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    Annuaire 1975 des Témoins de Jéhovah
    • États-Unis d’Amérique (1re partie)

      Notre récit commence au milieu du dix-neuvième siècle. Des files de chariots traversent les plaines, transportant des pionniers vers l’Ouest. Des troupeaux immenses de bisons, — dont il y avait quelque 20 millions de têtes en 1850, — errent à leur guise entre les Appalaches et les Rocheuses.

      De 1861 à 1865, la guerre de Sécession ravage le pays, suivie d’une ère d’industrialisation. L’année 1869 voit l’achèvement du premier chemin de fer transcontinental. L’éclairage électrique et le téléphone entrent en scène pendant les années 1870. Après 1880, les tramways électriques facilitent les déplacements en ville, et avant la fin du siècle, quelques automobiles annoncent bruyamment leur présence.

      Le climat religieux à cette époque-​là était pour le moins imprévisible. Charles Darwin avait épousé la théorie de l’évolution humaine dans son livre L’origine des espèces, publié en 1859. Alors que l’évolutionnisme, la critique rationaliste de la Bible, l’athéisme, le spiritisme et l’incroyance livrent assaut à la religion organisée, l’Église catholique essaie de renforcer sa position en organisant le premier Concile du Vatican (1869-​1870). Divers groupements religieux attendent impatiemment, mais en vain, l’imminent retour charnel du Christ.

      Pourtant, “la conclusion du système de choses” s’approchait réellement. Le “blé”, les vrais chrétiens, devait exister quelque part sur la terre, le champ de Dieu en culture. Mais où ?

      ‘LE JOUR DES PETITES CHOSES’

      Nous sommes vers 1870, à Allegheny, ville aux nombreuses églises, qui plus tard deviendra une partie de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Un soir, un jeune homme âgé de dix-huit ans se promène dans une rue d’Allegheny. De son propre aveu, il “venait d’être ébranlé dans sa foi à propos de nombreuses doctrines acceptées depuis longtemps” et il était devenu “une proie facile de la logique apparente du rationalisme”. Mais ce soir, attiré par des chants, il entre dans une salle poussiéreuse et mal éclairée. Son but ? Pour reprendre ses propres termes, “pour voir si la poignée de personnes qui s’y réunissait avait quelque chose de plus sensé à offrir que les croyances des grandes Églises”.

      Le jeune homme s’assoit et écoute. Jonas Wendell, prédicateur adventiste, prononce son sermon. Notre jeune auditeur devait avouer plus tard : “Bien que son exposé des Écritures ne fût pas tout à fait clair, (...) il n’en fallut pas plus sous la main de Dieu pour rétablir ma foi chancelante en l’inspiration divine de la Bible et me montrer que les textes des apôtres et des prophètes forment un tout indissoluble. Ce que j’entendis me fit reprendre ma Bible afin de l’étudier avec plus de zèle et de soin que jamais auparavant.”

      Ce jeune homme curieux s’appelait Charles Taze Russell. Deuxième fils de Joseph et d’Ann Eliza (née Birney) Russell, tous deux d’origine écosso-irlandaise, il vint au monde le 16 février 1852 à Allegheny. Sa mère, qui l’avait voué à l’œuvre du Seigneur dès sa naissance, mourut quand il n’avait que neuf ans. Dès son jeune âge, Charles reçut ses premières impressions religieuses de ses parents, membres de l’Église presbytérienne. Plus tard, il s’affilia à l’Église congrégationaliste, qui possédait un temple dans son quartier, à cause de ses conceptions plus libérales.

      Déjà à l’âge de onze ans, Charles devint l’associé de son père dans une affaire de confection pour hommes, et rédigea lui-​même les termes de l’accord. À l’âge de quinze ans, il se trouva avec son père à la tête d’un grand magasin. Ils avaient des succursales à Pittsburgh, à Philadelphie, et dans d’autres villes.

      Dès sa jeunesse, Charles avait étudié sincèrement les Écritures. Il désirait servir Dieu au mieux de ses possibilités. Un jour, quand il n’avait que douze ans, son père le trouva dans le magasin à deux heures du matin, absorbé dans l’étude d’une concordance de la Bible et inconscient du temps écoulé.

      Avec le temps, Russell fut spirituellement troublé, particulièrement par les doctrines des châtiments éternels et de la prédestination. Il raisonnait ainsi : “Un Dieu qui créerait par sa puissance des êtres humains en les prédestinant aux supplices éternels ne serait ni sage, ni juste, ni bienveillant. Sa morale serait inférieure à celle de bien des hommes.” (I Jean 4:8). Néanmoins, le jeune Russell continuait de croire à l’existence de Dieu. Préoccupé par de telles questions doctrinales, il examina les diverses croyances de la chrétienté et étudia les principales religions de l’Orient, mais il alla de déception en déception. Où se trouvait la vérité ?

      À en croire l’un de ses proches, à l’âge de dix-sept ans Russell tenait le raisonnement suivant : “Puisqu’il est inutile de chercher des explications logiques concernant l’avenir en examinant les croyances religieuses et même la Bible, je vais simplement oublier tout cela et concentrer toute mon attention sur les affaires. Si je réussis à amasser de l’argent, je pourrai m’en servir pour aider les hommes affligés, même si je ne puis les aider spirituellement.”

      Voilà les pensées qui occupaient l’esprit du jeune Russell lorsqu’il entra dans la petite salle d’Allegheny et entendit le sermon qui devait ‘rétablir sa foi chancelante en l’inspiration divine de la Bible’. Il informa plusieurs jeunes hommes de ses amis de son intention d’étudier les Écritures. Bientôt ce groupe, comprenant six personnes, se réunissait chaque semaine pour se livrer à l’étude systématique de la Bible. Grâce à ces réunions régulières qui eurent lieu entre 1870 et 1875, les pensées religieuses de ces hommes subirent des changements profonds. Avec le temps, Jéhovah les bénit en leur accordant davantage de lumière spirituelle et de vérité. — Ps. 43:3 ; Prov. 4:18.

      Russell écrivit plus tard : “Nous en sommes venus à saisir la différence entre le Seigneur en tant que l’‘homme qui s’est livré lui-​même’, et le Seigneur qui reviendrait en tant qu’être spirituel. Nous avons compris que les êtres spirituels peuvent être présents tout en restant invisibles aux hommes. (...) Nous étions navrés de l’erreur des adventistes qui attendaient le Christ dans la chair et enseignaient que le monde et ses habitants, à l’exception d’eux-​mêmes, seraient consumés par le feu en 1873 ou 1874. Leurs fixations de dates, leurs déceptions et leurs idées sommaires sur le but de sa venue et sa manière de revenir jetaient plus ou moins d’opprobre sur nous et sur tous ceux qui attendaient et proclamaient son Royaume tout proche.”

      S’efforçant sincèrement de combattre de tels enseignements erronés, en 1873, à l’âge de vingt et un ans, Russell écrivit et publia à ses frais une brochure intitulée “Le but et la manière du retour du Seigneur”, qui fut tirée à quelque 50 000 exemplaires.

      Vers janvier 1876, Russell reçut un exemplaire d’un journal religieux intitulé Le messager du matin. Rien qu’en regardant la couverture, il comprit qu’il s’agissait d’une publication adventiste, mais son contenu le surprit. Le rédacteur, un certain Barbour, de Rochester, dans l’État de New York, avait compris que Jésus Christ revenait non pour détruire toutes les familles de la terre, mais pour les bénir, et qu’il reviendrait comme un voleur non dans la chair, mais comme esprit. En fait, se fondant sur les prophéties et la chronologie de la Bible, Barbour pensait que le Christ était déjà présent et que l’œuvre consistant à moissonner le “blé” et l’“ivraie” (la mauvaise herbe) devait commencer. Russell fit le nécessaire pour rencontrer Barbour, à la suite de quoi le groupe d’étude biblique de Pittsburgh, comprenant une trentaine de personnes, s’affilia à celui de Barbour, légèrement plus important, qui se réunissait à Rochester. Comme Le messager était sur le point de cesser de paraître faute de fonds, Russell puisa dans sa propre caisse pour le renflouer, et en devint le co-rédacteur.

      En 1877, à l’âge de vingt-cinq ans, Russell commença à se retirer des affaires afin de consacrer tout son temps à la prédication. Son activité consistait alors à voyager d’une ville à l’autre pour y prononcer des discours bibliques dans des salles, dans les rues et dans les églises protestantes. Cette campagne de prédication lui valut le titre de “pasteur Russell”. Il décida de consacrer toute sa vie et toute sa fortune à cette œuvre, d’interdire toute collecte à ces réunions et de compter sur des contributions volontaires pour assurer la continuation de l’œuvre après l’épuisement de ses fonds personnels.

      Toujours en 1877, Barbour et Russell publièrent conjointement un livre de 196 pages intitulé Les trois mondes, et la moisson du monde d’à présent. Cet ouvrage, qui parlait du Rétablissement en rapport avec les prophéties chronologiques de la Bible, émit l’opinion que Jésus Christ était présent invisiblement depuis 1874, date à laquelle avaient commencé simultanément une période de quarante ans et une moisson de trois ans et demi.

      Signalons avec quelle exactitude remarquable ce livre expliquait la fin des temps des Gentils, “les temps fixés des nations”. (Luc 21:24.) Aux pages 83 et 189, il montrait que les 2 520 années au cours desquelles les nations gentiles ou non juives domineraient la terre sans être gênées par le Royaume de Dieu commencèrent lorsque les Babyloniens renversèrent le royaume de Juda vers la fin du septième siècle avant notre ère, et que cette période prendrait fin en 1914. Mais plus tôt encore, en octobre 1876, Russell avait publié dans le journal Le scrutateur de la Bible un article intitulé “Les temps des Gentils : Quand arrivent-​ils à leur terme ?”, où il affirmait : “Les sept temps prendront fin en 1914.” Il avait avec juste raison identifié les temps des Gentils avec les “sept temps” mentionnés dans le livre de Daniel (Dan. 4:16, 23, 25, 32). Conformément à ces calculs, l’année 1914 marqua effectivement la fin de ces temps et la naissance du Royaume de Dieu au ciel avec Jésus Christ investi comme roi. Songez un peu ! Jéhovah dispensa cette connaissance à son peuple presque quarante ans avant la fin de cette période !

      Tout alla pour le mieux pendant un certain temps. Puis arriva le printemps de 1878. Barbour pensait que les saints vivant sur la terre devaient alors être emportés corporellement au ciel, afin d’être pour toujours avec le Seigneur. Or, rien de pareil ne se produisit. D’après Russell, Barbour “semblait penser qu’il devait, lui, absolument trouver quelque chose de nouveau pour détourner l’attention des gens du fait que les saints sur la terre n’avaient pas tous été enlevés”. Il ne tarda pas à agir de la sorte. Russell écrivit : “À notre douloureuse surprise, M. Barbour écrivit peu après un article pour Le messager dans lequel il rejetait la doctrine de la rédemption niant que la mort du Christ fût le prix de rachat payé pour Adam et sa descendance. Il affirmait que la mort du Christ ne pouvait pas servir de paiement pour le châtiment des péchés du genre humain, pas plus que des parents terrestres ne considéreraient comme un règlement approprié pour un écart de conduite de leur enfant le fait de percer le corps d’une mouche avec une épingle pour la faire souffrir et mourir.”

      Dans Le messager de septembre, Russell publia un article intitulé “La Rédemption”, où il défendait la doctrine de la rançon et réfutait l’erreur de Barbour. Jusqu’en décembre 1878, la controverse se poursuivit dans les pages de ce périodique. Relatant ces événements, Russell devait écrire plus tard : “Il devint maintenant clair pour moi que le Seigneur ne me demandait plus désormais de donner mon appui financier à une chose qui exercerait une influence contraire au principe fondamental de notre sainte religion, ni de m’associer à une telle cause. C’est pourquoi, après un effort prudent mais infructueux en vue de ramener l’égaré, je me retirai entièrement du Messager du matin et de toute association future avec M. Barbour. Mais il ne me semblait pas suffisant de m’être retiré pour démontrer ma loyauté ininterrompue envers notre Seigneur et Rédempteur. (...) Je compris donc que selon la volonté du Seigneur il m’incombait de lancer un nouveau périodique dans lequel la bannière de la Croix serait tenue bien haut, la doctrine de la Rançon défendue et la bonne nouvelle de grandes joies proclamée aussi largement que possible.”

      Russell comprit qu’en ce qui le concernait, la volonté du Seigneur était qu’il cesse de voyager et qu’il publie un nouveau journal. Ainsi, en juillet 1879, parut le premier numéro de La Tour de Garde et Messager de la Présence de Christ. Connu aujourd’hui dans le monde entier sous le nom de La Tour de Garde, ce périodique a toujours défendu la doctrine biblique de la rédemption, conformément à ce vœu exprimé par Russell : “Dès le début, ce périodique s’est fait le défenseur particulier de la Rançon ; et, par la grâce de Dieu, nous espérons qu’il le sera jusqu’à la fin.”

      Le premier numéro de ce périodique n’ayant été tiré qu’à quelque 6 000 exemplaires, ce fut pour lui sans aucun doute le “jour des petites choses”. (Zach. 4:10.) En sa qualité de président de la classe d’études bibliques de Pittsburgh, Russell était rédacteur en chef et directeur de ce journal, tandis que cinq autres chrétiens mûrs, étudiants de la Bible, devaient rédiger régulièrement des articles. Ce périodique était voué à Jéhovah et aux intérêts de son Royaume. Ses rédacteurs comptaient sur Dieu, comme l’indique cette déclaration publiée dans son deuxième numéro : “‘La Tour de Garde de Sion’ a, nous le croyons, JÉHOVAH comme soutien, et tant qu’il en sera ainsi, elle ne demandera ni ne sollicitera jamais l’appui des hommes. Quand Celui qui dit : ‘Tout l’or et tout l’argent des montagnes sont à moi’ ne daignera plus pourvoir aux fonds nécessaires, nous comprendrons que le moment est venu d’en suspendre la parution.” Or, ce périodique n’a jamais cessé de paraître depuis lors. Bien au contraire, à la fin de 1974, son tirage avait dépassé les 8 500 000 exemplaires par numéro.

      Pendant les années 1870, ces étudiants de la Bible s’étaient montrés fermes pour défendre et annoncer les vérités bibliques, ce qui leur avait valu la bénédiction de Dieu. Malgré la croissance de “la mauvaise herbe” dans le monde ou champ, Dieu était intervenu pour identifier le “blé”, les vrais chrétiens (Mat. 13:25, 37-39). Indéniablement, Jéhovah était en train d’appeler certains hommes “des ténèbres à son étonnante lumière”. (I Pierre 2:9.) En 1879 et 1880, Russell et ses compagnons fondèrent environ trente congrégations en Pennsylvanie, dans le New Jersey, et dans les États de New York, de Massachusetts, de Delaware, d’Ohio et de Michigan. Russell visitait toutes ces congrégations en tenant une ou plusieurs réunions bibliques avec chaque groupe.

      On appelait ces premières congrégations des “ecclésias” (d’après le grec ékklêsia, mot qui signifie “congrégation”), et parfois on les appelait “classes”. Tous les membres de chaque congrégation devaient se prononcer sur certaines affaires par un vote et également élire un collège d’aînés responsable de la direction de la congrégation. Les ecclésias étaient unies du fait qu’elles acceptaient toutes de suivre le modèle de la congrégation de Pittsburgh, où Russell et d’autres rédacteurs de La Tour de Garde étaient aînés.

      Jésus Christ ‘prêcha aux captifs la libération’. (Luc 4:16-21 ; És. 61:1, 2.) Au dix-neuvième siècle, si les hommes au cœur honnête devaient bénéficier de la liberté donnée par Dieu, il fallait dévoiler les erreurs religieuses. C’est ce que faisait La Tour de Garde de Sion, mais dans ce même but, à partir de 1880, Russell et ses collaborateurs rédigèrent des “Tracts des Étudiants de la Bible” (appelés également “Cahiers trimestriels de théologie ancienne”). Ces tracts étaient remis gratuitement aux lecteurs de La Tour de Garde, pour qu’ils les distribuent au public.

      Frère Russell et ses compagnons croyaient qu’ils vivaient au temps de la moisson, et ils étaient très peu nombreux, — environ une centaine en 1881. Pourtant, les hommes avaient besoin de la vérité qui affranchit, et Russell était bien décidé à la leur communiquer par la faveur imméritée de Dieu. Aussi, en avril 1881, La Tour de Garde de Sion contenait-​elle un article au titre frappant “Recherchons 1 000 prédicateurs”. Aux lecteurs qui pouvaient consacrer la moitié de leur temps ou davantage exclusivement à l’œuvre du Seigneur, cet appel a été lancé : “Allez dans les villes, grandes et petites, selon vos possibilités, comme colporteurs ou évangélistes, à la recherche en tous lieux des chrétiens sincères et convaincus. Vous en trouverez beaucoup qui sont animés de zèle pour Dieu, mais pas selon la connaissance. Cherchez à leur faire connaître les richesses de la grâce de notre Père et les beautés de sa Parole, en leur remettant des tracts.” Entre autres, ces colporteurs (les précurseurs de nos pionniers) devaient obtenir des abonnements à La Tour de Garde. Bien entendu, tous les lecteurs de La Tour de Garde ne pouvaient devenir des prédicateurs à plein temps. Mais les autres n’étaient pas délaissés. Cette invitation leur fut adressée : “Si vous disposez d’une demi-heure ou d’une heure, de deux ou de trois heures, vous pouvez employer ce temps ; et cela sera agréable au Seigneur de la moisson. Qui peut prévoir les bienfaits qui découleront d’une heure de service accomplie sous la conduite de Dieu ?”

      L’appel lancé ne produisit pas alors les 1 000 prédicateurs désirés (en 1885, il y avait environ 300 colporteurs). Cependant, les serviteurs de Jéhovah savaient qu’ils devaient annoncer la bonne nouvelle. Aussi, en juillet et en août 1881, La Tour de Garde de Sion publia-​t-​elle un article qui déclarait : “Prêches-​tu, toi aussi ? Nous croyons que nul ne fera partie du petit troupeau, à moins d’avoir été prédicateur. (...) En effet, nous avons été appelés à souffrir avec lui et à proclamer cette bonne nouvelle maintenant, afin qu’en temps voulu nous soyons glorifiés et que nous puissions accomplir les choses que nous prêchons maintenant. Nous n’avons pas été appelés, ni oints pour recevoir des honneurs et amasser des richesses, mais pour les dépenser et pour nous dépenser nous-​mêmes, ainsi que pour prêcher la bonne nouvelle.”

      Cette même année, 1881, Charles Russell acheva la rédaction de deux grandes brochures dont l’une avait pour titre “Les Figures du Tabernacle”. L’autre, “Nourriture pour les chrétiens réfléchis”, dévoilait certaines erreurs doctrinales et expliquait les desseins divins.

      Au début, l’impression des tracts et de La Tour de Garde de Sion était presque entièrement assurée par des imprimeries commerciales. Mais si la diffusion des imprimés devait s’étendre et si les Étudiants de la Bible (comme on appelait alors les témoins de Jéhovah) devaient recevoir des contributions afin de poursuivre leur œuvre, une association déclarée devenait nécessaire. C’est pourquoi, vers le début de 1881, la Zion’s Watch Tower Tract Society fut fondée comme association sans capacité juridique, ayant frère Russell pour directeur. Avec générosité, lui-​même et d’autres donnèrent quelque 35 000 dollars pour aider cette association à ouvrir une imprimerie. En 1884, cette association acquit la capacité juridique, et Russell en devint le président. Aujourd’hui, cette association religieuse est connue sous le nom de Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania.

      Les statuts de cette association déclaraient : “Le but pour lequel est constituée l’association est la diffusion de vérités bibliques en différentes langues au moyen de la publication de tracts, de brochures, de journaux et d’autres écrits religieux, ainsi que par l’emploi de tout autre moyen légal que son conseil d’administration, dûment constitué, jugera opportun pour atteindre le but précité.”

      “La diffusion de vérités bibliques” a été grandement favorisée par la publication d’une série de livres intitulée “L’Aurore du Millénium” (appelée plus tard “Études des Écritures”). Le premier volume, rédigé par frère Russell dans un langage très accessible, parut en 1886. Intitulé d’abord “Le Plan des Âges” et plus tard “Le divin Plan des Âges”, ce livre traitait entre autres des sujets suivants : “Démonstration de l’existence d’un Créateur souverainement intelligent”, “La venue de notre Seigneur — son but, le rétablissement de toutes choses”, “Le jour du jugement”, “Le royaume de Dieu” et “Le jour de Jéhovah”. Au cours d’une période de quarante ans, six millions d’exemplaires de ce livre furent distribués, et grâce à lui, des centaines de gens sincères qui cherchaient la vérité s’affranchirent de la captivité de la fausse religion et trouvèrent la liberté chrétienne.

      Par la suite, Russell écrivit cinq autres livres dans la série de “L’Aurore du Millénium”, à savoir : Volume II, Le Temps est proche (1889) ; Volume III, Que ton règne vienne (1891) ; Volume IV, La Bataille d’Harmaguédon (1897 ; premier titre : “Le jour de vengeance”) ; Volume V, La Réconciliation de Dieu avec l’homme (1899) ; Volume VI, La Nouvelle Création (1904). La mort empêcha Russell de rédiger le septième volume.

      Ces ouvrages chrétiens produisirent des résultats remarquables. L’esprit de Dieu incita certains lecteurs à agir. Nombre d’entre eux abandonnèrent aussitôt la fausse religion. Après avoir lu un volume de L’Aurore du Millénium, une dame écrivit en 1889 : “Sa vérité s’empara immédiatement de mon cœur. Sans hésiter, j’ai quitté l’Église presbytérienne, où je cherchais depuis longtemps la vérité au milieu des ténèbres, sans la trouver.” En 1891, un ecclésiastique écrivit : “Après avoir prêché pendant trois ans au sein de l’Église méthodiste épiscopalienne, tout en cherchant sincèrement la vérité, grâce à Dieu je suis maintenant à même de ‘sortir d’elle’.” — Rév. 18:4.

      Les rédacteurs d’autres lettres reçues par la Société exprimèrent le vif désir de prêcher la bonne nouvelle. Par exemple, en 1891 un homme et sa femme écrivirent : “Nous avons consacré tout ce que nous possédons au Seigneur et à son service, pour sa plus grande gloire ; si c’est la volonté du Seigneur, et que je puisse m’organiser en conséquence, j’essaierai de devenir colporteur, et si encore le Seigneur accepte mon service et me bénit dans son œuvre, alors nous abandonnerons notre maison et ma femme se joindra à moi dans l’œuvre de la moisson.”

      En 1894, la Société reçut une lettre intéressante d’un homme qui s’était procuré les volumes de L’Aurore du Millénium auprès de deux femmes colporteurs. Il les lut, en commanda d’autres exemplaires, s’abonna à La Tour de Garde de Sion, et écrivit ce qui suit : “Ma chère femme et moi-​même avons lu ces livres avec le plus vif intérêt. Nous considérons comme une grande grâce divine le fait d’avoir eu l’occasion d’entrer en leur possession. Ils sont vraiment un ‘guide’ pour l’étude de la Bible. Les grandes vérités révélées dans les études présentées dans cette série ont tout simplement renversé nos aspirations terrestres. Reconnaissant, dans une certaine mesure tout au moins, la grande occasion qui nous est offerte de faire quelque chose pour le Christ, nous avons l’intention d’en profiter pour distribuer ces ouvrages, d’abord parmi nos propres parents et amis, ensuite parmi les pauvres qui désirent les lire et ne peuvent les acheter.” Cette lettre portait la signature de Joseph Rutherford, qui se voua à Jéhovah douze ans plus tard et finit par succéder à frère Russell comme président de la Société Watch Tower.

      LA MAISON DE LA BIBLE

      Le siège des Étudiants de la Bible était d’abord situé au 101 Fifth Avenue, à Pittsburgh, puis au 44 Federal Street, Allegheny. Cependant, vers la fin des années 1880, l’accélération de l’œuvre consistant à annoncer la bonne nouvelle et à rassembler les “brebis” rendit indispensable l’agrandissement des locaux. Le peuple de Jéhovah bâtit donc un nouvel édifice. Achevé en 1889, ce bâtiment de trois étages construit en brique coûta 34 000 dollars. Il était situé au 56-60 (plus tard 610-614) Arch Street, Allegheny. Baptisé “Maison de la Bible”, cet immeuble était d’abord la propriété de la Tower Publishing Company, une société privée dirigée par Russell et qui, pendant plusieurs années, imprima à un prix convenu les publications de la Société Watch Tower. Mais en avril 1898, ce bâtiment tout équipé, évalué par son conseil d’administration à 164 033 dollars et 65 cents, fut donné à la Société Watch Tower.

      La Maison de la Bible fut le siège de la Société pendant vingt ans.

      “À quoi ressemblait la vie dans la Maison de la Bible en 1907?” Sœur Ora Sullivan Wakefield répond à sa propre question en ces termes : “N’étant qu’au nombre de trente, nous formions réellement une ‘famille’. (...) Nous mangions, dormions, travaillions et adorions Dieu tous dans cet immeuble. Sous l’estrade de la chapelle il y avait un bassin pour les baptêmes.”

      Songez un peu ! En 1890, la Société Watch Tower ne comptait qu’environ quatre cents ministres actifs. Mais l’esprit saint de Jéhovah était à l’œuvre et produisait d’excellents résultats (Zach. 4:6, 10). En effet, les années 1890 virent un grand accroissement. Ainsi, d’après des rapports incomplets, le 26 mars 1899, 339 groupes se réunirent pour commémorer la mort de Jésus Christ, et il y eut 2 501 participants. Incontestablement, les “brebis” affluaient vers l’“enclos”. — Michée 2:12.

      Le voyage que Russell fit à l’étranger en 1891 favorisa grandement l’œuvre de la prédication. Ce périple de quelque 27 000 kilomètres amena le président et son groupe en Europe, en Asie et en Afrique. À la suite de ce voyage, un dépôt d’imprimés fut ouvert à Londres, et des dispositions furent prises pour publier les livres de la Société en allemand, en français, en suédois, en danois, en norvégien, en polonais, en grec et, plus tard, en italien.

      “ALLONS À LA MAISON DE JÉHOVAH !”

      David se réjouit quand on lui dit : “Allons à la maison de Jéhovah !” (Ps. 122:1). Pareillement, les premiers Étudiants de la Bible étaient toujours très heureux lors de leurs réunions et de leurs congrès (Héb. 10:23-25). Ils y recevaient de grandes récompenses spirituelles. Mais une chose manquait toujours à leurs réunions : Le plateau de quête ! La phrase “Entrée libre, pas de collecte” a toujours caractérisé toutes les réunions et les assemblées des témoins chrétiens de Jéhovah. Cela est normal, puisque Jésus Christ a dit : “Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.” Les contributions volontaires ont toujours couvert tous les frais des réunions organisées par le peuple de Jéhovah. — Mat. 10:8 ; II Cor. 9:7.

      Joignons-​nous à nos frères dans la foi pendant qu’ils se rendent à leurs réunions hebdomadaires. Ralph Leffler nous dit : “Avant et après 1900, nous avons manqué très peu de réunions. À cette époque-​là, il n’y avait pas d’automobiles. Nous vivions à la campagne, à huit kilomètres de la ville, si bien que pour nous rendre aux réunions nous devions soit marcher à pied (...) ou aller en carriole. Combien de dimanches nous avons parcouru les seize kilomètres deux fois dans la journée pour assister aux réunions ! Année après année, l’été comme l’hiver, par tous les temps, nous y sommes allés, conscients du privilège d’affermir notre foi et d’apprendre toujours davantage concernant les vérités de la Bible. Nous ne voulions manquer aucune occasion de fréquenter nos frères dans la foi.” De leur côté, Hazelle et Helen Krull déclarent : “Quand il y avait de la neige, nous allions à la réunion en traîneau, et nous attachions notre cheval dehors, le recouvrant d’une couverture. Il lui arrivait d’attendre patiemment, mais parfois il piaffait dans la neige.”

      Comment se déroulaient les réunions à cette époque-​là ? L’une était consacrée à l’étude du livre Les figures du Tabernacle, publié par la Société en 1881. Cet ouvrage expliquait la signification prophétique du tabernacle d’Israël et des sacrifices. Même les enfants tiraient un grand profit de ces études. Se rappelant ces réunions tenues dans un foyer, Sara Kaelin écrit : “Le groupe s’était agrandi et parfois les enfants devaient s’asseoir sur l’escalier. Mais ils devaient tous répondre à des questions comme celles-ci : Que représente le jeune taureau ? la cour ? le Saint ? le Très-Saint ? le jour des Propitiations ? le grand prêtre ? les sous-prêtres ? Ces choses étaient gravées si profondément dans notre esprit que nous pouvions imaginer le grand prêtre en train d’officier aux cérémonies, et nous connaissions la signification de celles-ci.”

      Une autre réunion, tenue le mercredi soir, prit plus tard le nom de “réunion de prières, de louanges et de témoignages”. Sœur Edith Brenisen en fait la description suivante : “Après un cantique et une prière, le président lisait un passage approprié de l’Écriture et faisait lui-​même quelques commentaires, puis il donnait la parole aux assistants. Ces rapports concernaient tantôt un fait de prédication particulièrement réjouissant, tantôt la preuve de la manière dont Jéhovah guidait et protégeait son peuple. Chacun était libre de faire une prière ou de demander le chant d’un cantique dont les paroles exprimaient mieux que lui les pensées de son cœur. Ces soirées offraient l’occasion de méditer sur la protection bienveillante de Jéhovah et de fréquenter étroitement nos frères et sœurs. En écoutant leurs rapports, nous parvenions à mieux les connaître. En observant leur fidélité et en entendant comment ils avaient surmonté leurs difficultés, nous arrivions souvent à résoudre nos propres problèmes.” Cette réunion du mercredi soir était le précurseur de ce qui est devenu la réunion de service tenue chaque semaine par les témoins de Jéhovah, et destinée à les aider dans leur prédication.

