Ils ont forcément raison. En mon âme et conscience, je sais que si vous prenez du sang, Dieu vous le pardonnera.”
Rassemblant les dernières forces qui lui restaient, Gary répliqua avec véhémence: “La majorité n’a pas toujours raison. Vous vous rappelez Élie, dont il est parlé dans la Bible? Eh bien, toute la nation d’Israël s’était détournée de Dieu. Pourtant, ils n’avaient pas raison. C’est Élie qui avait raison, bien qu’il fût seul, du moins à ce qu’il croyait. En réalité, il y avait d’autres hommes fidèles qui savaient qu’Élie avait raison.”
À bout de forces, Gary se tut. Il allongea doucement le bras vers le médecin, ferma le poing et lui donna une bourrade sur le bras, en ajoutant: “Je vous verrai dans la matinée.”
Gary faisait une hémorragie interne. Pour tenter de l’arrêter, on ajouta de la vitamine K dans ses perfusions. Enfin, au petit matin, son état devint stationnaire. Il ne tenait plus à la vie que par un fil, après avoir perdu les trois-quarts de son sang. Je restai longtemps assise à son chevet, déroutée et horrifiée. Je m’ouvris à Jéhovah dans la prière, comme quand on parle à un père affectueux. Combien de temps suis-je restée en prière et en méditation, je ne sais. Toujours est-il que je ne m’interrompis qu’avec l’arrivée de l’infirmière qui effectuait sa visite du matin.
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La vie sauve grâce à un nouveau traitementRéveillez-vous ! 1979 | 8 septembre
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La vie sauve grâce à un nouveau traitement
EN QUITTANT la chambre de Gary pour quelques minutes, je rencontrai dans la salle d’attente deux frères dans la foi qui appartenaient à notre congrégation. Ils se levèrent, vinrent à ma rencontre, et après avoir échangé quelques mots avec moi, l’un d’entre eux me remit une photocopie de La Tour de Garde qu’il avait à la main. Il s’agissait de la rubrique “Regard sur l’actualité” parue dans La Tour de Garde anglaise du 1er septembre 1974 (édition française du 15 décembre 1974, p. 748).
Tout en parcourant l’article, je sentis renaître l’espoir dans mon cœur. Le rapport mentionnait une nouvelle technique utilisée pour secourir les patients qui avaient perdu beaucoup de sang. On les mettait sous “oxygène hyperbare”, c’est-à-dire dans un caisson hyperbare où l’oxygène est administré sous pression.
L’épreuve de force
Il devait être 11 h 30 quand le grand patron du service de chirurgie descendit dans le hall. Il nous convoqua à son bureau avec un avertissement menaçant: “Nous allons régler la question une fois pour toutes!”
L’exiguïté du bureau où nous étions réunis était accentuée par la présence de trois médecins, de mes deux amis et de moi-même. Les médecins avaient les traits tirés, ce que j’attribuais aux longues heures passées à opérer ainsi qu’aux multiples problèmes auxquels ils devaient faire face. Ce n’était pas la position de Gary sur le sang qui allait soulager leur fardeau, et je le comprenais fort bien.
“J’ai parlé à mes confrères, dit le grand patron, et nous sommes mécontents. Ce n’est même pas mécontents qu’il faudrait dire, mais furieux! Voilà un homme jeune et que nous pouvons sauver. Mais, à cause des principes que vous observez et que vous lui faites respecter, nous avons pratiquement les mains liées.”
Il fixa rageusement plusieurs radios de la jambe de Gary aux pinces du négatoscope et nous montra sur l’écran les multiples fractures de la jambe touchée. On aurait dit les bords déchiquetés d’un crayon cassé en deux. Sur l’une des radios, on voyait nettement l’os embroché dans les chairs.
