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Quand la mort frappe un être aimé...Réveillez-vous ! 1985 | 22 juillet
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Quand la mort frappe un être aimé...
Richard et Marie-Anne avaient été heureux en ménage pendant 18 ans. Ils avaient un enfant. Seule ombre au tableau, depuis environ un an Richard se plaignait d’une douleur à l’épaule. En été 1981, son état s’était sérieusement aggravé: son corps se paralysait peu à peu. Au cours d’une intervention chirurgicale d’urgence, on lui a trouvé une tumeur maligne dans le haut de la colonne vertébrale. Quelques mois plus tard, le 2 février 1982, Richard mourait à l’âge de 48 ans. “Il m’a été très difficile de me rendre à l’évidence, avoue Marie-Anne. Longtemps après je m’attendais encore à le voir rentrer à la maison d’un instant à l’autre.”
AVEZ-VOUS déjà éprouvé ce genre de sentiments? Ou bien cela est-il arrivé à l’un de vos amis? De fait, quand la mort nous touche de près, nous nous découvrons parfois des réactions et des émotions qui ne s’étaient jamais manifestées auparavant. Si vous êtes en train de vivre un tel cauchemar, vous vous demandez peut-être si vous retrouverez un jour votre état normal. À l’instar de Marie-Anne, il est également possible que vous ayez du mal à regarder la réalité en face, même après quelque temps.
Pourtant, vous pouvez vous remettre. Pas oublier, bien sûr, mais vous remettre. ‘Comment cela?’ direz-vous. Avant de répondre à cette question, il n’est pas inutile de parler un peu plus des émotions qui envahissent un homme, une femme ou un enfant lorsqu’un de ses proches s’en va. Réveillez-vous! s’est entretenu récemment avec un certain nombre de personnes qui ont perdu un être cher. Leurs remarques sont citées tout au long de cette série d’articles. Sans doute trouverez-vous du réconfort à savoir que d’autres ont déjà ressenti ce que vous ressentez en ce moment. Qui plus est, vous pourrez vraisemblablement tirer de bonnes leçons de la manière dont ils ont fait face à leur douleur.
Marie-Anne se souvient de ce qu’elle a éprouvé juste après le décès de Richard: “Je n’arrêtais pas de parler de lui. Pour moi, c’était une façon de le maintenir en vie. Pendant la première année, je suis demeurée sous le choc. Il y a tant de choses à faire pour réorganiser son existence! On est tellement pris par toutes ces questions-là qu’on n’a même pas le temps de remettre de l’ordre dans ses sentiments.
“Je me suis finalement retrouvée dans un hôpital où j’ai été soignée pour hypertension. C’est là, loin des pressions du foyer et de la vie quotidienne, que j’ai enfin réussi à prendre pleinement conscience de ce qui m’était arrivé. Pour la première fois je me suis vraiment dit: ‘Et maintenant, qu’est-ce que je vais faire?’”
Réaction anormale? Pas tant que ça. La nouvelle du décès d’un être aimé provoque habituellement un choc émotif. Parmi ceux qui sont passés par là, quelques-uns ont décrit ce phénomène comme suit: “Vous entendez ce qu’on vous dit, et cependant vous n’entendez pas tout. Votre esprit est en partie en prise sur la réalité et en partie ailleurs.”
Ce choc fait en quelque sorte office d’anesthésique. Le livre Mort et douleur dans une famille (angl.) explique: “C’est une forme de protection qui vous empêche d’appréhender d’un seul coup toute l’énormité de ce qui vous arrive.” Cette réaction contribue à amortir l’impact du drame. Au dire de Stella, qui a perdu son mari, “on est tellement abasourdi qu’on ne sent plus rien”.
“Ce n’est pas possible!”
Parallèlement à cette espèce de torpeur initiale, il n’est pas rare de passer par divers types de refus. “Ce n’est pas possible!” s’écrie-t-on souvent sur le coup de la nouvelle. Nombre de gens ont peine à croire que celui qu’ils aimaient a disparu, surtout s’ils n’étaient pas à ses côtés au moment où cela s’est produit. Stella raconte: “Je n’ai pas vu mon mari mourir. Il a expiré à l’hôpital. C’est pourquoi j’ai eu beaucoup de mal à me convaincre qu’il était vraiment mort. Il était allé au magasin ce jour-là, et j’avais toujours l’impression qu’il allait rentrer comme si de rien n’était.”