      En ce temps-​là, le vendredi soir se tenaient des études appelées “Cercle de l’aurore” parce que les volumes de la série L’Aurore du Millénium étaient examinés. Ralph Leffler se souvient que le dimanche soir il y avait d’ordinaire une étude de la Bible ou un discours sur les Écritures, par exemple sur la “Carte des âges”. En quoi consistait cette “carte” ? Frère Leffler l’explique en ces termes : “Collé à l’intérieur de la couverture du Volume I des Études des Écritures il y avait un long tableau graphique (...). On pouvait acheter à la Maison de la Bible à Allegheny un agrandissement de ce tableau sous forme de banderole. L’orateur dressait cette ‘Carte des âges’ devant les auditeurs et en expliquait les graphiques sous forme de demi-cercles et de pyramides. Ce tableau représentait les principaux événements bibliques depuis la création de l’homme jusqu’à la fin du millénium et le début des ‘âges à venir’. (...) Grâce à ces discours, prononcés fréquemment, nous apprenions bien des choses sur l’histoire biblique.”

      De tels discours sur la “Carte des âges” étaient prononcés dans les salles de réunion du peuple de Jéhovah et dans d’autres salles. Produisaient-​ils de bons résultats ? Frère Sillaway écrit : “Il faut croire que ces discours portaient du fruit, car en moins de deux ans notre petit groupe est passé de six à quinze personnes.” Une fois, William Mockridge prononça un discours sur la “Carte des âges” dans une église baptiste à Long Island City. “Il en est résulté que plusieurs membres de cette église acceptèrent la vérité et que le pasteur (...) nommé Erickson l’accepta également et devint l’un des orateurs itinérants de la Société.”

      La commémoration annuelle de la mort de Jésus Christ fournit aux Étudiants de la Bible l’occasion d’organiser des congrès (I Cor. 11:23-26). Un tel rassemblement eut lieu du 7 au 14 avril 1892, à Allegheny. Cette assemblée réunit environ 400 serviteurs de Jéhovah et amis de la vérité, venus d’une vingtaine d’États des USA et de la province canadienne du Manitoba. Bien entendu, depuis ce temps-​là, le peuple de Dieu a tenu bien des congrès spirituellement enrichissants aux États-Unis et dans le monde entier. Et quel accroissement Jéhovah n’a-​t-​il pas donné ! À l’Assemblée internationale de la volonté divine, que les témoins de Jéhovah tinrent en 1958, 253 922 personnes représentant 123 pays s’assemblèrent au Yankee Stadium et aux Polo Grounds de New York.

      UN CŒUR COURAGEUX DANS LE SERVICE DE DIEU

      “On cherche des volontaires !”, — tel fut le titre d’un article publié dans La Tour de Garde de Sion du 15 avril 1899. Cet article proposait une méthode nouvelle pour diffuser les vérités de la Bible, une méthode qui ne pouvait que surprendre le clergé de la chrétienté. Celui qui voulait participer à cette activité avait besoin d’un cœur courageux (Ps. 31:24). L’occasion fut donnée au peuple de Jéhovah de distribuer gratuitement 300 000 exemplaires d’une nouvelle brochure intitulée “La Bible et l’évolution”. Cet imprimé devait être remis aux gens qui venaient d’assister aux offices le dimanche. Des milliers de volontaires chrétiens répondirent de tout cœur à l’appel, si bien qu’un grand travail a été effectué aux États-Unis, au Canada et en Europe.

      Ce service de volontaires se poursuivit pendant des années, surtout le dimanche, et finit par inclure la distribution de tracts de maison en maison. Un nouveau tract sortit des presses au moins deux fois par an, de sorte que des millions d’imprimés furent remis aux “fidèles” des Églises. À partir de 1909, la Société Watch Tower publia une nouvelle série de tracts intitulés d’abord “La Tribune du Peuple” (puis “Le Journal pour Tous”, et enfin “L’Étudiant de la Bible”). Ces tracts mensuels démasquaient les erreurs religieuses, expliquaient les vérités de la Bible et attiraient l’attention des nations sur l’année importante de 1914. Des images et des caricatures ajoutaient à leur efficacité. En diffusant ces tracts, les serviteurs de Dieu étaient de plus en plus remarqués par le public, qui les connaissait sous le nom d’Étudiants de la Bible.

      Edith Brenisen écrit : “Chaque classe avait un capitaine qui organisait l’activité, et les participants étaient appelés Volontaires. (...) Ce service s’effectuait le dimanche matin. Nous attendions aux portes des églises, et à midi nous remettions des tracts aux personnes qui en sortaient. Puis nous attendions jusqu’à 13 heures, pour en remettre à celles qui étaient restées à l’école du dimanche. Pour ainsi dire tout le monde prenait un tract, mais certains le jetaient par terre et, naturellement, nous le ramassions aussitôt. Ces tracts disaient aux gens : ‘Sortez d’elle, mon peuple.’”

      Les frères passaient bien des soirées agréables à préparer les tracts en vue de leur diffusion. Margaret Duth se souvient de telles soirées où ses frères chrétiens venaient chez elle pour préparer ces imprimés. Elle écrit : “Nous mettions les rallonges à la table de la salle à manger, et pendant que certains séparaient les tracts, d’autres les pliaient et un troisième groupe les tamponnait pour indiquer l’adresse et l’heure du discours du dimanche après-midi.”

      Pour ce qui est de la distribution, selon Samuel Van Sipma, “pratiquement tous les Étudiants de la Bible ont participé à cette activité”. Il ajoute : “Bon nombre d’entre nous nous levions de bonne heure le dimanche matin [vers cinq heures] pour aller mettre les tracts sous les portes dans le territoire qui nous avait été attribué. En général, nous travaillions par groupe de deux ou de quatre. Bien entendu, on distribuait des tracts à d’autres moments. (...) Non sans raison, certains ont comparé ces tracts distribués de bonne heure le matin à des gouttelettes de rosée, et, en effet, il est certain que bien des personnes ont été rafraîchies par la lecture de ces pages contenant la vérité divine.”

      Même des enfants chrétiens prirent part à la diffusion des tracts. Grace Estep se souvient que ses deux frères aînés et elle “s’approchaient des portes sur la pointe des pieds de bonne heure le dimanche matin pour y glisser un tract”. Parfois, ils rencontraient de l’opposition. Sœur Estep poursuit en disant : “Il arrivait que la porte s’ouvre et soudain nous nous trouvions devant un adulte qui, pour nous, était un véritable géant crachant des invectives et nous chassant avec un balai, une canne ou simplement en nous menaçant du poing et en nous interdisant de revenir. (...) De temps à autre, cependant, quelqu’un acceptait le tract avec un sourire, et alors nous rentrions précipitamment à la maison pour le dire à nos parents.”

      Les tracts produisirent de bons résultats. Par exemple, Victor Blackwell relate ce qui suit : “Ce fut par un tract que la vérité du Royaume pénétra dans notre foyer. De tels tracts posèrent un fondement solide de vérités bibliques chez mon père, ma mère, les enfants et moi, sans parler de bien d’autres personnes qui acceptèrent le message du Royaume comme le gouvernement pour tous les hommes, message qui leur donnait la foi et l’espérance.”

      L’EMPLOI DE LA PRESSE

      George Hannan écrit : “Un autre aspect [de l’œuvre] qu’il ne faut pas sous-estimer était la parution des sermons du pasteur Russell dans les journaux.” Un service de presse international fut organisé pour diffuser les sermons de Russell. Même pendant ses voyages, celui-ci rédigeait chaque semaine le texte d’un nouveau sermon assez long pour remplir deux colonnes d’un journal. Il l’envoyait à ce service de presse, composé de quatre membres du bureau central de la Société. Ces frères télégraphiaient le sermon à des journaux aux États-Unis, au Canada et en Europe. La Société payait les frais de télégraphe, mais les journaux publiaient ces sermons gratuitement.

      Une publication ayant pour titre “Le Continent” écrivit au sujet de frère Russell : “On dit que ses écrits sont diffusés chaque semaine dans la presse plus que ceux de tout autre écrivain vivant, plus, sans doute, que l’ensemble des écrits de tous les prêtres et prédicateurs de l’Amérique du Nord, même plus que l’ensemble des articles d’Arthur Brisbane, de Norman Hapgood, de George Horace Lorimer, du Dr Frank Crane, de Frederick Haskins et d’une douzaine d’autres écrivains parmi les meilleurs chroniqueurs connus.” Mais ce qui importait n’était pas Russell lui-​même. Ce qui comptait, c’était la large diffusion de la bonne nouvelle. La Tour de Garde du 1er décembre 1916 déclarait : “À un moment donné, plus de 2 000 journaux, ayant un total de quinze millions de lecteurs, publiaient ses discours. En tout, plus de 4 000 journaux ont publié ses sermons.” Voilà donc un autre moyen utilisé pour répandre les vérités de la Bible.

      “L’ŒUVRE POUR LA FORMATION DE NOUVELLES ECCLÉSIAS”

      Les activités courageuses de ces serviteurs de Jéhovah connurent un nouvel élan en 1911, grâce à l’“œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias”, consistant en une campagne intense de discours publics. Quarante-huit ministres itinérants parcouraient des itinéraires différents comme orateurs publics. Les Étudiants de la Bible obtenaient le nom et l’adresse des personnes qui avaient manifesté de l’intérêt lors de ces réunions, et ils les visitaient chez elles dans l’intention de les rassembler pour créer de nouvelles congrégations. Les colporteurs aidaient à organiser de nombreuses ecclésias nouvelles. Ainsi, en 1914, il y avait dans le monde 1 200 congrégations qui fonctionnaient en collaboration avec la Société Watch Tower.

      Hazelle et Helen Krull écrivent : “Après avoir obtenu une salle pour le discours public, nous faisions publier des annonces dans le journal local et visitions les gens pour les inviter à la réunion. Nous installions à l’entrée de la salle un tableau noir où nous écrivions à la craie le titre de la conférence. Bon nombre de ces salles étaient éclairées avec des lampes à pétrole. Si les gens manifestaient de l’intérêt à la première réunion, nous en organisions d’autres. Nous nous faisions un devoir de saluer chaque personne dans le petit groupe d’assistants (en général il s’agissait effectivement d’un petit groupe), afin de les visiter chez eux et de cultiver l’intérêt qu’ils portaient au message.”

      VOYAGEONS AVEC LES PÈLERINS

      Dès 1894, vingt et un représentants de la Société Watch Tower furent envoyés pour tenir des réunions publiques et édifier spirituellement les congrégations d’Étudiants de la Bible. Ils suivaient un itinéraire fixé à l’avance, et à mesure que les congrégations augmentaient en nombre, d’autres pèlerins, comme on les appelait, furent envoyés. Les frères pèlerins servirent les intérêts du peuple de Dieu depuis le début des années 1890 jusque vers la fin des années 1920. Leur attitude ressemblait à celle de Paul, qui écrivit aux chrétiens de Rome : “J’ai en effet un vif désir de vous voir pour vous communiquer quelque don spirituel, afin que vous soyez affermis ; ou plutôt pour qu’il y ait parmi vous un échange d’encouragements, chacun se faisant encourager par la foi de l’autre, par la vôtre comme par la mienne.” — Rom. 1:11, 12.

      Tout comme les apôtres de Jésus Christ, les pèlerins itinérants avaient des caractères différents (Luc 9:54 ; Jean 20:24, 25 ; 21:7, 8). À ce sujet, Grant Suiter écrit : “Frère Thorn avait un caractère très doux. C’était un petit bonhomme qui portait un bouc taillé minutieusement. Du reste, tous les pèlerins avaient une mise impeccable. (...) Mais, ce qui était plus important encore, ils aidaient leurs auditeurs à développer une foi robuste en la Parole de Dieu.” Frère Harold Duncan se souvient que sa première rencontre avec frère Thorn “me fit une impression durable. Lorsqu’il parla au groupe, c’était comme un père qui donnait des conseils bienveillants à ses fils, à ses filles et à ses petits-enfants. On pensait aux patriarches des temps anciens”.

      Voici quelques souvenirs de Grace Estep : “Frère Hersee aimait beaucoup la musique. Dès que nous, les enfants, nous étions couchés, ma mère s’asseyait devant le piano, mon père prenait son violon et frère Hersee chantait les cantiques. (...) Parmi d’autres pèlerins que nous avons connus et aimés, comme frère [Clayton] Woodworth, frère Macmillan et d’autres dont la vie était un bel exemple d’endurance, il y avait frère Van Amburgh, pour lequel nous éprouvions une affection toute spéciale. Il était tellement plein de gentillesse et de tendresse envers ses frères ‘bien-aimés’ que j’ai souvent pensé qu’il devait ressembler à l’apôtre Jean.”

      Se rappelant les jours de sa jeunesse, lorsque des frères pèlerins étaient hébergés chez elle, Ethel Rohner déclare : “Ils s’intéressaient toujours aux jeunes, à ma sœur, à mon frère et à moi. Nous avons toujours apprécié leurs visites. En raison de mon jeune âge, j’étais quelque peu impressionnée par leur confiance tranquille et leur foi, par leur façon de tout accepter comme étant la volonté de Jéhovah. Ils ont vraiment donné aux jeunes un bel exemple de courage chrétien et de foi.”

      Sans aucun doute, nombre de pèlerins se sont fait aimer par leurs frères parce qu’ils étaient si “naturels”. Voici ce qu’a déclaré Mary Hinds : “Après nous avoir salués, le pèlerin interroge papa au sujet des réunions publiques et lui demande s’il a des questions à poser sur les articles de La Tour de Garde. Il demande comment l’œuvre progresse dans notre petite ville, s’il y a des personnes qui se sont intéressées au message depuis sa dernière visite, et il pose d’autres questions de ce genre. Puis il porte son attention sur nous, les enfants (nous sommes trois), avant de gagner sa chambre. ‘Comme il est gentil de nous parler comme ça !’ Nous sommes enchantés et nous sentons que nous allons apprécier chaque minute de son séjour, qui va durer un ou deux jours. Le frère en question pouvait être Benjamin Barton, qui me donna une carte postale en souvenir du congrès du Chatauqua Lake, tenu en 1910, et au verso de laquelle il avait collé sa photo. Ou bien ce pouvait être frère Bohnet, qui fabriqua pour mon frère un cerf-volant et l’aida à le faire voler. (...) Frère Macmillan aimait aller avec nous au champ de maïs pour choisir six épis pour son dîner.”

      Harold Woodworth avoue que “certains des pèlerins avaient des traits de caractère très particuliers et, bien entendu, il fallait en tenir compte, mais ils possédaient aussi des qualités admirables, des dons de l’esprit saint qui laissèrent une impression profonde et durable”. De son côté, sœur Earl Newell déclare : “Je n’oublierai jamais une remarque de frère Thorn, qui m’a aidée jusqu’à ce jour. Un jour il a dit : ‘Lorsqu’il m’arrive de me prendre trop au sérieux, je rentre en moi-​même et je me dis : “Eh toi, atome de poussière, as-​tu de quoi être si fier ?”’” En effet, c’est là un bon raisonnement, car “le résultat de l’humilité et de la crainte de Jéhovah, c’est la richesse, et la gloire, et la vie”. — Prov. 22:4.

      Ces pèlerins itinérants devaient parfois voyager “à la dure”. À propos des déplacements d’Edward, son mari, qui avait rempli cette fonction, Edith Brenisen a écrit : “Pour atteindre certains endroits très à l’écart, il devait souvent voyager par chemin de fer, diligence, véhicules hippomobiles de toutes sortes et à cheval. Certains de ses déplacements étaient fertiles en péripéties. (...) Une famille qu’il devait visiter habitait près de Klamath Falls, dans l’Oregon. Il a dû d’abord prendre le train, puis voyager de nuit dans une diligence jusqu’à une petite ville. Le lendemain, un frère est venu le chercher dans un ‘buckboard’. (Il s’agit d’un véhicule à deux places, composé d’une simple planche montée sans ressorts sur quatre roues. Si quelqu’un ne souffrait pas du dos avant de monter sur ce véritable tapecul, il était sûr d’en souffrir après !) Au bout d’un long trajet dans les montagnes, le frère arriva à sa ferme, bâtie à côté d’un ruisseau dans une vallée verdoyante.”

      Comment une telle visite se déroulait-​elle ? Sœur Brenisen ajoute : “Bientôt la cour de la ferme fut remplie de véhicules à cheval de toutes sortes, que les frères avaient utilisés pour venir écouter le pèlerin. La réunion commença à quinze heures par un discours de deux heures, après quoi les assistants furent invités à poser des questions, et ils en avaient de nombreuses. Puis il y eut une pause qui permit à tout le monde de prendre le souper que les sœurs avaient préparé, ensuite il y eut un autre discours de deux heures, suivi d’autres questions.” Cette nuit-​là les sœurs dormirent dans la maison, et les frères sur du foin dans la grange. Une chambre avait été réservée pour le pèlerin, mais frère Brenisen préféra dormir avec les autres frères dans la grange. Sœur Brenisen poursuit en disant : “Le lendemain matin, après un petit déjeuner copieux, le frère sella trois chevaux, un pour les bagages, un pour le pèlerin et un pour lui-​même. Ils durent parcourir presque cent kilomètres à travers les montagnes jusqu’à la gare la plus proche où mon mari devait prendre le train pour visiter la congrégation suivante. Quelque temps après, Edward reçut une lettre de la sœur, lui disant qu’après son départ elle était allée à la grange chercher l’oreiller sur lequel il avait dormi. L’oreiller était toujours là, portant l’impression de la tête du frère, mais lorsqu’elle le ramassa, elle découvrit un grand serpent à sonnette. Apparemment, ce reptile venimeux avait apprécié la chaleur de sa tête ! Il manifesta son indignation lorsqu’il fut dérangé. Qui rien ne sait, de rien ne doute !”

      En quoi consistaient les discours des pèlerins ? À propos de ceux de frère Toutjian, frère Ray Bopp écrit : “Ce frère était un bon enseignant. Il enseignait grâce à des illustrations. (...) À l’aide d’une maquette du tabernacle posée sur la table, (...) il expliquait le Saint, le Très-Saint, la cour avec l’autel de l’holocauste et la cuve, entourée d’une clôture de toile et de petites barres métalliques hautes d’environ dix centimètres. [À mesure que frère Toutjian] décrivait la cérémonie et sa signification prophétique sur la base du livre Les figures du Tabernacle, (...) il déplaçait sur la maquette les figurines des prêtres portant leurs vêtements sacerdotaux, selon les fonctions qu’ils accomplissaient.”

      Mary Hinds écrivit de son côté : “Le pèlerin donnait toujours un discours public, et souvent il s’agissait d’une explication de la Carte des âges, à propos des ‘dispensations’ et des ‘âges’ indiqués sur ce tableau. Au moins l’un d’eux, frère Herr, faisait un discours à l’aide de projections. Avec des images fixes, il faisait revivre la petite Ruth, en expliquant la résurrection. Oui, ces frères faisaient sur nous des impressions durables. À cette époque-​là, ils étaient le maillon entre le siège de l’organisation croissante et les abonnés à La Tour de Garde ou les ‘ecclésias’ en voie de formation.” Sœur Ollie Stapleton a exprimé ainsi ses sentiments à cet égard : “Ces visites étaient des occasions où nous étions édifiés et instruits spirituellement, et aidés à collaborer plus étroitement avec l’organisation de Jéhovah.”

      EXPANSION ALORS QUE LES TEMPS DES GENTILS S’APPROCHENT DE LEUR FIN

      À mesure que progressait la première décennie du vingtième siècle, les Étudiants de la Bible étaient conscients que le temps se faisait court pour les nations. Depuis longtemps, le peuple de Dieu considérait que l’année 1914 marquerait la fin des 2 520 ans des temps des Gentils (Luc 21:24, Crampon 1905). Dans quelques courtes années, cette date devait arriver, et frère Russell envisagea une campagne à l’échelle mondiale en témoignage aux nations. Or, pour organiser une telle œuvre internationale, la Maison de la Bible à Allegheny était bien trop petite.

      Aussi, en 1908, la Société Watch Tower envoya-​t-​elle à New York plusieurs de ses représentants, y compris Joseph Rutherford (qui était devenu son conseiller juridique), pour acquérir des locaux plus spacieux que Russell avait repérés précédemment. Ils achetèrent l’ancien “Béthel de Plymouth” situé au 13-17 Hicks Street, Brooklyn, New York. Il s’agissait d’une mission bâtie en 1868 et rattachée à l’église congrégationaliste de Plymouth, où Henry Ward Beecher avait été pasteur. Les représentants de la Société acquirent également l’ancien presbytère de Beecher, une maison de trois étages bâtie en grès et située quelques pâtés de maisons plus loin, au 124 Columbia Heights.

      L’ancien presbytère de Beecher devint bientôt le nouveau foyer des trente et quelques personnes composant le personnel du siège de la Société. Cette maison fut baptisée “Béthel”, mot qui signifie “maison de Dieu”. Quant au bâtiment de Hicks Street, il fut transformé et reçut le nom de “Tabernacle de Brooklyn”. Les bureaux de la Société y furent installés, et il y avait également une grande salle de réunion. Le 31 janvier 1909, 350 personnes assistèrent à l’inauguration de ce nouveau siège de la Société.

      Au Béthel, il y avait le bureau de Russell et, au sous-sol, une salle à manger contenant une table tout en longueur où pouvaient prendre place quarante-quatre personnes. Avant le petit déjeuner, la famille se réunissait ici pour chanter un cantique, lire le “Vœu” et faire une prière. Au début du repas, on lisait un texte biblique tiré de La manne céleste quotidienne pour la maison de la foi, et ce passage fournissait le sujet de la conversation pendant le petit déjeuner.

      Aimeriez-​vous connaître les termes du vœu que le personnel devait se rappeler chaque jour ? Ce “vœu solennel que je fais à Dieu” était ainsi conçu :

      “Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié ! Que ton règne vienne dans mon cœur de plus en plus, et que ta volonté se fasse dans mon corps mortel ! Comptant sur l’aide de la grâce promise pour m’aider chaque fois que j’en aurai besoin, au nom de Jésus Christ notre Seigneur, je fais ce Vœu :

      “Tous les jours, devant ton trône de grâce céleste, je me souviendrai des intérêts généraux de l’œuvre de la moisson, et particulièrement de la part que j’ai le privilège d’accomplir, et de mes chers collaborateurs au Béthel de Brooklyn et partout.

      “Je fais le vœu d’examiner plus attentivement encore si possible mes pensées, mes paroles et mes actes, afin que je puisse mieux te servir, toi et ton cher troupeau.

      “Je te fais le vœu que je resterai vigilant pour résister à tout ce qui ressemble au Spiritisme et à l’Occultisme, et que, me rappelant qu’il n’y a que deux maîtres, je résisterai à ces pièges de l’Adversaire de toutes les manières possibles et raisonnables.

      “En outre, je fais le vœu que, sauf les exceptions mentionnées ci-dessous, en tout temps et en tous lieux, dans mes rapports avec l’autre sexe je me conduirai en privé comme je le ferais en public en présence de la congrégation du peuple du Seigneur, et qu’autant que possible et raisonnable, j’éviterai de me trouver seul dans la même pièce qu’un membre de l’autre sexe, à moins que la porte ne soit grande ouverte. (Exceptions pour un frère : sa femme, ses enfants, sa mère et ses sœurs. Exceptions pour une sœur : son mari, ses enfants, son père et ses frères.)”

      Plus tard, la récitation de ce vœu fut abandonnée par le peuple de Dieu au Béthel et ailleurs. Néanmoins, les principes élevés qui y sont exprimés sont toujours valables.

      À trois pâtés de maisons du Béthel se trouvait le Tabernacle de Brooklyn, édifice curieux bâti en brique rouge et comportant un étage sur rez-de-chaussée et un sous-sol. Dans ce bâtiment, il y avait les bureaux de la Société, une salle de composition, où l’on composait le texte de La Tour de Garde, un entrepôt de publications et un service d’expédition. Au premier étage se trouvait une salle de 800 places, où frère Russell prononçait régulièrement des discours.

      Pendant un certain temps, le personnel du siège de la Société habitait au 124 Columbia Heights. Par la suite, l’immeuble à côté, au 122 Columbia Heights, fut acheté afin d’agrandir le Béthel. En 1911, une annexe de huit étages fut ajoutée derrière le Béthel, donnant sur la rue Furman, en contrebas. Entre autres, cette annexe contenait de nombreuses chambres et une nouvelle salle à manger. Auparavant, en 1909, pour pouvoir devenir propriétaires de ces biens immobiliers, les serviteurs de Jéhovah constituèrent l’Association de la Tribune du peuple, connue aujourd’hui sous le nom de Watchtower Bible and Tract Society of New York, Incorporated. Toutes les associations constituées par le peuple de Dieu dans différents pays collaborent ensemble sous la direction du collège central des témoins de Jéhovah.

      “PARMI LES FOULES RASSEMBLÉES JE BÉNIRAI JÉHOVAH”

      Tout comme les serviteurs de Dieu des temps passés, les Étudiants de la Bible tenaient régulièrement des congrès et d’autres rassemblements publics afin de ‘bénir Jéhovah parmi les foules rassemblées’. (Ps. 26:12.) Comment se déroulaient ces assemblées ? Voici un témoignage :

      “Même ici, au dernier balcon de l’Opéra de Chicago, il n’y a plus une seule place de libre. Quand je regarde la scène, six étages plus bas, je me demande si j’aurai besoin de tendre l’oreille pour comprendre. Après les paroles d’introduction du président, Charles Russell se lève, place l’index de sa main gauche dans la paume de sa main droite et commence à parler sur un ton tout à fait naturel. Il n’y a pas de pupitre, et il ne consulte aucune note. Il se déplace librement sur l’estrade. Chaque mot s’entend distinctement, tandis qu’il décrit la fin prophétique des temps des Gentils et l’établissement de l’Âge millénaire.”

      C’est là un souvenir de frère Ray Bopp. Ce n’est qu’un exemple. Il aurait pu s’agir du Royal Albert Hall à Londres, où Russell parla devant des assistances nombreuses en mai 1910. Ou bien, cela aurait pu être le célèbre Théâtre Hippodrome de New York, où, le dimanche 9 octobre 1910, Russell parla devant un grand auditoire composé de Juifs. Au sujet de ce discours, le New York American du 10 octobre 1910 écrivit entre autres : “Hier après-midi à l’Hippodrome, on a pu voir le spectacle insolite de 4 000 Hébreux en train d’applaudir avec enthousiasme un prédicateur non juif à la fin d’un sermon sur leur religion. En effet, le pasteur Russell, célèbre chef du Tabernacle de Brooklyn, a conduit un service peu ordinaire.” Des dizaines de rabbins et d’enseignants étaient présents. Ce journal ajouta : “Il n’y avait pas de préliminaires. Le pasteur Russell, homme grand, droit, à la barbe blanche, a traversé l’estrade sans aucune parole d’introduction et, à un signe de sa main, les deux quatuors du Tabernacle de Brooklyn ont commencé à chanter le cantique ‘Jour heureux de Sion’.” D’après ce rapport, l’auditoire finit par ‘se dégeler’, puis par applaudir, enfin par écouter avec enthousiasme. Son discours achevé, Russell fit de nouveau signe au groupe de chanteurs, qui entonna “la mélodie curieuse et exotique du cantique de Sion intitulé ‘Notre espérance’, l’un des chefs-d’œuvre du poète excentrique Imber”. Quel en fut l’effet ? L’article poursuit en disant : “Le spectacle sans précédent de chrétiens en train de chanter l’hymne des Juifs a produit un effet extraordinaire de surprise. Pendant quelques instants, les auditeurs hébreux n’en croyaient pas leurs oreilles. Puis, lorsqu’ils ont compris que c’était bel et bien leur hymne, ils se sont mis à applaudir à tout rompre, couvrant momentanément la musique, et à la deuxième strophe, des centaines d’entre eux ont commencé à chanter. Au paroxysme de l’enthousiasme suscité par l’effet de surprise qu’il avait ménagé, le pasteur Russell a quitté la scène, et la réunion s’est clôturée à la fin de l’hymne.”

      Les temps ont changé, et il en est de même de l’intelligence des prophéties bibliques que les chrétiens pensaient alors pouvoir appliquer aux Juifs charnels. Grâce à une lumière accrue venant de Dieu, son peuple a compris que ces prophéties annoncent les bienfaits que doit recevoir l’Israël spirituel, l’“Israël de Dieu”, les disciples oints de Jésus Christ (Rom. 9:6-8, 30-33 ; 11:17-32 ; Gal. 6:16). Mais notre narration concerne le début du vingtième siècle et nous tenons compte des croyances de ce temps-​là.

      Puisque frère Russell était si connu et parlait devant des auditoires si importants, vous seriez peut-être curieux de connaître l’impression qu’il produisait sur ses auditeurs. C. Tvedt en parle en ces termes : “Quelle différence avec le prédicateur moyen ! Aucun effet oratoire ! Nul appel aux émotions ! Il possédait quelque chose de bien plus puissant que tous ces artifices. Il s’agit de l’explication simple, tranquille et confiante de la Parole de Dieu, en permettant à un passage d’en éclairer un autre, le tout étant lié comme par un aimant. Voilà comment frère Russell captait l’attention de ses auditeurs.” Ralph Leffler dit qu’avant de commencer son discours frère Russell s’inclinait plusieurs fois devant l’auditoire. Quand il parlait, en règle générale il se tenait sur l’estrade sans pupitre, en se déplaçant et en faisant des gestes. Frère Leffler écrit : “Il ne se servait jamais de notes (...) ; il improvisait toujours et parlait du fond du cœur. Sa voix, qui n’était pourtant pas puissante, portait d’une manière extraordinaire sans aucun moyen de sonorisation (il n’en existait pas à cette époque-​là). Il se faisait entendre et comprendre par des auditoires immenses, tenant ses auditeurs sous le charme pendant une, deux et parfois trois heures d’affilée.”

      Cependant, l’homme importait peu. Ce qui comptait, c’était le message, la vérité de la Bible annoncée aux multitudes. À cette époque-​là, de nombreux chrétiens capables annonçaient la bonne nouvelle, et certaines personnes les écoutaient avec reconnaissance. Comme il fallait s’y attendre, les serviteurs de Jéhovah avaient de nombreux adversaires qui cherchaient parfois à faire prévaloir leurs idées contraires à la Bible par le moyen de débats publics contradictoires.

