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La Chine et le christianismeLa Tour de Garde 1979 | 15 octobre
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La Chine et le christianisme
DES MILLIERS de touristes affluent pour visiter la Chine. Selon une estimation, ils sont 10 000 cette année. “Vous y trouverez, écrivit à leur sujet The Wall Street Journal, des chambres spacieuses, des trains confortables, des avions régulièrement bondés, (...) du thé d’excellente qualité et l’un des peuples les plus courtois et les plus amicaux du monde.” Mais qu’en est-il de la religion et en particulier du christianisme?
Mis à part la “religion rouge”, la religion n’est pas populaire en Chine et le christianisme y est pratiquement inexistant. Une dépêche de l’Associated Press en provenance de Pékin datée du 31 juillet 1978 disait ceci: “La plupart des églises ont été transformées pour d’autres usages: elles servent maintenant d’écoles, de garages ou d’entrepôts. Il y a deux églises chrétiennes à Pékin, mais elles sont principalement fréquentées par des résidents étrangers et des visiteurs. L’une est catholique et l’autre protestante.”
Pourquoi les Chinois manifestent-ils si peu d’intérêt pour Jésus et son enseignement? C’est bien sûr parce que le communisme chinois y a veillé, mais il existe une raison plus profonde. En effet, comme le faisait remarquer le New York Times du 15 janvier 1979, les Églises ont mal représenté l’enseignement du Christ. Nous y lisons: “Depuis que les premiers missionnaires presbytériens, méthodistes et catholiques se sont établis dans le pays à la fin du XIXe siècle, on a toujours associé l’image du missionnaire occidental à la politique occidentale.”
Oui, il semble que beaucoup de missionnaires se sont faits les avocats de leur propre gouvernement plutôt que de représenter le Royaume de Dieu. Selon un rapport publié précédemment dans le New York Times, les participants à une assemblée théologique internationale se lamentèrent en ces termes: “Il est triste de constater que le christianisme, en tant que religion officielle en Occident, a été contraint de justifier de différentes manières l’impérialisme, le féodalisme, le colonialisme et le capitalisme bourgeois.”
En juin 1947 cependant, deux missionnaires chrétiens, qui n’avaient rien à voir avec ceux des Églises de la chrétienté, arrivèrent en Chine. Il s’agissait de Harold King et de Stanley Jones, diplômés de la huitième classe de l’École biblique de Galaad organisée par la Société Watchtower. Ils se joignirent au petit groupe de Témoins de Jéhovah qui existait à Chang-hai, et prêchèrent avec eux de maison en maison le Royaume de Dieu.
Un jour, au cours de sa prédication, Stanley Jones rencontra une personne nommée Nancy Yuen. Bien que son mari ne s’intéressât pas à la Bible, ce n’était pas le cas de Nancy qui vit immédiatement la différence existant entre la chrétienté et l’enseignement biblique des Témoins de Jéhovah. Nancy devint bientôt un Témoin très actif. Elle fit de rapides progrès. Elle montra par exemple beaucoup de zèle à prêcher de maison en maison en langue chinoise et à conduire des études bibliques.
Au début des années 1950, bien que certaines restrictions frappaient l’activité des Témoins de Jéhovah, 175 personnes assistaient parfois aux réunions organisées à Chang-hai. Mais en 1956, Nancy Yuen fut arrêtée et détenue par les autorités. Lorsque King et Jones voulurent prendre de ses nouvelles, ils essuyèrent cette rebuffade: “Il s’agit là d’une question chinoise. Occupez-vous de vos affaires.” Deux ans plus tard, King et Jones furent eux-mêmes arrêtés. Ils passèrent respectivement cinq et sept ans dans les prisons chinoises avant d’être libérés et expulsés.
Mais qu’arriva-t-il à Nancy Yuen? Nous pensons que la lecture de son histoire vous captivera.
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Libre! Après 20 ans de détentionLa Tour de Garde 1979 | 15 octobre
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Libre! Après 20 ans de détention
Le correspondant de “RÉVEILLEZ-VOUS!” à Hong-kong nous écrit:
Il n’est pas rare, à la filiale de la Watch Tower Bible and Tract Society de Hong-kong, de recevoir des visiteurs venant de l’étranger. Mais le jeudi 15 février 1979 fut un grand jour pour notre famille. En effet, notre invitée était Nancy Yuen, un fidèle Témoin de Jéhovah qui venait juste de sortir de Chine après 20 ans de détention. Elle déclara: “Je suis si heureuse d’être parmi vous. J’ai trouvé ma famille.”
