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Heureux changements au QuébecRéveillez-vous ! 1975 | 8 juillet
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devenue le foyer d’une persécution qui faisait penser à l’Inquisition.”
Mais comment cela était-il possible ? Le Canada n’est-il pas un pays libre, doté d’une constitution démocratique ? Ne sommes-nous pas au vingtième siècle ?
Un bastion du catholicisme du dix-huitième siècle
Avant 1960, le Québec n’était entré dans le vingtième siècle que dans un sens très limité. La province était depuis plus de trois siècles sous la domination absolue de l’Église catholique de Rome.
Le Québec fut colonisé en 1608. Il s’appelait la Nouvelle-France et faisait partie de l’Empire colonial français. Les souverains français de Paris ne s’intéressaient guère au Canada. Voltaire en parlait comme de “quelques arpents de neige”. Selon Canada 70, étude sociologique des problèmes du Canada, Samuel de Champlain, le premier gouverneur de la province, “ne voulait que des catholiques dans son nouveau monde. Ceux qui vinrent avec lui (...) étaient déterminés à étendre l’Église (...), de sorte que l’Église devint l’État. Cette situation subsista jusqu’à ces derniers temps”.
Dès le début de la colonisation européenne, la domination de l’Église joua un rôle déterminant dans la vie du Québec. Les abus du système de gouvernement français du dix-huitième siècle, abus qui aboutirent à la Révolution de 1789, furent introduits au Québec. La France se débarrassa des survivances du Moyen Âge, mais pas le Québec, car il ne faisait plus partie de l’Empire français au moment de la Révolution. La province, qui avait été conquise par les Anglais en 1759, faisait désormais partie de la Couronne britannique.
Prévoyant la Révolution américaine, qui eut lieu en 1776, le gouvernement anglais désirait que le Québec demeure calme. C’est pourquoi il fit un marché avec l’Église catholique, marché qui se résumait ainsi : ‘Vous soutenez l’Angleterre, et nous vous laissons la domination du Québec.’
L’étude Canada 70 explique : “Selon de nombreux historiens et écrivains, la conquête aboutit à une alliance impie entre l’Église de Rome et les souverains britanniques. (...) Avant de devenir premier ministre, Pierre Elliott Trudeau écrivit : ‘On troqua la liberté religieuse contre la loyauté.’”
En fait, le gouvernement britannique confia la domination du Québec à l’Église catholique, et “l’Église devint l’État”.
L’Église use du pouvoir
Comment l’Église a-t-elle employé son immense pouvoir ? Canada 70 répond : “Il n’est guère nécessaire de fournir des documents pour prouver que l’Église catholique a dominé — politiquement et spirituellement — les Canadiens français du Québec pendant la première moitié de ce siècle. La domination de l’Église était pratiquement absolue. (...) Par l’entremise de son clergé obstiné, elle s’est introduite dans les services du gouvernement, dans les établissements d’enseignement, dans les milieux d’affaires et dans les foyers (...).
“Au dix-neuvième siècle, l’Église a combattu résolument sur tous les fronts les idées libérales et anticléricales qui risquaient de se développer au Québec.”
À cause de ces événements historiques particuliers, le Québec n’a pas profité des conséquences de la Révolution française, de la Révolution américaine et de la révolution industrielle. Au milieu du vingtième siècle, le Québec en était encore à la société agricole du dix-huitième siècle, à l’écart des grands courants de l’Amérique du Nord à cause de sa langue.
Le sous-développement du Québec, dominé par l’Église, faisait de cette province un champ fertile pour des hommes sans scrupules et prêts à exploiter leurs semblables.
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L’union de l’Église et le l’État empêche le progrèsRéveillez-vous ! 1975 | 8 juillet
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L’union de l’Église et le l’État empêche le progrès
MAURICE Duplessis devint premier ministre du Québec en 1936. À l’exception du mandat de 1939-1944, il occupa cette fonction jusqu’à sa mort en 1959. L’historien Leslie Roberts le décrit comme un “démagogue brutal qui dirigea son parti national et toute la province du Québec avec une volonté de fer ; meneur de foules et dictateur ; grand seigneur et tyran”.
Le gouvernement de Duplessis a été décrit par le Star de Toronto comme “le plus manifestement corrompu que la province ait connu”.
Le soutien de l’Église
Mais où ce fléau a-t-il trouvé un soutien ? Selon Canada 70, c’est dans les “régions rurales du Québec (...) où l’Église était toute-puissante. C’est là que Maurice Duplessis, chef principal du parti, puisait sa force”.
Quel avantage le clergé tirait-il de cette alliance ? Canada 70 l’explique : “Le droit de se réunir et la liberté de s’exprimer étaient refusés aux témoins de Jéhovah parce qu’ils mettaient en doute l’évangile du Chef (Duplessis) et de l’Église catholique. Il [Duplessis] garda son pouvoir grâce à son alliance avec l’Église, grâce aux fermiers et grâce à l’élite des hommes d’affaires réactionnaires de langue anglaise. En plus, il était aidé par une presse docile.”
Duplessis, ennemi de la liberté, convenait très bien aux desseins de l’Église catholique. Le clergé désirait que les habitants du Québec soient tout dévoués à l’Église. Les évêques proclamèrent donc que la nation franco-canadienne avait une mission messianique : “Faire de la province du Québec la nation chrétienne qui remplacerait la France défaillante dans le rôle de fille aînée de l’Église.”
Duplessis et l’Église s’employèrent à étouffer l’enseignement et les progrès qui pouvaient affranchir les Québécois de l’oppression moyenâgeuse dans laquelle ils se trouvaient. Cette manœuvre réussit dans une large mesure à empêcher les progrès et à maintenir les Québécois sous la domination de l’Église et de l’État associés.