      Dans un effort pour discréditer les explications bibliques de Russell, le 10 mars 1903, l’Alliance des pasteurs de Pittsburgh envoya le Dr Eaton, ministre de l’église épiscopalienne de North Avenue, pour qu’il défie Russell de le rencontrer dans une série de débats qui devait durer six jours. Cette confrontation eut lieu l’automne suivant, dans la Salle Carnegie, à Allegheny. Dans l’ensemble, Russell sortit victorieux de ces débats. Entre autres, il prouva à l’aide des Écritures que les âmes des morts sont inconscientes et que leurs corps sont dans la tombe, et que le but du second avènement du Christ et du millénium est de bénir toutes les familles de la terre. Russell a également nié énergiquement, Bible à l’appui, la doctrine des supplices de l’enfer. On a relaté qu’après le dernier débat, un ecclésiastique vint voir Russell et lui dit : “Je suis content de vous voir arroser l’enfer pour en éteindre les flammes.” Il est intéressant de noter qu’après ce débat, de nombreux membres de la congrégation d’Eaton devinrent Étudiants de la Bible.

      Un autre débat important eut lieu du 23 au 28 février 1908, à Cincinnati. Russell y rencontra un nommé White, représentant les Disciples du Christ. Au cours de ce débat, qui eut lieu devant des milliers de personnes, Russell défendit courageusement ce qu’enseignent les Écritures au sujet de l’état d’inconscience de l’âme depuis la mort jusqu’à la résurrection, du second avènement du Christ comme devant précéder le millénium, et du but de sa présence et de son règne, qui est de bénir toutes les familles de la terre. Les sœurs Hazelle et Helen Krull assistèrent à ce débat. Elles relatent les faits suivants : “La beauté et l’harmonie de la vérité et les bons arguments bibliques présentés pour chaque sujet du débat faisaient contraste avec la confusion des enseignements humains. À un moment donné, White, qui défendait le point de vue opposé, déclara en désespoir de cause qu’il se souvenait d’une enseigne de forgeron qui disait : ‘Ici on forge n’importe quoi.’ Mais les gens honnêtes qui cherchaient la vérité constataient que Russell ‘maniait bien la parole de la vérité’ [II Tim. 2:15], et qu’il en résultait une grande harmonie.” Les sœurs Krull affirment que Jéhovah bénit frère Russell en lui accordant son esprit, pour lui permettre de présenter habilement la vérité. D’après elles, il s’agissait du “triomphe de la vérité sur l’erreur”.

      En sa qualité de représentant de la Société Watch Tower, frère Rutherford accepta un débat avec le baptiste Troy. Cette série de réunions se tint pendant quatre soirées en avril 1915, dans la Salle Trinity de Los Angeles, devant un auditoire de 12 000 personnes (environ 10 000 personnes avaient été renvoyées faute de place). Rutherford défendit courageusement la vérité de la Bible et remporta la victoire.

      Au cours des douze années qui suivirent les débats entre Eaton et Russell, d’autres adversaires des serviteurs de Dieu voulurent engager des débats avec eux, mais le plus souvent, peut-être par peur, au dernier moment ils se désistèrent. Personnellement, Russell n’aimait pas les débats, car il était conscient que les vrais chrétiens se trouvaient désavantagés. Dans La Tour de Garde, édition anglaise du 1er mai 1915, il expliqua, entre autres choses, que ‘ceux qui sont de la vérité sont liés par la Règle d’or, et leurs arguments doivent être absolument loyaux, tandis que leurs adversaires semblent ne s’imposer aucune restriction’. Il ajouta : “N’importe quel argument, peu importe le contexte et au mépris de la Règle d’or et de toutes les autres règles, est considéré comme permis. (...) Quant au rédacteur de ce journal, il n’éprouve aucun désir de s’engager dans d’autres débats. Il n’approuve pas les réunions contradictoires, car il est persuadé qu’elles accomplissent rarement du bien et que souvent elles suscitent la colère, la malveillance, l’amertume, etc., chez les orateurs et chez les auditeurs. Il préfère présenter le message de la Parole du Seigneur à ceux qui désirent l’entendre, sous forme de discours et d’imprimés, laissant à ses adversaires le soin de présenter l’erreur comme ils le peuvent et comme ils le jugent bon. — Hébreux 4:12.”

      Les discours fournissaient une meilleure occasion de présenter les vérités de la Bible, et frère Russell parla souvent devant des auditoires importants. De 1905 à 1907, il voyagea dans tous les États-Unis et le Canada par train ou wagon spécial, pour tenir une série de congrès d’un jour. Son discours public avait pour titre “Voyage en enfer et retour”. Cette conférence, prononcée devant des salles combles dans presque toutes les grandes villes des deux pays, consistait en un voyage imaginaire et humoristique jusqu’en enfer et retour. Louise Cosby se souvient que Russell accepta de faire ce discours à Lynchburg, en Virginie, et elle relate : “Mon père fit faire de grandes affiches annonçant cette conférence et il reçut l’autorisation de les coller sur le devant des tramways. C’était vraiment amusant, car les passagers demandaient : ‘Si ce tramway nous transporte en enfer, est-​il sûr qu’il nous en ramène ?’”

      Frère Russell prononça des discours bibliques également lors de ses voyages à l’étranger. En 1903, il avait visité pour la deuxième fois l’Europe, où il s’était adressé à des auditoires dans plusieurs villes. Puis, de décembre 1911 à mars 1912, il fit le tour du monde à la tête d’un comité de sept hommes dont le but était d’étudier les missions étrangères de la chrétienté. Le groupe visita les îles Hawaii, le Japon, la Chine, le sud de l’Asie, l’Afrique et l’Europe, avant de rentrer à New York. De nombreux discours furent prononcés, semant des graines de vérité, lesquelles, avec le temps, amenèrent de nouveaux groupes de chrétiens oints à une activité féconde jusqu’aux confins de la terre. Outre ce tour du monde, Russell voyageait régulièrement en Europe ainsi qu’en Amérique du Nord, où il se déplaçait par trains spéciaux, accompagné par de nombreux collaborateurs.

      À BORD D’UN “TRAIN DES CONGRESSISTES”

      Avec le temps, Russell était de plus en plus sollicité pour présenter des conférences. Pour s’acquitter de ses engagements d’orateur, dans le passé il s’était fait accompagner par un petit groupe de personnes qui voyageait en train avec lui dans un wagon spécial appelé “voiture des congressistes”. Mais par la suite, à mesure que le groupe qui l’accompagnait grandissait, jusqu’à compter 240 personnes, il fallait prévoir plusieurs wagons spéciaux formant un “train des congressistes”. Ce train amenait le groupe d’une ville à l’autre, selon un itinéraire établi d’avance. Dès leur arrivée dans une ville, les compagnons de Russell annonçaient son discours en distribuant des invitations. Lors de la réunion, ils accueillaient les personnes qui étaient venues, en relevant le nom et l’adresse de celles qui s’intéressaient au message. Ensuite, dans la mesure du possible, ils rendaient visite à ces personnes en vue de former une nouvelle congrégation. Ces “trains des congressistes” visitaient assez souvent les grandes villes des États-Unis et du Canada.

      Montons à bord d’un “train des congressistes” avec un joyeux groupe de nos frères chrétiens. En juin 1913, un train spécial fut réservé pour plus de 200 Étudiants de la Bible qui devaient accompagner frère Russell dans un voyage l’amenant de Chicago au Texas, en Californie, au Canada, puis à Madison, dans le Wisconsin, avec un détour à Rockford, dans l’Illinois. Voici le récit de sœur Malinda Keefer : “Notre train devait quitter la gare Dearborn le 2 juin à midi. Ce jour-​là, les frères commencèrent à arriver vers dix heures, et nous étions tous heureux et émus, car nous rencontrions de vieux amis que nous n’avions pas vus depuis longtemps, et nous faisions connaissance avec d’autres. En peu de temps nous formions une grande famille (...) et pendant un mois le train allait être notre foyer.”

      Enfin arriva l’heure du départ. Sœur Keefer poursuit son récit : “Pendant que le train quittait la gare au début de son voyage de quelque 12 800 kilomètres, les frères qui étaient venus nous dire au revoir chantaient les cantiques ‘Béni soit le lien qui unit’ et ‘Que Dieu soit avec vous en attendant votre retour !’, tout en agitant leur chapeau ou leur mouchoir jusqu’à ce qu’ils nous aient perdus de vue. Notre voyage mémorable avait commencé. Quelques frères sont montés à bord à Saint Louis et dans quelques autres villes, si bien que nous étions finalement deux cent quarante. Frère Russell s’est joint à nous à Hot Springs, où un congrès de huit jours avait commencé.”

      Poursuivant le récit de ce voyage si édifiant spirituellement, sœur Keefer écrit : “Dans chaque ville où nous nous arrêtions, il y avait un congrès, qui, en général, durait trois jours. Nous restions un jour à chaque congrès. Ce jour-​là, frère Russell donnait deux discours, l’un qu’il prononçait l’après-midi à l’intention des frères, et le soir, un discours public intitulé ‘Au-delà de la tombe’.” Exprimant l’impression que ce voyage lui laissa, sœur Keefer conclut en ces termes : “Je ne puis trouver les mots pour dire combien j’ai apprécié la compagnie des frères tout au long du voyage, ainsi que les discours et les conseils spirituellement édifiants que je reçus. Je suis reconnaissante à Jéhovah d’avoir pu jouir de ce privilège.”

      À ces premiers congrès du peuple de Dieu, les choses se passaient autrement qu’aujourd’hui. Par exemple, il y avait l’“agape”. De quoi s’agissait-​il ? Se rappelant cette partie des premières assemblées, J. Ashelman écrit : “Certaines pratiques superflues ont été abandonnées ; pourtant, elles semblaient être une bénédiction à cette époque-​là. Par exemple, les orateurs se mettaient en ligne devant l’estrade, chacun tenant une assiette remplie de petits morceaux de pain, et les auditeurs défilaient devant eux pour leur serrer la main et prendre un morceau de pain, tout en chantant le cantique ‘Béni soit le lien qui unit nos cœurs dans l’amour chrétien’.” Voilà en quoi consistait l’“agape”. C’était un moment émouvant. Sœur Edith Brenisen déclare de son côté : “L’amour pour nos frères remplissait notre cœur et débordait, si bien que souvent nous pleurions de joie. Nous n’avions pas honte de nos larmes et nous ne faisions rien pour les retenir.”

      Les premiers chrétiens tenaient parfois des “agapes” ou “banquets d’amour”, mais la Bible n’en fournit aucune description (Jude 12). Certains pensent qu’il s’agissait de banquets auxquels les chrétiens matériellement prospères invitaient leurs frères dans la foi moins fortunés. Mais quelle que fût la nature de ces “agapes”, les Écritures n’en font pas une pratique obligatoire, de sorte que les vrais chrétiens ne les tiennent pas aujourd’hui.

      UNE NOUVELLE MÉTHODE POUR ANNONCER LA BONNE NOUVELLE

      Les Étudiants de la Bible étaient pleinement conscients de cette prophétie de Jésus Christ : “Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin.” (Mat. 24:14, Segond). Ainsi, à mesure que s’approchait l’année importante de 1914, le peuple de Dieu entreprit une campagne intense à l’échelle mondiale, une œuvre d’instruction et d’avertissement sans précédent. Il employa une méthode nouvelle et courageuse pour annoncer la bonne nouvelle.

      Imaginons que nous sommes en 1914, assis parmi ces centaines de personnes dans une salle plongée dans l’obscurité. Devant, il y a un grand écran. À notre grande surprise, un homme aux cheveux blancs, en jaquette, apparaît sur l’écran et, sans consulter aucune note, se met à parler. Bien sûr, nous avons vu d’autres films. Mais celui-ci est différent. L’écran n’est pas muet, car l’homme parle et nous l’entendons bien. Il s’agit d’une projection spéciale, aussi bien du point de vue technique qu’en ce qui concerne le message annoncé. Nous sommes très impressionnés. Quel est cet homme ? C’est Charles Russell. Et quel est le nom du film ? C’est le “Photo-Drame de la Création”.

      Russell avait compris que les projections animées seraient un moyen excellent pour atteindre des foules de gens. Aussi, en 1912, commença-​t-​il à préparer le Photo-Drame de la Création. Une fois achevée, cette œuvre comportait huit heures de projections fixes et animées, en couleur et sonorisées. Présenté en quatre séances, le Photo-Drame transportait les spectateurs au temps de la création, puis à travers toute l’histoire humaine jusqu’au point culminant des desseins de Dieu à l’égard de la terre et de ses habitants, à la fin du règne millénaire de Jésus Christ. Les projections fixes et animées étaient synchronisées avec des disques sur lesquels étaient enregistrés des discours et de la musique. Des expériences avaient déjà été faites pour produire des films en couleur et sonorisés, mais il fallut attendre des années avant qu’ils puissent être exploités commercialement avec succès. En effet, ce ne fut qu’en 1922 qu’un long métrage en couleur fut projeté, et les clients des cinémas durent attendre 1927 avant de voir un film commercial accompagné de la parole et de la musique. Pourtant, le Photo-Drame de la Création était non seulement en couleur, mais comportait et la parole et de la musique. Il était très en avance sur son époque, et des millions de personnes l’ont vu, et cela gratuitement !

      La production du Photo-Drame de la Création a coûté à la Société quelque 300 000 dollars, — une fortune à l’époque. À propos des efforts que sa production a exigés, Russell écrivit : “Dans sa bonté, Dieu nous a voilé les yeux quant à la somme de travail qu’exigerait le DRAME. Si nous avions pu prévoir combien de temps, d’argent et de patience sa mise en chantier allait nous coûter, nous ne l’aurions jamais entrepris. Or, nous ne savions pas non plus d’avance quel grand succès serait réservé au DRAME.” De beaux enregistrements de musique et quatre-vingt-seize disques reproduisant des discours furent préparés. De belles images d’art illustrant l’histoire du monde furent utilisées, mais il fallait en outre faire à la main des centaines d’autres images et croquis peints sur verre. Tous ces verres et films durent être coloriés à la main, ce travail ayant été assuré en partie par le service artistique de la Société. Et n’oubliez pas que tout ce travail devait être répété à maintes reprises, puisque au moins vingt séries complètes en quatre parties furent préparées, de façon à pouvoir projeter une partie du Drame dans quatre-vingts villes le même jour.

      Mais comment se déroulait la projection du Photo-Drame de la Création ? Alice Hoffman écrit à ce sujet : “Le Drame commença par un film montrant frère Russell. Au moment où il apparut sur l’écran et que ses lèvres se mirent à bouger, un phonographe fit entendre sa voix, que nous écoutions avec plaisir.”

      Parmi les scènes inoubliables du Photo-Drame, citons l’épanouissement d’une fleur et l’éclosion d’un œuf de poule. Ces exemples de prises de vues à l’accéléré ne manquèrent pas d’impressionner les spectateurs. Karl Klein ajoute : “Les images étaient accompagnées de beaux morceaux de musique, tels que la célèbre Humoresque.”

      Les spectateurs en ont gardé bien d’autres souvenirs. Martha Meredith évoque le souvenir suivant : “À présent, je vois Noé et sa famille entrer dans l’arche, accompagnés des animaux. Maintenant, c’est l’image d’Abraham et d’Isaac avançant vers le mont Morija, où Abraham va offrir son fils en sacrifice. Quand je vois Abraham étendre son fils sur l’autel, ce fils qu’il aime tant, je ne puis retenir mes larmes. On comprend pourquoi Jéhovah appela Abraham son ami. (...) Il savait qu’Abraham obéirait à sa voix en tout temps.” — Jacq. 2:23.

      Outre le Photo-Drame de la Création, il y avait deux séries de conférences qui portaient le nom d’“Eurêka-Drame”. L’une comportait quatre-vingt-seize disques reproduisant des discours et de la musique, l’autre réunissait les disques et la projection d’images fixes. Même sans films, l’Eurêka-Drame remporta un grand succès dans les régions moins peuplées.

      En 1914, le Photo-Drame de la Création fut présenté gratuitement un peu partout aux États-Unis. Cela entraîna des dépenses considérables aussi bien pour la Société que pour les Étudiants de la Bible de chaque ville, qui couvrirent les frais de location des salles. De ce fait, au bout d’un certain temps, il n’était plus possible de montrer le Photo-Drame à de grands auditoires. Mais il avait accompli une œuvre remarquable, en faisant connaître la Parole et les desseins de Dieu à bien des gens.

      Par exemple, une personne écrivit ce qui suit à frère Russell : “Ma femme et moi remercions sincèrement notre Père céleste de la bénédiction inestimable qu’il nous a procurée par votre moyen. Car c’est grâce à votre beau Photo-Drame que nous avons compris et accepté la vérité.” De son côté, sœur Lily Parnell écrit : “Cette présentation visuelle des desseins de Jéhovah envers les hommes éveilla l’intérêt de bien des gens réfléchis, si bien que la congrégation [de Greenfield, dans le Massachusetts] connut de l’accroissement. En effet, ces images rendirent la Bible vivante et prouvèrent aux personnes raisonnables que notre Dieu a pris des dispositions précieuses en vue du salut de ceux qui acceptent d’en bénéficier.”

      Non sans raison, Demetrius Papageorge, qui a été longtemps membre du personnel du siège de la Société, a déclaré : “Quand on se souvient du petit nombre d’Étudiants de la Bible et des finances relativement limitées dont ils disposaient, il faut reconnaître que le Photo-Drame était un véritable chef-d’œuvre. Incontestablement, il a joui du soutien de l’esprit de Jéhovah !”

      DES COLPORTEURS “ENFLAMMÉS DE L’ESPRIT”

      Pendant de nombreuses années avant 1914, des colporteurs chrétiens zélés, — des hommes et des femmes “enflammés de l’esprit”, — répandaient partout la bonne nouvelle (Rom. 12:11). Le service de colporteur commença en 1881, lorsque La Tour de Garde de Sion publia l’article intitulé “Recherchons 1 000 prédicateurs”. À ceux qui n’avaient personne à charge et qui pouvaient consacrer la moitié de leur temps ou davantage à l’œuvre du Seigneur, la suggestion a été faite d’aller dans les villes, grandes et petites, comme colporteurs ou évangélistes. Dans quel but ? La Tour de Garde leur disait : “[Recherchez] en tous lieux les chrétiens sincères. (...) Cherchez à leur faire connaître les richesses de la grâce de Notre Père et les beautés de sa Parole.” Ces colporteurs devaient diffuser des imprimés bibliques, et l’argent qu’ils recevaient en échange des publications et pour les abonnements à La Tour de Garde servait à couvrir leurs frais.

      La Tour de Garde de Sion de mai 1887 contenait d’excellentes suggestions sur ce que les colporteurs pouvaient dire aux portes. Ce numéro disait aussi : “Ayez un grand cœur rempli d’amour pour Dieu et pour ceux que vous désirez conduire vers la lumière ; soyez remplis de foi en Dieu et en ses promesses, et d’espérance, confiants qu’il plaira à Dieu de vous utiliser à sa gloire, dès maintenant et dans l’avenir.”

      Puisqu’ils ont travaillé dur dans le service de Jéhovah, les colporteurs ont laissé leur marque sur toutes les villes et tous les villages qu’ils ont visités. Vers la fin des années 1890, un rédacteur d’un journal religieux (The Gospel Messenger) écrivit : “Dans la ville de Birmingham [Alabama], il y a plusieurs personnes qui se disent ‘chrétiens non sectaires’. (...) Elles sont allées de maison en maison pour vendre les volumes de l’AURORE DU MILLÉNIUM et pour diffuser d’autres imprimés. Elles parlent de leur religion à chaque occasion, et elles prêchent le dimanche. Elles se disent ‘colporteurs’. Elles ont placé plus de deux mille exemplaires de leurs livres dans notre ville. (...) Or, pourquoi ne pouvons-​nous pas diffuser nos imprimés et nos doctrines bibliques, telles que nous les comprenons, de la même façon ? Je crains qu’en fait nos méthodes ne soient dans un état de stagnation et que Dieu ne soit en train de nous dire indirectement que si nous n’allons pas de l’avant, nous nous trouverons relégués au second plan.”

      Se souvenant des colporteurs, Henry Farnick écrit : “Oui, à cette époque-​là, les villes et les territoires ruraux étaient visités par des colporteurs. Parfois, ils troquaient les livres contre des produits laitiers, des poulets, du savon, etc., marchandises qu’ils gardaient ou vendaient à d’autres personnes. Dans les régions peu habitées, il leur arrivait de passer la nuit chez des cultivateurs, des éleveurs de bétail ou même dans une grange. (...) Ces fidèles chrétiens persévérèrent pendant des années, jusqu’à ce que l’âge les oblige à s’arrêter.”

      Au cours des années, Jéhovah pourvut aux besoins des fidèles colporteurs. Il ne leur manquait donc rien d’indispensable (Ps. 23:1). À ce sujet, frère Clarence Huzzey a déclaré : “Nous avons vécu frugalement avec les contributions que nous avons reçues en plaçant les imprimés. Il nous fallait la foi en Jéhovah et en son amour, et je dois dire honnêtement que pendant les nombreuses années que nous avons passées dans le ministère à plein temps, nous n’avons jamais eu faim et nous avons toujours eu le gîte et de quoi nous vêtir (Ps. 37:25). Jéhovah pourvut merveilleusement à nos besoins !”

      Le coût de la vie n’était pas très élevé à cette époque-​là, mais néanmoins les colporteurs ne pouvaient se permettre d’être dépensiers. Par exemple, en 1910, sœur Malinda Keefer était colporteur dans la ville de Council Bluffs. Elle écrit : “Council Bluffs était un territoire plus difficile, mais grâce à une attitude positive, nous avons pu persévérer. Il est vrai qu’il fallait moins d’argent pour vivre à cette époque-​là. Nos déplacements (à pied) et nos repas ne coûtaient pas cher : un pain coûtait 5 cents, et avec la même somme on achetait une livre de sucre ; le bifteck était à 50 cents le kilo, et c’était un vrai régal quand on pouvait se permettre d’en acheter. Les loyers étaient raisonnables, et le tramway ne coûtait que 5 cents. Quelle différence avec le monde que nous connaissons maintenant, dans les années 1970!”

      Vers la fin de 1921, George Hannan entra dans le service de colporteur. À propos du coût de la vie, il a écrit : “Mes repas revenaient à 4 dollars par semaine. Je prenais un repas chaud par jour, et pour les deux autres, je mangeais des fruits secs et des légumes contre lesquels j’avais troqué des livres. Lorsqu’on me demandait ce que je ferais quand je n’aurais plus d’argent, je répondais : ‘J’attendrai pour voir ce que Jéhovah fera pour moi.’ J’avais entendu parler de certains colporteurs qui abandonnaient le service quand ils n’avaient plus que 50 dollars. D’après moi, Jéhovah n’avait pas besoin d’intervenir tant qu’on avait 50 dollars, 10 dollars, voire seulement un dollar. J’avais confiance qu’il m’aiderait à pourvoir à mes besoins, mais non à mes fantaisies.”

      De quels moyens de transport les colporteurs se servaient-​ils ? Charles Capen se souvient d’avoir parcouru pedibus (à pied) plusieurs comtés en Pennsylvanie. D’autres colporteurs se déplaçaient à bicyclette. LaRue Witchey déclare : “Entre 1911 et 1914, des colporteurs visitaient notre région de l’État d’Ohio. Ils travaillaient dur et parcouraient des kilomètres à vélo, chargés de nombreux exemplaires des ‘Études des Écritures’.” Naturellement, monter à bicyclette pour la première fois à cette époque-​là était tout une aventure !

      D’autres colporteurs eurent recours au cheval. Malinda Keefer se souvient affectueusement d’un vieux cheval du nom de Dobbin. Elle dit : “Dobbin était un cheval docile ; je n’ai jamais eu besoin de l’attacher. Il m’attendait pendant que je parlais à une porte, puis il me suivait jusqu’à la prochaine maison.”

      Bien entendu, tous les chevaux ne ressemblaient pas au bon vieux Dobbin, comme l’apprirent les deux sœurs colporteurs Anna Zimmerman et Esther Snyder. Imaginez deux femmes dans une carriole qu’elles avaient louée et qui était tirée par un cheval non dressé ! Sœur Zimmerman déclare que ce cheval “ne permettait à rien de la dépasser, pas même le train, qui longeait la route sur plusieurs kilomètres. J’ai crié au conducteur : ‘Pourriez-​vous vous arrêter à la prochaine gare et nous laisser le temps de rentrer à l’écurie avant de vous remettre en route ?’ Il répondit : ‘D’accord. Prenez votre temps.’ Le cheval continua sa course folle jusqu’à l’écurie, où le propriétaire nous présenta ses excuses. Il était à table lorsque nous avions loué la carriole, et le garçon d’écurie qui devait dresser le cheval, mais qui en avait peur, me l’avait loué sans rien me dire !”

      Ensuite, quelques années plus tard, certains colporteurs se servaient d’automobiles. Aujourd’hui, les routes sont goudronnées presque partout aux États-Unis. Mais il n’en était pas ainsi à l’époque qui nous intéresse. Voyager en voiture pouvait donc présenter des problèmes. Hazelle et Helen Krull écrivent à ce sujet : “Une fois, notre voiture s’est enfoncée jusqu’au pont arrière. Nous avions l’habitude de la dégager à l’aide d’une pelle, mais cette fois-​ci, rien n’y faisait. Un homme aimable amena son mulet, et nous avons cherché le long de la route des bûches et des branches d’arbres pour soulever l’arrière de la voiture. Ainsi, avec un mulet qui tirait à l’avant, le moteur qui marchait au milieu et nos propres efforts vigoureux à l’arrière, après bien des essais infructueux, nous avons eu la joie de voir la voiture sortir de son trou. Mais ce jour-​là, nous avons aussi connu des joies. Avant cet incident, nous avions fait des visites intéressantes, dont certaines dans des maisons situées loin de la route et que nous avions atteintes à pied. On voit donc que nos difficultés étaient compensées par nos joies. Avec David, nous avons souvent prié du fond du cœur : ‘Entends, ô Dieu, mon cri suppliant. Prête attention à ma prière.’ — Ps. 61:1.”

      Cependant, la prédication effectuée par les colporteurs était infiniment plus importante que tous ces incidents. Voyons un peu ce qu’ils faisaient lorsqu’ils visitaient les gens. William Mockridge se joignit à Vincent Rice comme colporteur en 1906, à Schenectady. Nous rappelant cette époque-​là, il écrit : “Le premier jour, je n’ai pas placé un seul livre, et pourtant je passais pour être un représentant hors pair. Cette nuit-​là, j’ai prié Jéhovah pour qu’il m’aide à chasser de mon esprit les méthodes que j’employais pour vendre de l’amiante, et à apprendre les méthodes plus humbles et aimables de frère Rice, qui avait toujours un mot gentil pour la personne qui ouvrait la porte. Bientôt, j’ai commencé à placer de nombreux livres, à l’aide d’un ‘prospectus’ fourni par la Société. (...) Nous prenions des ‘commandes’ pour les trois premiers volumes [des Études des Écritures] contre 98 cents, ou pour les six volumes, contre 1 dollar 98 cents. En général, nous livrions ces commandes le jour de la paie, en principe le 1er ou le 15 du mois.”

      Avez-​vous remarqué que frère Mockridge parle du “prospectus” ? Ce dépliant était utilisé pendant des années par les colporteurs et les autres Étudiants de la Bible qui prêchaient de porte en porte. Il s’agissait d’une reproduction des couvertures des six volumes de L’Aurore du Millénium (Études des Écritures), qui s’étirait comme un accordéon. Le colporteur dépliait ce prospectus sur le bras allongé et présentait le sujet traité dans chaque volume. Il prenait des commandes, et livrait les ouvrages plus tard.

      Sœur Pearl Wright écrit : “Les jours des livraisons étaient durs, car une valise remplie de livres est très lourde.” Pour comprendre le problème, il suffit de savoir qu’un colporteur pouvait avoir des commandes pour cinquante volumes des Études des Écritures. Or, ce nombre de livres pesait environ dix-huit kilos, une charge assez lourde pour une femme, et même pour certains hommes. Avec le temps cependant, James Cole, lui-​même colporteur, inventa un petit chariot à deux roues que l’on pouvait attacher à une valise.

      Sœur Anna Zimmerman déclare que ce petit engin ne manquait pas d’“attirer les regards”. Elle écrit : “Je me souviens qu’un jour, quand j’étais colporteur à Hollidaysburg, en Pennsylvanie, j’ai dû transporter ma valise à travers le quartier commerçant de la ville en plein midi. Cela ne me plaisait pas du tout, mais je roulais ma valise à côté de moi quand, soudain, un monsieur très bien habillé s’est approché de moi et m’a dit poliment : ‘Me permettez-​vous d’essayer ? J’aimerais voir comment marche cet engin. Vous semblez avancer si facilement !’ Eh bien, il a tiré ma valise à travers le centre de la ville et jusqu’à ma destination. Plus tard, j’ai appris que cet homme était le rédacteur en chef du journal local.” Le lendemain, ce quotidien contenait un article relatant en détail cet incident.

      Poussés par des mobiles désintéressés, les fidèles colporteurs travaillèrent avec zèle, en comptant sur Jéhovah. Et leurs efforts furent récompensés. Des congrégations furent formées grâce à leur activité. Ces chrétiens éprouvaient une satisfaction profonde et recevaient d’abondantes récompenses spirituelles. Edythe Kessler et sa sœur Clara entreprirent joyeusement le service de colporteur en 1907. Elles durent beaucoup marcher, et les valises étaient lourdes les jours des “livraisons”. Bien entendu, elles connurent la fatigue, mais Edythe exprime sans doute les sentiments de tous les fidèles colporteurs de ces temps-​là, lorsqu’elle dit : “Nous étions jeunes et heureux dans le service, et c’est avec joie que nous dépensions nos forces pour servir Jah.”

      ‘AUCUNE ARME FORMÉE CONTRE TOI NE RÉUSSIRA’

      Pendant toutes ces années où les fidèles colporteurs et les autres Étudiants de la Bible annonçaient avec zèle la bonne nouvelle, Satan le Diable ne s’est jamais relâché dans ses efforts pour les écraser et les détruire. Nul doute qu’il n’eût réussi si ces chrétiens n’avaient pas bénéficié de la protection divine (I Pierre 5:8, 9 ; Héb. 2:14). Ils ont pu se rendre compte de la véracité de cette promesse que Dieu fit jadis à son peuple : “Toute arme qui sera formée contre toi sera vouée à l’insuccès, et toute langue qui se dressera contre toi dans le jugement, tu la condamneras.” — És. 54:17.