“Voilà où nous nous battons, poursuivit le chirurgien en indiquant rapidement du doigt sur les radios chacune des fractures. Ici, il faut mettre une broche, ainsi que là et également là. Dans chaque cas, l’intervention exige du sang.” Une formule revenait souvent dans son discours: “Vous me poussez à bout!” J’étais terrorisée, consciente d’être le principal objet de son indignation. Cachant mon visage, j’éclatai en sanglots.
“Je suis chrétien, lâcha le chirurgien, et je ne vois rien de mal à accepter des transfusions de sang. Même si c’était mal, Dieu vous pardonnerait.” Puis, changeant de tactique, il ajouta: “Si vous n’influencez pas Gary pour qu’il prenne du sang, c’est comme si vous l’assassiniez. Si vous êtes vraiment conscients [et je sentais son regard peser sur moi], vous ne pouvez qu’influencer Gary pour lui faire prendre du sang.” Modifiant une nouvelle fois sa tactique, il revint habilement à la charge en jouant sur les sentiments: “S’il prend du sang, il sortira d’ici et vous l’aurez de nouveau avec vous et avec vos enfants. Il pourra même retravailler. Mais la seule solution, c’est le sang.
“Voilà un homme en train de mourir. Nous pouvons le sauver, mais, à cause de vous, nous avons les mains liées. Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de voir quelqu’un mourir entre vos mains sans que vous puissiez le sauver?”, enchaîna-t-il. Je l’interrompis, d’une voix blanche: “Oui! J’ai perdu une fille.” Ma réponse sembla le désarçonner, car il cessa de parler. Mais il se reprit rapidement et dit. “Bon. Tout le monde dehors! Et réfléchissez à ce que cet homme va devoir subir.”
Une volte-face inattendue
En me levant pour prendre congé, je me tournai vers lui et demandai: “Puis-je vous parler?” Tous les assistants s’étaient figés, et je sentais leurs regards braqués sur moi. “Seule à seul”, ajoutai-je. “D’accord. Sortez tous!”, tonna le chirurgien.
Dès que nous fûmes seuls, je sentis immédiatement un changement dans son comportement. Il semblait s’être radouci. Entamant la conversation, il me demanda comment j’étais devenue Témoin de Jéhovah et ce qui était arrivé à ma fille. Puis il s’enquit de mon âge. Quand je lui eus répondu que j’avais vingt-six ans, il s’exclama, à ma grande surprise: “Mon Dieu! Comment peut-on avoir déjà subi tout cela si jeune!”
J’étais abasourdie par la transformation qui venait de s’opérer. Je lui demandai s’il avait l’esprit ouvert. Il acquiesça. En effet, je voulais qu’il engage sa parole avant de lui remettre la photocopie de La Tour de Garde qui parlait du traitement par l’oxygène hyperbare. Lorsqu’il me la rendit, je lui demandai: “Croyez-vous que ça pourrait marcher?”
“À vrai dire, je n’en sais rien, répondit-il. Au point où nous en sommes, tout mérite d’être tenté.”
“Pouvez-vous le transférer”, implorai-je.
“Moi non, dit-il, il n’en est pas question. Mais vous, vous pouvez le faire. Appelez la base navale.”
“Qu’est-ce que je vais dire? Qui dois-je appeler?”, demandai-je.
“Vous n’avez qu’à téléphoner et demander le responsable des traitements hyperbares, puis vous arranger avec eux.” Il décrocha son combiné et téléphona à quelqu’un, quelqu’un qu’il appelait par son prénom. Racontant mon histoire, il plaida ma cause comme s’il voulait vraiment m’aider. Reposant le récepteur, il dit: “C’est réglé!” Il n’y avait plus qu’à transférer Gary à l’hôpital du Memorial de Long Beach.
C’est sans doute l’initiative du chirurgien qui expliquait la promptitude avec laquelle on prépara Gary. Pendant qu’on l’apprêtait, l’un des médecins parla du traitement hyperbare, simplement pour dire qu’il ne servirait à rien. Sans élever la voix, mais contenant avec peine sa rage, il ajouta: “Avec les blessures qu’il a, il lui faut du sang.” J’étais découragée. Mais déjà on roulait le brancard de Gary jusqu’à l’ambulance qui l’attendait. Un médecin prit place avec nous.
