-
Sachez goûter et apprécier la musiqueRéveillez-vous ! 1979 | 8 juin
-
-
Quant à Franz Schubert, dont l’une des symphonies passe pour la plus belle qui ait jamais été écrite, lui-même se décrivait comme un homme très malheureux.
De telles manifestations dépressives ne sont pas le propre des artistes du passé. Hank Williams, maintenant décédé, mais qui fut en son temps l’un des plus célèbres interprètes de ballades traditionnelles américaines, avait à son répertoire un cantique intitulé “J’ai vu la lumière”. Mais était-ce bien le cas? On raconte qu’un jour, alors qu’il venait d’interpréter cette chanson, il fondit en larmes et reconnut en sanglotant qu’il n’avait vu aucune lumière. Il mourut tragiquement des suites d’une overdose de drogue, alors qu’il s’en allait signer un contrat professionnel.
Oui, c’étaient là des hommes qui ne voyaient que par la musique; elle était toute leur vie. On pourrait dire que les moments d’émotion artistique leur apparaissaient comme de brèves et lumineuses éclaircies dans la tempête tumultueuse de leur drame intérieur. Les sombres problèmes qui les agitaient venaient très vite obscurcir la joie fugitive qu’ils avaient pu en retirer. L’exemple de tels musiciens est plein d’enseignements pour ceux qui cherchent à mener une vie heureuse et équilibrée.
Même si la plupart d’entre nous apprécient la musique en tant qu’auditeurs et non en tant qu’exécutants, la leçon reste valable pour tous. Il n’est pas bon de passer trop de temps à jouer ou à écouter de la musique. La musique est une très belle chose, c’est vrai, mais ce n’est que l’un des multiples dons accordés par Dieu à l’humanité. À ce don il faut ajouter celui de posséder une famille, des amis, un travail et notre service chrétien, toutes choses qui réclament elles aussi notre attention. Si donc nous avons la sagesse d’assigner à la musique la part qui lui revient, d’en profiter quand nous en avons envie et si les circonstances s’y prêtent, sans pour autant lui permettre d’empiéter sur nos diverses responsabilités, alors nous apprécierons encore plus ses bienfaits au fil des ans.
-
-
Le jardin japonais — un style vraiment à partRéveillez-vous ! 1979 | 8 juin
-
-
Le jardin japonais — un style vraiment à part
De notre correspondant au Japon
QU’Y a-t-il dans votre jardin? Des parterres de fleurs printanières ou de belles roses d’été qui entourent une pelouse impeccable? Si c’est le cas, vous habitez certainement un pays occidental, et vos fleurs changent à chaque saison. Ici, au Japon, il en va tout différemment.
Concevez-vous, par exemple, que l’on décore un jardin uniquement avec des rochers et du sable? Un tel jardin existe pourtant, à Kyoto, et il est célèbre. C’est le Ryoan-ji, un jardin de rocailles composé dans le style karesan-sui, ou “eau de la montagne sèche”. Quinze blocs de pierre de formes et de dimensions variées représentent la montagne. Ils sont artistement déposés au milieu d’une “eau” figurée par du gravier blanc ratissé avec soin. La conception de ce jardin, dans lequel vous ne verrez ni fleur ni plante, a été influencée par le bouddhisme zen, dont on sait qu’il met l’accent sur l’abstraction et le vide.
Mais il est d’autres styles de jardins japonais, par exemple le jardin de mousse de Kyoto, à Saiho-ji, où une cinquantaine de variétés différentes de mousses forment un tapis de velours qui s’étend sous des arbres vénérables. Il y a aussi de magnifiques jardins qui abritent des étangs et des ruisselets et que décorent des ponts et des lanternes de pierre, des pins et des buissons fleuris.