      Jésus Christ fut persécuté, et ses disciples peuvent s’attendre à l’être de la part de ceux qui pratiquent la fausse religion et par le monde en général (Jean 15:20). Parfois, cependant, l’attaque de Satan vient de l’intérieur, provenant de gens sans scrupules au sein de l’organisation chrétienne, gens qui en fait “n’étaient pas des nôtres”. — I Jean 2:19.

      On se souvient que dans les années 1870, Russell s’était séparé de Barbour, rédacteur du Messager du matin, parce que cet homme avait renié la doctrine biblique de la rédemption, que Russell défendait courageusement. Ensuite, après 1890, certains membres influents de l’organisation essayèrent de s’emparer malhonnêtement de la direction de la Société Watch Tower. Ces intrigants préparèrent des coups destinés à produire l’effet de véritables “bombes”, afin de mettre un terme à la popularité de Russell et à ses fonctions comme président de la Société. Après avoir couvé pendant presque deux ans, la conspiration éclata en 1894. La plupart des griefs et des fausses accusations concernaient des pratiques malhonnêtes que Russell aurait employées dans ses affaires. Certaines de ces accusations avaient trait à des futilités, et trahissaient les intentions de leurs auteurs : calomnier Russell. Un groupe de frères impartiaux firent une enquête et trouvèrent Russell innocent. Cette conspiration destinée à “faire sauter en l’air M. Russell et son œuvre” échoua donc complètement. Ainsi, comme l’apôtre Paul, frère Russell connut des “dangers parmi les faux frères”, mais cette épreuve était manifestement venue de Satan, si bien que ces conspirateurs furent désormais considérés comme indignes de jouir de la compagnie des frères chrétiens. — II Cor. 11:26.

      Mais, comme il fallait s’y attendre, ce ne fut pas la fin des épreuves et des difficultés pour frère Russell. Une situation qui s’était développée au sein de sa propre maison devait le toucher personnellement. Pendant la crise de 1894, Mme Russell (née Maria Frances Ackley, que Russell avait épousée en 1879) fit une tournée de conférences qui devait l’amener de New York à Chicago, en visitant les congrégations des Étudiants de la Bible pour prononcer des discours au nom de son mari. Femme instruite et intelligente, elle fut bien accueillie par les congrégations.

      Mme Russell était une administratrice de la Société Watch Tower et remplissait également les fonctions de secrétaire et de trésorier. D’autre part, elle écrivait régulièrement des articles pour La Tour de Garde de Sion, et pendant un certain temps elle était même co-rédactrice de ce périodique. Finalement, elle chercha à augmenter son pouvoir de décider de ce qui devait être publié dans La Tour de Garde. Son ambition était comparable à celle de Miriam, sœur de Moïse, qui se rebella contre son frère comme chef d’Israël soumis à Dieu, et s’efforça de se mettre en valeur, ce qui lui valut la défaveur divine. — Nomb. 12:1-15.

      Qu’est-​ce qui avait favorisé cette attitude de la part de Mme Russell ? En 1906, son mari écrivit : “À l’époque, je ne m’en rendais pas compte, mais j’appris par la suite que les intrigants avaient essayé de semer la discorde dans le cœur de ma femme, en la flattant et en utilisant comme argument les ‘droits des femmes’, etc. Cependant, lorsque la crise éclata [en 1894], grâce à la providence du Seigneur l’humiliation de voir ma femme parmi les conspirateurs m’a été épargnée (...). Mais dès que les choses commencèrent à revenir à un état normal, les idées sur les ‘droits des femmes’ et l’ambition personnelle revenaient à la surface chez Mme Russell, et je me suis aperçu que la campagne active qu’elle avait menée pour me défendre et le bon accueil que les chers frères lui avaient réservé pendant son voyage (...) lui avaient été nuisibles, en flattant son amour-propre. (...) Peu à peu, elle semblait conclure que seuls ses articles méritaient de paraître dans LA TOUR DE GARDE, et elle ne cessa de me tracasser en me suggérant continuellement des changements que je devais apporter aux miens. J’ai été peiné de voir croître cette attitude si éloignée de l’humilité qui avait caractérisé ma femme pendant les treize premières années heureuses de notre mariage.”

      Mme Russell devenait de plus en plus intraitable, et leurs relations étaient toujours tendues. Mais au début de 1897, elle tomba malade, et son mari lui prodigua ses soins. Il le fit avec dévouement, pensant que cette attention toucherait le cœur de sa femme et lui redonnerait l’affection et la tendresse qu’elle avait perdues. Mais une fois guérie, elle convoqua un comité qui devait se réunir avec son mari. Celui-ci écrivit : “Le but de cette réunion était d’amener les frères à m’informer que [Mme Russell] avait autant de droits que moi de décider de ce qui paraîtrait dans les colonnes de LA TOUR DE GARDE, et que je la lésais en refusant de lui accorder cette liberté.” En fait, les membres du comité l’informèrent que ni eux ni personne d’autre n’avaient le droit de se mêler de la façon dont son mari gérait La Tour de Garde. Mme Russell répondit en substance que, tout en ne partageant pas l’avis du comité, elle s’efforcerait d’adopter son point de vue. Le rapport de Russell se poursuit en ces termes : “Puis, en leur présence, je lui ai demandé de me serrer la main. Elle hésita, mais elle finit par me tendre la main. Ensuite, j’ai ajouté : ‘Et maintenant, chérie, embrasse-​moi pour manifester ton changement d’attitude.’ De nouveau, elle hésita, mais finalement elle m’embrassa et manifesta un renouveau d’affection en présence du Comité qu’elle avait convoqué.”

      Ainsi, les Russell s’étaient réconciliés. Par la suite, à la demande de Mme Russell, son mari organisa une réunion hebdomadaire pour “les sœurs de l’Église d’Allegheny”, présidée par sa femme. Cela créa d’autres difficultés, donnant lieu à des calomnies à l’adresse de Russell. Mais ce problème aussi fut finalement résolu.

      À la longue, cependant, sa rancune croissante amena Mme Russell à rompre toutes relations avec la Société Watch Tower et avec son mari. Sans préavis, elle le quitta en 1897, après presque dix-huit années de vie commune. Pendant sept années elle vécut séparée de Russell, qui lui procura un logement et pourvut à ses besoins. En juin 1903, elle intenta une action en justice devant un tribunal de Pittsburgh, demandant la séparation. L’affaire fut jugée en avril 1906, devant le juge Collier et un jury. Presque deux ans plus tard, le 4 mars 1908, une ordonnance fut rendue en ces termes : “La présente ordonnance décrète que Maria F. Russell, la requérante, et Charles T. Russell, le défendeur, soient séparés de corps et de biens.” “Séparés de corps et de biens” est la phrase qui figure aussi bien dans l’ordonnance que dans l’enregistrement du jugement par le greffier du tribunal. Il s’agit donc d’une séparation judiciaire et non d’un divorce, comme certains l’ont prétendu à tort. Selon un dictionnaire juridique (Bouvier’s Law Dictionary, Banks-Baldwin Law Publishing Company, 1940) il s’agit d’“une sorte de divorce incomplet aux termes duquel les époux sont séparés et ne doivent plus cohabiter, sans toutefois que le mariage soit annulé. 1 Bl. Com. 440”. (Page 314.) À la page 312, cet ouvrage dit qu’il serait plus exact de qualifier cette action de “séparation judiciaire”.

      Russell comprenait bien que le tribunal n’avait pas rendu une ordonnance de divorce, mais qu’il s’agissait d’une séparation judiciaire. En 1911, pendant qu’il voyageait en Irlande, on lui demanda à Dublin : “Est-​il vrai que vous êtes divorcé d’avec votre femme ?” Relatant sa réponse, Russell devait écrire plus tard : “‘Je ne suis pas divorcé d’avec ma femme. L’ordonnance rendue par le tribunal n’était pas celle d’un divorce, mais d’une séparation, le jury compatissant déclarant dans ses motifs que nous serions tous deux plus heureux si nous vivions séparés. Ma femme m’a accusé de sévices, mais le seul exemple qu’elle pût citer fut mon refus, un jour, de l’embrasser alors qu’elle me l’avait demandé.’ J’ai donné l’assurance à l’auditoire que j’avais nié l’accusation de sévices et que j’étais convaincu que nulle femme au monde n’a été mieux traitée par son mari. Les applaudissements ont attesté que l’auditoire approuvait mes déclarations.”

      Un incident qui se produisit à l’enterrement de Russell à Pittsburgh en 1916 est instructif à ce sujet. Sœur Anna Gardner, dont les souvenirs correspondent à ceux d’autres témoins présents, écrit : “Un incident qui eut lieu juste avant le service funèbre à la Salle Carnegie réfute les mensonges publiés par la presse au sujet de frère Russell. La salle était pleine bien avant l’heure du service, et un silence régnait lorsqu’une femme voilée remonta l’allée, s’approcha du cercueil et posa quelque chose dessus. Ceux qui étaient devant pouvaient voir que c’était un bouquet de muguet, la fleur préférée de frère Russell. Le ruban portait cette inscription : ‘À mon époux bien-aimé.’ La femme était Mme Russell. Ainsi, elle reconnaissait publiquement qu’elle n’avait jamais été divorcée d’avec lui.”

      Mais on peut imaginer les peines de cœur et la fatigue émotionnelle que frère Russell a dû subir à cause de ces épreuves familiales. Dans une lettre manuscrite et non datée qu’il envoya à Mme Russell à un moment donné de leurs difficultés conjugales, il écrivit : “Lorsque tu recevras cette lettre, une semaine se sera écoulée depuis que tu as abandonné celui que tu as promis devant Dieu et les hommes d’aimer et de servir ‘pour le meilleur ou pour le pire, jusqu’à la mort’. Sans aucun doute, ‘l’expérience nous apprend de bonnes leçons’. Elle seule pouvait m’apprendre cela de toi, dont je peux vraiment dire qu’auparavant on n’aurait pu trouver de conjoint plus affectueux et dévoué. S’il en avait été autrement, je suis confiant que le Seigneur ne t’aurait pas confiée à moi. Il fait bien toutes choses. Je le remercie encore de sa providence à mon égard sous ce rapport, et je me souviens avec émotion et plaisir de l’époque où tu m’embrassais au moins trente fois par jour et me disais sans cesse que tu ne voyais pas comment tu pourrais vivre sans moi ; tu craignais que je meure avant toi (...) et je suis en train de me dire que certains de ces témoignages d’amour ne datent que d’il y a dix-huit mois, encore que pendant une année auparavant, ton amour ait été moins fervent, à cause de ta jalousie et de tes soupçons, malgré l’assurance de l’ardeur de mon amour pour toi, répétée cent fois, et que j’affirme encore aujourd’hui.”

      Russell avait le sentiment que le grand Adversaire “tenait fermement” sa femme. Il déclara : “J’ai prié sincèrement le Seigneur en ta faveur.” Il chercha à l’aider. Il lui écrivit, entre autres : “Je ne veux pas t’accabler de mon chagrin ni essayer d’éveiller ta compassion en décrivant l’émotion que je ressens lorsque, de temps à autre, je vois tes robes ou des objets me rappelant comment tu étais : si pleine d’amour, de compassion et de serviabilité, bref, de l’esprit du Christ. Mon cœur s’écrie : ‘Si seulement je l’avais enterrée, ou qu’elle ait pu m’enterrer pendant que nous étions heureux !’ Mais apparemment les épreuves n’étaient pas achevées. (...) Je te supplie de considérer dans la prière ce que je suis sur le point de dire. Sois assurée que l’acuité de ma douleur ne vient pas de la solitude que j’éprouverai tout le reste de ma vie, mais vient, ma chérie, de ta chute, de ta perte éternelle, pour autant que je puisse en juger.”

      AUCUNE IMMORALITÉ

      Comme si les difficultés conjugales de Russell ne suffisaient pas pour le mettre à l’épreuve, ses ennemis s’abaissèrent jusqu’à formuler contre lui des accusations ignobles au sujet de sa moralité. Ces mensonges malicieux concernaient principalement l’histoire de la “méduse”. Au cours du procès d’avril 1906, Mme Russell affirma que d’après une certaine Mlle Ball, Russell aurait dit un jour : “Je suis comme une méduse. Je flotte çà et là. Je touche à l’une et à l’autre, et quand il y en a une qui répond à mon invite, je la prends. Sinon, je flotte vers d’autres.” À la barre du tribunal, Russell nia énergiquement avoir jamais raconté cette histoire de la “méduse”, et cette question a été rayée du procès-verbal de l’audience. Le juge déclara aux membres du jury : “Ce petit incident au sujet de cette jeune fille qui habitait avec eux ne figure pas dans le libellé de la plainte et n’a rien à voir avec cette affaire.”

      La jeune fille en question, une orpheline, avait été recueillie par les Russell en 1888, alors qu’elle était âgée d’environ dix ans. Ils la traitaient comme si elle était leur enfant, et elle embrassait M. et Mme Russell chaque soir avant de se coucher. (Procès-verbal, pages 90 et 91.) Mme Russell attesta que l’incident évoqué se produisit en 1894, donc lorsque l’enfant n’avait qu’une quinzaine d’années. (Procès-verbal, page 15.) Après cela, Mme Russell cohabita avec son mari pendant trois années, puis elle vécut séparée de lui pendant sept années avant de demander la séparation judiciaire. Dans sa demande de séparation, elle n’avait fait aucune allusion à cette affaire. D’autre part, Mlle Ball vivait encore, et Mme Russell connaissait son adresse. Pourtant, elle ne fit rien pour la faire comparaître comme témoin et elle ne présenta de sa part aucune déclaration écrite. Quant à Russell lui-​même, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir cité Mlle Ball comme témoin, puisqu’il ignorait que sa femme allait évoquer cette affaire. En outre, trois ans après l’incident en question, Mme Russell ne fit aucune allusion à cette histoire de la “méduse” quand elle convoqua le comité devant lequel elle et son mari discutèrent de leurs problèmes. En demandant la pension alimentaire pour sa cliente, l’avocat de Mme Russell déclara : “Nous ne formulons aucune accusation d’adultère.” De plus, la feuille d’audience (page 10) montre que Mme Russell elle-​même n’avait jamais cru que son mari avait une conduite immorale. Lorsque son avocat lui demanda : “Voulez-​vous dire que votre mari est coupable d’adultère ?”, elle répondit : “Non.”

      Pendant toute cette période de difficultés conjugales et d’autres épreuves, Jéhovah soutint Charles Russell par le moyen de son esprit saint. Dieu continua de l’employer durant toutes ces années non seulement pour rédiger des articles de La Tour de Garde de Sion, mais encore pour assumer d’autres grandes responsabilités et pour écrire trois volumes de L’Aurore du Millénium (ou Études des Écritures). Quel encouragement pour les chrétiens de nos jours qui continuent d’accomplir la volonté divine tout en subissant des épreuves ! Les fidèles disciples oints de Jésus sont particulièrement fortifiés par ces paroles de Jacques : “Heureux l’homme qui endure l’épreuve, parce que, quand il deviendra un homme approuvé, il recevra la couronne de vie que Jéhovah a promise à ceux qui continuent à l’aimer.” — Jacq 1:12.

      LE BLÉ MIRACLE

      Les ennemis de frère Russell ne se contentèrent pas d’exploiter ses difficultés conjugales, mais ils se servirent d’autres “armes” contre lui. Par exemple, ils l’accusèrent d’avoir vendu une grande quantité de blé commun sous le nom de “Blé miracle” au prix de un dollar la livre, ou soixante dollars le boisseau. Ils prétendirent que Russell en tira d’énormes profits personnels. Or, ces accusations sont tout à fait fausses. Quels sont les faits ?

      En 1904, un certain M. Stoner remarqua dans son jardin à Fincastle, en Virginie, une plante bizarre comportant 142 tiges se terminant par un épi de blé. En 1906, il donna à cette variété le nom de “Blé miracle”. Avec le temps, d’autres cultivateurs se procurèrent des graines de ce blé, et obtinrent des récoltes extraordinaires. Ce “Blé miracle” obtint des prix à plusieurs foires agricoles. Or, Russell s’intéressait à tout ce qui touchait de près ou de loin aux prophéties bibliques annonçant que “le lieu stérile sera dans l’allégresse, et fleurira comme la rose” et que “la terre donnera ses produits”. (És. 35:1, Da ; Ézéch. 34:27, AC.) Le 23 novembre 1907, M. Miller, expert agronome auprès du gouvernement des États-Unis, soumit au ministère de l’Agriculture un rapport favorable sur ce blé cultivé par M. Stoner. Ce rapport défraya la chronique des journaux d’un bout à l’autre du pays. Son attention ayant été attirée sur ce rapport, Russell publia dans La Tour de Garde de Sion (du 15 mars 1908, page 86) des commentaires de la presse et des extraits du rapport gouvernemental sur ce blé. En guise de conclusion, il écrivit : “Même si l’on n’obtenait que la moitié des résultats publiés dans ce rapport, celui-ci constituerait une nouvelle preuve que Dieu pourra pourvoir aux nécessités de la vie lors des ‘temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps’. — Actes 3:19-21.”

      Pas plus que d’autres personnes qui firent des expériences avec le “Blé miracle”, M. Stoner n’était ni un Étudiant de la Bible ni un associé de frère Russell. Cependant, en 1911, deux lecteurs de La Tour de Garde, J. Bohnet, de Pittsburgh, et Samuel Fleming, de Wabash, firent don à la Société Watch Tower d’environ trente boisseaux de ce blé, en suggérant qu’il soit vendu à un dollar la livre et que la Société se serve de l’argent recueilli pour poursuivre son œuvre religieuse. La recette de cette opération rapporta à la Société la somme totale d’environ 1 800 dollars. Russell n’empocha pas un cent. Il ne fit que publier dans La Tour de Garde un avis informant les lecteurs qu’on avait donné ce blé à la Société, et que l’on pouvait s’en procurer au prix de un dollar la livre. La Société ne vanta jamais les qualités de ce blé, et l’argent recueilli fut employé pour l’œuvre des missionnaires chrétiens. Lorsque d’aucuns critiquèrent cette vente, tous les acheteurs furent informés que s’ils étaient mécontents de leur acquisition, leur argent leur serait remboursé. À cet effet, la somme totale reçue en échange de ce blé fut mise en réserve pendant une année, mais personne ne demanda à être remboursé. La conduite de frère Russell et de la Société en cette affaire du “Blé miracle” était en tous points honnête.

      Du fait que Charles Russell enseignait la vérité de la Parole de Dieu, il était haï et calomnié, souvent par les membres du clergé. Mais les chrétiens des temps modernes s’attendent à être traités ainsi, car Jésus et ses apôtres subirent les mêmes choses de la part de leurs ennemis religieux. — Luc 7:34.

      “JÉHOVAH NE DÉLAISSERA PAS SON PEUPLE”

      Jéhovah est un Dieu fidèle. Conseillant aux membres du peuple d’Israël de servir Dieu de tout leur cœur, le prophète Samuel déclara : Jéhovah ne délaissera pas son peuple, à cause de son grand nom, parce que Jéhovah a pris sur lui de faire de vous son peuple.” — I Sam. 12:20-25.

      Les Étudiants de la Bible eurent l’occasion de vérifier l’exactitude de cette déclaration. Certaines des choses qu’ils vécurent, par exemple entre 1914 et 1916, leur causèrent des déceptions et du chagrin. Néanmoins, Jéhovah soutint son peuple et ne l’abandonna jamais. — I Cor. 10:13.

      DE GRANDES ESPÉRANCES

      À cette époque-​là, il y avait également des raisons de se réjouir. Depuis des années, le peuple de Dieu avait annoncé 1914 comme l’année qui marquerait la fin des temps des Gentils. Son attente ne fut pas déçue. Le 28 juillet 1914, la Première Guerre mondiale éclata, et à mesure que le temps avançait vers le 1er octobre, un nombre toujours croissant de nations et d’empires s’engagèrent dans ce conflit. Comme les témoins chrétiens de Jéhovah le savent grâce à leurs études des Écritures, la période ininterrompue de la domination du monde par les Gentils prit fin en 1914, lors de la naissance du Royaume céleste de Dieu et du roi Jésus Christ (Rév. 12:1-5). Mais d’autres espérances encore se rattachaient à 1914. À ce propos, frère Macmillan écrivit dans son livre La foi en marche : “Je me souviens bien que le 23 août 1914, le pasteur Russell entreprit un voyage qui commençait par le nord-ouest du pays, et devait l’amener le long de la côte du Pacifique et à travers les États du Sud, jusqu’à Saratoga Springs, dans l’État de New York, où un congrès était prévu du 27 au 30 septembre. C’était un moment critique, car bon nombre d’entre nous pensaient sérieusement que nous serions appelés au ciel pendant la première semaine d’octobre.”

      En effet, l’idée d’aller au ciel en 1914 était fortement enracinée chez certains Étudiants de la Bible. Sœur Dwight Kenyon écrit : “Nous pensions que la guerre dégénérerait en révolution et en anarchie. Alors, les oints ou consacrés mourraient et seraient glorifiés. Une nuit, j’ai rêvé que toute l’ecclésia (ou congrégation) se trouvait dans un train qui allait je ne sais où. Il y avait du tonnerre et des éclairs et, tout à coup, les frères commencèrent à mourir autour de moi. Je trouvais cela bien, mais quant à moi, je n’arrivais pas à mourir. Quelle déception ! Puis, soudain, je mourus, à mon grand soulagement ! Je vous raconte cela pour montrer combien nous étions sûrs que tout allait bientôt finir pour ce qui est du présent monde, et que le reste du ‘petit troupeau’ allait être glorifié. — Luc 12:32.”

      Hazelle et Helen Krull se rappellent qu’en 1914 les discussions à la table du Béthel tournaient souvent autour de la fin des temps des Gentils. De temps à autre, frère Russell faisait de longs commentaires pour nous encourager à rester fidèles, et il nous expliqua que la chronologie avait été vérifiée à nouveau et que tout semblait juste. Il précisa cependant que “si nous attendions plus que ce qui était annoncé dans les Écritures, nous serions obligés de nous soumettre à la volonté de Jéhovah et de modifier nos pensées et notre cœur, en ayant foi en sa voie et en attendant fidèlement l’accomplissement des événements annoncés”.

      Un incident qui se produisit en 1914, au congrès de Saratoga Springs, souligne ce que frère Macmillan entendait par “partir pour la dernière demeure” en cette année-​là. Il écrivit : “Le mercredi (30 septembre), on m’invita à parler sur le sujet ‘La fin de toutes choses est proche ; soyons donc sobres et veillons pour prier’. Eh bien, ce sujet était tout à fait dans mes cordes, comme on dit. En effet, je croyais sincèrement que l’église devait aller dans sa ‘demeure’ en octobre. Pendant ce discours, j’ai eu le malheur de dire : ‘Vraisemblablement, ce sera le dernier discours public que je prononcerai, car nous allons bientôt partir vers notre demeure à nous.’”

      Le lendemain matin 1er octobre 1914, environ cinq cents Étudiants de la Bible firent une agréable promenade en bateau sur l’Hudson, d’Albany à New York. Les congressistes se rendaient à Brooklyn, où l’assemblée devait prendre fin le dimanche suivant. Bon nombre de délégués logèrent au Béthel, et, bien entendu, les membres du personnel étaient présents avec eux pour le petit déjeuner le vendredi matin 2 octobre. Tout le monde était assis à table lorsque frère Russell entra dans la salle à manger. Suivant son habitude, il nous dit avec bonne humeur : “Bonjour à tous !” Mais ce matin-​là était tout de même différent. Au lieu d’aller prendre immédiatement sa place il tapa dans ses mains et annonça joyeusement : “Les temps des Gentils ont pris fin, les rois ont eu leur jour.” Sœur Cora Merrill précise : “Nous avons tous applaudi à tout rompre.” “Nous étions très émus, avoue frère Macmillan, et je n’aurais pas été surpris si à l’instant même nous avions commencé à monter au ciel, comme si ses paroles donnaient le signal. Naturellement, il n’est rien arrivé de pareil.” Sœur Merrill ajoute : “Après une courte pause, il [Russell] demanda : ‘Êtes-​vous déçus ? Pas moi ! Tout progresse exactement comme prévu !’ Nous avons de nouveau applaudi.”

      Frère Russell fit quelques remarques, mais bientôt il attira l’attention sur frère Macmillan. Il déclara sans méchanceté : “Nous allons apporter quelques changements au programme prévu pour dimanche. À 10 h 30 dimanche matin, frère Macmillan nous fera un discours.” Tout le monde éclata de rire. Le mercredi précédent, frère Macmillan n’avait-​il pas prononcé ce qu’il avait qualifié de ‘vraisemblablement mon dernier discours public’ ? Des années plus tard, Macmillan devait écrire : “Eh bien, j’ai dû vite chercher quelque chose à dire. J’ai trouvé Psaume 74:9, qui dit : ‘Nous n’avons pas vu nos signes ; il n’y a plus de prophètes, et il n’y a personne parmi nous qui sache jusqu’à quand.’ Voilà qui était différent. Dans ce discours, je me suis efforcé d’expliquer aux frères que sans doute certains d’entre nous étaient allés un peu trop vite en besogne en pensant que nous irions immédiatement au ciel. À présent, il nous appartenait de rester occupés dans le service du Seigneur en attendant qu’il décide quand ses serviteurs approuvés devaient rejoindre leur demeure au ciel.”

      Frère Russell avait prévenu les frères de ne pas se livrer à des conjectures personnelles. Par exemple, dans La Tour de Garde du 1er décembre 1912, après avoir parlé de la fin des temps des Gentils, il écrivit : “Enfin, n’oublions pas que nous ne nous sommes pas consacrés [voués] jusqu’en octobre 1914, ni jusqu’en octobre 1915, ni jusqu’à une autre date, mais ‘jusqu’à la mort’. Si, pour une raison quelconque, le Seigneur nous a permis de faire de faux calculs sur la base des prophéties, les signes des temps nous donnent l’assurance que l’erreur de calcul ne peut être bien grande. Si la grâce et la paix du Seigneur sont avec nous à l’avenir comme dans le passé, conformément à sa promesse, nous nous réjouirons tout autant de nous en aller à n’importe quel moment ou de rester, et d’être dans son service de ce côté-​ci du voile ou de l’autre côté [sur la terre ou au ciel], selon le bon plaisir de notre Maître.”

      Au début de cette année décisive, Russell écrivit dans La Tour de Garde du 1er janvier 1914 : “Sans doute ne lisons-​nous pas les points chronologiques avec la même certitude absolue que les points doctrinaux, car les choses temporelles ne sont pas définies dans les Écritures aussi clairement que les doctrines fondamentales. Nous marchons encore par la foi, non par la vue. Cependant, nous ne sommes pas sans foi et incrédules, mais fidèles et dans l’expectative. S’il devait s’avérer plus tard que l’Église n’a pas été glorifiée en octobre 1914, nous nous efforcerons d’être heureux d’accomplir la volonté du Seigneur, quelle qu’elle soit.”

      Ainsi, beaucoup d’Étudiants de la Bible avaient de grandes espérances en 1914. Pourtant, ils avaient reçu de nombreux conseils dans les pages de La Tour de Garde. Certains chrétiens s’attendaient à aller au ciel en automne de cette année-​là. À ce sujet, frère Woodworth écrit : “Vint le 1er octobre 1914, et rien ne se passa, puis les années se succédèrent après cette date, avec les oints toujours présents sur la terre. Certains cédèrent à l’amertume et quittèrent la vérité. Mais ceux qui se confiaient en Jéhovah voyaient en 1914 une année vraiment marquée, — le ‘commencement de la fin’, — tout en se rendant compte que l’idée qu’ils avaient eue précédemment concernant la ‘glorification des saints’, telle qu’elle avait été énoncée, était erronée. Ils comprenaient maintenant qu’un grand travail restait à faire pour les fidèles oints, dont mon père [Clayton Woodworth] faisait partie.”

      Mais la déception de ne pas avoir été enlevé au ciel en 1914 était vraiment peu de chose à côté des grandes espérances qui se réalisèrent cette année-​là. Depuis longtemps, les Étudiants de la Bible avaient annoncé que les temps des Gentils arriveraient à leur terme en 1914, mais durant les six premiers mois, rien de spécial ne se produisit parmi les nations. C’est pourquoi les chefs religieux et d’autres encore tournèrent en ridicule frère Russell et la Société Watch Tower. Mais Jéhovah n’avait pas abandonné son peuple et il ne l’avait pas induit en erreur. Poussés par l’esprit saint, les serviteurs de Dieu poursuivirent leur œuvre de témoignage, puisqu’ils n’attendaient pas la fin des temps des Gentils avant l’automne. À mesure que les mois passaient, la tension grandissait en Europe, et pourtant on continuait de se moquer de plus belle du message du Royaume. Mais tout changea lorsque l’une après l’autre les nations se trouvèrent prises dans l’engrenage de la Première Guerre mondiale. Tout à coup, l’œuvre des témoins chrétiens de Jéhovah attira davantage l’attention du public.

      À titre d’exemple, citons un article intitulé “Fin de tous les royaumes en 1914”, qui parut le 30 août 1914 dans le supplément dominical du journal new-yorkais The World (Le Monde), où l’on pouvait lire entre autres :

      “L’effroyable guerre qui vient d’éclater en Europe accomplit une prophétie extraordinaire. Il y a un quart de siècle, les ‘Étudiants de la Bible’, mieux connus sous le nom d’‘Auroristes du Millénium’, se sont mis à proclamer au monde, par la voix de prédicateurs et par la presse, que le Jour de la Colère prophétisé dans la Bible poindrait en 1914. ‘Attention à 1914!’, tel a été le cri des centaines d’évangélistes itinérants qui, représentant cette croyance singulière, ont parcouru le pays dans tous les sens pour publier la doctrine selon laquelle ‘le Royaume de Dieu est proche’. (...)

