Des Africains transforment leur vie
LA REVUE American Ethnologist a publié une enquête de Karla Poewe, chercheuse à l’université de Lethbridge (Canada), sur une société matrilinéaire de la province de Luapula, en Zambie. L’étude traitait de l’impact des diverses religions sur les coutumes traditionnelles des Luapulans. Après avoir vécu 18 mois parmi eux, l’ethnologue arriva à la conclusion que seuls “les Témoins de Jéhovah avaient réussi à amener leurs membres à modifier leur conduite en ce qui concerne la parenté, la famille et l’activité économique”. Quant aux autres dénominations religieuses, “elles ont connu un succès négligeable pour ce qui est de donner des règles de conduite concrètes et d’amener les gens à s’y conformer”. L’étude comportait les observations suivantes:
“Dans les villages, l’activité des Témoins de Jéhovah s’assimile à celle des meilleurs mouvements de réforme non révolutionnaires. Presque imperceptiblement, chaque membre réforme sa vie, et, partant, sa collectivité, dans le but de participer pleinement au royaume de Dieu à venir. (...)
“Les Témoins de Jéhovah, dont l’enseignement constitue une méthode d’instruction conçue pour former des chrétiens murs, (...) se sont taillé parmi leurs concitoyens une réputation de scrupuleuse honnêteté. Aussi les préfère-t-on pour les emplois où il faut manipuler de l’argent.”
L’ethnologue décrivait ensuite les traditions familiales des Luapulans, chez qui seule l’ascendance maternelle est prise en ligne de compte. “L’organisation matrilinéaire des Luapulans permet aux femmes de gérer les terres, de toucher l’argent que rapportent leurs enfants et de divorcer d’un mari ‘bon à rien’”, écrit K. Poewe, avant d’ajouter: “Les femmes sont d’avis que le divorce simplifié est une procédure indispensable dans une société où les hommes ne sont pas ‘préparés’ à prendre matériellement en charge leur famille.” Qu’ont réalisé les Témoins de Jéhovah au sein de cette société de type matriarcal?
L’ethnologue répond: “Les Témoins de Jéhovah ont réussi beaucoup mieux que les autres dénominations religieuses à stabiliser les couples. De même que dans les relations entre employés et patrons, leur succès se reflète dans la modification des relations entre époux. Ceux-ci découvrent qu’ils peuvent coopérer paisiblement sous le regard d’un tiers à qui ils doivent désormais rendre des comptes: Dieu. Dans la société matrilinéaire luapulane, une femme prend des risques en accordant sa confiance à un homme autre que son frère. En échange de cette confiance qu’elle accorde à son mari Témoin de Jéhovah, celui-ci apprend à s’occuper avec maturité du bien-être des siens. Outre que le mari et la femme sont encouragés à se faire mutuellement confiance et à endosser différemment leurs responsabilités, ils sont aussi invités à se montrer intègres (abantu abacishinka). Cette exigence primordiale d’intégrité est le ciment du mariage.”
À quoi cette enquête sociologique attribue-t-elle une modification aussi radicale des coutumes traditionnelles des Luapulans? L’auteur de l’article explique que chez les Témoins de Jéhovah, “la Bible fournit un ‘modèle’ de vie sociale”. Comme le dit l’ethnologue, “les Témoins de Jéhovah luapulans se servent de la Bible pour former des individus qui seront dignes d’avoir part à un monde nouveau”.