L’espoir renaît
Nous arrivâmes enfin en vue d’un gigantesque complexe hospitalier ultramoderne. Deux infirmiers nous attendaient. Ils roulèrent Gary dans son brancard jusqu’au 6e étage, dans une petite chambre individuelle du service de réanimation. Une infirmière m’accosta et m’expliqua que j’allais devoir attendre à l’extérieur que les médecins aient fini leur examen. Je descendis en salle d’attente pour me détendre un peu et priai Dieu qu’il me donne du courage et de la force. En effet 18 heures s’étaient écoulées depuis le moment fatidique où la sonnerie du téléphone m’avait réveillée, la nuit précédente.
Je décidai ensuite de rejoindre Gary dans sa chambre. En entrant, je vis que les médecins étaient toujours là. Pendant un instant, j’oubliai que j’avais sur moi l’article sur l’oxygène hyperbare. Marchant vers le médecin le plus proche, je lui tendis l’article. Ce chirurgien était un grand gaillard ventripotent et aux larges épaules; ses cheveux noirs étaient peignés en arrière. Il prit la photocopie et en entreprit la lecture. Quand il eut terminé, il lâcha entre ses dents, sur le ton laconique des médecins: “Tiens, tiens.” Ne pouvant me contenir plus longtemps, je lui demandai s’il avait entendu parler de ce traitement.
“Oui, oui, répliqua-t-il sans perdre son flegme, c’est moi qui ai écrit l’article!” [L’article auquel se référait La Tour de Garde avait été publié le 20 mai 1974 dans le Journal de l’Association des médecins américains (angl.).] Je me sentis rougir, autant sous l’effet de l’embarras que de la joie. Au fur et à mesure que le médecin m’expliquait le traitement qu’il allait appliquer, mes idées noires s’envolaient.
Tout en me forçant à l’optimisme, je gardais certains doutes. Je répétai au chirurgien la réflexion qu’un médecin m’avait faite juste avant de quitter l’hôpital précédent. “Il était d’avis, expliquai-je, que le traitement ne servirait à rien et que, de toute façon, Gary ne guérirait pas si on ne lui transfusait pas du sang total.” Plongeant son regard dans le mien, le médecin secoua la tête avec un air compréhensif et déclara, plein de philosophie: “Certaines personnes ne parlent que par ignorance.” Satisfaite et rassurée, j’étais maintenant convaincue que le vent avait tourné en faveur de Gary.
Le traitement par l’oxygène hyperbare
Ce traitement consiste à placer le corps dans un caisson rempli d’oxygène avec une pression supérieure à la normale, qui est de 1 kg au cm2, au niveau de la mer. L’élévation de pression dissout de l’oxygène dans les tissus et les liquides corporels à une concentration nettement plus élevée que la normale. Quant au caisson, il s’agit d’un cylindre de métal recouvert d’un dôme de verre épais qui permet au patient de voir à l’extérieur et d’être observé du dehors. La porte particulièrement épaisse et arrondie ressemble à celles que l’on voit dans les salles des coffres. Un interphone permet de communiquer avec le patient. La mise sous pression se fait progressivement et se poursuit graduellement jusqu’au niveau fixé. La sensation que le malade éprouve sur ses tympans rappelle ce que l’on ressent lorsqu’on franchit une montagne en voiture ou lorsqu’on redescend en plaine. Durant les premiers jours, Gary reçut un traitement toutes les six heures, 24 heures sur 24. Après chaque traitement, il sentait que ses forces lui revenaient.