      “Le Rév. Charles T. Russell est l’homme qui avance cette interprétation des Écritures depuis 1874. (...) ‘En présence de ces fortes preuves de la Bible, écrivit le Rév. Russell en 1889, nous considérons comme une vérité bien établie que la fin des royaumes de ce monde et l’entier établissement du Royaume de Dieu auront lieu en 1914.’ (...)

      “Mais dire que la détresse doit atteindre son point culminant en 1914, voilà qui est étrange. Pour une raison bien curieuse — peut-être parce que le Rév. Russell écrit d’une manière très posée, dans un style de mathématicien réfléchi plutôt que dans celui d’un harangueur fougueux — le monde n’a en général guère daigné tenir compte de lui. Quant aux Étudiants qui se réunissent au ‘Tabernacle de Brooklyn’, ils disent qu’il fallait s’y attendre, que le monde n’écoute jamais les avertissements divins et ne les écoutera jamais, jusqu’à ce que le jour de détresse soit passé. (...)

      “Et voilà qu’en 1914 vient la guerre, la guerre que tout le monde redoutait, et dont tout le monde pensait qu’elle ne se produirait pas en fin de compte. Le Rév. Russell ne déclare pas : ‘Je vous l’avais bien dit’, et il ne révise pas les prophéties pour les adapter au cours de l’Histoire. Lui et ses Étudiants se contentent d’attendre, d’attendre jusqu’en octobre qu’ils estiment être la fin réelle de 1914.”

      Certes, les Étudiants de la Bible ne rejoignirent pas “leur demeure” au ciel en octobre 1914. Néanmoins, les 2 520 années des temps des Gentils arrivèrent à leur terme. D’autre part, comme ils devaient s’en rendre compte de plus en plus, les serviteurs de Jéhovah avaient encore un grand travail à accomplir sur la terre, pour prêcher la bonne nouvelle du Royaume établi de Dieu. Apparemment, une foule d’autres hommes allaient accepter la vérité de la Bible. À ce propos, Russell écrivit dans La Tour de Garde du 15 février 1915 : “Certains signes indiquent qu’à l’heure actuelle le Seigneur a une grande œuvre à confier à son peuple, ses saints vigilants. (...) Quelques-uns des enfants du Seigneur semblent croire que ‘la porte est fermée’, et qu’il n’est plus possible de le servir. Aussi négligent-​ils son œuvre. Nous n’avons pas de temps à perdre en nous imaginant que la porte est fermée ! Il y a des gens qui cherchent la vérité et qui sont dans l’obscurité. Aucune époque n’a été comparable à ce temps-​ci. Jamais autant de personnes n’ont été disposées à entendre le bon Message. Pendant les quarante ans du temps de la Moisson, on n’a jamais eu des occasions de proclamer la vérité comme maintenant. La grande guerre actuelle et les sinistres signes des temps sont en train de réveiller les gens, si bien que bon nombre d’entre eux cherchent à comprendre ces choses. Le peuple du Seigneur devrait donc être très diligent et faire de toutes ses forces tout ce que sa main trouve à faire.”

      “UNE GRANDE ŒUVRE RESTE À FAIRE”

      En somme, le peuple de Dieu avait reçu comme conseil de rester inébranlable et de ‘travailler de plus en plus à l’œuvre du Seigneur’. (I Cor. 15:58, AC.) Comme preuve supplémentaire que frère Russell était persuadé que les serviteurs de Jéhovah avaient encore une grande œuvre à accomplir, citons un incident relaté des années plus tard par frère Macmillan. Frère Russell passait toutes ses matinées, de huit heures à midi, à préparer des articles pour La Tour de Garde et à d’autres travaux de rédaction et de recherches bibliques. Macmillan a écrit : “Personne ne s’approchait de son bureau pendant ce temps-​là, à moins qu’il ne fût convoqué ou qu’il n’eût quelque chose de très important à lui dire. Un matin, vers huit heures cinq, un frère sténographe descendit l’escalier quatre à quatre et me dit : ‘Frère Russell désire te voir dans son bureau.’ Je me dis : ‘Qu’est-​ce que j’ai fait ?’ On n’était jamais convoqué à son bureau le matin, sauf pour des affaires importantes.” Lisons la suite du récit de frère Macmillan :

      “Je montai au bureau et il me dit : ‘Entre, frère. Va t’asseoir dans le salon.’ Cette pièce était contiguë à son bureau. Là, il déclara : ‘Frère, t’intéresses-​tu à la vérité autant qu’au début ?’ J’étais surpris. Il ajouta : ‘Ne t’étonne pas, je voulais simplement voir ta réaction.’ Puis il me parla de sa condition physique, et je connaissais assez bien les signes diagnostiques de son état pour savoir qu’il ne vivrait que quelques mois si on ne le soulageait pas. Puis il dit : ‘Eh bien, frère, je voulais simplement te dire que je ne suis plus à même d’assurer tout mon travail, et pourtant une grande œuvre reste à faire.’ (...)

      “Je lui répondis : ‘Frère Russell, ce que tu as dit là ne cadre pas. Cela n’a pas de sens.’

      “Il me demanda : ‘Que veux-​tu dire, frère ?’

      “Je précisai : ‘Tu dis que tu vas mourir et que l’œuvre doit se poursuivre. Eh bien, moi, je te dis que quand tu mourras, il ne nous restera qu’à nous croiser les bras et à attendre de monter au ciel avec toi. Nous nous en irons en même temps.’

      “Il me répliqua : ‘Frère, si c’est ce que tu penses, tu n’as rien compris. Cette œuvre n’est pas celle d’un homme. À côté d’elle, je ne suis pas important. La lumière croît. Une grande œuvre reste à faire.’ (...)

      “Après avoir expliqué l’œuvre future, frère Russell ajouta : ‘J’ai besoin de quelqu’un qui saura assumer mes responsabilités. Je dirigerai toujours l’œuvre, mais je ne pourrai plus m’en occuper comme par le passé.’ Nous parlâmes de différentes personnes. Enfin, au moment où je passai par la porte coulissante pour sortir dans le hall, il me dit : ‘Une minute ! Va dans ta chambre et parle de cette affaire au Seigneur, puis reviens me voir pour me dire si frère Macmillan est disposé à accepter cette tâche.’ Il ferma la porte sans attendre ma réaction. J’étais comme cloué au sol, abasourdi. Que pouvais-​je faire pour aider frère Russell dans sa tâche ? Il fallait un homme rompu aux affaires, et moi je ne savais que prêcher la religion. Mais je me mis à réfléchir, et plus tard je revins pour lui dire : ‘Frère, je ferai tout mon possible. Peu importe où tu me placeras.’”

      Convaincu que le peuple de Dieu devait encore accomplir un grand travail, Russell conseilla à ses proches collaborateurs de se préparer en vue de l’accroissement. Pour consolider l’organisation, il y apporta quelques changements et en recommanda d’autres pour quand il ne serait plus là. Il chargea frère Macmillan de la direction du bureau et du Béthel. Puis en automne 1916, malgré sa santé qui déclinait rapidement et ses souffrances physiques, il partit pour effectuer une tournée de conférences déjà prévue.

      SON DERNIER VOYAGE

      Après avoir quitté New York le 16 octobre 1916, frère Russell et son secrétaire, Menta Sturgeon, se rendirent à Detroit, en passant par le Canada. Puis, ayant visité Chicago, les deux hommes traversèrent le Kansas et descendirent jusqu’au Texas. Russell était si malade que plusieurs fois son secrétaire dut prendre la parole à sa place. Le mardi soir 24 octobre, à San Antonio, il prononça son dernier discours public, intitulé “Le monde en feu”. Par trois fois il dut quitter l’estrade et laisser à son secrétaire le soin de continuer.

      Frère Russell et son secrétaire passèrent la nuit de ce même mardi dans un train qui les amenait en Californie. Malade, Russell resta couché toute la journée de mercredi. À un moment donné, son compagnon de voyage prit sa main et lui dit : “Je n’ai jamais vu une main qui ait démoli tant de dogmes que celle-là !” Russell répondit qu’il ne pensait pas qu’elle démolirait d’autres dogmes.

      Les deux hommes furent retardés toute une journée à Del Rio au Texas, par la construction d’un pont de fortune pour remplacer celui qui venait de brûler. Ils quittèrent Del Rio le jeudi matin. Le vendredi soir, ils durent changer de train dans une gare de jonction en Californie. Toute la journée du samedi, Russell souffrit atrocement et s’affaiblissait de plus en plus. Ils arrivèrent à Los Angeles le dimanche 29 octobre, et c’est là, le soir, que frère Russell prononça son dernier discours devant une congrégation. Il était alors si faible qu’il dut prononcer son discours assis. Après avoir dit : “Je regrette de ne pas pouvoir parler puissamment”, il demanda à celui qui présidait d’enlever le pupitre et de lui apporter une chaise, tout en disant aux assistants : “Excusez-​moi d’être obligé de m’asseoir.” Il parla pendant quarante-cinq minutes environ, puis il répondit à quelques questions. Dwight Kenyon évoque cette circonstance, en disant : “J’ai eu le privilège d’assister au dernier discours que frère Russell prononça à Los Angeles le 29 octobre 1916. Il était très malade et resta assis pendant tout son exposé sur Zacharie 13:7-9. Comme je fus impressionnée par son texte de clôture : Nombres 6:24-26 !”

      Se rendant compte que sa santé ne lui permettrait pas d’aller plus loin, Russell décida d’annuler le reste de sa tournée de conférences et de rentrer aussitôt que possible au Béthel de Brooklyn. Le mardi 31 octobre, frère Russell agonisait. À Panhandle, au Texas, un médecin alerté par télégraphe monta dans le train et constata que sa condition était critique. Puis le train poursuivit son voyage. Peu de temps après, au début de l’après-midi du 31 octobre 1916, alors que le train se trouvait à Pampa, au Texas, Charles Taze Russell mourut, à l’âge de soixante-quatre ans.

      “DIEU EST TOUJOURS À LA BARRE”

      Les nombreuses épreuves, ses activités comme prédicateur, ses responsabilités comme rédacteur et ses autres devoirs avaient épuisé les forces vitales de Charles Russell. Pendant environ trente-deux ans, il fut président de la Société Watch Tower. On dit qu’il parcourut plus d’un million et demi de kilomètres en tant que conférencier et qu’il prononça plus de 30 000 sermons. Ses écrits comptent plus de 50 000 pages au total. Certains mois, il dictait jusqu’à mille lettres. Il fit tout cela, tout en dirigeant personnellement une œuvre d’évangélisation mondiale qui employait jusqu’à 700 prédicateurs. Enfin, Russell élabora la représentation biblique la plus extraordinaire que l’on ait jamais vue jusque-​là : Le Photo-Drame de la Création.

      Étant donné que frère Russell avait joué un rôle si important dans l’œuvre consistant à annoncer la bonne nouvelle, sa présence manqua beaucoup à nombre d’Étudiants de la Bible. Frère Macmillan écrivit plus tard : “Lorsque, au petit déjeuner le lendemain matin, je lus devant la famille du Béthel le télégramme annonçant sa mort, il y eut des gémissements d’un bout à l’autre de la salle à manger.” Parmi le peuple de Dieu en général, il y eut des réactions diverses. Frère Arden Pate, qui était placeur au Théâtre Majestic de San Antonio lorsque frère Russell prononça son dernier discours public, a déclaré : “D’aucuns ont dit : ‘C’est fini !’, et pour eux, c’était effectivement fini, parce qu’ils ne comprenaient pas que Jéhovah dirigeait son peuple. Ils comptaient trop sur un seul homme.” Lors du service funèbre célébré le dimanche 5 novembre 1916, au City Temple de New York, plusieurs de ses proches collaborateurs, tout en évoquant la perte cruelle que constituait sa mort, exhortèrent les assistants à demeurer fidèles. Le 6 novembre, à 14 heures, un autre service fut célébré dans la Salle Carnegie, à Pittsburgh. Le même jour, à la nuit tombante Russell fut enterré dans la concession appartenant à la famille du Béthel, au cimetière de Rosemont, à Allegheny. Pendant le service funèbre célébré à New York, frère Macmillan révéla la conversation qu’il avait eue avec frère Russell avant sa mort, en précisant les mesures que Russell avait prises par rapport au travail effectué au siège de la Société. Puis, entre autres, Macmillan déclara : “Une grande œuvre reste à faire, mais le Seigneur nous donnera la grâce et la force nécessaires pour l’accomplir. (...) Certains ouvriers pusillanimes pensent peut-être que le moment est arrivé où nous devons poser nos outils du moissonnage et attendre que le Seigneur nous appelle à lui. Mais ce n’est pas le moment d’écouter les paresseux. C’est l’heure de passer à l’action, — avec plus de détermination que jamais auparavant !”

      Vers la fin du discours qu’il prononça au service du soir, frère Rutherford déclara : “Mes chers frères, qu’allons-​nous faire, nous qui sommes ici et nos frères du monde entier ? Allons-​nous nous relâcher dans notre zèle pour la cause de notre Seigneur et Roi ? Non ! Par sa grâce, nous augmenterons notre zèle et notre énergie, afin d’achever notre course avec joie. Nous n’allons ni craindre, ni chanceler, mais nous allons nous serrer les coudes, combattre pour la foi et nous réjouir du privilège que nous avons de proclamer le Message de son Royaume.”

      Lors du service funèbre célébré pour frère Russell, le secrétaire-trésorier de la Société, frère Van Amburgh, fit ces remarques intéressantes : “Cette œuvre mondiale n’est pas l’œuvre d’un seul homme. Elle est bien trop vaste. C’est l’œuvre de Dieu et elle ne change pas. Dieu a employé de nombreux serviteurs dans le passé, et sans doute fera-​t-​il appel à bien d’autres dans l’avenir. Nous ne nous sommes pas consacrés à un homme, ni à une œuvre humaine, mais à l’accomplissement de la volonté de Dieu, telle qu’il nous la révèle par sa Parole et sa providence. Dieu est toujours à la barre.”

      C’étaient là des jours difficiles pour le peuple de Dieu, mais il chercha son secours en Jéhovah (Ps. 121:1-3). Dieu susciterait sûrement d’autres frères pour assumer les charges principales au sein de son organisation. L’œuvre de la prédication devait se poursuivre.

      Les serviteurs de Jéhovah venaient de traverser une période d’épreuves, mais des années de crise les attendaient. Lorsque Charles Russell mourut le 31 octobre 1916, la Société Watch Tower se trouvait sans président. En attendant la réunion annuelle prévue pour le 6 janvier 1917, un comité exécutif géra les affaires de la Société. Naturellement, pendant cette période, la question de la présidence fut soulevée. Un jour, frère Van Amburgh demanda à frère Macmillan : “Frère, qu’en penses-​tu ?” Macmillan répondit : “Que cela te plaise ou non, il n’y a qu’une seule personne qui convienne. Je ne vois qu’un seul homme qui soit capable de prendre en main l’œuvre à l’heure actuelle ; il s’agit de frère Rutherford.” Prenant la main de Macmillan, frère Van Amburgh déclara : “Je suis d’accord avec toi.” Frère Rutherford ignorait tout de cette conversation et ne fit rien pour s’attirer les votes. Mais lors de la réunion annuelle de la Société tenue le 6 janvier 1917, il fut proposé et élu président de la Société Watch Tower.

      Acceptant humblement ses nouvelles responsabilités, frère Rutherford parla brièvement à cette occasion, en demandant à ses frères dans la foi de l’assurer de “leurs prières unies, de leur compassion et de leur coopération sans réserve”. De son côté, il leur dit : “Celui qui nous a conduits jusqu’ici continuera de nous conduire. Que nos cœurs soient courageux, que notre esprit soit vigilant et que nos mains soient volontaires ! Ayons une confiance absolue dans le Seigneur, et cherchons toujours sa direction. Il nous conduira à une victoire certaine. Renouvelons aujourd’hui l’Alliance que nous avons contractée avec lui, et unis par les liens sacrés de l’amour chrétien, puissions-​nous aller de l’avant pour proclamer au monde que ‘le Royaume des cieux est proche’ !”

      LES ORIGINES DE RUTHERFORD

      Rutherford a combattu courageusement pour la vérité. Il est né le 8 novembre 1869, de parents baptistes, dans une ferme à Morgan County, dans le Missouri. De sœur Ross, la sœur aînée de Joseph Franklin Rutherford, frère Schroeder a appris ce qui suit : “Leur père était un baptiste convaincu dans le Missouri où la famille habitait. Son plus jeune frère, Joseph, n’a jamais pu accepter la doctrine baptiste de l’enfer de feu. Même avant que la famille ne connaisse la vérité, cette question a fait l’objet de chaudes discussions au foyer. Son frère a toujours été un homme aux convictions fermes, qui possédait un sens profond de la justice. Tout jeune, il voulait déjà être avocat et juge, mais leur père préférait le voir rester à la ferme plutôt que d’aller à l’université étudier le droit. Joseph a donc dû emprunter de l’argent à un ami afin de payer à la fois ses études de droit et la personne qu’il avait engagée pour le remplacer à la ferme.”

      Joseph Rutherford a donc réussi à payer toutes ses études lui-​même. Entre autres choses, il a appris la sténographie dont il s’est servi par la suite avec une grande maîtrise pour noter les pensées qui lui venaient à l’esprit en vue de la rédaction d’articles bibliques et autres. Alors qu’il était étudiant, il travaillait comme sténographe près un tribunal. Cette occupation lui a permis de payer ses derniers cours et d’acquérir une expérience pratique. Ses études achevées, Rutherford a fait un stage de deux ans dans le cabinet du juge Edwards. Puis, à l’âge de vingt ans, il a été nommé rapporteur officiel près les tribunaux de la Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. À vingt-deux ans, il a été admis au barreau du Missouri. D’après les archives du tribunal de circonscription de Cooper, Rutherford fut autorisé à ouvrir une étude d’avocat dans l’État du Missouri le 5 mai 1892. Il commença donc à exercer à Boonville en qualité d’avocat plaidant du cabinet Draffen et Wright.

      Par la suite, il a rempli pendant quatre ans les fonctions de procureur général de Boonville, puis celles de juge spécial de cette Quatorzième Circonscription judiciaire du Missouri. En cette qualité, il lui est arrivé de siéger comme juge suppléant dans de nombreux procès, en remplacement du juge titulaire. Il a donc commencé à être connu sous le nom de “Juge” Rutherford.

      Hazelle et Helen Krull se souviennent que Rutherford leur a raconté comment il s’est intéressé à la vérité proclamée par les serviteurs de Jéhovah. Elles nous ont rapporté cela en ces termes : “Au cours de l’une de ses visites, frère Rutherford nous proposa une promenade au clair de lune dans la campagne. Tout en marchant, il nous parla de sa jeunesse et de la manière dont il s’était intéressé à la vérité. Il a été élevé dans une ferme, mais il désirait étudier le droit. Son père lui fit comprendre qu’il avait besoin de son aide, mais il consentit finalement à le laisser partir à condition qu’il paie lui-​même ses études ainsi que l’ouvrier qui ferait le travail de la ferme à sa place. Durant les vacances d’été il vendit des livres, afin de tenir l’engagement qu’il avait pris. (...) Il se promit que si quelqu’un se présentait à son bureau pour lui vendre des livres lorsqu’il serait avocat, il les achèterait. C’est ce qui se produisit [en 1894], mais ce fut son associé qui reçut les visiteurs. Il s’agissait d’un ‘colporteur’ — sœur Elizabeth Hettenbaugh — qui proposait trois volumes de la série L’Aurore du Millénium. N’étant pas intéressé par ces livres, l’associé de Rutherford congédia la sœur [et sa compagne sœur Beeler, également colporteur]. Mais frère Rutherford sortit de son bureau privé ; il avait entendu parler de livres et s’était souvenu de sa promesse. Il rappela donc sœur Hettenbaugh, prit les livres et les plaça dans sa bibliothèque, chez lui, où ils restèrent pendant quelque temps. Mais un jour, alors qu’il se remettait d’une longue maladie, il ouvrit l’un de ces livres et en commença la lecture. C’est ainsi qu’il s’intéressa à la vérité, s’attacha à Dieu et le servit sa vie durant, sans jamais se relâcher.”

      Il n’y avait pas de réunions des Étudiants de la Bible près de chez lui. Mais Clarence Beaty raconte : “À partir de 1904, les réunions se sont tenues chez nous. Sœur Rutherford et le juge Rutherford venaient de Boonville, dans le Missouri, pour le Mémorial [de la mort du Christ]. (...) C’est chez nous qu’il participa pour la première fois au Mémorial et prononça son premier discours de pèlerin, devant les amis réunis. À Boonville, ils étaient les seuls à avoir accepté la vérité.”

      Mais comment Rutherford devint-​il prédicateur de la bonne nouvelle ? Eh bien, grâce à l’aide de frère Macmillan. Celui-ci rencontra Rutherford en 1905, à Kansas City, à l’occasion d’un voyage qu’il effectuait en compagnie de frère Russell à travers les États-Unis. Quelque temps plus tard, frère Macmillan rendit visite au juge Rutherford, chez qui il resta un ou deux jours. Une de leurs conversations fut à peu près la suivante :

      “Juge, vous devriez prêcher la vérité ici.”

      “Je ne suis pas prédicateur, mais avocat.”

      “Très bien. En ce cas, je vais vous montrer ce que vous pouvez faire. Prenez un exemplaire de la Sainte Bible et rassemblez un petit groupe de personnes ; enseignez-​les au sujet de la vie, de la mort et d’autres choses encore. Expliquez-​leur d’où vient la vie, pourquoi nous mourons et ce que la mort signifie. Prenez les Écritures à témoin et terminez en disant : ‘Telles sont mes conclusions’, exactement comme si vous vous adressiez à un jury dans un tribunal.”

      “Cela me paraît intéressant.”

      Que se passa-​t-​il ensuite ? Rutherford suivit-​il ce conseil ? Frère Macmillan rapporte : “Il y avait un Noir qui exploitait une petite ferme dans la ville voisine de celle de Rutherford, à la limite de la ville. Entre quinze et vingt Noirs se réunirent chez lui, et Rutherford leur présenta un sermon sur ‘La vie, la mort et l’au-delà’. Tandis qu’il parlait, ces gens ne cessaient de dire : ‘Que le Seigneur soit loué, Juge ! Où avez-​vous appris tout cela ?’ Quelle joie ce fut pour lui ! C’était son tout premier discours biblique.”

      Peu de temps après, en 1906, Rutherford symbolisa l’offrande de sa personne à Jéhovah Dieu. Frère Macmillan écrivit : “J’ai eu le privilège de le baptiser à Saint Paul, dans le Minnesota. Il fut l’une des 144 personnes que j’ai personnellement baptisées dans l’eau ce jour-​là. J’ai donc été particulièrement heureux lorsque j’ai appris qu’il devenait président de la Société.”

      En 1907, Rutherford est devenu l’avocat-conseil de la Société Watch Tower et il travaillait au bureau central de Pittsburgh. Il a eu le privilège de négocier le transfert du bureau central de la Société à New York, en 1909. À cet effet, il a postulé et obtenu son admission au barreau de l’État de New York. Le 24 mai de la même année, il a été admis, en cette nouvelle qualité, à plaider devant la Cour suprême des États-Unis.

      Frère Rutherford a prononcé de très nombreux discours en qualité de pèlerin ou représentant itinérant de la Société Watch Tower. Orateur biblique, il a beaucoup voyagé à travers les États-Unis, parlant, après en avoir fait la demande, dans de nombreuses écoles secondaires et universités, et il s’est adressé également à de vastes auditoires un peu partout en Europe. Rutherford a visité l’Égypte et la Palestine, et en 1913, accompagné de sa femme, il s’est rendu en Allemagne où il a prononcé des discours en plusieurs endroits devant 18 000 personnes au total.

      SA PERSONNALITÉ

      Jésus Christ a dit que tous ses disciples sont “frères” et que ‘le plus grand parmi eux devra être leur ministre’. (Mat. 23:8-12.) Par conséquent, aucun vrai chrétien n’accorde à un compagnon de service une importance qui ne lui revient pas. Pourtant, la Bible révèle les traits de caractère de certains serviteurs de Dieu. Moïse, par exemple, était connu pour son humilité, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, pour leur fougue (Nomb. 12:3 ; Marc 3:17 ; Luc 9:54). Puisque Joseph Rutherford s’est vu confier de très grandes responsabilités au sein de l’organisation terrestre de Jéhovah, il serait intéressant de connaître sa personnalité et ses qualités.

      Frère Macmillan dit : “Rutherford a toujours témoigné d’un profond amour chrétien pour ses collaborateurs, et il était très bon ; toutefois, il n’était pas de nature aussi douce et calme que Russell. Il était brusque, franc et ne cachait pas ses sentiments. Son langage direct, même lorsqu’il était exprimé avec amabilité, était parfois mal compris. Il était président depuis peu lorsqu’il s’est avéré que le Seigneur avait choisi l’homme qu’il fallait pour la tâche à accomplir.”

      L’incident qui se produisit le 18 avril 1924 à Londres, à l’ancien Tabernacle des Étudiants de la Bible, à l’occasion du discours du Mémorial, nous donnera une meilleure idée de la personnalité de Rutherford. À ce propos, sœur William Heath écrit : “Le Tabernacle était une ancienne église épiscopalienne que la Société avait achetée pour une bouchée de pain ; il servait en quelque sorte de Salle du Royaume, car on y tenait les réunions du dimanche. (...) La chaire réservée à l’orateur était très haute, à environ six mètres du sol, et seule sa tête était visible lorsqu’il s’adressait à l’assistance. C’est probablement la raison pour laquelle frère Rutherford l’appelait ‘l’abreuvoir’. Il refusa de parler de là-haut, et il scandalisa même les frères en redescendant pour se mettre à leur niveau.”

      À l’époque où frère Rutherford est devenu président de la Société Watch Tower, il fallait quelqu’un de courageux, de fidèle et de déterminé. Il manifesta ces qualités. Esther Morris se souvient d’un discours prononcé par Rutherford lorsqu’il était pèlerin, devant une assistance nombreuse réunie dans ce qui était alors le plus grand théâtre de Boise, dans l’État d’Idaho. Elle dit : “Son exposé sur la fausse religion suscita la colère de plusieurs membres du clergé de la localité, qui tentèrent de l’interrompre et de soulever une controverse ; mais ses paroles énergiques : ‘Asseyez-​vous ! Je demande la protection de la loi !’ lui permirent de poursuivre. Les Étudiants de la Bible de villes voisines étant venus, nous avons loué une salle dans laquelle nous avons tenu une petite assemblée. Frère Rutherford faisait savoir avec hardiesse que ce message et ce ministère étaient des plus importants.”

      Sœur Anna Elsdon nous révèle un trait touchant de la nature de frère Rutherford. Se souvenant du temps de sa jeunesse, elle écrit : “Nous avons souvent eu l’occasion de bavarder avec frère Rutherford. Un jour que nous étions réunis à plusieurs jeunes, il est venu vers nous. Nous lui avons posé beaucoup de questions sur l’école, le salut au drapeau, etc., et il nous a parlé longuement. Au moment de partir, il a gardé affectueusement nos cinq mains dans les siennes, qui étaient grandes ; il avait les larmes aux yeux. Il était très heureux et touché de voir des jeunes comme nous parler des choses profondes de la vérité. Je me souviendrai toujours de cet instant. Si frère Russell avait de l’amour, frère Rutherford aussi, et nous en avons eu un témoignage.”

      AU TRAVAIL !

      Frère Rutherford était décidé à faire activer l’œuvre de prédication du Royaume. Pendant des années, sous la direction de l’esprit saint de Jéhovah, les Étudiants de la Bible avaient déployé une activité remarquable pour proclamer la vérité divine. En effet, de 1870 à 1913, ils avaient diffusé 228 255 719 tracts et dépliants, et 6 950 292 livres. Rien qu’en l’année cruciale de 1914, les serviteurs de Jéhovah ont distribué 71 285 037 tracts et dépliants, et 992 845 livres. Malheureusement, au cours des années 1915 et 1916, l’activité se ralentit à cause de l’extension de la Première Guerre mondiale et de la rupture des communications. Mais en 1917, l’œuvre commença de prendre un nouvel essor. Pourquoi cela ?

      Le nouveau président de la Société a promptement réorganisé le bureau central à Brooklyn, et il s’est mis à réanimer l’œuvre du champ. Les changements qu’il a apportés et les programmes qu’il a établis correspondaient tout à fait à ceux que Russell avait amorcés de son vivant. Le nombre des représentants de la Société, appelés pèlerins, est passé de soixante-neuf à quatre-vingt-treize. Les frères ont également été exhortés à distribuer gratuitement des tracts certains dimanches devant les églises, et régulièrement de maison en maison. Rien qu’en 1917, il a été distribué 28 665 000 exemplaires gratuits d’un nouveau tract de quatre pages, intitulé L’Étudiant de la Bible.

      Une autre activité, qui avait commencé avant la mort de Russell, a également été intensifiée. Il s’agissait de “l’œuvre pastorale”, qui annonçait en quelque sorte les nouvelles visites accomplies aujourd’hui par les témoins chrétiens de Jéhovah. Du vivant de Russell, cette activité se limitait à quelque 500 congrégations qui l’avaient élu comme leur pasteur. Dans une lettre adressée à ces groupements, il avait décrit cette activité comme une “œuvre importante permettant de rester en contact avec les personnes qui ont laissé leur adresse lors des conférences publiques et des représentations du Photo-Drame, ou qui figurent sur les listes dressées par les colporteurs, etc. — personnes qui s’intéressent certainement aux questions religieuses et qui sont plus ou moins susceptibles d’accepter la vérité”.

      Les femmes de la congrégation qui désiraient accomplir cette œuvre devaient élire l’une d’elles comme présidente et une autre comme secrétaire-trésorière. Il fallait diviser la ville en territoires et les attribuer à chaque sœur, qui s’engageait à rendre visite aux personnes dont on avait relevé le nom. Le but de ces visites était de prêter des livres à celles qui désiraient les lire et les étudier. “Ainsi, personne n’avait l’excuse de dire : ‘Je n’ai pas d’argent’, car ce prêt était gratuit”, nous dit Esther Morris. À la fin de la visite, la sœur annonçait qu’une conférence sur le Divin Plan des Âges serait donnée dans le quartier, et que toutes les personnes que cela intéressait étaient encouragées à y assister. Une fois qu’elles étaient venues, on les revisitait dans l’intention de commencer une étude à l’aide du premier volume des Études des Écritures, intitulé “Le divin Plan des Âges”. Ainsi, le but de ce programme était de rassembler des personnes pour former des “classes” ; tout d’abord, elles écoutaient des conférences basées sur le tableau ou “carte des âges”, puis elles étaient rassemblées en groupes ou “classes béréennes”. — Actes 17:10, 11.