Histoire de l’art paysagiste
La première fois que l’on parle de jardins japonais, c’est dans les Chroniques du Japon, ou Nihon shoki, qui remontent au VIIIe siècle. Cet ouvrage décrit un pont et un paysage qui évoquent une montagne dans la cour sud du palais de l’impératrice Suiko, en l’an 612. C’est sans doute avec de tels jardins que naquit l’art paysagiste, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Puis, de 1185 jusqu’à 1868, date où l’empereur Meiji monta sur le trône, le pays fut dirigé par des seigneurs féodaux, les shogouns. En dépit de leurs féroces luttes intestines, ces hommes trouvaient le temps de s’intéresser à l’art paysagiste. Dans certains jardins, on avait creusé des étangs et des ruisseaux suffisamment grands pour permettre aux invités de s’adonner au canotage tout en admirant plusieurs jolis paysages. Certains de ces magnifiques jardins existent encore de nos jours.
Il y a par exemple à Kyoto le célèbre Pavillon doré, ou Kinkaku-ji, bâti en 1397 par Yoshimitsu, troisième shogoun du clan Ashikaga. Ce pavillon fut détruit par un incendie en 1950, mais il a été restauré depuis. L’étang et le jardin qui l’entoure donnent un aperçu du luxe dans lequel vivait l’aristocratie de l’époque.
Si ces jardins ont résisté à l’épreuve du temps, ils le doivent aux rochers, au sable et aux décorations en pierre qui les constituaient. En effet, l’arbre vieillit, les haies de bambou et les toits de chaume se dégradent, mais pas la pierre, que l’on retrouve dans les ponts, les lanternes, les bassins et le pavage des sentiers qui conduisent au salon de thé.
Les jardins miniatures
Bien qu’on ne sache pas grand-chose sur les jardins du commun peuple d’alors, on sait que le Japonais a toujours manifesté un profond amour de la “nature”. Les shintoïstes adoraient en effet jadis des montagnes, des arbres, des rivières et des lacs ainsi que la déesse du soleil. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, de rencontrer un arbre centenaire, le tronc lié d’une corde de paille tressée, ce qui est censé indiquer qu’il est sacré.
À l’heure actuelle, les Japonais savent tirer parti du moindre espace pour le transformer en jardin. Parfois, il n’y a, disposés avec goût, que quelques roches, un pin qui penche et un petit buisson. Mais comment font les gens qui habitent en appartement et qui aiment aussi les jardins? C’est là qu’il va nous falloir parler des plantes naines.
Représentez-vous un paysage marin au pied d’une montagne, le tout disposé sur un plateau de 50 centimètres sur 30. C’est ce que l’on appelle un bonkeï, un “paysage miniature sur plateau”. On trouvera par exemple un rocher d’une dizaine de centimètres, façonné comme une montagne et qui plonge en falaise abrupte dans une mer aux crêtes blanches saupoudrée d’îles. Peut-être même y aura-t-il des bateaux en mer et des pêcheurs équipés de lignes fines comme des cheveux. Ou bien la scène représentera le mont Fuji couronné de neige et, au pied, une maisonnette au toit de chaume dont les portes coulissent. Le plateau contiendra tout aussi bien un jardin complet, avec sa lanterne, des buissons et des arbres de trois centimètres de haut. Dans ces jardins miniatures, on représente la mer, les ruisseaux et les pièces d’eau avec du sable, mais a composition est si habile que le maître de maison qui arrive chez lui croit contempler un paysage marin ou une scène pastorale dans son entrée.
Une autre technique dans laquelle les Japonais se sont illustrés est celle des bonsaï. Il s’agit cette fois de plantes ou d’arbres véritables qui sont restés nains à la suite d’une taille spéciale des tiges et des racines. Dans votre main tiendra un pot où pousse un bosquet d’érables. Ou bien ce sera un pin noueux qui ne dépasse pas 50 centimètres, mais qui peut avoir 150 ans. Ces plantes et ces arbres nains passent souvent de génération en génération, et on se les transmet comme un véritable trésor de famille.
