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L’amour dans les Écritures grecques chrétiennesLa Tour de Garde 1961 | 1er juillet
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L’amour dans les Écritures grecques chrétiennes
À L’ÉPOQUE où les Écritures grecques chrétiennes furent écrites, le grec était la langue universelle. C’est grâce à ce fait que les Écritures connurent la plus grande diffusion possible en un très court laps de temps. De plus, le grec est une langue très précise, exacte, et le grec koinè de ce temps-là était extrêmement développé, ce qui en faisait le meilleur moyen d’exprimer exactement les pensées. Les mots qu’il emploie pour désigner l’“ amour ” en sont un exemple.
Dans la langue française, nous parlons de l’“ amour ” entre les deux sexes, de l’“ amour ” d’une mère pour son enfant, de l’“ amour ” des amis et de l’“ amour ” désintéressé de Dieu. Dans la langue grecque, cependant, quatre mots séparés et distincts sont employés : érôs, storgê, philéo et agapê. Comme Érôs était le nom que les derniers poètes grecs donnaient à leur dieu de l’amour, lequel était le fils d’Aphrodite, érôs en vint à être le nom employé pour désigner l’amour érotique, l’amour entre les sexes. Le mot romain correspondant à Éros est le terme plus familier Cupidon ; il est représenté ordinairement armé d’un arc et d’une flèche. Fait très significatif, on ne trouve pas une seule fois le terme érôs dans les Écritures grecques chrétiennes.
Storgê est le terme employé pour décrire l’affection naturelle fondée sur la parenté, ce qui justifie l’expression “ nous sommes unis par la voix du sang ”. On ne le trouve que trois fois sous la forme d’un adjectif dans les Écritures grecques chrétiennes. Dans deux des cas, il apparaît avec le préfixe grec négatif a signifiant “ sans ”. Ainsi, dans Romains 1:31, décrivant à quel point les hommes se sont éloignés de la perfection originelle, et dans II Timothée 3:3 (NW), où il prédit les conditions dangereuses, immorales des derniers jours, Paul décrit les hommes comme n’ayant pas “ d’affection naturelle (astorgos) ”. Et lorsqu’il désire insister sur les étroites relations familiales qui devraient exister entre les chrétiens, Paul se sert d’un mot composé qui allie philéo à storgê, en disant : “ Par amour fraternel, soyez pleins d’affection (de tendre affection, NW ; philostorgos) les uns pour les autres. ” — Rom. 12:10.
Bien que la forme plus élevée de l’amour qui vient ensuite soit philéo, nous la comprendrons mieux si nous considérons en premier lieu la forme la plus élevée de l’amour, agapê. Le Dictionary de Strong la définit comme “ embrassant d’une façon précise le jugement et le consentement réfléchi de la volonté comme une question de principe, de devoir et de convenance ”. En contraste avec érôs, qui n’apparaît pas du tout dans la Bible, agapê dans ses diverses formes apparaît plus de 250 fois dans les Écritures grecques chrétiennes ; trois fois plus que philéo sous toutes ses formes.
Si nous apprécions ce que agapê signifie, nous pouvons comprendre pourquoi l’apôtre Jean écrivit, non que Dieu est érôs, storgê ou même philéo, mais qu’il est la personnification même de l’amour agapê, amour fondé sur des principes, s’intéressant généreusement aux autres. Quand nous aimons (agapê) vraiment quelqu’un, nous nous préoccupons du bien-être, des intérêts et du bonheur de ce quelqu’un. C’est ainsi que Dieu “ prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. ” — I Jean 4:8 ; Rom. 5:8.
“ Le fruit de l’esprit, c’est l’amour (agapê). ” “ À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour (agapê) les uns pour les autres. ” C’est cette sorte d’“ amour (qui) édifie ” et “ couvre une multitude de péchés ”. Il repose, non sur l’attirance physique, non sur le hasard de la naissance, comme c’est le cas au sein d’une même famille, nation ou race, ni sur la compatibilité ou la ressemblance de l’esprit, mais uniquement sur des principes, le désintéressement, et il est dicté par notre esprit parce que Dieu l’ordonne. — Gal. 5:22 ; Jean 13:35 ; I Cor. 8:1, Da ; I Pierre 4:8, Da.