Même si vous savez pertinemment que l’un des vôtres est mort, il se peut que vos habitudes et vos souvenirs vous fassent nier l’évidence. Voici ce que Lynn Caine écrivait à ce sujet dans son livre Veuve (angl.): “Quand survenait quelque chose de drôle, je me disais: ‘J’ai hâte de raconter ça à Martin! Il n’en reviendra pas!’ À mon travail, il m’arrivait de décrocher le téléphone pour faire un brin de causette avec lui. Mais la réalité s’interposait toujours avant que je compose le numéro.”
Beaucoup présentent des symptômes analogues. Ils se trompent régulièrement dans le nombre d’assiettes à mettre pour le dîner, ou ils se surprennent à choisir les plats favoris du défunt en faisant leurs courses. Certains verront la personne décédée dans des rêves d’une extraordinaire netteté, quand ils ne s’imagineront pas l’avoir aperçu dans la rue. Il n’est pas rare que les survivants aient l’impression de devenir fous. Pourtant, ce sont là des réactions courantes devant un bouleversement aussi radical de toute une existence.
Malgré tout, la douleur finit généralement par se déclarer dans toute son acuité. Mais il se peut aussi qu’elle entraîne avec elle d’autres sentiments inattendus.
“Il nous a abandonnés!”
“Les enfants étaient tellement désemparés qu’ils s’écriaient: ‘Il nous a abandonnés!’” raconte Corinne, dont le mari est mort il y a à peine deux ans. “Je leur répondais: ‘Non, il ne vous a pas abandonnés. Ce n’est pas de sa faute s’il n’est plus là.’ Et pourtant, alors même que j’essayais de les raisonner, je me rendais compte que je pensais comme eux.” Oui, si étonnant que cela puisse paraître, la peine s’accompagne souvent de colère.
Peut-être vous en prendrez-vous aux médecins et aux infirmières, croyant qu’ils auraient pu faire quelque chose de plus pour sauver celui que vous aimiez. Ou bien vous éprouverez du ressentiment à l’égard de vos amis ou de vos parents qui, selon vous, n’ont pas parlé ou agi comme ils l’auraient dû. Certains s’irritent même contre le défunt en l’accusant d’avoir négligé sa santé. Stella déclare: “Je me souviens que j’en ai voulu à mon mari, car je savais que sa mort n’était pas une fatalité. Il avait été très malade et il avait passé outre aux mises en garde des médecins.”
Parfois, le survivant a tendance à rendre le défunt responsable des fardeaux que sa mort lui occasionne. Corinne reconnaît: “Je n’ai pas l’habitude d’assumer toute seule la responsabilité d’une maison et d’une famille. Et je ne peux pas être sans arrêt en train de quémander. C’est pour ça qu’il m’arrive de me mettre en colère.”
Mais la colère est souvent suivie de près par un autre fléau: le sentiment de culpabilité.
“Si seulement...”
Certains se sentent coupables à cause de leur colère. Ils se blâment de leur propre irritation. D’autres s’accusent même de la mort de celui qu’ils aimaient. “Il ne serait pas mort, se lamentent-ils, si je l’avais convaincu plus tôt d’aller chez le médecin”, “si je lui avais fait consulter un autre spécialiste”, ou “si je l’avais encouragé à se préoccuper davantage de sa santé”.
Dans d’autres cas, ce processus d’autoaccusation va plus loin encore. Ainsi en est-il notamment quand une personne meurt subitement, d’une manière tout à fait inattendue. Alors ses proches commencent souvent à se rappeler les moments où ils se sont disputés avec elle. Ils se persuadent qu’ils n’ont pas toujours eu la bonne attitude à son égard, et ils sont constamment tourmentés par des “J’aurais dû faire ceci” ou des “Je n’aurais jamais dû faire cela”.