      D’autres dispositions ont été prises par le nouveau président de la Société pour réanimer l’œuvre de prédication. Le service des colporteurs a été élargi, et leur nombre est passé de 373 à 461. Pour les seconder dans leur activité, au début de 1917, la Société a commencé à publier un feuillet appelé “Le bulletin”. Il renfermait des instructions de service émanant du bureau central. À partir d’octobre 1922, Le Bulletin a été mis chaque mois à la disposition des Étudiants de la Bible en général. (Il a également été appelé “L’instructeur”, “Informateur” et finalement “Notre ministère du Royaume”.) Sœur Gambill dit que par la suite “on y trouva des témoignages, que nous étions encouragés à apprendre par cœur en vue de les utiliser dans le service du champ. Ma belle-sœur (...) me suivait partout, s’efforçant de retenir chaque mot, tant elle désirait présenter correctement le message”. Parlant des Bulletins qui contenaient des témoignages tout prêts, Elizabeth Elrod dit : J’appréciais ces témoignages, car à l’époque il n’était pas prévu qu’un proclamateur accompagne un nouveau pour le former et l’aider à devenir à son tour un proclamateur expérimenté. Cette disposition unifiait le message que nous prêchions.”

      Dans le cadre de cette campagne de rajeunissement, en 1917 d’autres mesures ont été prises par la nouvelle administration. Par exemple, on a tenu plusieurs réunions régionales dans le but d’encourager les Étudiants de la Bible à poursuivre l’œuvre et à ne pas se lasser de faire le bien.

      Juste avant 1914, Russell avait mis l’accent sur un programme de conférences publiques. Le moment était maintenant venu de prendre des dispositions pour que d’autres orateurs qualifiés représentent la Société Watch Tower devant le grand public. Ce résultat devait être atteint grâce aux questions VDM. Ces initiales viennent du latin Verbi Dei Minister et signifient “ministre de la Parole de Dieu”. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un questionnaire accessible à tous les hommes et femmes qui faisaient partie de la congrégation des Étudiants de la Bible.

      Voici quelques-unes des questions qui étaient posées. Pourriez-​vous y répondre ? 1) Quelle fut la première création de Dieu ? 4) Quel châtiment divin sanctionne le péché, et qui sont les pécheurs ? 6) De quelle nature était l’homme Jésus Christ, de sa naissance à sa mort ? 7) Quelle est la nature de Jésus depuis sa résurrection, et quelle position occupe-​t-​il par rapport à Jéhovah ? 13) Quelle récompense ou bénédictions attend le monde des hommes qui obéit au Royaume messianique ? 16) Vous êtes-​vous détourné du péché pour servir le Dieu vivant ? 17) Avez-​vous fait la consécration entière de votre vie, de vos forces et de vos dons au Seigneur et à son service ? 18) Avez-​vous symbolisé cette consécration par l’immersion dans l’eau ? 22) Croyez-​vous avoir une connaissance importante et durable de la Bible qui fera de vous un serviteur du Seigneur efficace durant toute votre vie ?

      Ceux qui envoyaient leur questionnaire dûment rempli au service V. D. M. du bureau central recevaient une lettre renfermant “quelques suggestions et conseils aimables”, compte tenu de leurs réponses. Entre autres choses, il était demandé au candidat de répondre en ses propres termes.

      À propos de ces questionnaires, George Hannan écrit : “Ces questions permettaient de déterminer dans quelle mesure le candidat avait compris les doctrines élémentaires de la Bible. Toute personne ayant obtenu 85 pour cent des points était qualifiée pour enseigner. De tels frères étaient reconnus aptes à prononcer des discours publics. Ces questions encourageaient tous les membres de la Société à lire les six volumes des Études des Écritures, en vérifiant les références bibliques.”

      Ainsi Rutherford, nouveau président de la Société Watch Tower, prit immédiatement des dispositions pour activer l’œuvre de prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. Celles-ci furent bénies. L’année 1917 a connu un accroissement de l’activité ministérielle à la louange de Jéhovah Dieu.

      “NE VOUS LAISSEZ PAS DÉCONCERTER PAR L’INCENDIE QUI EST AU MILIEU DE VOUS”

      Toutefois, certains membres de l’organisation n’avaient pas accepté avec joie l’élection de Rutherford à la présidence. En fait, au début de 1917, quelques ambitieux ont cherché à prendre en main le contrôle administratif de la Société. Ils ont refusé de coopérer. C’est alors qu’a commencé l’incendie qui devait servir d’épreuve. Bien sûr, les chrétiens s’attendaient à rencontrer de l’opposition et à être persécutés par les adversaires appartenant au monde. Mais les épreuves suscitées au sein même de la congrégation chrétienne sont souvent inattendues et plus difficiles à surmonter. Toutefois, grâce à Dieu il est possible d’endurer de telles tribulations. Pierre dit à ses compagnons chrétiens : “Bien-aimés, ne vous laissez pas déconcerter par l’incendie qui est au milieu de vous et qui vous advient pour servir d’épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’étrange. Bien au contraire, continuez à vous réjouir puisque vous avez part aux souffrances du Christ.” — I Pierre 4:12, 13.

      Jéhovah et son “messager de l’alliance” sont venus inspecter le temple spirituel en 1918. Alors ont commencé le jugement de “la maison de Dieu” et une période d’épuration et de purification (Mal. 3:1-3 ; I Pierre 4:17). Mais il s’est également passé autre chose. Des hommes, qui possédaient les traits caractéristiques d’un “méchant esclave”, sont sortis de l’ombre et se sont mis à battre, figurativement parlant, leurs compagnons d’esclavage. Jésus Christ avait annoncé ce qu’il adviendrait de ces esclaves méchants, précisant aussi que la classe de “l’esclave fidèle et avisé” se manifesterait et dispenserait la nourriture spirituelle. — Mat. 24:45-51.

      L’identification de “l’esclave fidèle et avisé” était une question très importante à cette époque-​là. En 1881, Russell écrivit : “Nous croyons que chaque membre de ce corps du Christ est engagé, soit directement ou indirectement, dans cette œuvre bénie qui consiste à donner la nourriture au temps convenable à la famille de la foi. ‘Quel est donc le serviteur fidèle et prudent, que son maître a établi sur ses gens, pour leur donner la nourriture au temps convenable ?’ N’est-​ce pas ce ‘petit troupeau’ de serviteurs consacrés qui accomplissent fidèlement leur vœu de consécration, — le corps du Christ, — et n’est-​ce pas tout le corps qui, individuellement et collectivement, dispense la nourriture au temps convenable à toute la maison de la foi, aux nombreux croyants ?”

      Ainsi, il était entendu que le “serviteur” utilisé par Dieu pour dispenser la nourriture spirituelle est une classe. Mais avec le temps, beaucoup ont cru que Russell était le “serviteur fidèle et prudent”. Cette conception a fait tomber certains dans le piège du culte de la créature. Ils étaient persuadés que toutes les vérités que Dieu désirait révéler à son peuple l’avaient été au moyen de frère Russell, et que désormais il n’y aurait plus aucune révélation. Annie Poggensee écrit à ce sujet : “Cela provoqua une grande séparation d’avec ceux qui avaient choisi de s’en tenir aux œuvres de Russell.” En février 1927, cette pensée erronée selon laquelle Russell était “l’esclave fidèle et prudent” était redressée.

      Peu après l’élection de frère Rutherford à la présidence de la Société Watch Tower, certains ont fomenté une véritable conspiration. La graine de la rébellion était semée, et elle s’est vite répandue. Jugez-​en plutôt vous-​même.

      Quand la Première Guerre mondiale a éclaté, Russell a vu la nécessité d’envoyer un frère en Angleterre pour y affermir les Étudiants de la Bible. Il avait eu l’intention d’y envoyer Paul Johnson, d’origine juive, qui avait quitté le judaïsme pour se faire pasteur luthérien avant de connaître la vérité. Homme très capable, Johnson avait servi la Société en qualité d’orateur itinérant. Respectant le vœu de Russell, le comité provisoire qui gérait la Société avant l’élection de Rutherford a envoyé Johnson en Angleterre, lui fournissant des papiers qui faciliteraient son entrée dans ce pays. Il avait pour consigne de se renseigner sur le fonctionnement de l’œuvre en Angleterre et d’envoyer un rapport complet à ce sujet à la Société ; toutefois, il n’était pas autorisé à procéder à des changements parmi les membres du bureau de Londres. Il semble que l’accueil qui lui a été réservé dans ce pays en novembre ait faussé son jugement, ce qui lui a fait perdre son bon sens au point que, rapporte Macmillan, “il en arriva à la conclusion ridicule qu’il était le ‘régisseur’ de la parabole du denier prononcée par Jésus. Par la suite il s’est pris pour le grand prêtre du monde”. Dans les discours qu’il prononça devant les Étudiants de la Bible un peu partout en Angleterre, Johnson se prétendait le successeur de Russell, disant que le manteau du pasteur Russell avait été jeté sur ses épaules tout comme le “vêtement officiel” d’Élie était tombé sur Élisée. — II Rois 2:11-14.

      Il semble que Johnson ait développé ces tendances bien avant cela, selon ce qui ressort du témoignage suivant d’Edythe Kessler : “En 1915, j’ai quitté le Béthel. Avant de me rendre en Arizona, j’ai visité un couple d’amis de longue date. Pendant mon séjour, ils ont reçu un pèlerin du nom de Johnson. Satan laissa voir à cette occasion les voies souterraines qu’il employait pour avoir, peu importe comment, la haute main sur l’organisation. Johnson me dit : ‘Je voudrais te parler. Asseyons-​nous dans la salle de séjour’ ; ce que nous avons fait. Il poursuivit en disant : ‘Nous savons que frère Russell peut mourir d’un moment à l’autre, mais nos amis ne doivent pas s’inquiéter lorsque cela arrivera. Je peux le remplacer et prendre la relève sans que l’œuvre soit interrompue.’”

      Durant son séjour en Angleterre, il a tenté de faire passer sous son contrôle personnel toute l’activité du champ déployée dans ce pays, essayant, sans en avoir reçu l’ordre, de démettre de leurs fonctions certains membres du bureau central de Londres. La confusion était telle que le surveillant de la filiale s’est vu contraint de s’en plaindre à frère Rutherford. Celui-ci a immédiatement nommé une commission d’enquête, composée de plusieurs frères qui ne faisaient pas partie du Béthel. Cette commission s’est donc réunie. Après avoir dûment considéré les faits, elle a exprimé l’avis qu’il vaudrait mieux rappeler Johnson en Amérique. Rutherford a donc demandé à Johnson de rentrer. Au lieu de cela, cherchant à se justifier, celui-ci a envoyé des lettres et des câbles qui accusaient la commission d’être prévenue à son endroit. Pour se rendre indispensable en Angleterre, il s’est servi de certains papiers que la Société lui avait fournis, et il a bloqué les fonds de la filiale déposés dans une banque de Londres. Il a même fallu, par la suite, intenter un procès contre lui pour que la Société puisse de nouveau disposer de cet argent.

      Johnson a finalement dû regagner New York, où il a tout essayé pour persuader Rutherford de le renvoyer en Angleterre, mais en vain. Convaincu que Rutherford n’était pas à la hauteur de sa tâche, Johnson pensait que c’était plutôt à lui-​même que revenait la fonction de président de la Société. Il a donc cherché appui auprès des membres du comité directeur. Sur les sept directeurs, quatre se sont finalement laissé convaincre par Johnson que Rutherford n’avait pas l’étoffe d’un président. Tous quatre se sont opposés au président de la Société, au vice-président et au secrétaire-trésorier, cherchant à priver le président du pouvoir administratif.

      Rutherford s’est réuni avec les dissidents et a essayé de leur faire entendre raison. Macmillan dit que Rutherford “est même venu voir plusieurs d’entre nous pour demander : ‘Est-​ce que je dois démissionner de ma fonction de président et laisser la place aux adversaires ?’ Nous lui avons tous répondu : ‘Frère, le Seigneur t’a mis à cette place ; démissionner ou l’abandonner équivaudrait à commettre un acte d’infidélité envers le Seigneur.’ En outre, le personnel du bureau a menacé de partir si ces hommes en prenaient la direction”.

      À l’occasion d’une longue session de la réunion annuelle de la Société en 1917, les quatre directeurs dissidents ont tenté de présenter une résolution proposant un amendement aux statuts de la Société. Cela aurait pour but de confier les pouvoirs administratifs aux membres du comité directeur. Cette proposition était contraire à la fois aux dispositions qui existaient sous la présidence de frère Russell et à la volonté des sociétaires ; Rutherford l’a donc rejetée et le complot a échoué. L’opposition s’est faite plus violente par la suite, mais une surprise attendait les dissidents.

      “LE MYSTÈRE ACCOMPLI”

      Tout au long de son administration en tant que président de la Société, frère Russell avait pris, conjointement avec le vice-président et le secrétaire-trésorier, des décisions concernant les nouvelles publications. En tant que groupe, le comité directeur n’avait pas été consulté. Frère Rutherford agissait de même. C’est ainsi que le jour arriva où les trois administrateurs de la Société prirent une décision d’une grande portée.

      Charles Russell avait écrit six volumes de la série L’Aurore du Millénium ou Études des Écritures et il avait souvent parlé d’en écrire un septième. Il avait dit : “Dès que j’en trouverai la clé, j’écrirai un septième volume, et si le Seigneur donne la clé à quelqu’un d’autre, que celui-là l’écrive.” Les administrateurs de la Société ont pris des dispositions pour que deux Étudiants de la Bible, Clayton Woodworth et George Fisher, compilent un livre qui renfermerait des commentaires sur la Révélation, le Cantique de Salomon et le livre d’Ézéchiel. Les deux co-rédacteurs ont rassemblé tout ce que Russell avait écrit sur le sujet, et le fruit de cette compilation a été publié sous le titre “Le mystère accompli”, septième volume des Études des Écritures. Celui-ci contenait en grande partie les pensées et les commentaires de Russell ; on le désigna donc comme étant l’“œuvre posthume du pasteur Russell”.

      Vers le milieu de 1917, le moment était venu d’annoncer la parution du nouveau livre. Cela se passait le 17 juillet. Martin Bowin rapporte : “J’étais de service dans la salle à manger [du Béthel de Brooklyn] lorsque le téléphone s’est mis à sonner. Nous procédions aux derniers préparatifs pour le repas de midi. Comme j’étais le plus près du téléphone, j’ai répondu. Frère Rutherford était à l’autre bout du fil ; il dit : ‘Qui est avec toi ?’ ‘Louis’, lui ai-​je répondu. Il nous dit de monter immédiatement à son bureau, ‘sans prendre la peine de frapper à la porte’. On nous a remis une pile de livres, avec la consigne d’en mettre un à chaque place, et cela avant que les membres de la famille n’arrivent pour le repas de midi.” La famille ne tarda pas à être réunie au complet dans la salle à manger.

      Frère Bowin poursuit en disant : “Comme à l’accoutumée, la prière a été prononcée. Puis tout a commencé ! Provoquée par (...) Johnson, (...) une vive controverse a éclaté, visant notre cher frère Rutherford. Proférant à haute voix des accusations méchantes, les opposants marchaient de long en large, s’arrêtant près de la table de frère Rutherford pour lui montrer le poing et lui jeter d’autres critiques au visage. (...) Cette démonstration hostile a duré cinq heures. Puis, tous les membres de la famille se sont levés de table ; ils n’avaient pratiquement pas touché aux plats ; les jambes coupées, les serveurs ont alors débarrassé et mis en ordre la salle à manger.”

      Cette controverse a montré que certains membres de la famille du Béthel éprouvaient de la sympathie pour les opposants. Si cette opposition persistait, elle risquait de paralyser complètement le fonctionnement même du Béthel. Aussi frère Rutherford a-​t-​il pris les mesures qui s’imposaient. Bien que connaissant parfaitement les statuts de la Société, Rutherford a consulté un avocat-conseil de Philadelphie, en Pennsylvanie, à propos des clauses relatives au comité directeur. La réponse écrite a révélé que les quatre dissidents n’étaient pas légalement membres du comité directeur. Pourquoi cela ?

      Russell avait nommé ces hommes aux fonctions de directeur, mais les statuts de la Société exigeaient que ces derniers soient élus par un vote des sociétaires. Rutherford lui avait fait remarquer que ces nominations n’avaient pas été confirmées par un vote émis par l’assemblée lors de la réunion annuelle, mais Russell ne s’en était pas inquiété. Ainsi, seuls les administrateurs qui avaient été élus à la réunion annuelle de Pittsburgh avaient été régulièrement constitués membres du comité. Quant aux quatre opposants, ils n’étaient pas légalement membres du comité. Rutherford s’est gardé de révéler ce fait, car, tout au long de cette période de difficultés, il espérait que ces hommes cesseraient leur opposition. Mais leur attitude a montré qu’ils n’étaient pas qualifiés pour les fonctions de directeur. Rutherford les a donc destitués et a désigné quatre nouveaux membres, dont la nomination serait confirmée par l’assemblée générale suivante, tenue au début de 1918.

      Néanmoins, frère Rutherford n’a pas expulsé purement et simplement de l’organisation chrétienne ces directeurs destitués. Il leur a offert des postes importants comme frères pèlerins, mais ils ont refusé et ont quitté volontairement le Béthel. Ils se sont ensuite mis à faire connaître leur opposition au moyen d’une vaste campagne de conférences et de lettres qui a couvert les États-Unis, le Canada et l’Europe. Le résultat, c’est que, dès l’été de 1917, il y avait dans le monde entier de nombreuses congrégations divisées en deux clans : ceux qui demeuraient fidèlement attachés à l’organisation de Jéhovah, et les autres, qui s’étaient assoupis spirituellement et s’étaient laissé prendre au langage doucereux des opposants. Ces derniers ont refusé de coopérer et de participer à l’œuvre de prédication de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu.

      UN EFFORT DÉSESPÉRÉ EST TENTÉ POUR S’EMPARER DE LA DIRECTION

      En août 1917, les Étudiants de la Bible devaient tenir une assemblée à Boston, dans le Massachusetts. Les dissidents se sont figurés qu’ils arriveraient à faire passer cette assemblée sous leur contrôle. Mary Hannan, qui a assisté à ce congrès, rapporte ce qui suit : “Conscient de ce fait, à aucun moment frère Rutherford ne leur a donné l’occasion de prendre la parole. Il a assuré en permanence la présidence de cette assemblée.” Ce congrès a été une grande réussite, toute à la louange de Jéhovah, et les opposants ont essuyé un échec cuisant.

      Frère Rutherford savait que l’assemblée générale ordinaire de la Société, qui devait se tenir le 5 janvier 1918, offrirait aux dissidents une autre occasion de s’emparer de la direction de l’œuvre. Il était à peu près certain que les Étudiants de la Bible dans leur ensemble n’approuveraient pas une telle initiative. Pourtant, ils ne pourraient pas se prononcer au sujet de l’élection, car seuls les membres de la Watch Tower Bible and Tract Society, légalement constituée, avaient le droit de vote. Que pouvait donc faire Rutherford ? Il pourrait permettre à tous les serviteurs voués de Jéhovah de se prononcer. Ainsi, La Tour de Garde du 1er novembre 1917 (angl.) a suggéré à chaque congrégation de procéder à un référendum. Le 15 décembre, 813 congrégations avaient envoyé leurs votes, et les résultats étaient les suivants : sur 11 241 voix, 10 869 confirmaient Rutherford dans sa fonction de président de la Société. Entre autres choses, le référendum a également démontré que l’on préférait tous les membres fidèles du comité directeur, remanié en juillet 1917, aux rebelles qui prétendaient faire partie de ce comité.

      Voici les noms des sept frères qui ont recueilli le plus grand nombre de voix à l’occasion de la réunion annuelle des sociétaires, le samedi 5 janvier 1918 : Rutherford, Anderson, Van Amburgh, Macmillan, Spill, Bohnet et Fisher. Aucun des opposants n’a réussi à entrer dans le comité directeur. Les représentants de la Société ont ensuite été élus par les directeurs régulièrement constitués ; Rutherford a recueilli l’unanimité des voix pour la fonction de président, Anderson pour celle de vice-président et Van Amburgh pour celle de secrétaire-trésorier. Ainsi, ces hommes avaient été élus dans les règles comme administrateurs de la Société. Le dernier effort tenté par les opposants pour s’emparer de la direction avait complètement échoué.

      Le désaccord entre les fidèles et les opposants était tel que la réconciliation n’était plus possible. Les dissidents ont formé leur propre organisation dirigée par ce qu’ils appelaient le “Comité des sept”. Au moment du Mémorial, le 26 mars 1918, la scission était vraiment achevée, car les dissidents ont préféré célébrer la mort du Christ en dehors des congrégations fidèles du peuple de Dieu. L’unité des opposants fut cependant de courte durée, car à l’occasion de leur assemblée tenue en été 1918, des divergences ont provoqué la scission du groupe. Johnson a alors fondé son propre mouvement, dont le siège était à Philadelphie, en Pennsylvanie, d’où il publia La vérité présente et le messager de l’épiphanie du Christ. Il s’est d’ailleurs établi dans cette ville et a pris le titre de “souverain sacrificateur de la terre”, qu’il a gardé jusqu’à sa mort. À partir de 1918, d’autres dissensions allaient amener des scissions. Pour finir, le groupe primitif qui s’était séparé de la Société Watch Tower s’est désintégré, donnant naissance à un certain nombre de sectes schismatiques.

      Beaucoup de ceux qui s’étaient retirés au cours des années qui avaient suivi la mort de Russell ne se sont jamais opposés activement à leurs anciens compagnons chrétiens. Certains sont revenus, se sont repentis de leurs actions passées et ont de nouveau fréquenté le peuple de Dieu. Ce fut un temps d’épreuve sévère, comme le souligne Mabel Philbrick : “Je fus accablée de chagrin lorsque je me suis rendu compte que mon père et ma mère adoptive, que j’aimais tendrement, abandonnaient la vérité après avoir couru pour la récompense céleste. J’ai lutté, j’ai versé de nombreuses larmes, puis je me suis fait une raison ; mais c’était dur, car je savais que quiconque perd sa couronne perd également toute espérance de vie. La pensée qu’ils subiraient la seconde mort m’était intolérable. Mais un jour que je priais, Jéhovah m’a beaucoup réconfortée, car je commençais à désirer sincèrement que sa volonté se fasse. J’ai compris tout à coup que son amour et sa justice étaient de loin supérieurs aux miens, et que s’il ne les jugeait pas dignes de recevoir la vie, je ne pouvais pas désirer les conserver, car mon père et ma mère n’étaient pas différents des autres parents. À partir de ce jour-​là, mon esprit a connu le repos.”

      Ainsi, ceux qui se sont séparés des fidèles serviteurs de Jéhovah en ce temps-​là ont non seulement formé des sectes, mais dans la plupart des cas leur nombre a diminué et leurs activités sont devenues insignifiantes ou ont cessé. De toute évidence, ils n’obéissent pas à l’ordre que Jésus a donné à ses disciples de prêcher la bonne nouvelle sur toute la terre et de faire des disciples. — Mat. 24:14 ; 28:19, 20.

      À combien s’élève le nombre de ceux qui ont abandonné le vrai christianisme au cours des années critiques de 1917 et de 1918? Le rapport partiel du Mémorial de la mort de Jésus Christ, célébré le 5 avril 1917, mentionnait une assistance de 21 274 personnes. (En raison des difficultés qui ont marqué l’année 1918, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation, les chiffres concernant l’assistance n’ont pas été recueillis cette année-​là.) Pour le Mémorial célébré le 13 avril 1919, le rapport partiel indiquait une assistance de 17 961 personnes. Quoique incomplets, ces chiffres montrent clairement que le nombre de ceux qui avaient cessé de marcher du même pas que leurs fidèles compagnons de service était de loin inférieur à 4 000.

      LES CHRÉTIENS DANS LE CREUSET DE L’ÉPREUVE

      De 1917 à 1919, les Étudiants de la Bible ont également fait l’objet d’une conspiration internationale fomentée en premier lieu par le clergé de la chrétienté. Le mystère accompli, septième volume des Études des Écritures, a excité son courroux. À peine sept mois après sa parution, la diffusion de ce volume avait atteint un chiffre record. La Société passait commande de 850 000 exemplaires aux imprimeurs qui travaillaient pour elle. À la fin de 1917, ce livre était disponible en suédois et en français, et la traduction en d’autres langues était en cours.

      Le 30 décembre 1917 commença la diffusion massive de 10 000 000 d’exemplaires d’un nouveau tract mensuel de quatre pages intitulé L’Étudiant de la Bible. Cette édition avait pour titre “La chute de Babylone”, et les intertitres étaient les suivants : “L’antique Babylone est le type — La Babylone mystique est l’antitype — Pourquoi la chrétienté doit souffrir à présent — L’issue finale”. Elle contenait des extraits du septième volume qui faisaient directement allusion au clergé. Sur la dernière page apparaissait une caricature représentant l’écroulement d’un mur dont certaines pierres portaient entre autres ces inscriptions : “Protestantisme”, “Théorie des tourments éternels”, “Doctrine de la trinité”, “Succession apostolique” et “Purgatoire”. À l’aide des Écritures, le tract montrait que la grande majorité des membres du clergé “se sont montrés infidèles, déloyaux, injustes”, et que plus que toute autre classe sur la terre, ils sont responsables de la guerre, qui faisait rage à l’époque, et du grand trouble qui s’ensuivrait. Afin de soutenir cette campagne, le même jour et sur le même sujet on prononça une conférence annoncée à grand renfort de publicité.

      Aimeriez-​vous participer à la diffusion d’un tel tract ? Frère Tvedt dit qu’il ‘n’oubliera jamais ce jour particulier’ et précise : “Il faisait un froid intense ce jour-​là, mais le message que je diffusais était brûlant. (...) J’avais mille tracts à glisser sous les portes et à remettre en mains propres, lorsqu’il m’arrivait de rencontrer les habitants de la maison. Je reconnais que je préférais glisser les tracts sous les portes, car je comprenais que ce message était enflammé et qu’il aurait des conséquences explosives.”

      Vers la fin de 1917 et au début de 1918, la diffusion du Mystère accompli allait croissant. Furieux, les membres du clergé ont prétendu à tort que certaines déclarations de ce livre avaient un caractère séditieux. Ils voulaient ‘frapper’ la Société Watch Tower, mais à l’exemple des chefs religieux juifs du temps de Jésus, ils désiraient que l’État agisse à leur place (voir Matthieu 27:1, 2, 20). Le clergé catholique et protestant a accusé faussement les Étudiants de la Bible d’être des agents du gouvernement allemand. Par exemple, le docteur Case, de l’école de théologie de l’université de Chicago, a publié ce qui suit sur l’œuvre accomplie par l’Association des Étudiants de la Bible : “Ils dépensent deux mille dollars par semaine pour propager leur doctrine. D’où vient cet argent ? Nous l’ignorons, mais nous soupçonnons fort qu’il provient de sources allemandes. À mon avis, il serait utile que le gouvernement enquête sur l’origine de ces fonds.”

      La Tour de Garde du 15 avril 1918 (angl.) publia ce qui suit : “Cette accusation, renforcée par d’autres du même genre formulées par des ecclésiastiques, explique probablement pourquoi des officiers du service du contre-espionnage américain ont saisi les livres de comptes du trésorier de la Société. De toute évidence, les autorités pensaient trouver des preuves justifiant l’accusation selon laquelle notre Société travaille pour le gouvernement allemand. Il va sans dire que les livres de comptabilité n’ont fourni aucune preuve de ce genre ; tout l’argent utilisé par notre Société provient uniquement des contributions faites par les personnes qui s’intéressent à la prédication de l’Évangile de Jésus Christ et de son Royaume.” La publicité donnée par les journaux du pays à la confiscation des livres de la Société visait à encourager la suspicion.

      Le 12 février 1918 fut une date marquante dans l’histoire du peuple de Dieu au Canada. La Société Watch Tower fut interdite dans tout le pays. Une dépêche parue dans les journaux disait entre autres : “Le Secrétaire d’État, s’autorisant des prescriptions sur la censure, a publié des ordres interdisant la possession au Canada d’un certain nombre de publications, parmi lesquelles figure le livre publié par l’Association internationale des Étudiants de la Bible, intitulé ‘ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli’, généralement reconnu comme la publication posthume du pasteur Russell. De même, la diffusion de L’Étudiant de la Bible, publié également par cette Association, est interdite au Canada. La possession de l’un quelconque de ces livres prohibés expose son possesseur à une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 dollars et à cinq ans de prison.”

      Pourquoi cette interdiction ? La Tribune de Winnipeg (Canada) nous laisse entrevoir la raison en ces termes : “On accuse ces publications de contenir des déclarations séditieuses et contre la guerre. C’est le Rév. Charles G. Paterson, pasteur de l’Église St-Étienne, qui, il y a quelques semaines, condamna du haut de la chaire des extraits de l’un des récents numéros de L’Étudiant de la Bible. Par la suite, le procureur général Johnson envoya chercher un exemplaire de la publication chez le Rév. Paterson. On croit que l’ordre de la censure en est le résultat direct.”

      Peu de temps après l’interdiction survenue au Canada à l’instigation du clergé, le caractère international de la conspiration devint évident. En février 1918, le service du contre-espionnage de l’armée des États-Unis à New York perquisitionna au siège de la Société Watch Tower. On avait non seulement accusé à tort celle-ci d’entretenir des relations avec l’ennemi allemand, mais on avait également prétendu mensongèrement auprès du gouvernement des États-Unis que le Béthel de Brooklyn servait de centre de transmission pour les messages destinés au gouvernement allemand. Enfin, la presse annonça que les agents du gouvernement avaient saisi au Béthel un poste émetteur prêt à fonctionner. Mais quels étaient exactement les faits ?