Le quatrième jour, vers 20 h, au retour du traitement, l’infirmière procéda comme à l’accoutumée à une prise de sang. Les résultats ne manquèrent pas de l’étonner: l’hématocrite était monté de 10 à 11%, soit d’un point. Ce chiffre restait très faible, mais il nous porta à l’optimisme. Après huit jours de traitement, il grimpa à 19, ce qui était suffisant pour transférer Gary du service de réanimation à une chambre d’observation.
Un matin, au réveil, j’eus la preuve manifeste que l’état de Gary s’était amélioré. “As-tu envie de déjeuner, ce matin?”, demandai-je d’un air enjoué. Il faut dire que depuis l’accident Gary n’avait pas absorbé la moindre nourriture. Sa réponse me fit bondir du fauteuil qui me servait de lit: “Je crois bien que oui!”
“Bon, bon!”, dis-je, bouillonnant d’excitation. L’appétit qui revenait était une preuve de plus que mon mari vivrait. Contrairement à l’opinion médicale en vogue, il avait survécu sans transfusion de sang, évitant par la même occasion les complications parfois mortelles qui se produisent souvent à la suite de ces dernières. Il n’en restait pas moins que la raison de son refus était cette loi que Dieu a donnée aux chrétiens: “S’abstenir (...) du sang.” — Actes 15:28, 29.
Un autre drame se joue
Gary n’était pas encore sorti de la salle de réanimation que Bryan fit une forte poussée de fièvre. Au sommet de son crâne, il avait la fontanelle enflée, ce qui révélait une augmentation de la pression interne de la boîte crânienne. Ces signes évoquaient le début d’une méningite cérébro-spinale. Quand la doctoresse m’annonça qu’il allait falloir procéder à une transfusion de plaquettes, un frisson d’horreur me parcourut. La femme m’expliqua que la carence en plaquettes de Bryan était telle qu’une ponction lombaire risquait de déclencher une hémorragie ou de provoquer une paralysie.
La première fois que nous avions conduit Bryan à l’hôpital, une injonction du tribunal avait été délivrée pour nous enlever la garde de notre enfant. Mais on ne lui avait pas administré de sang puisque, de toute façon, cela n’aurait servi à rien. Bryan n’arrivait pas à fabriquer convenablement les plaquettes. Aussi nous étions-nous entendus avec le médecin pour ne pas lui administrer de sang.
Finalement, ce médecin compréhensif arriva. Je le mis au courant des derniers événements. Il déclara qu’il allait pratiquer la ponction lombaire sans transfusion de sang. C’était aussi simple que cela: il n’y aurait pas de sang. Mais cela n’éliminait pas le risque d’hémorragie mortelle ou de paralysie. On fit analyser le liquide céphalo-rachidien au laboratoire, et il apparut que Bryan n’avait qu’une méningite virale. Je poussai un soupir de soulagement.
Un revirement spectaculaire
Depuis la première numération globulaire de Bryan, le jour où nous avions découvert sa maladie, le chiffre des plaquettes s’était maintenu à 4 000. Quelques jours après sa crise de méningite, il se produisit un revirement spectaculaire. Le visage rayonnant de joie, le docteur nous dit: “La numération de Bryan a grimpé un petit peu.
“C’est vrai?”, demandai-je.
“Eh oui, poursuivit-il. Elle est passée à 25 000.”
Au comble de l’émotion, je me mis en tête que Bryan allait vivre. Nous avions perdu tout espoir quand on nous avait expliqué que cette maladie ne laissait que peu de survivants, tout au moins à la connaissance du médecin. Aussi avais-je de la peine à contenir ma joie lorsque j’apportai la bonne nouvelle à Gary. “Ce n’est pas encore bon, Jan”, dit-il sans se laisser émouvoir par mon enthousiasme. C’était évidemment pour mon bien puisqu’un des médecins avait dit que Bryan n’avait qu’une chance sur un milliard de survivre.
