Que signifie le Jour d’actions de grâces ?
À TRAVERS les États-Unis, le quatrième jeudi de novembre, les familles se réunissent autour d’une table garnie de dinde rôtie à la sauce aux airelles, de tarte au potiron et d’autres mets qui font les délices des Américains. Ceux-ci observent, ce jour-là, une fête religieuse : le Jour d’actions de grâces.
Chaque année, depuis le 3 octobre 1863, ce jour de novembre est proclamé fête nationale par un décret présidentiel. Ce fut le président Lincoln qui, en 1863, fit la première proclamation de ce genre lorsqu’il déclara : “L’année qui tire à sa fin a été remplie de bienfaits grâce à la fertilité du sol et à la clémence du ciel. À ces bienfaits, si courants que nous sommes enclins à oublier leur source, d’autres se sont ajoutés. Ceux-ci sont d’une nature si extraordinaire qu’ils ne peuvent manquer de pénétrer et d’adoucir même le cœur d’ordinaire insensible à la providence attentive du Tout-puissant.”
Après cette déclaration de Lincoln, presque chaque année le dernier jeudi de novembre fut proclamé fête nationale ; depuis 1941, c’est le quatrième jeudi que l’on observe. Certes, même avant l’époque de Lincoln, les Américains célébraient un jour d’actions de grâces. Ce jour était observé dans certains États, à diverses dates, mais pas dans d’autres. Des proclamations d’actions de grâces ont été faites pour différentes raisons depuis l’époque des Pèlerins. Cependant, c’est la proclamation de Lincoln qui fit du Jour d’actions de grâces une fête nationale.
L’habitude de célébrer pareil jour semble avoir pris naissance, en ce qui concerne les États-Unis, en 1621, année où les colons de Plymouth, dans le Massachusetts, eurent des récoltes particulièrement abondantes. Pendant l’hiver précédent, le froid sévère avait décimé les rangs de ces colons de près de la moitié. C’est pourquoi ils étaient très reconnaissants de la bonne moisson de cet été-là. Toutefois, ils ne firent pas alors du jour d’actions de grâces une fête annuelle.
Très croyants, ils remercièrent sincèrement Dieu de l’abondante moisson. Comme il ressort de la proclamation du président Lincoln, la fête nationale annuelle était destinée, elle aussi, à remercier Dieu des bienfaits que sont “la fertilité du sol et la clémence du ciel”. Cependant, le Jour d’actions de grâces célébré actuellement a-t-il toujours cette même signification pour les Américains ?
L’absence de foi
On pouvait lire il y a quelques années dans le New York Times (numéro du 24 novembre 1967), que l’on s’inquiète dans certaines églises du fait que “Dieu a de moins en moins de signification pour de nombreux citoyens”. On s’inquiète particulièrement de l’incrédulité croissante des jeunes. Dans son numéro de décembre 1967, The Southern California Clergyman cita les paroles suivantes de Dumont Kenny, président de York College : “Nous sommes submergés par un raz-de-marée d’incrédulité, particulièrement chez la jeune génération.” La même revue cita également un rabbin new-yorkais qui déclara : “Un grand pourcentage d’Américains, qui ne se sont pourtant jamais intéressés au marxisme, sont devenus totalement indifférents à l’égard de la religion.”
Comment le Jour d’actions de grâces peut-il avoir une signification pour ce nombre sans cesse croissant d’Américains incrédules ? Comment ceux-ci peuvent-ils remercier quelqu’un dont ils doutent de l’existence ? Comment ce jour peut-il remplir pour ces gens le but pour lequel il a été établi ?
Qu’en est-il aussi des ecclésiastiques qui pensent que Dieu est mort ? Comment le Jour d’actions de grâces peut-il avoir une signification pour eux ? Comment pourraient-ils reconnaître en Dieu une source de bienfaits ou de bénédictions alors qu’ils pensent que Dieu ne fait rien ? Beaucoup d’ecclésiastiques ont en effet adopté ce point de vue. Le National Observer du 31 janvier 1966 déclara : “L’état d’esprit de 90 pour cent des théologiens protestants de moins de quarante ans se résume à l’idée selon laquelle ‘Dieu est mort’.” Ces ecclésiastiques ne contribuent-ils pas à étendre l’incrédulité ?
D’autres membres du clergé en font autant en mettant publiquement en doute l’authenticité de la Parole de Dieu, la Bible. Comment ces hommes peuvent-ils prononcer, la conscience nette, un sermon d’actions de grâces remerciant Dieu de ses bienfaits, alors qu’ils refusent de reconnaître la véracité de sa Parole écrite, l’un des plus grands bienfaits qu’il ait dispensés ?
Pour beaucoup d’incroyants, le Jour d’actions de grâces n’est qu’un simple prétexte pour faire des excès de table et s’enivrer. Pour d’autres, ce jour fournit l’occasion de se réunir en famille, mais probablement ces personnes-là non plus ne pensent guère à la bonté du Créateur. De nombreux Américains ne discernent donc pas le but initial de la fête inaugurée par le président Lincoln.