Une visite au jardin Gyoen
Pour en revenir à des jardins plus importants, vous devriez venir à Shinjuku, visiter le jardin Gyoen au mois de novembre. Ce parc d’une soixantaine d’hectares se trouve dans un quartier très animé de Tokyo, à un quart d’heure à pied de la gare de Shinjuku. Juste à côté s’élèvent certains des plus hauts gratte-ciel de Tokyo, avec de grands magasins et des centres commerciaux en sous-sol. Quel changement quand on pénètre dans le parc Gyoen! Il y a tout d’abord de magnifiques pelouses, des centaines de grands arbres ainsi que des arbustes et des parterres de roses. Le style de cette partie du jardin ne surprend pas un Occidental, car il a été conçu par l’horticulteur français Henri Martinet. Nous tombons en admiration devant les tulipiers, les platanes, les magnolias et cette merveille que sont les cèdres de l’Himalaya. Certains atteignent 50 à 60 mètres de haut, et leurs branches déployées offrent une ombre accueillante aux nombreux visiteurs qui viennent en curieux ou tout simplement pour se détendre en famille ou entre amis sur les immenses pelouses.
Poursuivant notre promenade, nous arrivons à un petit étang avec un pont qui conduit à une île. La lanterne de pierre qui se dresse au milieu de l’île nous signale que nous quittons la partie occidentale du jardin et que le style redevient typiquement japonais.
Non loin, voici une hutte dont les murs et le toit sont faits de tiges de bambou tressées. Cette construction ouverte et garnie de pourpre est le lieu idéal pour exposer des chrysanthèmes. Arrêtez-vous devant cette plante. On a donné à ses branches la forme d’un dôme, et plus de 350 ravissantes fleurs jaunes poussent sur la seule tige principale. Nous retrouverons cette composition un peu plus loin, mais avec des fleurs qui vont du blanc éclatant au rose et au rouge sombre. Quelle merveille de voir une seule plante donner autant de jolies fleurs! Au détour d’un chemin, nous parvenons devant d’autres huttes identiques qui abritent chacune une variété de chrysanthèmes différente. Certains plants portent des centaines de petites fleurs qui tombent en cascades d’environ deux mètres. D’autres n’ont que 30 à 40 centimètres de haut. Qu’elles soient rose pâle, jaunes ou blanches, toutes les fleurs sont d’une délicatesse extrême. Voici à présent une note insolite: une plante constituée d’une fleur unique au bout de sa tige. Chaque fleur présente à peu près le diamètre d’une soucoupe, mais, chez l’une, les pétales sont larges et recourbés, alors que chez l’autre, ils sont longs et minces. À l’extérieur, les parterres sont de taille moyenne et portent des fleurs de toutes les couleurs. Il y a eu ici jusqu’à plus de 800 variétés de chrysanthèmes pendant un temps, exploit qu’il faut mettre à l’actif des jardiniers japonais.
À présent, nous prenons le pont en arche qui nous fait traverser un étang. La surface de l’eau se ride. Regardez! Ce sont des carpes mouchetées les unes de rouge, les autres d’or, de noir ou d’argent. Quand elles entendent un bruit de conversation, elles montent à la surface, tout comme une autre curieuse, une tortue d’eau. Les visiteurs s’amusent à leur envoyer des miettes de leur déjeuner. Pas étonnant que ces poissons d’une cinquantaine de centimètres vivent jusqu’à un âge avancé! Il paraît que certains d’entre eux ont plus de 16 ans.
Nous sommes ravis de notre visite au jardin Gyoen, d’autant plus que cela nous a permis de comparer la beauté d’un jardin occidental avec celle d’un jardin japonais. Si ces deux styles existent, c’est à Dieu qu’on le doit, lui qui nous a dotés du sens du beau et qui a fourni également pour notre plus grande joie une incroyable profusion de plantes.
-