C’est cet amour agapê que Paul décrit à notre intention, et avec quelle maîtrise ! Rien de ce que nous faisons ne nous profitera si nous ne sommes mûs par l’amour. Il est patient et complaisant ; il n’est pas jaloux, ne se vante pas, ne s’enfle pas d’orgueil, n’agit pas avec inconvenance, il ne s’irrite pas, ne cherche pas son propre intérêt. Il ne tient pas compte du mal subi, ne se réjouit pas de l’injustice, mais se réjouit seulement avec la vérité. Il supporte tout, croit tout, espère tout et endure tout. Il ne périt jamais. Il n’est pas étonnant que, de la foi, l’espérance et l’amour, “ la plus grande de ces choses, c’est l’amour. ” — I Cor. 13:1-13, Da.
L’amour agapê prévoit des degrés, c’est pourquoi il est ordonné aux chrétiens d’avoir “ entre [eux] un amour fervent ”. Ils doivent faire en sorte de le rendre parfait afin qu’ils aient “ toute assurance au jour du jugement ”. Il ne nous est pas seulement ordonné d’aimer (agapaô, forme verbale de agapê) Dieu, mais de le faire de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée et de toute notre force, et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. — I Pierre 4:8, Da ; I Jean 4:17, 18, Da ; Marc 12:29-31.
Venons-en maintenant à philéo, ou l’amitié ou affection pour les amis ; il est immédiatement inférieur et supérieur à l’amour agapê. Comment ? Il est inférieur quant à la qualité et supérieur quant au privilège qu’il représente. C’est le premier élément de mots tels que Philadelphie, amour fraternel ; philosophie, amour de la sagesse ; philanthropie, amour de l’humanité, ainsi que de nombreux autres mots employés dans les Écritures qui n’ont pas été introduits dans la langue française, comme philarguria, amour de l’argent (métal), et philagathos, aimant le bien ou vertu. Jésus employa ce mot quand il dit que les conducteurs religieux aimaient les premiers sièges dans les synagogues et que le monde aime ce qui est à lui. Le commandement de Pierre : “ Joignez à l’affection fraternelle (philadelphia), l’amour (agapê) ” indique l’infériorité de ce terme par rapport à l’amour agapê. — Luc 20:46 ; Jean 15:19 ; II Pierre 1:7, Da.
Quant à philéo, affection, représentant un privilège, notez que, bien que Dieu ait montré son amour agapê pour les pécheurs “ le Père (a de l’affection pour, NW) aime le Fils ”. C’est pourquoi Jésus assura ses disciples que le Père avait, non pas de l’amour simplement, mais de l’affection pour eux : “ Le Père lui-même a de l’affection pour vous. ” Pourquoi ? “ Parce que vous avez eu de l’affection pour moi ”, et non pas simplement parce qu’ils en avaient besoin. Oui, Dieu a de l’affection pour, ou considère comme amis uniquement ceux qui le méritent. — Jean 5:20 ; 16:27, NW ; Jacq. 2:23.
Il en est de même pour Jésus. Il éprouvait de l’amour (agapaô) pour le jeune chef riche, mais il éprouvait à la fois de l’amour et de l’affection (philéo) pour Jean son apôtre préféré (Marc 10:21 ; Jean 19:26 ; 20:2). Quand il s’adressa à Pierre après sa résurrection, les deux premières fois Jésus demanda à Pierre s’il avait de l’amour pour lui, mais la troisième fois il lui demanda s’il avait de l’affection pour lui. Chaque fois, en réponse, Pierre, plein d’ardeur, employa le mot plus intime : “ Maître, tu sais que j’ai de l’affection pour toi. ” — Jean 21:15-17, NW.
Aujourd’hui, comme nous le voyons partout, on fait valoir l’amour sexuel, érôs, tandis qu’il y a de moins en moins d’affection naturelle, storgê. Le monde ne sait rien de l’amour agapê qui est le fruit de l’esprit de Dieu et met en jeu l’esprit et la volonté, qui est absolument désintéressé et repose sur des principes. Jéhovah Dieu est la personnification même de cette sorte d’amour et il nous est ordonné de lui ressembler en cela. C’est cet amour que nous devons avoir pour Dieu, pour notre prochain, pour nos ennemis, oui, et même pour nous-mêmes. Mais en tant que chrétiens, ce n’est qu’à l’égard de nos compagnons chrétiens, eux seuls, que nous pouvons manifester de l’affection, philéo. — Mat. 5:44-48 ; I Cor. 15:33.
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Les Samaritains : peuple qui disparaîtLa Tour de Garde 1961 | 1er juillet
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Les Samaritains : peuple qui disparaît
DE MÊME qu’on appelle Chinois les habitants de la Chine, qu’on se réfère à ceux de l’Angleterre comme à des Anglais, les habitants de Samarie étaient connus sous le nom de Samaritains.