Michel, un jeune homme d’une vingtaine d’années, se souvient: “Je n’ai jamais eu de bonnes relations avec mon père. En fait, il n’y avait pas longtemps que je m’étais vraiment mis à communiquer avec lui. Maintenant [depuis sa mort], il y a tant de choses que je regrette de ne pas avoir dites ou faites!” Et comme il est désormais trop tard pour réparer ses erreurs, le sentiment d’impuissance et de culpabilité qui en résulte n’en est que plus cruel.
Si déchirante que soit la mort d’un mari, d’une femme, d’un père, d’une mère, d’un frère ou d’une sœur, nombre de gens estiment que la perte la plus terrible est encore celle d’un enfant.
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Et si c’était votre enfant...Réveillez-vous ! 1985 | 22 juillet
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Et si c’était votre enfant...
GENEVIÈVE avait emmené ses cinq filles et son fils Jimmy en vacances chez des amis, dans une région montagneuse de l’État de New York. Un beau jour, les filles ont décidé d’aller en ville. Quant à Jimmy, il a demandé la permission de partir pour une randonnée à pied avec un autre garçon. On leur a recommandé de se montrer très prudents et de rentrer dès le début de l’après-midi.
À la fin de la journée, les garçons n’étaient toujours pas de retour. “Plus le temps passait, plus j’étais inquiète, se rappelle Geneviève. Je pensais que l’un d’eux avait dû se blesser et que l’autre n’avait pas voulu l’abandonner.” On les a recherchés toute la nuit, pour ne les retrouver que le lendemain, à l’aube. Les pires craintes étaient fondées: les deux enfants avaient fait une chute mortelle. Bien que dix ans se soient écoulés depuis, Geneviève déclare encore: “Je n’oublierai jamais l’instant où le policier a franchi le seuil. Il était d’une pâleur livide. Je savais ce qu’il allait me dire avant même qu’il ait eu le temps d’articuler un mot.”
Quels ont été les sentiments de Geneviève? Ils ont été plus vifs que ceux qui accompagnent généralement le décès d’un être cher. Geneviève se l’explique ainsi: “C’est moi qui ai donné le jour à Jimmy. Il n’avait que 12 ans quand il s’est tué. Il avait toute la vie devant lui. J’avais déjà perdu des gens que j’aimais beaucoup, mais c’est tout autre chose de voir disparaître son propre fils.”
Dans le même ordre d’idées, la mort d’un enfant a été décrite comme “la perte suprême”, comme “le deuil le plus accablant qui soit”. Pourquoi? Voici ce qu’en dit le livre Mort et douleur dans une famille: “La mort d’un enfant est par nature inattendue. C’est un événement anormal, monstrueux (...). Les parents espèrent toujours s’occuper de leurs enfants, les protéger et les élever de telle façon qu’ils deviennent des adultes normaux et équilibrés. Quand un enfant meurt, c’est toute leur raison de vivre qui s’effondre.”
Sous certains rapports, cette tragédie est particulièrement déchirante pour une mère. En effet, comme le soulignait Geneviève, c’est d’elle qu’est sorti l’être qui a perdu la vie. La Bible elle-même témoigne de l’amertume qu’une femme peut ressentir en pareil cas (II Rois 4:27). Bien sûr, il s’agit également d’une épreuve cruelle pour le père (voir Genèse 42:36-38 et II Samuel 18:33). Toutefois, même s’il est profondément meurtri, celui-ci se retiendra souvent d’exprimer son chagrin de peur de paraître faible. Par voie de conséquence, il devra peut-être aussi supporter la peine supplémentaire de voir son entourage se soucier plus volontiers des sentiments de sa femme que des siens.
Il arrive que des parents endeuillés éprouvent un sentiment de culpabilité particulièrement aigu. Quelques-uns seront hantés par des pensées telles que: ‘J’aurais peut-être pu le chérir davantage.’ ‘Est-ce que je lui ai dit assez souvent que je l’aimais?’ ‘J’aurais dû le cajoler plus tendrement.’ Geneviève, par exemple, soupirait: “Je regrette de ne pas avoir consacré plus de temps à Jimmy.”