Nous avions tous entendu parler de Nancy Yuen et de sa fidélité, et voilà qu’elle se trouvait parmi nous! Nous étions les premiers à écouter son histoire. Nancy Yuen commença par nous reporter à l’année 1949:
IL Y A maintenant une trentaine d’années environ, je reçus la première visite chez moi à Chang-hai de Stanley Jones, missionnaire de la Watch Tower. À cette époque, j’étais déjà mariée et mère de deux enfants. Ce qu’il me dit au sujet de Jéhovah Dieu et de Son dessein à l’égard de l’humanité m’intéressa grandement.
Je fus baptisée en 1950. J’étudiais diligemment pour accroître ma connaissance et ma compréhension des Écritures. Comme je suis heureuse d’avoir pris, à l’époque, mes responsabilités chrétiennes au sérieux, car si je ne l’avais pas fait, je n’aurais jamais supporté les épreuves qui m’attendaient.
En 1954, j’avais quatre petits enfants et je participais activement à la proclamation de la bonne nouvelle du Royaume de Jéhovah. Au début de 1956, les communistes avaient la haute main sur Chang-hai. À maintes reprises, on nous pria fermement d’arrêter de prêcher et de limiter notre activité à la Salle du Royaume. J’avais cependant la conviction que je devais obéir à l’ordre que Dieu nous a donné de prêcher, aussi continuai-je mon œuvre de maison en maison.
On ne cessait de m’arrêter et de me garder pour m’interroger; la détention pouvait durer cinq heures et quelquefois même trois jours. Entre-temps, comme mon mari s’installa à Hong-kong en 1953, je fis des démarches pour pouvoir le rejoindre. Les autorités répondirent qu’elles ne me fourniraient une autorisation de sortie du territoire qu’à la condition que je cesse de prêcher. Comme je refusai, je ne l’obtins jamais.
Ma ferme décision de ne pas renoncer à prêcher exaspérait les fonctionnaires communistes. Au cours d’un interrogatoire, quelqu’un m’a dit que je devais être la personne la plus têtue de toute la Chine. Finalement, à la fin de 1956, alors que j’avais déjà été arrêtée six fois à cause de la prédication, je fus de nouveau mise en prison après qu’une femme eut signalé aux autorités que je prêchais de maison en maison. Après cela on ne me relâcha plus.
MA DÉTENTION COMMENCE
J’avais grandi dans une famille heureuse et j’étais une jeune mère de quatre enfants. Mais voilà qu’à présent, assise dans une cellule noire et les menottes aux poings, j’étais séparée des miens. J’éclatai en sanglots. Je me sentais si faible et si seule! La situation semblait sans issue. Très vite, des pensées bibliques me vinrent à l’esprit; je me rappelai que Jéhovah est “le Dieu de toute consolation”, qui donne de la force à ses serviteurs (II Cor. 1:3, 4). Je me tournai alors vers lui et le priai avec ferveur.
Je pris l’habitude de m’adresser régulièrement à Jéhovah au moyen de la prière et je me sentai devenir de plus en plus forte. Comme les gardes avaient remarqué, surtout au moment des repas, que je plaçais les mains devant moi pour prier, je dus endurer une nouvelle souffrance: on me tira les mains derrière le dos et on plaça des menottes au-dessus de mes coudes. Je demeurai ainsi trois jours au bout desquels mes bras et mes mains étaient tout enflés. Bien sûr je ne cessai pas de prier pour autant. Mais aujourd’hui encore on peut voir des marques au-dessus de mes coudes.
Pendant ces quatre années de détention, j’ai constamment subi des interrogatoires. On voulait que je trahisse les deux frères missionnaires et que je dise que la Société Watch Tower était un agent de l’impérialisme. Je n’ai jamais cédé. Je me suis servie de ces interrogatoires pour donner un témoignage aux autorités et leur faire connaître le message de la Parole de Dieu. Un jour, un fonctionnaire déclara qu’il avait eu affaire avec tous les groupements religieux qui existent et que tous avaient fait des compromis. Mais il admirait mon courage et mon zèle. Il me dit: “C’est vraiment dommage que vous n’ayez pas été convertie au communisme avant de devenir chrétienne, car notre parti a besoin de gens de votre trempe.” Je fus condamnée en 1960 à dix ans de prison. La peine prenait effet en 1956, première année de mon incarcération.