On pourrait dire que l’histoire du peuple samaritain a commencé vers 997 av. J.-C., au moment où les dix tribus septentrionales d’Israël, sous la direction de Jéroboam, se révoltèrent contre la domination de la maison de David. Quelque cinquante ans plus tard, le roi Omri, du royaume des dix tribus, acheta de Schémer la montagne de Samarie sur laquelle il bâtit la ville de Samarie, qui devint la capitale d’Israël. Après cela, le peuple d’Israël, les habitants de Samarie en particulier, en vinrent à être appelés Samaritains, et tout le territoire septentrional, Samarie. — I Rois 16:23, 24 ; Osée 8:5 ; II Rois 17:29.
La ville de Samarie n’était pas seulement une ville magnifique, située sur un promontoire à pic de près de 900 mètres de haut, mais encore une puissante forteresse. Elle fut assiégée plusieurs fois avant d’être prise. Mais, en 740 av. J.-C., Samarie tomba, après un siège de trois ans, aux mains du roi d’Assyrie, et le royaume des dix tribus fut détruit. La ville de Samarie fut démolie, et tous les personnages de marque, chefs de famille, prêtres et prophètes, furent exilés, loin de la patrie. C’est ainsi que les dix tribus qui s’étaient séparées de la maison de David furent complètement désolées, et ne retrouvèrent plus jamais leur force et leur importance. Il est probable que les pauvres furent laissés dans le pays, comme c’était la coutume des vainqueurs à l’époque. — II Rois 25:12.
Afin de prévenir toute rébellion contre la domination assyrienne de la part des Juifs restants, et empêcher que le pays ne devienne entièrement désolé par suite du manque d’habitants, le roi assyrien fit venir une foule mêlée de gens pour occuper les villes dépeuplées. Le roi Sargon d’Assyrie écrivit : “ Samarie, j’ai assiégé et conquis (...) 27 290 habitants j’ai emmenés en captivité (...) des gens de tous les pays, mes captifs de guerre, je les ai établis là ; mon intendant j’ai nommé gouverneur au-dessus d’eux ; tribut et taxes, comme aux Assyriens, je leur ai imposés. ” Le récit biblique rapporte : “ Le roi d’Assyrie fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d’Avva, de Hamath et de Sepharvaïm, et les établit dans les villes de Samarie à la place des enfants d’Israël. ” (II Rois 17:24). Ces étrangers firent de Samarie leur principale ville, mais ils firent de Sichem le centre de l’adoration religieuse. À cette époque, tous les Israélites qui furent laissés dans le pays se trouvaient dans la condition décrite par le prophète Osée : “ Sans roi, sans chef, sans sacrifice, sans statue, sans éphod, et sans théraphim. ” (Osée 3:4). Ils furent dépouillés de tout, sauf de leurs souvenirs. Des adorateurs païens habitaient maintenant leurs belles villes là où jadis ils avaient exercé leur religion apostate.
Dans le laps de temps qui s’écoula entre le départ des Israélites en exil et la venue de ces étrangers dans les villes samaritaines dépeuplées, le pays fut infesté de bêtes sauvages. Le récit inspiré déclare : “ Lorsqu’ils commencèrent à y habiter, ils ne craignaient pas Jéhovah, et Jéhovah envoya contre eux des lions qui les tuaient. ” (II Rois 17:25, AC). Ces païens croyaient que chaque district, chaque pays avait son dieu propre et que, pour prospérer, il leur fallait apprendre la manière d’apaiser le dieu de ce pays. C’est pourquoi ils écrivirent à leur roi pour lui demander d’envoyer quelqu’un qui leur enseignerait les voies de Jéhovah, afin qu’ils pussent savoir comment adorer le Dieu d’Israël. Le roi envoya un prêtre samaritain, qui s’établit à Béthel. Il se mit à enseigner à ces étrangers les voies de Jéhovah. Les immigrants païens incorporèrent ce culte du Dieu d’Israël à leur adoration des démons. Une religion mixte en fut le résultat : la religion samaritaine. Le peu d’Israélites qui restaient se corrompirent lamentablement à la fois dans leur conduite et leur religion. Ils épousèrent des étrangères et engendrèrent une race mêlée, composée en partie d’Israélites, en partie d’immigrants. Cette race mélangée fut connue sous le nom de Samaritains. — Esdras 4:2, 10.
Ce syncrétisme religieux idolâtre se poursuivit pendant trois siècles environ, jusqu’à la construction du temple samaritain sur le mont Garizim par le gouverneur de Samarie, Sanballat, le Horonite, avec le consentement, dit-on, d’Alexandre le Grand. Au début des règnes d’Ézéchias et de Josias, quelques-uns retournèrent au véritable culte. Les
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