      En 1915, Russell s’était vu offrir un petit poste récepteur sans fil. Il n’y trouva pas grand intérêt ; néanmoins, une petite antenne a été posée sur le toit du Béthel, et des frères plus jeunes ont ainsi pu apprendre à se servir de cet appareil afin de capter des messages, sans grand succès d’ailleurs. Lorsque les États-Unis sont entrés en guerre, on a exigé que toutes les installations de TSF soient démontées. Par conséquent, l’antenne a été retirée et ses différents éléments ont été utilisés à d’autres fins ; quant au récepteur, il a été soigneusement emballé et remisé. Il n’avait pas servi depuis plus de deux ans, lorsque deux membres du service du contre-espionnage ont appris l’existence de ce récepteur en parlant avec un membre de la famille du Béthel. Les frères les ont conduits sur le toit afin de leur montrer l’ancien emplacement de l’antenne. Puis on leur a fait voir l’appareil tout emballé. Ces deux hommes ont accepté de l’emporter, car nous n’en avions pas l’utilisation au Béthel. C’était en fait un récepteur et non un poste émetteur ; par conséquent aucun message n’a jamais pu être envoyé, le seul appareil que nous ayons eu étant un poste récepteur.

      Néanmoins, l’opposition contre le peuple de Jéhovah ne cessa de croître. Le 24 février 1918, frère Rutherford prononça un discours public à Los Angeles, en Californie, devant une assistance de 3 500 personnes. Le lendemain matin, la Tribune de Los Angeles publiait un compte rendu d’une page sur la conférence, ce qui a provoqué l’indignation des membres du clergé de la localité. L’association des ministres du culte a donc tenu une réunion le lundi et a fait demander aux directeurs du journal, par l’intermédiaire de son président, pourquoi ils avaient fait paraître un aussi long article au sujet de cette conférence. Le jeudi suivant, des agents du bureau du contre-espionnage de l’armée se sont emparés des locaux appartenant aux Étudiants de la Bible de Los Angeles et ont également confisqué un grand nombre des publications de la Société.

      Le lundi 4 mars 1918, Clayton Woodworth (l’un des compilateurs du Mystère accompli) était arrêté à Scranton, en Pennsylvanie, ainsi que plusieurs autres frères. On les a faussement accusés de conspiration et emprisonnés en vue de leur faire subir un simulacre de jugement en mai. En outre, à la suite des pressions croissantes exercées contre la Société, plus de vingt Étudiants de la Bible étaient détenus dans certains camps et prisons militaires, parce qu’on leur avait refusé l’exemption. Quelques-uns d’entre eux sont passés en cour martiale et ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement. Finalement, le 14 mars 1918, le ministère de la Justice des États-Unis décréta que la diffusion du Mystère accompli constituait une transgression de la Loi sur l’espionnage.

      Le peuple de Dieu se devait de riposter à cette attaque. Il fallait dénoncer l’opposition du clergé à l’œuvre chrétienne des Étudiants de la Bible. En conséquence, le 15 mars 1918, la Société Watch Tower publia un tract de deux pages, du format d’un journal, intitulé Nouvelles du Royaume No 1. Son titre était frappant : “Intolérance religieuse — Les disciples du pasteur Russell persécutés parce qu’ils annoncent la vérité au peuple — La manière dont les Étudiants de la Bible sont traités rappelle l’‘âge des ténèbres’.” Ce tract démasquait le clergé, responsable de la persécution infligée aux témoins chrétiens de Jéhovah en Allemagne, au Canada et aux États-Unis. On en diffusa des millions d’exemplaires.

      Ce tract disait entre autres : “Nous reconnaissons, dans le gouvernement des États-Unis, une institution politique et économique qui, de par sa foi fondamentale, détient le pouvoir et l’autorité de déclarer la guerre et d’enrôler ses citoyens pour accomplir un service militaire. Nous ne sommes pas qualifiés pour faire obstacle à la conscription ou à la guerre de quelque manière que ce soit. Le fait que certains de nos membres aient cherché à tirer profit de la protection offerte par la loi a servi de prétexte à une autre vague de persécution.”

      Les Nouvelles du Royaume No 2 ont paru le 15 avril 1918. L’audacieux en-tête disait : “‘Le mystère accompli’ et la raison de son interdiction”. Sous l’intertitre “Les membres du clergé s’en mêlent”, ce tract dévoilait l’action du clergé qui encourageait les instances gouvernementales à harceler la Société, à procéder à des arrestations, à s’élever contre Le mystère accompli et à pousser les Étudiants de la Bible à supprimer certaines pages (247-253) du livre. Ce tract expliquait également pourquoi le clergé s’opposait aux serviteurs de Jéhovah, et il définissait leur position vis-à-vis de la guerre et leurs croyances sur la véritable Église.

      En relation avec la distribution de ce numéro des Nouvelles du Royaume, les frères ont fait circuler une pétition. Adressée à Wilson, Président des États-Unis, elle était ainsi conçue : “Nous, les Américains soussignés, estimons que toute intervention du clergé dans l’étude biblique indépendante est un acte d’intolérance non chrétien et contraire à l’esprit de l’Amérique, et que toute tentative pour unir l’Église et l’État est une erreur fondamentale. Dans l’intérêt de la liberté religieuse et de la liberté tout court, nous protestons solennellement contre la suppression du Mystère accompli et prions le Gouvernement de lever toutes les restrictions concernant son utilisation, de sorte qu’il soit permis aux gens, sans molestation ou ingérence de la part de qui que ce soit, d’acheter, de vendre, de posséder et de lire ce guide biblique.”

      Le 1er mai 1918, soit six semaines après la parution du premier numéro, paraissaient les Nouvelles du Royaume No 3, qui portaient cet en-tête : “Deux grandes batailles font rage — La chute de l’autocratie est certaine”, et cet intertitre : “La stratégie satanique vouée à l’échec”. Ce tract traitait du conflit qui oppose la Postérité promise à la postérité de Satan (Gen. 3:15). Décrivant l’antichrist depuis sa naissance jusqu’aux agissements actuels des membres apostats du clergé tant protestant que catholique, ce tract révélait que le Diable se servait de ces agents pour essayer de détruire le reste des disciples oints de Jésus Christ encore sur la terre.

      Il fallait du courage pour diffuser les Nouvelles du Royaume publiées à cette époque-​là. Certains Étudiants de la Bible ont été arrêtés et il est arrivé que des stocks de tracts Nouvelles du Royaume soient temporairement confisqués. Dans le creuset de l’opposition et de la persécution, les serviteurs de Jéhovah sont restés fidèles à Dieu et ont poursuivi leur œuvre chrétienne.

      DES ATROCITÉS SONT COMMISES

      À mesure que croissait l’opposition du clergé et des laïcs, des atrocités se commettaient contre les serviteurs de Jéhovah. Donnant un compte rendu partiel des incroyables persécutions subies par les Étudiants de la Bible, une publication éditée plus tard par la Société Watch Tower disait entre autres :

      “Le 12 avril 1918, à Medford, dans l’Oregon, frère Taliaferro a été molesté et chassé de la ville pour avoir prêché l’évangile, et George Maynard a été dépouillé de ses vêtements, couvert de peinture et conduit hors de la ville pour avoir permis qu’une étude de la Bible se tienne dans sa maison. (...)

      “Le 17 avril 1918, à Shawnee, dans l’Oklahoma, frères Fenn, George Brown, Rogers, Glass, Grier et Tull ont été emprisonnés. Au cours du procès l’avocat général a déclaré : ‘Je me moque de votre Bible ; vous devriez aller en enfer, les reins brisés ; vous devriez être pendus.’ Lorsque frère Wilson, d’Oklahoma City, tenta d’intervenir pour défendre les accusés, il fut également arrêté. Chacun a été condamné à 55 dollars d’amende et aux dépens ; le délit était d’avoir répandu des ouvrages protestants. Le juge incita les gens à fomenter une émeute après le procès, mais la tentative des agitateurs échoua. (...)

      “Le 22 avril 1918, à Kingsville, au Texas, frères Davis et Daniel Toole ont été poursuivis par des gens et conduits devant le maire et un juge près du tribunal de première instance ; ils ont ensuite été arrêtés et mis en prison sans mandat de dépôt. En mai 1918, à Tecumseh, dans l’Oklahoma, frère May a été arrêté et détenu pendant treize mois dans un asile d’aliénés sur l’ordre d’un juge, après avoir été menacé et injurié. Sa famille a été tenue dans l’ignorance de ces faits. (...)

      “Le 17 mars 1918, à Grand Junction, dans le Colorado, une réunion pour l’étude de la Bible a été interrompue par des gens parmi lesquels il y avait le maire, des rédacteurs de journaux et d’autres hommes d’affaires bien connus. (...)

      “Le 22 avril 1918, à Wynnewood, dans l’Oklahoma, Claud Watson a d’abord été emprisonné puis relaxé à dessein entre les mains d’agitateurs comprenant des prédicateurs, des hommes d’affaires et d’autres, qui l’ont battu, fait fouetter par un Noir et, lorsqu’il a eu en partie recouvré ses esprits, ils l’ont fait fouetter de nouveau. Ensuite, ils l’ont enduit de goudron et l’ont couvert de plumes, lui frottant toute la tête avec du goudron. Le 29 avril 1918, à Walnut Ridge, dans l’Arkansas, frère Duncan, âgé de 61 ans, Edward French, Charles Franke, un certain Monsieur Griffin et Madame Van Hoesen ont été emprisonnés. La foule a fait irruption dans la prison et, utilisant le langage le plus vil et le plus obscène qui soit, elle les a fouettés, les a recouverts de goudron et de plumes et les a chassés de la ville. Ces gens ont obligé frère Duncan à parcourir à pied les quarante-deux kilomètres qui le séparaient de son domicile, et il a failli en mourir. Monsieur Griffin a pratiquement été rendu aveugle et, quelques mois plus tard, il devait mourir des suites de ces événements.”

      Encore aujourd’hui, frère Siebenlist se souvient très bien de ce qui est arrivé à son père, à Shattuck, dans l’Oklahoma. Il écrit :

      “En septembre 1917 j’ai commencé à aller à l’école ; tout a bien été jusqu’en mars [1918] lorsqu’on obligea les enfants à acheter un insigne de la Croix-Rouge. Je suis donc revenu le midi à la maison avec un mot écrit. Papa travaillait et maman ne lisait que l’allemand à cette époque-​là. Mais frère Howlett, un pèlerin qui visitait justement la ‘classe’, a pris la chose en mains. Nous n’avons pas acheté d’insigne.

      “Peu de temps après, des agents sont venus chercher mon père au travail ; ils ont voulu le faire sauter à pieds joints sur le livre Le mystère accompli et saluer le drapeau — et cela dans la rue principale de Shattuck. Puis ils l’ont conduit en prison. (...)

      “Quelque temps plus tard, il a été repris et emprisonné pendant trois jours. Il n’a pratiquement rien eu à manger. Cette fois, il serait plus difficile d’obtenir sa libération. Vers minuit, trois hommes ont ‘fait irruption’ dans la prison. Ils ont jeté un sac sur la tête de mon père et l’ont conduit, pieds nus, à la limite ouest de la ville. Le terrain était accidenté et plein de plantes épineuses. Arrivés sur les lieux, ils l’ont dévêtu jusqu’à la ceinture et fouetté avec un fouet à l’extrémité duquel il y avait de l’acier. Ils l’ont ensuite couvert de goudron chaud et de plumes, le laissant pour mort. Mon père s’est efforcé de se mettre debout et de marcher, en titubant, en direction du sud-ouest de la ville. Il avait l’intention de se diriger ensuite vers le nord et de rentrer à la maison. Mais un ami l’a rencontré et ramené chez nous. Je ne l’ai pas vu cette nuit-​là, mais ce fut un choc terrible pour ma mère qui venait d’accoucher de mon frère John quelques jours auparavant seulement, et ma grand-mère Siebenlist s’est évanouie d’émotion en le voyant. Mais ma mère a très bien supporté cette épreuve, ne perdant pas de vue que Jéhovah peut nous protéger. (...)

      “Grand-mère et tante Katie, la demi-sœur de papa, l’ont pour ainsi dire rendu à la vie. Le goudron et les plumes avaient pénétré dans sa chair ; elles ont donc utilisé de la graisse d’oie pour guérir ses plaies, et petit à petit le goudron est parti. (...) Papa n’avait pas vu le visage de ses assaillants, mais il avait reconnu leur voix et les avait identifiés. Il ne le leur a jamais dit. En fait, il n’a que très rarement parlé de cette affaire ; pourtant il a emporté ses cicatrices dans la tombe.”

      PRUDENTS COMME DES SERPENTS

      L’interdiction qui frappait Le mystère accompli et certaines autres publications chrétiennes a mis les serviteurs de Jéhovah dans une situation difficile. Toutefois, Dieu leur avait confié une tâche et ils l’accompliraient, se montrant “prudents comme des serpents, mais innocents comme des colombes”. (Mat. 10:16.) Ainsi, on cachait parfois les manuels d’étude biblique dans des endroits divers : au grenier, dans la réserve à charbon, sous les lattes du plancher ou dans un meuble.

      Frère Miller nous dit à ce propos : “Comme notre maison servait de centre de réunion pour les Étudiants de la Bible de la localité, c’est au milieu de la nuit que les frères venaient en camion apporter les publications. Nous cachions les cartons de livres dans une cage à poules ; ils étaient ainsi dissimulés par le feuillage et les poules.”

      Se souvenant d’un incident survenu à cette époque-​là, frère Reusch écrit : “Chez la famille Reed, les livres étaient cachés dehors, derrière la maison ; à mesure que les agents s’approchaient de la cachette, les Reed retenaient leur respiration. Tout à coup, une grande plaque de neige tomba du toit et recouvrit entièrement cet emplacement.”

      ‘ON DONNE FORME AU TOURMENT PAR DÉCRET’

      Il y a des siècles de cela, le psalmiste a écrit : “Est-​ce qu’il sera allié à toi, le trône qui provoque des adversités, alors qu’il donne forme au tourment par décret ?” (Ps. 94:20). Les serviteurs de Jéhovah obéissent toujours aux lois des nations qui ne sont pas en contradiction avec les lois de Dieu. Mais comme nous pouvons nous y attendre, quand il y a conflit entre les exigences de simples hommes et les lois de Dieu, les chrétiens adoptent la même attitude que les apôtres et ‘obéissent à Dieu, comme à un chef, plutôt qu’aux hommes’. (Actes 5:29.) Il arrive que de bonnes lois soient appliquées d’une mauvaise manière dans le but de faire cesser leur activité. En d’autres circonstances, les ennemis ont réussi à faire adopter des décrets qui ont fait beaucoup de mal au peuple de Dieu.

      Le Congrès des États-Unis a voté une loi sur le service militaire obligatoire le 15 juin 1917. Elle prévoyait le recrutement d’hommes valides et aussi l’exemption de ceux qui, en raison de leurs croyances religieuses, ne pouvaient prendre part à la guerre. De nombreux jeunes gens dans tout le pays ont écrit à la Société Watch Tower pour demander au juge Rutherford quelle était la ligne de conduite à suivre. Voici ce qu’il révéla par la suite à ce sujet : “Beaucoup de jeunes hommes dans le pays m’ont demandé quelle position il fallait prendre en cette affaire. Invariablement je répondais à ces jeunes gens : ‘Si votre conscience ne vous permet pas de prendre part à la guerre, l’article 3 de la loi sur le recrutement vous permet de demander l’exemption. Faites-​vous enregistrer et remplissez une demande d’exemption, en expliquant clairement la raison de cette requête, et le bureau de recrutement fera suivre votre demande.’ Je n’ai jamais rien fait de plus que de leur recommander de profiter de l’occasion offerte par l’Acte du Congrès. J’ai toujours mis l’accent sur le fait qu’un citoyen doit obéir aux lois du pays aussi longtemps que celles-ci ne sont pas en contradiction avec la loi de Dieu.”

      Mais revenons à l’époque de la Première Guerre mondiale, où une conspiration ourdie contre les serviteurs de Jéhovah a été éventée. Dans le but de favoriser ce complot, en 1917 de nombreux membres du clergé ont tenu une conférence à Philadelphie, en Pennsylvanie. À cette occasion, ils ont nommé un comité chargé de se présenter aux autorités de Washington, capitale de la nation, afin de demander que soient révisées la Loi sur le service militaire obligatoire et la Loi sur l’espionnage. Le comité s’est donc adressé au ministère de la Justice. À la demande des membres du clergé, John Lord O’Brian, fonctionnaire attaché à ce ministère, a été désigné pour préparer un amendement à la Loi sur l’espionnage et il devait le soumettre au Sénat des États-Unis. Selon cet amendement, tous les délits constituant une transgression de la Loi sur l’espionnage devraient être jugés par un tribunal militaire et les coupables subiraient la peine de mort. Mais ce projet de loi ne fut pas adopté.

      Au moment où le Congrès préparait l’amendement à la Loi sur l’espionnage, un autre projet de loi, appelé “Amendement France”, voyait le jour. Selon cet amendement, toute personne disant “la vérité, avec de bons mobiles et à des fins justifiables” ne tombait pas sous le coup de la Loi sur l’espionnage.

      Cependant, le 4 mai 1918, le sénateur Overman recevait un mémoire du procureur général, qui a paru dans le Congressional Record (4 mai 1918, pages 6052, 6053). On y lisait entre autres :

      “Le Service du contre-espionnage s’est prononcé contre l’amendement à la Loi sur l’espionnage, en ce sens que l’article 3, alinéa 1, ne s’appliquera pas à ceux qui disent ‘la vérité, avec de bons mobiles et à des fins justifiables’.

      “L’expérience nous enseigne qu’un tel amendement annulerait, dans une grande mesure, la valeur de la loi et transformerait chaque jugement en un débat académique sur des questions insolubles visant à définir la vérité. Les mobiles humains sont trop complexes pour être discutés, et le terme ‘justifiable’ est trop élastique pour avoir un usage pratique. (...)

      “L’un des exemples les plus dangereux de cette sorte de propagande est le livre intitulé ‘Le mystère accompli’ qui a été rédigé dans un langage religieux extrémiste et diffusé en un très grand nombre d’exemplaires. Il a uniquement eu pour effet d’amener les soldats à discréditer notre cause et les familles à se montrer hostiles vis-à-vis du service militaire.

      “Les Nouvelles du Royaume de Brooklyn font paraître une pétition demandant que soient levées les restrictions frappant ‘Le mystère accompli’ et autres publications du même genre, ‘de sorte qu’il soit permis aux gens, sans molestation ou ingérence de la part de qui que ce soit, d’acheter, de vendre, de posséder et de lire ce guide biblique’. L’acceptation de cet amendement ouvrirait de nouveau nos camps à cette influence nuisible.

      “L’Association internationale des Étudiants de la Bible prétend être animée de mobiles purement religieux ; pourtant nous avons appris que son bureau central est connu depuis longtemps comme un repaire d’agents allemands. (...)

      “L’acceptation de cet amendement affaiblirait grandement l’efficacité américaine et ne ferait qu’aider l’ennemi. Dans la guerre, ce sont les résultats qui comptent et non les mobiles ; par conséquent, la loi et ceux qui sont chargés de la faire respecter devraient produire de bons résultats et empêcher tout ce qui pourrait nuire, laissant les mobiles et la miséricorde aux juges ou à la perspicacité des historiens.”

      À la suite des efforts déployés par le ministère de la Justice, l’amendement à la Loi sur l’espionnage fut adopté le 16 mai 1918, et l’“Amendement France” rejeté.

      “NOUS SAVONS COMMENT VOUS ATTEINDRE ET NOUS NOUS Y EMPLOIERONS !”

      À peu près à la même époque, des jeunes hommes, rattachés aux Étudiants de la Bible, ont été appelés au service militaire et, comme objecteurs de conscience, on les a envoyés au Camp Upton, à Long Island, New York. Ce camp était sous le commandement du général James Franklin Bell. Celui-ci vint voir Rutherford à son bureau pour l’inciter à convaincre ces jeunes hommes d’accepter tout service que Bell leur confierait de l’autre côté de l’océan ou ailleurs. Rutherford refusa. Le général insista ; finalement, Rutherford écrivit une lettre qui disait en substance : “Chacun d’entre vous doit décider pour lui-​même s’il participera ou non à des activités militaires. Faites ce que vous considérez être votre devoir et ce qui est juste aux yeux du Dieu Tout-Puissant.” Cette lettre ne plut pas du tout à Bell.

      Quelques jours plus tard, frères Rutherford et Van Amburgh rendirent visite au général Bell, au Camp Upton. En la présence de son aide de camp et de Van Amburgh, Bell parla à Rutherford de la conférence d’ecclésiastiques qui s’était tenue à Philadelphie. Il lui dit que John Lord O’Brian avait été désigné pour soumettre le cas au Sénat, et proposer un amendement selon lequel toute transgression de la Loi sur l’espionnage serait jugée devant un tribunal militaire et sanctionnée de la peine de mort. Selon Rutherford, le général Bell “était en grande colère. Sur son bureau, il y avait une pile de documents ; en les désignant il se tourna vers moi et dit avec ressentiment : ‘Ce projet de loi n’est pas passé, car Wilson s’y est opposé, mais nous savons comment vous atteindre et nous nous y emploierons !’ Je lui répondis alors : ‘Vous savez où me trouver, général.’”

      COUP MORTEL POUR LES “DEUX TÉMOINS”

      Dès octobre 1914, les disciples oints du Christ ont proclamé que les temps des Gentils avaient pris fin et que les nations marchaient vers leur destruction à Har-Maguédon (Luc 21:24 ; Rév. 16:14-16). Ces “deux témoins” symboliques annoncèrent ce message de tristesse aux nations pendant 1 260 jours ou trois ans et demi (des 4/5 octobre 1914 aux 26/27 mars 1918). Puis, le système politique bestial du Diable l’emporta sur les “deux témoins” de Dieu, et les tua. Autrement dit, il mit fin aux tourments que ces “deux témoins” provoquaient en prophétisant “vêtus de sacs”, au grand soulagement de leurs ennemis d’entre les chefs religieux, politiques ou militaires et les magistrats (Rév. 11:3-7 ; 13:1). C’est ce que la prophétie annonçait, et elle s’est accomplie. Comment cela ?

      Le 7 mai 1918, le tribunal du district est de New York lança des mandats d’arrêt contre les principaux serviteurs de la Société Watch Tower. Il s’agissait du président Rutherford, du secrétaire-trésorier Van Amburgh, de Clayton Woodworth et de George Fisher (les deux compilateurs du Mystère accompli), de Robison (membre du comité de rédaction de La Tour de Garde), de Macmillan, de Martin et de Giovanni DeCecca.

      Le lendemain, soit le 8 mai 1918, ceux d’entre ces frères qui se trouvaient au Béthel de Brooklyn furent arrêtés et mis en prison. Peu après, ils furent traduits devant le tribunal fédéral que présidait le juge Garvin. Tous se trouvèrent devant un acte d’accusation qui avait été renvoyé précédemment par le Grand Jury, les accusant

      “1, 3) [du] crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’insubordination, la déloyauté et le refus d’obéissance aux forces navales et militaires des États-Unis d’Amérique au moyen de sollicitations personnelles, de lettres, de discours publics, en distribuant et en faisant circuler parmi le public un certain livre appelé ‘Volume sept — ÉTUDES DES ÉCRITURES — Le mystère accompli’, et en distribuant et faisant circuler parmi le public dans tous les États-Unis certains articles imprimés dans des tracts appelés ‘L’ÉTUDIANT DE LA BIBLE’, ‘LA TOUR DE GARDE’, ‘NOUVELLES DU ROYAUME’ et d’autres pamphlets non désignés, etc. ;

      “2, 4) Le crime d’avoir provoqué illégalement, traîtreusement et volontairement l’opposition au recrutement et à l’enrôlement dans le service des États-Unis quand ces derniers étaient en guerre.”

      Cette accusation était principalement fondée sur un paragraphe du livre Le mystère accompli qui disait : “Nulle part dans le Nouveau Testament le patriotisme (haine mesquine des autres peuples) n’est encouragé. Partout et toujours, le meurtre a été interdit, sous toutes ses formes. Pourtant, sous le couvert du patriotisme, les gouvernements de la terre exigent que des hommes qui aiment la paix se sacrifient, eux et ceux qui leur sont chers, et réclament le sang de leurs semblables, proclamant cela comme un devoir exigé par les lois célestes.”

      Frères Rutherford, Van Amburgh, Macmillan et Martin ont dû faire face à un second acte d’accusation de collaboration avec l’ennemi, basé sur le fait que les responsables de la Société avaient envoyé une somme de 500 dollars au directeur de la filiale suisse de la Société à Zurich. Les frères condamnés furent retenus en prison jusqu’au paiement d’une caution fixée à 2 500 dollars par chef d’accusation, après quoi ils furent relâchés et convoqués devant le tribunal le 15 mai 1918. Ils passèrent en jugement le 3 juin 1918 devant le tribunal du district est de New York. Ils plaidèrent “non coupables” pour les deux chefs d’accusation, et se savaient innocents de tous les crimes dont on les accusait.

      Comme le juge Garvin n’avait pas caché ses sentiments au cours des auditions préliminaires, les accusés firent une déposition exposant ses préventions contre eux. Le juge Harland Howe du tribunal de district des États-Unis fut donc désigné comme président du tribunal. D’après frère Macmillan, les accusés ne connaissaient pas les idées préconçues de Howe ; par contre, le gouvernement savait qu’il “était particulièrement en faveur de la mise en application de la loi et contre les accusés à qui l’on reprochait de l’avoir transgressée”. Macmillan dit également : “Mais nous ne sommes pas restés longtemps dans les ténèbres. Dès la première conférence des avocats dans le cabinet du juge avant que ne commençât le jugement, son animosité se manifesta, et il dit sèchement : ‘Je vais infliger à ces coupables ce qu’ils ont cherché.’ Toutefois, il était trop tard pour que nos avocats déposent une plainte contre le juge pour ses préventions contre les accusés.”

      Macmillan dit que l’accusation, telle qu’elle a été retournée à l’origine, reprochait aux accusés d’avoir commencé à conspirer entre le 6 avril 1917, date à laquelle les États-Unis sont entrés en guerre, et le 6 mai 1918. À la suite d’une motion, le gouvernement a déterminé que le crime reproché avait été commis entre le 15 juin 1917 et le 6 mai 1918.

      SCÈNES DANS LA SALLE D’AUDIENCE

      Les États-Unis étaient en guerre. Un procès intenté contre les Étudiants de la Bible accusés de sédition ne manquerait pas d’attirer fortement l’attention. Quels étaient les sentiments du public en général ? Il approuvait tout ce qui favorisait les intérêts de la guerre. À l’extérieur du tribunal, des fanfares jouaient et des soldats défilaient dans les rues près de Borough Hall, à Brooklyn. Dans le prétoire, les débats se poursuivaient, — ils durèrent quinze jours, — accumulant un monceau de témoignages. Mais entrons plutôt dans la salle d’audience et voyons comment cela se passe.

      Frère Macmillan, l’un des accusés, nous dépeint l’ambiance qui y règne ; il écrivit en effet par la suite : “Pendant le jugement, le gouvernement décréta que quiconque se tiendrait au coin d’une rue et réciterait le Notre Père dans l’intention de décourager les hommes d’entrer dans l’armée serait emprisonné. Vous voyez donc avec quelle facilité les autorités interprétaient toute intention. Ces hommes se croyaient capables de lire dans les pensées, et c’est en fonction de cela qu’ils se sont retournés contre nous, bien que nous leur ayons certifié qu’à aucun moment nous n’avons conspiré ou fait quoi que ce soit contre le service militaire ou pour encourager l’insoumission. Mais nos affirmations ne servirent à rien. Certains chefs religieux de la chrétienté et leurs alliés politiques étaient déterminés à nous abattre. Avec l’accord du juge Howe, l’action engagée a abouti à un jugement de condamnation, soulignant que nos mobiles étaient irrecevables et que nos actions avaient été commises délibérément. J’ai été condamné pour le simple fait d’avoir contresigné un chèque, dont la destination n’a pu être déterminée, et d’avoir apposé ma signature sur une déclaration écrite qui avait été lue par frère Rutherford lors d’une réunion du comité directeur. Même là, on ne pouvait prouver qu’il s’agissait bien de ma signature. Cette injustice nous aida par la suite lorsque nous avons fait appel.”

      À un moment donné, un ancien représentant de la Société a été appelé à la barre. Après avoir examiné un document portant deux signatures, il prétendit reconnaître celle de frère Van Amburgh. Voici ce que dit à ce sujet la minute du tribunal :

      “Q. Voici la pièce no 31 que vous voudrez bien identifier ; je vous demande d’examiner les deux signatures, ou prétendues signatures, de MacMillan et de Van Amburgh. Commençons par celle de Van Amburgh ; d’après vous, s’agit-​il d’une copie de sa signature ? R. Je le crois, en effet.

      “Q. Et celle de MacMillan ? R. La sienne n’est pas aussi facile à identifier, mais je pense qu’il s’agit bien de sa signature.”

      Plus tard, frère Macmillan écrivit ce qui suit à propos de la défense présentée par les accusés :

      “Après le réquisitoire du représentant du gouvernement, nous avons présenté notre défense. En bref, nous avons montré que la Société est une organisation essentiellement religieuse ; que ses membres acceptent les enseignements de la Sainte Bible, tels qu’ils sont expliqués par Charles Russell, comme fondement de leurs croyances ; que de son vivant Russell écrivit et publia six volumes intitulés Études des Écritures, et que dès 1896 il promit d’écrire un septième volume basé sur les livres d’Ézéchiel et de la Révélation ; que sur son lit de mort il dit que quelqu’un d’autre rédigerait ce septième volume ; que peu de temps après sa mort, la direction autorisa Clayton Woodworth et George Fisher à écrire et à soumettre leur manuscrit à l’approbation de la direction sans aucune promesse de publication, que le manuscrit sur la Révélation était terminé avant que les États-Unis n’entrent en guerre et que le manuscrit du livre tout entier (à l’exception du chapitre sur le Temple) avait été remis à l’imprimeur avant que ne soit édictée la Loi sur l’espionnage ; par conséquent, l’accusation de conspiration contre cette loi n’était pas fondée.