En 1961, je fus déplacée dans un camp de travail situé à la campagne. J’eus là l’occasion de parler de la “bonne nouvelle” à mes compagnons prisonniers. Je n’ai jamais cessé de prêcher et même, avec le temps, je devenais de plus en plus hardie. Je me suis adressée une fois à un groupe de douze personnes qui m’ont écoutée attentivement. Mais cela ne passa pas inaperçu. Pour punition, on m’enferma dix-neuf jours à la prison centrale et on ajouta deux ans à ma première peine. Ces douze années passèrent rapidement.
RELÂCHÉE PUIS DE NOUVEAU ENFERMÉE
Je fus libérée du camp de travail en 1968, mais on restreignit ma liberté de mouvement. Je pouvais maintenant travailler pour un salaire de moins de cinquante francs français par mois. C’est pendant cette période qu’on accepta de me transférer d’un camp de travail à un autre, ce qui permit à ma mère de venir habiter auprès de moi, dans le même district.
Comme je pouvais me déplacer librement, j’entrepris de me rendre dans un certain nombre de villes dont Anching, Hang-tcheou, Nankin et Chang-hai pour visiter des amis et des membres de ma famille. Je leur fis part des vérités que je connaissais sur le Royaume et j’en parlai à toutes les personnes qu’ils me firent rencontrer. Près d’une année passa ainsi. Je fis de nouveau une demande pour quitter la Chine et rejoindre mon mari à Hong-kong. On me répondit que je n’obtiendrais cette autorisation que si je retournais dans le district de Chinsang où j’avais travaillé et où habitait ma mère. Cependant, avant même que je n’arrive à Chinsang, on m’arrêta et on m’emmena à un poste de police où on me garda pendant dix jours. La police interrogea deux familles à qui j’avais parlé de la vérité. Pour résultat, je fus renvoyée à Chinsang où je fus de nouveau enfermée. J’avais été libre pendant deux ans.
PROCÈS PUBLIC
Je fus une nouvelle fois soumise à un interrogatoire continuel. Le chef de la police m’accusait de m’entêter et me dit que ‘je ferais mieux de confesser mes “crimes” devant tout le monde, car autrement cela irait très mal pour moi’. Je lui répétai donc ce que je disais autour de moi, mais je le fis de manière à lui donner un bon témoignage sur le Royaume de Dieu et sur l’instauration proche d’un ordre nouveau. Je lui fis bien comprendre que tous les gouvernements doivent être remplacés par le Royaume de Dieu (Dan. 2:44). Toutes mes déclarations furent soigneusement enregistrées.
On me promena alors dans les rues de la ville avec neuf autres prisonniers, tous des hommes qui avaient commis divers délits et crimes, tels que le vol, le meurtre et le viol. Nous portions tous une pancarte qui mentionnait la liste de nos crimes. Puis, dans la vaste cour d’une école, en présence d’un millier de personnes, le chef de la police lut au microphone la liste de mes “crimes”. Comme ce qu’il lut n’était rien d’autre que ce que je lui avais dit, j’étais heureuse de voir qu’en fait il donna un bon témoignage à plus de gens que je n’en avais moi-même contacté dans la ville.
Plus tard, j’appris qu’au cours de l’enquête qui avait été ouverte sur mon activité, on interrogea plus de cent personnes dans neuf provinces. À la fin de cette enquête, un fonctionnaire subalterne déclara qu’il n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi entêté, que j’étais irréformable et que, par conséquent, je devais être exécutée. Mais ce n’était pas l’avis de son supérieur. Et je fus de nouveau condamnée, cette seconde fois à vingt ans d’emprisonnement.
Pendant les quatre années qui suivirent, chaque jour n’était que routine. On m’autorisait à sortir tôt le matin de ma cellule pour laver mes vêtements et me baigner, puis je réintégrais ma cellule jusqu’au soir; je sortais alors encore quelques instants pour ramasser mon linge, puis on m’enfermait à double tour pour la nuit.
Le 1er novembre 1978, j’appris que je pourrais bientôt quitter la Chine et rejoindre mon mari à Hong-kong. C’est ainsi qu’à la fin de janvier 1979, j’ai retrouvé mon mari et mes quatre enfants après vingt-six ans de séparation!
JÉHOVAH M’A SOUTENUE
La vie en prison et dans les camps de travail était très austère, bien que j’aie toujours mangé à ma faim et que je n’aie pas manqué de vêtements. Je me nourrissais surtout de riz et de légumes, et on me donnait de la viande quatre fois par an environ. Cette alimentation saine m’a maintenue en forme et en bonne santé. Je faisais travailler mon esprit en me remémorant les versets bibliques et les vérités que j’avais apprises les premières années. J’ai toujours recherché les occasions de partager mon espérance et, ainsi occupée, j’étais heureuse.