Mais tout le monde ne s’inclinait pas. Il y avait une petite lueur de liberté que cette dictature ne pouvait faire disparaître.
Les témoins de Jéhovah luttent pour la liberté religieuse
À propos du “temps de la fin” qui a commencé en 1914, le Seigneur Jésus avait dit : “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée par toute la terre habitée, en témoignage pour toutes les nations.” (Mat. 24:14). Les témoins chrétiens de Jéhovah ont accepté cette mission. Le Québec est une partie de “la terre habitée”. Ils ont donc commencé à étendre leur œuvre d’évangélisation dans cette province à partir de 1924.
Les problèmes paraissaient insolubles. Sur le plan individuel, les Québécois étaient aimables, mais sous l’influence des prêtres ils se sont livrés à des actes de violence sur ceux qui participaient à cette œuvre missionnaire et en ont arrêté beaucoup. De nombreux juges catholiques, instruits par des prêtres, montraient qu’ils étaient plutôt myopes quand il s’agissait de lire les droits que la loi accordait à ceux qui osaient s’opposer à l’Église. Les batailles juridiques devant les tribunaux du Québec commencèrent en 1924 et se poursuivirent jusqu’en 1964.
Les témoins de Jéhovah désiraient bénéficier de la liberté du culte garantie par la loi, afin de pouvoir prêcher à leurs semblables le message concernant le Royaume de Dieu et du Christ. Mais au Québec, quiconque cherchait à user de ces libertés modernes se heurtait au système imposé par l’Église, système qui, en réalité, n’était pas encore sorti de l’âge des ténèbres. D’après l’Église, les témoins de Jéhovah (et tous ceux qui n’étaient pas catholiques) étaient des hérétiques qui n’avaient aucun droit.
Les témoins se trouvaient dans la même situation que les apôtres quand ils voulurent prêcher le message du Royaume de Dieu face à la puissance romaine du temps de Néron. Les témoins se trouvaient face à une Église catholique riche, puissante et engagée dans la politique. Du point de vue humain, il n’y avait aucun espoir. L’Église catholique semblait avoir tous les avantages. Quant aux humbles témoins de Jéhovah, ils ne bénéficiaient d’aucun soutien de la part des autorités humaines. Mais ils étaient très forts grâce à leur foi et à l’esprit de Jéhovah.
Avant la Seconde Guerre mondiale, l’activité des témoins de Jéhovah au Québec était très limitée et constamment soumise aux attaques des prêtres, de la foule et des représentants du gouvernement. Mais au milieu des années 1940, la lutte pour la liberté devint chaude. À cette époque-là, Duplessis, le champion de l’Église catholique, était au pouvoir. Allait-il arrêter la prédication des témoins de Jéhovah ? Allait-il pouvoir empêcher les catholiques du Québec de lire et de comprendre la Bible ?
“Une guerre sans merci”
En 1944, l’activité évangélique des témoins de Jéhovah commença à s’étendre dans la province du Québec. Les mêmes procès mesquins furent de nouveau intentés aux témoins à Montréal, à Verdun, à Lachine et à Québec. On leur reprochait de distribuer des prospectus, de faire du colportage et même de sonner aux portes.
Mais il n’était pas facile d’empêcher les témoins de s’acquitter de la mission que Dieu leur avait confiée : prêcher “cette bonne nouvelle du royaume”. Ils se défendirent devant les tribunaux et continuèrent à prêcher. En 1945, cette “guerre” fut marquée par une série d’agressions dont le clergé était l’instigateur. Les témoins furent particulièrement attaqués à Châteauguay et à Lachine. À la suite de cela, ce combat religieux, qui prenait des proportions de plus en plus grandes, fut l’objet d’une publicité toujours plus importante dans tout le Québec.
À la fin de 1945, 400 affaires étaient en instance de jugement. Par tous ces tourments et en faisant traîner les affaires devant les tribunaux, les autorités pensaient arrêter l’activité des témoins de Jéhovah. Elles croyaient aussi que cela leur éviterait de prendre une décision juridique nette, qui risquerait de provoquer le renvoi de ces procès en cour d’appel.
En automne 1946, 800 procès traînaient devant les tribunaux. Il y avait tant d’affaires impliquant les témoins de Jéhovah que la police, les juges et les tribunaux ne pouvaient s’occuper de toutes. La situation était devenue critique.
Le public était en droit de connaître la manière dont Duplessis exerçait son règne de terreur. C’est pourquoi, en novembre 1946, les témoins de Jéhovah distribuèrent un tract virulent dans lequel ils dévoilaient les persécutions dont ils étaient victimes de la part de la double puissance de l’Église et de l’État au Québec.
La diffusion de cet acte d’accusation et du tract qui suivit porta un rude coup à Duplessis. Il réagit par des menaces, par des accès de colère et en déclarant “une guerre sans merci aux témoins de Jéhovah”. En quatre mois, 843 autres affaires vinrent s’ajouter aux 800 qui traînaient devant les tribunaux. Mais cette fois, les persécuteurs des témoins ne se contentaient plus d’invoquer contre eux des arrêtés municipaux ; ils les accusaient faussement de crimes graves, tels que la sédition ou la conspiration. Ils ne cherchaient même pas à nier les faits révélés dans les tracts qui avaient été diffusés par les témoins. C’était comme s’ils disaient : ‘Vous agissez en séditieux même quand vous révélez la vérité sur les mauvaises conditions qui existent réellement.’
La lutte s’intensifie
Les témoins de Jéhovah, qui continuaient
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