Évidemment, il y a des gens qui croient sincèrement en Dieu et qui considèrent vraiment ce jeudi particulier comme un jour d’actions de grâces. Cependant, leur faut-il réellement une fête nationale proclamée officiellement par le président du pays pour donner à Dieu des témoignages de reconnaissance ? S’ils éprouvent de la gratitude envers lui pour toute sa bonté, pourquoi l’en remercier un jour par an seulement ? Pourquoi attendre un jour réservé à cette fin par l’État ? Les actions de grâces ne devraient-elles pas jaillir du cœur tous les jours ? N’est-ce pas plutôt cette reconnaissance spontanée qui plaît à Dieu ?
Les Américains en général ne sont plus un peuple agricole conscient qu’il dépend du sol et des récoltes, comme c’était le cas en 1621, quand les Pèlerins exprimèrent leur reconnaissance pour l’abondante moisson. Aujourd’hui, 5,9 pour cent seulement des habitants des États-Unis se livrent à l’agriculture. C’est pourquoi la plupart des Américains n’éprouvent pas le besoin de célébrer un service d’actions de grâces après la rentrée des récoltes. Dans un pays industriel, une fête des récoltes n’a plus guère de sens pour la majorité des gens.
Puisque la situation est si différente à l’heure actuelle, le Jour d’actions de grâces n’est-il pas devenu, en grande partie, tout simplement une occasion de prendre un repas spécial ? Sans ce repas, la plupart des Américains n’auraient pas l’impression d’observer cette fête nationale. C’est pourquoi certaines œuvres de bienfaisance offrent le repas traditionnel aux indigents, tandis que le gouvernement le fournit aux membres des forces armées qui sont loin de leur foyer. En mangeant les plats traditionnels, toutes ces personnes ont l’impression d’observer cette fête.
Le point de vue des Écritures
La Bible ne défend pas aux chrétiens de se réunir en famille ou de partager un repas spécial, à condition de ne pas faire d’excès dans le manger et le boire. Par conséquent, si les chrétiens veulent profiter d’un jour férié pour se réunir en famille et manger un repas spécial, c’est là une affaire personnelle. La Bible ne le défend pas. Cependant, il leur faut tenir compte de l’impression que peut faire sur autrui leur façon d’agir (Rom. 14:13-21). Mais en va-t-il de même de la participation à une fête religieuse établie par l’État ?
Serait-il raisonnable de la part de personnes qui rendent à Dieu le culte pur et sans souillure prescrit par sa Parole écrite, de se joindre à des incroyants pour observer une fête religieuse ? Non seulement des athées, mais encore de nombreuses gens qui adorent des idoles de bois et de pierre, célèbrent le Jour d’actions de grâces. Un vrai chrétien pourrait-il être en communion religieuse avec de telles personnes et en même temps espérer avoir l’approbation divine ?
La Bible ordonne aux chrétiens : “Ne vous mettez pas sous un joug inégal avec les incroyants. Car quelle participation ont la justice et l’iniquité ? Ou quelle communion la lumière a-t-elle avec les ténèbres ? (...) Ou quelle part une personne fidèle a-t-elle avec un incroyant ?” (II Cor. 6:14, 16). Comment donc des personnes désireuses d’obéir à la Parole écrite de Dieu pourraient-elles prendre part avec des athées, des gens qui pensent que Dieu est mort et des adorateurs de faux dieux, à l’observance d’une fête religieuse nationale ? Agir de la sorte les mettrait “sous un joug inégal avec les incroyants”.
Aux temps apostoliques, les premiers chrétiens ne participaient pas aux fêtes des Romains idolâtres. Les Saturnales, par exemple, étaient une fête d’actions de grâces célébrée chaque année à Rome au mois de décembre. À cette occasion, les Romains festoyaient et s’enivraient, mais les chrétiens ne prenaient aucune part à cette fête nationale. Les Romains considéraient ce refus de se joindre à eux comme un sacrilège. Tertullien, auteur du deuxième siècle, écrivit à ce propos : “On nous accuse, nous autres chrétiens, d’offenser par un second sacrilège, en refusant de célébrer avec vous les fêtes des Césars d’une manière que vous a conseillée la recherche du plaisir plutôt qu’un juste motif, puisque ni la modestie, ni la bienséance, ni la pudeur ne la permettent.”
Les premiers chrétiens avaient donc l’habitude de s’abstenir de toute participation aux fêtes traditionnelles de l’Empire romain qui les aurait mis sous un joug inégal avec les incroyants. Ils évitaient même de célébrer les fêtes juives, autrefois approuvées par Dieu. S’adressant à des chrétiens hébreux qui voulaient s’accrocher à l’observance de certains jours et saisons, Paul, apôtre de Jésus-Christ, écrivit : “Vous observez scrupuleusement les jours et les mois et les saisons et les années. Pour vous, je crains que de façon ou d’autre j’aie travaillé en vain en ce qui vous concerne.” (Gal. 4:10, 11). Paul s’était efforcé d’apporter à ces Juifs les vérités libératrices du christianisme, mais il craignait d’avoir travaillé en vain, car ces chrétiens hébreux désiraient continuer d’observer des pratiques religieuses que Dieu n’approuvait plus.
Les chrétiens voués de nos jours suivent l’exemple des premiers chrétiens en refusant de participer aux fêtes religieuses nationales. Évidemment, d’autres personnes, dont la conscience est moins scrupuleuse sous ce rapport, se plaisent à célébrer ces fêtes. C’est là leur affaire. Cependant, étant donné les grands changements survenus dans les conceptions religieuses générales à notre époque, le Jour des actions de grâces n’a plus guère de sens pour bon nombre de ceux qui le célèbrent.