Une semaine s’écoula. On emmena Bryan se faire faire une nouvelle prise de sang. Cette fois, ses plaquettes étaient passées à 50 000. Et toutes les semaines, à chaque prise de sang, ce chiffre grimpait. La semaine suivante, il atteignait 193 000, et la semaine d’après: 309 000. Finalement il se stabilisa à 318 000, c’est-à-dire à la moyenne normale. Les médecins en restaient interdits de stupeur, à tel point qu’ils se laissèrent aller à des réflexions comme: “Voilà un bébé unique au monde!” ou encore: “Il va nous rendre tous Témoins de Jéhovah!” Ils sont même allés jusqu’à attribuer l’amélioration de l’état de Bryan à un “miracle”.
Aujourd’hui, aussi bien Gary que Bryan ont recouvré la santé. Je ne sais comment exprimer la gratitude que j’éprouve devant un pareil dénouement. Personne n’accepte de voir un être cher souffrir ou mourir. Pourtant tous ces événements ont gravé en moi le sentiment qu’il existe quelque chose de plus précieux que la vie présente. Ce qu’il y a de plus important, en effet, c’est de garder les lois de Dieu, car, ce faisant, nous bénéficions de la promesse qu’il a faite de nous ressusciter d’entre les morts dans le nouveau système juste qu’il va établir et où nous pourrons jouir de la vie éternelle dans le bonheur et avec une santé parfaite (Rév. 21:3, 4). La fidélité que Jésus Christ a montrée jusqu’à la mort ainsi que la résurrection que Dieu a opérée par la suite sur lui ne prouvent-elles pas que la voie de la sagesse consiste à suivre exactement les exigences de Dieu?
Je suis reconnaissante envers Jéhovah, notre Dieu bon et miséricordieux, de m’avoir donné la force d’endurer ces épreuves et de rester fidèle et intègre. Je trouve que les paroles suivantes, que l’apôtre Paul a rédigées sous l’action de l’esprit saint, s’appliquent tout à fait à mon cas: “Ce trésor, nous l’avons dans des vases de terre, pour que la puissance qui excède la puissance normale soit celle de Dieu et non pas celle qui vient de nous.” (II Cor. 4:7). — D’une de nos lectrices.
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La femme japonaise moderneRéveillez-vous ! 1979 | 8 septembre
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La femme japonaise moderne
De notre correspondant au Japon
PENDANT des siècles, la Japonaise est apparue à l’Occidental comme l’archétype de la grâce, de la beauté et de la soumission passive. On se la représentait à l’étranger comme une servante/épouse en kimono, modeste et silencieuse. Mais la réalité se réduit-elle à cette simple image? Où se situe la Japonaise dans le monde moderne?
En japonais, le rôle de la femme se définit traditionnellement par la formule ryosaï kembo (bonne épouse, mère avisée), et cet idéal est resté inchangé jusqu’à aujourd’hui. L’exemple offert par la grande majorité des Japonaises montre qu’elles savent se réaliser et trouver le bonheur dans un tel rôle. Néanmoins, particulièrement depuis la Seconde Guerre mondiale, le statut de la femme au sein de la société japonaise s’est modifié.
Certes, la gracieuse silhouette de la Japonaise en kimono n’a pas disparu, mais on a vu apparaître à ses côtés une jeune femme en blue jeans, voire en short et en bottes. Cette jeune femme dynamique qui porte un ensemble veste-pantalon et qui hèle un taxi peut très bien être aussi la jeune femme en kimono qui suit avec sérieux son cours hebdomadaire d’otcha (cérémonie du thé). En règle générale, la Japonaise moderne continue de montrer les admirables vertus ancestrales que sont la modestie et l’endurance. Par contre, elle donne plus facilement son avis et elle intervient plus que sa grand-mère dans la détermination de son avenir. Même si son mariage est encore parfois arrangé par des tiers, c’est à elle que revient la décision finale. La Japonaise moderne recherche l’instruction, goûte la lecture, veut se réaliser et exploiter ses
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