Les parents se sentant naturellement responsables de leur enfant, il se peut qu’ils s’accusent de ne pas avoir fait tout ce qu’ils auraient pu pour éviter le drame. Ainsi, la Bible nous décrit la réaction que le patriarche Jacob a eue quand on lui a fait croire que Joseph, son fils, avait été dévoré par une bête sauvage. C’était lui qui avait envoyé Joseph s’enquérir de ses frères. Dès lors, peut-être était-il porté à se culpabiliser en se demandant: ‘Mais pourquoi est-ce que je l’ai envoyé là-bas tout seul? Comment ai-je donc pu le laisser partir dans cette région infestée de bêtes sauvages?’ Toujours est-il que “tous ses fils et toutes ses filles se levaient pour le consoler, mais il refusait de se consoler”. — Genèse 37:33-35.
Et comme si la mort d’un enfant n’était pas suffisante, certains ont remarqué qu’elle s’accompagnait d’une autre perte: celle de leurs amis. En effet, dans un tel cas ceux-ci ont parfois tendance à se tenir à l’écart. Pourquoi? Si l’on en croit Geneviève, “beaucoup répugnent à venir vous voir parce qu’ils ne savent pas quoi vous dire”.
Quand il s’agit d’un nouveau-né
Juanita sait ce que c’est que de perdre un bébé. À un peu plus de 20 ans, elle avait déjà fait cinq fausses couches, et voilà qu’elle était à nouveau enceinte. Vous imaginerez sans peine l’angoisse qui l’a étreinte lorsqu’elle a dû être hospitalisée à la suite d’un accident de voiture. Deux semaines plus tard elle avait ses premières contractions — prématurément. Peu après, Vanessa était née. Elle pesait à peine plus de neuf cents grammes. “J’étais tellement émue! se souvient Juanita. J’avais enfin un enfant!”
Cependant, son bonheur devait être de courte durée, car Vanessa est morte quatre jours plus tard. Juanita nous livre ainsi ses sentiments: “Je me sentais affreusement vide. On m’avait arraché ma dignité de mère. Il me manquait quelque chose. Une fois rentrée à la maison, c’était un véritable supplice de retrouver la chambre que nous avions préparée pour elle et de revoir la layette que je lui avais achetée. Pendant les deux mois qui ont suivi, mon esprit est resté fixé sur le jour de sa naissance. Je ne voulais plus voir personne.”
Les sentiments de Juanita paraîtront peut-être excessifs à la plupart des gens. Néanmoins, les femmes qui ont fait cette pénible expérience reconnaissent qu’elles ont été tout aussi affligées par la perte de leur bébé qu’elles l’auraient été par la mort d’un membre de leur famille ayant vécu plus longtemps. En effet, un enfant est aimé de ses parents bien avant sa naissance. De ce fait, quand il meurt, c’est une personne à part entière qui s’en va. Les parents voient d’un seul coup s’évanouir tous leurs espoirs de prendre soin de ce petit être qui remuait déjà dans le ventre de sa mère.
Celles qui ont subi une telle épreuve, on le comprend, ne se sentent guère à l’aise auprès des femmes enceintes et des mères de famille entourées de leurs enfants. Juanita avoue: “Je ne supportais plus la vue d’une femme enceinte. Il m’est arrivé de quitter précipitamment le magasin où je faisais mes courses pour la seule raison que j’en avais aperçu une.”
Il faut encore compter avec d’autres sentiments: la crainte (‘Est-ce que j’aurai un jour un enfant normal?’), la gêne (‘Comment est-ce que je vais m’y prendre pour expliquer ça à mes amis et à ma famille?’) ou la colère. Bonnie, dont la petite fille n’a vécu que deux jours et demi, se souvient: “Parfois je me demandais: ‘Pourquoi moi? Pourquoi mon enfant?’” Sur tout cela vient quelquefois se greffer un sentiment d’humiliation. Juanita l’évoque en ces termes: “Je voyais des femmes quitter la maternité avec leur enfant dans les bras, tandis que moi, je repartais avec l’ours en peluche que mon mari venait de lui acheter. J’étais profondément humiliée.”
Si vous venez de perdre quelqu’un que vous aimiez, il vous sera sans doute utile de savoir que ce que vous ressentez n’a rien d’anormal, que d’autres sont passés par les mêmes souffrances et qu’ils ont éprouvé les mêmes sentiments que vous.
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