Quelle que soit l’épreuve, je ne me suis jamais sentie abandonnée. Je priais régulièrement pour être guidée et toujours bien agir. Je priais pour avoir la force et le courage de continuer à supporter. Après avoir prié, je me sentais toujours rassurée; je savais que je n’avais pas commis d’erreur et que la voie que je suivais était la bonne. Je peux dire en toute vérité que la prière m’a aidée à m’approcher tout près de Jéhovah, si près qu’à certains moments j’avais l’impression de le voir presque. Je me suis maintes fois remémoré le passage d’Ésaïe 66:2, qui donne l’assurance que Dieu porte les regards “vers celui qui est affligé, et qui a l’esprit contrit”. Cette pensée a toujours été pour moi une source de force et de grand réconfort.
Quand on lui demanda s’il lui avait été pénible de supporter les interrogatoires continuels des fonctionnaires et de la police, Nancy Yuen répondit:
Au début, il a fallu que je m’y habitue, mais au fur et à mesure que je m’adaptais à la situation, cela devenait moins dur. Il est très important d’avoir un bon point de vue sur tout. Au début de ma détention, je me suis rappelée ces paroles de Jésus rapportées en Luc 21:14, 15: “Soyez donc bien décidés en votre cœur à ne pas vous exercer à présenter votre défense, car je vous donnerai une bouche et une sagesse, à quoi tous vos adversaires à la fois ne pourront ni résister ni contredire.” J’ai donc appris à ne jamais m’inquiéter au sujet des interrogatoires. Je les considérais plutôt comme autant d’occasions de donner un témoignage. J’avais toujours quelque chose à dire aux autorités concernant Jéhovah Dieu et son dessein envers l’humanité et, à chaque fois, il semblait qu’un passage biblique approprié à la situation me revenait à l’esprit.
Lorsqu’elle se penche sur ces vingt années de détention, quels sentiments éprouve-t-elle? Écoutons-la:
Cela en valait bien la peine, et je suis reconnaissante à Jéhovah, mon Dieu, de l’occasion que j’ai eue de lui montrer mon amour et mon dévouement. Comme le rapporte Matthieu 13:45, 46, Jésus a comparé le Royaume à un marchand itinérant qui cherche de belles perles. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il vend tout ce qu’il possède pour l’acheter. J’ai dû renoncer à tout ce que j’avais, même à mes petits enfants, pour être fidèle à Dieu. Mais Jéhovah ne m’a jamais abandonnée. Il m’a soutenue et a pris soin de ma famille à sa manière, qui est merveilleuse.
Quand on demanda à Nancy Yuen si elle avait quelque bon conseil à donner à ses compagnons chrétiens, elle réfléchit et répondit:
N’appréhendez pas ni ne craignez les épreuves qui peuvent vous survenir. Nous devons tous nous attendre à en subir d’une manière ou d’une autre. Mais elles nous font du bien. Elles nous disciplinent, nous affinent et nous donnent l’occasion de montrer quelle sorte de chrétiens nous sommes réellement. Elles nous révèlent la véritable force de notre foi ainsi que les points qu’il nous faut consolider. À cause des épreuves, ma foi est beaucoup plus forte aujourd’hui. Aussi ne soyez jamais dans la crainte. J’ai tiré en de multiples occasions beaucoup de réconfort de ces paroles de l’apôtre Pierre: ‘Déchargez-vous sur Jéhovah de toute votre inquiétude, car il prend soin de vous.’ (I Pierre 5:6, 7). Ces paroles vous auraient aussi réconfortés.
L’exemple de loyauté de cette sœur fidèle nous encourage et affermit notre foi. Depuis plus de deux décennies, les Témoins de Jéhovah du monde entier n’ont pas oublié dans leurs prières leurs chers frères et sœurs de Chine. Aujourd’hui, nous apprenons directement avec quel amour Jéhovah a pris soin d’eux et comment il les a soutenus jusqu’à présent.
Nancy Yuen visita la filiale de la Société Watch Tower à Hong-kong le 15 février 1979, assista à sa première réunion chrétienne depuis vingt-deux ans le 16 février et prit de nouveau part avec ses frères à la proclamation du Royaume de Dieu de maison en maison le 17 février. Nous sommes reconnaissants à Jéhovah de nous donner de tels exemples modernes d’intégrité qui encouragent tous les véritables chrétiens à rester eux aussi fidèles à leur Dieu, Jéhovah.
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