      “Nous avons certifié qu’à aucun moment nous n’avons manigancé ou conspiré pour faire quoi que ce soit contre le service militaire ou pour entraver l’action du gouvernement dans la poursuite de la guerre, et que telle n’a jamais été notre intention ; que nous n’avons jamais projeté de faire obstacle à la guerre, de quelque façon que ce soit ; que notre activité était essentiellement religieuse et en aucun cas politique ; que nous n’avons jamais invité, conseillé ou encouragé nos membres à refuser le service militaire ; que les lettres écrites ont été envoyées à ceux que nous savions être des chrétiens voués, autorisés par la loi à recevoir des conseils ; que nous ne nous opposions pas à ce que la nation entre en guerre, mais qu’en qualité de chrétiens voués nous ne pouvions participer à un combat à mort.”

      Mais la franchise n’a pas toujours été le trait dominant de ce procès. Frère Macmillan rapporta ce qui suit par la suite : “Certains des nôtres qui assistaient au jugement m’ont dit plus tard que l’un des avocats du gouvernement était sorti de la salle d’audience pour avoir un entretien à voix basse avec quelques-uns de ceux qui avaient pris la tête du mouvement d’opposition au sein de la Société. Ceux-ci lui dirent : ‘Ne le [Macmillan] relâchez pas ; c’est le pire de la bande. Il poursuivra la lutte si vous ne le frappez pas comme les autres.’” N’oublions pas qu’à cette époque-​là des hommes ambitieux cherchaient à s’emparer de la direction de la Société Watch Tower. Rien d’étonnant à ce que frère Rutherford adressât ensuite cette mise en garde aux frères responsables du Béthel : “On nous a fait savoir que sept personnes qui s’étaient opposées à la Société et à son œuvre au cours de l’année dernière ont assisté au jugement et aidé nos accusateurs. Nous vous mettons en garde, bien-aimés, contre les efforts insidieux de certaines d’entre elles pour vous flatter servilement maintenant, afin d’essayer de mettre la main sur la Société.”

      Finalement, après un jugement qui avait traîné en longueur, le jour attendu du verdict arriva. Le 20 juin 1918, vers 17 heures, le jury entra en délibération. Rutherford rapporta plus tard : “Les membres du jury hésitèrent longtemps avant de se prononcer. Finalement, le juge Howe leur adressa un message pour leur dire qu’ils devaient rendre un verdict de culpabilité, selon ce que nous apprit par la suite l’un des jurés.” Après quelque quatre heures et demie de délibération à 21 h 40 le jury revint et se prononça — “Coupable”.

      La sentence fut annoncée le 21 juin. La salle d’audience était pleine. Lorsqu’on leur demanda s’ils avaient quelque chose à dire, les accusés gardèrent le silence. Alors le juge Howe prit la parole. Il dit avec colère : “La propagande religieuse à laquelle se livrent ces hommes est plus nuisible qu’une division de soldats allemands. Ils sont non seulement entrés en contestation avec les représentants du gouvernement et du service du contre-espionnage de l’armée, mais ils ont aussi condamné tous les ministres des Églises. Leur châtiment devrait être sévère.”

      Il le fut. Sept des accusés furent condamnés à quatre-vingts ans de prison (vingt années par chef d’accusation, qui étaient au nombre de quatre, avec confusion des peines). La condamnation de Giovanni DeCecca fut retardée, mais finalement il fut condamné à quarante années de prison, soit dix ans par chef d’accusation. Les accusés devaient purger leur peine à la prison fédérale d’Atlanta, en Georgie.

      Le procès avait duré quinze jours. On avait recueilli de très nombreux témoignages et la procédure avait souvent été arbitraire. En fait, il a été démontré par la suite que le procès renfermait au moins 125 vices de forme. Quelques-uns seulement auraient suffi à la Cour d’appel pour condamner toute la procédure comme étant arbitraire.

      James Gwin Zea, qui a été témoin oculaire, dit : “J’ai assisté à ce procès et j’ai souffert d’un bout à l’autre avec les frères que l’on avait soumis à cette dure épreuve. J’entends encore le juge refuser à frère Rutherford l’occasion de présenter une défense. ‘La Bible n’a rien à voir dans ce tribunal’, dit-​il. Cette nuit-​là, je suis resté au Béthel avec frère Howlett ; vers 22 heures, nous avons appris que nos frères avaient été déclarés coupables. Leur sentence a été prononcée le lendemain.”

      Les accusations injustes et les peines sévères n’avaient pas réussi à ébranler frère Rutherford et ses compagnons. Il est intéressant de noter le compte rendu suivant publié le 22 juin 1918 par le New York Tribune : “Joseph F. Rutherford et six autres ‘Russellistes’, convaincus d’avoir violé la Loi sur l’espionnage, ont été condamnés hier, par le juge Howe, à vingt ans de réclusion à la prison d’Atlanta. ‘C’est le plus beau jour de ma vie, a déclaré M. Rutherford sur le chemin conduisant du tribunal à la prison ; subir un châtiment terrestre pour sa croyance religieuse est l’un des plus grands privilèges qu’un homme puisse avoir.’ Les familles et les amis intimes des accusés se sont livrés à la plus étrange des démonstrations qu’on ait jamais vues au bureau du greffier du tribunal fédéral de Brooklyn, aussitôt après que les prisonniers eurent été amenés devant le Grand Jury. Tout le groupe fit résonner le vieux bâtiment aux accents de ‘Béni soit le lien qui unit’. ‘C’est la volonté de Dieu’, se disaient-​ils, et leurs visages rayonnaient presque. ‘Un jour le monde saura ce que tout cela signifie. En attendant, soyons reconnaissants envers Dieu pour sa grâce qui nous a soutenus à travers nos épreuves, et attendons avec joie le Grand Jour qui doit venir.’”

      Après avoir interjeté appel, les frères ont essayé à deux reprises d’obtenir leur mise en liberté provisoire sous caution, mais ils ont été déboutés, d’abord par le juge Howe, et plus tard par le juge Martin Manton. Entre-temps, ils étaient détenus dans la prison de la rue Raymond, à Brooklyn, “le trou le plus infect que j’aie jamais connu”, dit Macmillan. Clayton Woodworth l’appelait en plaisantant l’“Hôtel de Raymondie”. Après avoir passé une semaine désagréable en cet endroit, on les conduisit à la prison de la ville de Long Island, où ils demeurèrent également une semaine. Finalement, le 4 juillet, jour de la fête nationale aux États-Unis, ces hommes injustement condamnés prirent le train pour la prison d’Atlanta, en Georgie.

  • États-Unis d’Amérique (2e partie)
    Annuaire 1975 des Témoins de Jéhovah
    • États-Unis d’Amérique (2e partie)

      LES ENNEMIS SE RÉJOUISSENT

      L’incarcération de ces témoins chrétiens de Jéhovah était pour ainsi dire un coup mortel, qui réjouissait et soulageait leurs ennemis. Les paroles suivantes de Révélation 11:10 s’étaient accomplies : “Et ceux qui habitent sur la terre se réjouissent à leur sujet et se divertissent, et ils s’enverront des présents les uns aux autres, car ces deux prophètes tourmentaient ceux qui habitent sur la terre.” Les ennemis de ces “deux témoins”, qu’ils soient politiques, militaires ou de la magistrature, se sont ‘envoyé des présents’ les uns aux autres en ce sens qu’ils se félicitèrent mutuellement du rôle qu’ils avaient joué dans la victoire sur leurs tourmenteurs.

      Dans son livre Preachers Present Arms, Ray Abrams analysa le jugement de Rutherford et de ses associés et fit cette remarque :

      “Une analyse du procès nous amène à la conclusion que les Églises et le clergé ont été à l’origine de l’action entreprise pour écraser les Russellistes. (...)

      “Quand les éditeurs de la presse religieuse ont appris les différentes condamnations à vingt ans, presque tous, grands et petits, se sont réjouis. Je n’ai trouvé aucune parole de sympathie dans l’un quelconque des journaux religieux. ‘Il n’y a pas de doute, a conclu Upton Sinclair, que la persécution (...) est due en partie au fait que [les Russellistes] se sont attiré la haine des grandes Églises.’ Là où les efforts conjugués des Églises ont échoué, le gouvernement semble avoir réussi, écrasant éternellement pour elles ces ‘prophètes de Baal’.”

      OPTIMISTES MALGRÉ LA ‘CAPTIVITÉ BABYLONIENNE’

      De 607 à 537 avant Jésus Christ, les Juifs ont langui en captivité dans la Babylone antique. Pareillement, les adorateurs de Jéhovah, oints de l’esprit saint, ont été exilés et ont subi la captivité babylonienne durant la Première Guerre mondiale, de 1914 à 1918. Ils ont particulièrement ressenti cet esclavage lorsque les huit frères fidèles du siège de la Société ont été incarcérés à la prison fédérale d’Atlanta.

      Néanmoins, pendant toute cette période difficile, pas un numéro de La Tour de Garde n’a manqué de paraître. Un comité de rédaction dûment nommé a veillé à la diffusion du périodique. De plus, au sein des tribulations endurées à cette époque, les fidèles Étudiants de la Bible ont eu une conduite exemplaire. Frère Sullivan dit : “J’ai eu le privilège de visiter le Béthel de Brooklyn à la fin de l’été 1918, alors que les frères étaient emprisonnés. Ceux à qui avait été confiée la direction de l’œuvre au Béthel n’étaient en aucune façon craintifs ou abattus. En fait, c’était plutôt l’inverse. Ils étaient optimistes et convaincus que Jéhovah accorderait finalement la victoire à son peuple. J’ai eu le privilège de me trouver à la table du Béthel le lundi matin, lorsque les frères qui avaient été envoyés durant le week-end dans les congrégations ont présenté leur rapport. La situation était très bonne. Dans tous les cas, les frères étaient confiants et s’en remettaient à Jéhovah qui dirigerait leurs activités futures.”

      Fait intéressant, un matin, après le jugement de frère Rutherford et de ses associés, frère Barber reçut un appel téléphonique de Rutherford lui demandant d’aller à la gare Pennsylvania de New York, où lui-​même et les autres frères attendaient depuis plusieurs heures un rapide pour Atlanta. Sans perdre un instant, frère Barber et quelques autres se sont rendus à la gare. Là, frère Rutherford leur dit que dans le cas où les frères du siège subiraient de trop fortes pressions de la part de la police, ils devraient vendre le Béthel et le Tabernacle de Brooklyn, et s’installer soit à Philadelphie, à Harrisburg ou à Pittsburgh, puisque la Société Watch Tower était enregistrée en Pennsylvanie. Il suggéra que le Béthel soit vendu pour 60 000 dollars et le Tabernacle pour 25 000 dollars.

      Comment les choses se sont-​elles passées ? Les frères nommés responsables ont rencontré de nombreux problèmes, tels que la pénurie de papier et de charbon. Le patriotisme était exalté et beaucoup considéraient injustement les témoins chrétiens de Jéhovah comme des traîtres. À Brooklyn, on manifestait beaucoup d’animosité à l’égard de la Société, à tel point qu’il paraissait impossible de continuer à diriger l’œuvre à partir de là. Par conséquent, le comité exécutif nommé pour diriger le siège consulta d’autres frères, et il fut décidé qu’il était préférable de vendre le Tabernacle de Brooklyn et de fermer le Béthel. Pour autant que frère Barber s’en souvienne, le Tabernacle a finalement été vendu pour 16 000 dollars. Puis, toutes les dispositions nécessaires ont été prises, à l’exception du transfert de fonds, pour vendre le Béthel au gouvernement. Mais l’armistice a entravé la transaction, et la vente n’a jamais été réalisée.

      Néanmoins, le 26 août 1918, les bureaux de la Société ont été transférés de Brooklyn, dans l’État de New York, à Pittsburgh, en Pennsylvanie. ‘Quand j’y pense, dit Hazel Erickson, je me rends compte que malgré leur accablement dû à l’emprisonnement des frères, les Étudiants de la Bible n’ont jamais cessé de prêcher. Tout au plus prenaient-​ils davantage de précautions.’ Sœur Dixon se souvient que “la foi de tous nos amis était forte et que les réunions se tenaient régulièrement”. Les témoins chrétiens de Jéhovah ne cessaient de manifester leur foi en Dieu. Certes, ils étaient dans le creuset de l’épreuve et de la persécution, mais l’esprit saint de Dieu reposait sur eux. S’ils enduraient fidèlement, Dieu les arracherait à leurs persécuteurs et les délivrerait de leur ‘captivité babylonienne’.

      EN PRISON PENDANT PLUSIEURS MOIS

      C’est au milieu de l’année 1918 que Rutherford et ses sept compagnons ont été incarcérés à la prison fédérale d’Atlanta, en Georgie. Une lettre écrite le 30 août 1918 par frère Macmillan nous renseignera sur les conditions de détention. Une copie de cette lettre qui nous a été remise par Melvin Sargent dit entre autres :

      “Tu seras certainement heureux de connaître notre situation en prison. Voici brièvement relatés quelques faits relatifs à notre vie ici. Frère Woodworth et moi partageons la même cellule, qui est bien aérée et convenablement éclairée. Elle fait 3 mètres de long sur 1,80 m de large et 2,10 m de haut, et comprend deux couchettes sur lesquelles il y a un matelas de paille, deux draps, des couvertures et des oreillers ; nous avons aussi deux chaises, une table, des serviettes de toilette et du savon en quantité plus que suffisante, et une armoire pour y ranger nos affaires de toilette. (...)

      “Tous les frères travaillent ensemble à l’atelier de confection. C’est une pièce de 18 mètres sur 12 mètres, bien aérée et bien éclairée. Frère Woodworth et moi, nous faisons des boutonnières et cousons des boutons sur les chemises et les vestes que portent les prisonniers. Frères Van Amburgh, Robison, Fisher, Martin et Rutherford aident à la confection des vestes et des pantalons. Une centaine d’hommes environ travaillent dans ce service. De ma place, j’aperçois tous les frères, et je puis t’assurer qu’il est amusant de voir frère Van Amburgh devant sa machine en train d’assembler le devant et le derrière d’un pantalon. (...) Quant à frère Rutherford, il a presque renoncé à savoir un jour assembler une veste. Je ne crois pas qu’il soit parvenu à en monter une, bien qu’il y travaille déjà depuis trois semaines. À le voir, il semble occupé, mais en réalité je pense qu’il passe la plus grande partie de son temps à essayer d’enfiler une aiguille. [Un gardien s’est montré si déraisonnable vis-à-vis de lui que d’autres prisonniers ont pris la veste et l’ont terminée. Finalement, frère Rutherford a été transféré à la bibliothèque, où il est davantage dans son élément.] (...)

      “Dès que nous regagnons notre cellules après souper, nous lisons les journaux de l’après-midi. Puis, pendant une heure, six ou sept prisonniers, quiconque le désire, peuvent jouer de la musique avec les instruments qu’ils possèdent. Quelle cacophonie ! Je pense que tous les instruments sont représentés, à l’exception de la harpe des Juifs ; j’ai donc l’intention de m’en procurer une, car c’est le seul instrument dont je sache jouer, excepté la harpe à dix cordes. Pendant cette heure récréative que frère Woodworth appelle ‘l’enfer de Dante’, nous jouons aux dominos. Après cela, nous lisons les Aurores ou la Bible jusqu’à 22 heures, heure à laquelle toutes les lumières doivent être éteintes. Le lendemain nous suivons le même programme, et ainsi jusqu’au samedi. Le samedi après-midi, tous les pensionnaires sortent dans la cour. Un match de base-ball est organisé et très bien joué d’ailleurs ; les hommes le suivent avec beaucoup d’intérêt. En ce qui me concerne, je passe généralement l’après-midi à jouer au tennis. Les autres frères bavardent tout en se promenant. Les hommes des différentes classes forment de petits groupes — anarchistes, socialistes, faussaires, trafiquants d’alcool, pro-allemands, caissiers de banque, avocats, pharmaciens, médecins, voleurs expérimentés, cambrioleurs, ministres du culte (ils sont plus nombreux qu’on ne le pense), etc., etc., etc. L’orchestre de la prison exécute également plusieurs œuvres au cours de l’après-midi.”

      Les huit Étudiants de la Bible emprisonnés ont eu l’occasion de prêcher la bonne nouvelle du Royaume aux autres détenus. Le dimanche matin, tous les prisonniers étaient tenus d’assister à un service religieux, et ceux qui le désiraient pouvaient y rester pour profiter des cours de l’école du dimanche. Nos huit frères ont créé une classe pour l’étude et la fréquentation fraternelle. Avec le temps, d’autres détenus se sont joints à eux, et les frères ont enseigné la classe à tour de rôle. Certains membres du personnel pénitentiaire sont même venus écouter. L’intérêt a grandi au point que l’auditoire s’est élevé à quatre-vingt-dix personnes.

      Le pouvoir transformateur de la vérité de Dieu a eu un profond effet sur quelques détenus. L’un d’eux a fait ce commentaire : “Je suis âgé de soixante-douze ans, et il a fallu que je sois emprisonné pour entendre parler de la vérité. C’est pour cela que je suis heureux d’avoir été mis en prison. Pendant cinquante-sept ans j’ai questionné les ministres du culte sans jamais recevoir une réponse valable. À chacune des questions que j’ai posées à ces hommes [les Étudiants de la Bible emprisonnés], j’ai obtenu une réponse satisfaisante.”

      La grippe espagnole faisant des ravages à ce moment-​là, les cours de l’école du dimanche ont pris fin. Toutefois, juste avant que les huit Étudiants de la Bible ne soient libérés de la prison d’Atlanta, tous les groupes qu’ils avaient instruits ont été réunis, et frère Rutherford leur a parlé pendant environ quarante-cinq minutes. Certains responsables de l’administration pénitentiaire étaient présents et de nombreux détenus ont versé des larmes de joie à l’idée que les humains seraient un jour libérés grâce au Royaume. Lorsqu’ils sont partis, les Étudiants de la Bible ont laissé en prison un petit groupe qui est demeuré fidèle.

      TÉMOIGNAGES DE CONFIANCE

      L’armistice fut signé le 11 novembre 1918. La Première Guerre mondiale avait pris fin. Or, nos huit Étudiants de la Bible se trouvaient toujours en prison. Ils y étaient encore quand leurs compagnons dans la foi tinrent une assemblée à Pittsburgh, du 2 au 5 janvier 1919. C’est durant cette assemblée que devait avoir lieu la très importante réunion annuelle de la Société Watch Tower, le samedi 4 janvier 1919.

      Rutherford n’ignorait pas qu’à l’occasion de cette réunion les adversaires au sein de l’organisation n’hésiteraient pas à les remplacer, lui et les autres administrateurs, par des hommes de leur choix. Or, ce samedi-​là, le 4 janvier, Macmillan faisait une partie de tennis dans l’enceinte de la prison. Rutherford s’avança vers lui et, selon Macmillan, voici quelle fut leur conversation :

      “Rutherford m’a dit : ‘J’aimerais te parler.’

      “‘À quel sujet ?’

      “‘Je voudrais t’entretenir de ce qui se passe à Pittsburgh.’

      “‘Laisse-​moi d’abord terminer la partie.’

      “‘Alors, ça ne t’intéresse donc pas, tout ce qui se passe ? Ne sais-​tu pas que c’est aujourd’hui qu’on va élire les administrateurs ? Il se pourrait fort bien que tu ne sois pas réélu et, alors, ce n’est pas demain qu’on sera sorti d’ici.’

      “‘Frère Rutherford, lui ai-​je répondu, laisse-​moi te dire une chose à laquelle tu n’as peut-être pas pensé. C’est la première fois depuis que la Société a été constituée qu’il est possible de voir nettement qui Jéhovah veut pour président.’

      “‘Que veux-​tu dire ?’

      “‘Eh bien, je veux dire que frère Russell détenait la majorité des voix et c’est donc lui qui nommait les administrateurs. Et maintenant que nous autres, nous ne sommes apparemment plus en fonction, les choses ont changé. Par contre, si jamais nous sortions d’ici à temps pour nous rendre à l’assemblée et assister à cette réunion, il est à peu près certain que tout le monde serait d’accord pour que nous prenions la place de Russell, avec les mêmes honneurs que ceux qu’il a reçus. Cela aurait alors l’air d’être l’œuvre de l’homme et non de Dieu.’

      “Rutherford s’en retourna, tout songeur.”

      Ce jour-​là fut un jour mémorable à Pittsburgh. “Quand sonna l’heure de la réunion, la tension était grande, nous a dit Mary Hannan, qui s’en souvenait. Nous avions remarqué la présence de gens de l’opposition. Ils espéraient faire élire leur homme.”

      On donna lecture d’une lettre de frère Rutherford. Il adressait à l’assistance ses salutations et l’expression de son amour et rappelait que les armes principales de Satan sont l’orgueil, l’ambition et la crainte. Manifestant le désir de se soumettre à la volonté de Jéhovah, il proposait humblement plusieurs hommes qualifiés, au cas où l’on élirait d’autres administrateurs de la Société.

      La discussion se poursuivait depuis pas mal de temps, quand frère Sexton prit la parole et dit :

      “Je viens d’arriver. Mon train a eu quarante-huit heures de retard, à cause de la neige. J’ai quelque chose à dire et, pour ma satisfaction personnelle, je préfère le dire tout de suite. Mes chers frères, je suis venu ici, tout comme vous autres, avec certaines idées en tête, pour et contre. Disons, avec tout le respect que l’on doit à nos amis du monde juridique, que nous nous sommes adressés à d’autres avocats encore. Comme j’ai pu le constater, ils ressemblent beaucoup aux médecins. En effet, il leur arrive, à eux aussi, de se contredire. Toutefois j’ose croire que ce que je vais dire concordera en tous points avec ce qu’ils ont dit. Il n’y a pas d’obstacle juridique. Si nous voulons réélire nos frères du Sud à telles ou telles fonctions qui leur conviennent, je ne vois pas, à en juger par tous les avis qui m’ont été donnés, comment cette réélection pourrait en aucune manière peser sur la tournure que peut prendre leur affaire devant le Tribunal fédéral ou devant le public.

      “À mon avis, le plus grand compliment que l’on puisse faire à notre cher frère Rutherford, ce serait de le réélire comme président de la Watch Tower Bible and Tract Society. Je ne crois pas qu’il y ait doute quelconque dans l’esprit du public quant à notre position sur ce point. Si nos frères ont pu théoriquement tomber sous le coup d’une loi qu’ils ne comprenaient pas, nous savons que leurs mobiles sont purs. Et devant le Dieu Tout-Puissant ils n’ont jamais violé aucune loi divine ni aucune loi humaine. Nous ferions preuve d’une très grande confiance en réélisant frère Rutherford comme président de l’Association.

      “Je ne suis pas avocat, mais lorsqu’il s’agit de légalité, je peux parler en connaissance de cause de la loi des hommes loyaux. La loyauté est une exigence divine. Je ne vois pas comment nous pourrions manifester une confiance plus grande qu’en ayant une élection et en réélisant frère Rutherford comme président.”

      Il y eut la présentation des candidats. On passa au vote et Rutherford fut élu comme président, Wise comme vice-président et Van Amburgh comme secrétaire-trésorier. Se reportant à l’époque, Anne Gardner a dit : “À l’issue de la réunion, on était profondément heureux de voir de nouveau que Jéhovah dirigeait invisiblement son peuple.”

      Transportons-​nous maintenant à la prison d’Atlanta. On est le dimanche 5 janvier 1919. Rutherford frappe quelques coups au mur de la cellule de Macmillan et dit : “Sors ton bras !” Il lui passe alors un télégramme. Que disait-​il ? Que Rutherford avait été réélu comme président. Ce même jour, mais un peu plus tard, frère Rutherford dit encore à Macmillan : “J’aimerais te dire quelques mots. Hier tu m’as dit quelque chose qui me travaille l’esprit. D’après toi, si nous étions allés à Pittsburgh, nous aurions été installés à la place de Russell et nous aurions influencé l’élection, et le Seigneur, lui, n’aurait pas eu l’occasion de montrer qui il voulait. Eh bien, frère, si jamais je sors d’ici, par la grâce de Dieu j’extirperai le culte de la créature. Je prendrai aussi le couteau de la vérité et je lui mettrai les tripes à l’air, à la vieille Babylone ! Ils nous ont fourré ici, mais on en sortira.” Rutherford ne plaisantait pas. Il a tenu parole. Depuis le jour de sa libération jusqu’à l’heure de sa mort, au début de 1942, il a démasqué sans trêve la méchanceté de la fausse religion.

      ON CHERCHE À OBTENIR LEUR LIBÉRATION

      En février 1919, certains journaux du pays commencèrent à travailler l’opinion publique pour qu’on remette en liberté Rutherford et ses compagnons. Les Étudiants de la Bible adressèrent des milliers de lettres à des directeurs de journaux, des membres du Congrès, des sénateurs et des gouverneurs, les pressant d’intervenir en faveur des huit chrétiens incarcérés. Parmi les destinataires de ce flot de requêtes, beaucoup se déclarèrent pour la mise en liberté et laissèrent entendre qu’ils ne s’en tiendraient pas là.

      Par exemple, dans une lettre, un membre du Congrès, M. Saunders, écrivait ceci : “J’accuse réception de votre lettre au sujet de l’affaire des Étudiants de la Bible actuellement emprisonnés à Atlanta. J’ai l’honneur de vous faire savoir que je suis pour la grâce de ces hommes et que je m’associerai très volontiers à toute recommandation à cet effet. Ces gens ne sont pas des criminels, dans le sens usuel du mot, même si théoriquement ils ont pu tomber sous le coup de la loi. La guerre est finie et nous devrions nous appliquer à en chasser l’image le plus vite possible.” Et Henry Kiel, maire de Saint Louis, a écrit à Woodrow Wilson, Président des États-Unis, en ces termes : “Permettez-​moi de joindre ma requête personnelle à toutes celles qui vous sont parvenues et qui demandent que Monsieur Rutherford et ses amis, de l’Association internationale des Étudiants de la Bible, soient mis en liberté provisoire en attendant que les instances supérieures aient définitivement statué sur leur sort ; et que, si possible, ils soient graciés.”

      En mars 1919, on tenta de nouveau d’obtenir la mise en liberté de frère Rutherford et de ses compagnons. On fit circuler dans tout le pays une pétition qui recueillit 700 000 signatures. Ce fut la plus grande pétition de l’époque. Elle ne fut jamais présentée au Président Wilson ni au gouvernement parce que, entre-temps, une mesure avait été prise pour que fussent libérés les huit Étudiants de la Bible. Mais la pétition fut un grand témoignage.

      À propos de l’activité liée à la pétition, voici ce que dit sœur Arthur Claus : “Naturellement, nous étions reçus de façon très variable. Certains signaient volontiers et nous pouvions donner le témoignage, tandis que d’autres se montraient hostiles et disaient : ‘Qu’ils y restent et y pourrissent !’ Cette activité aurait pu être humiliante, mais nous sentions que l’esprit de Jéhovah nous dirigeait. Nous y prenions donc plaisir et nous avons persévéré jusqu’au bout.”

      REMIS EN LIBERTÉ

      Le 2 mars 1919, celui qui avait présidé lors de leur procès, le juge de district fédéral Harland Howe, envoya un télégramme au procureur général Gregory de Washington. Il lui recommandait la “commutation immédiate” des peines qui avaient été infligées aux huit Étudiants de la Bible. Quant à Gregory, il avait envoyé un télégramme à Howe. Il voulait que ce soit lui qui fasse ce geste. Il semble bien que cette mesure a été prise parce que les frères incarcérés avaient fait appel. Or ni le procureur général ni Howe ne voulaient voir les instances supérieures se saisir de l’affaire. (Les huit frères se trouvaient en prison alors qu’ils étaient en instance d’appel, et cela uniquement parce que le juge Howe et par la suite le juge Manton avaient refusé leur mise en liberté provisoire.) La lettre que le juge Howe adressa le 3 mars 1919 au procureur général est fort intéressante. En voici la teneur :

      “L’honorable Procureur général,

      Washington, D.C.

      “Cher Monsieur,

      “En réponse à votre télégramme du 1er courant, je vous ai envoyé ce soir la dépêche suivante :

      “‘Recommande commutation de peine immédiate pour Joseph Rutherford, William Van Amburgh, Robert Martin, Fred Robison, George Fisher, Clayton Woodworth, Giovanni DeCecca, Hugh Macmillan. Ils étaient tous accusés dans le même procès du District est de New York. J’estime qu’il faut nous montrer généreux à présent que la guerre est finie. Ils ont causé beaucoup de tort en prêchant et en diffusant leurs doctrines religieuses.’

      “Tous les accusés ont été condamnés à la peine sévère de vingt ans, à l’exception de DeCecca qui a reçu dix ans. Je tenais surtout à faire un exemple qui serve de leçon aux autres et je ne doutais pas que le Président les gracierait une fois la guerre terminée. Comme je l’ai dit dans mon télégramme, ils ont causé beaucoup de tort et on serait même justifié à les garder plus longtemps. Mais comme ils ne pourront plus causer de tort maintenant, j’estime qu’il faut se montrer aussi clément que j’ai été sévère en les condamnant. À mon avis, la plupart d’entre eux, sinon tous, sont sincères, et, selon moi, il ne faut pas garder ces gens en prison, puisqu’ils n’ont plus l’occasion de faire de l’agitation. Leur affaire n’est pas encore venue devant la cour d’appel de la circonscription.

      “Respectueusement,

      (signé) Harland Howe,

      Juge de district des États-Unis.”

      Le 21 mars 1919, le juge Louis Brandeis, de la Cour suprême des États-Unis, ordonna la mise en liberté provisoire des huit frères et prescrivit de leur accorder le droit à un jugement en appel le 14 avril de la même année. On les relâcha promptement. Le mardi 24 mars ils quittèrent la prison d’Atlanta et prirent le train. Quand ils furent de retour à Brooklyn, le 26 mars, les autorités fédérales les mirent en liberté provisoire moyennant une caution de 10 000 dollars chacun, en attendant un nouveau jugement.

      JOYEUX RETOUR

      “Grande fut la joie des frères quand ils apprirent leur mise en liberté et tous étaient là pour les accueillir”, a déclaré Louise Paash, qui a ajouté : “Ils ont promptement organisé un grand banquet au Béthel de Brooklyn. Je me souviens que mon père s’est rendu à Brooklyn pour aider à préparer les chambres et avoir lui aussi la joie d’accueillir les frères.”

      Ce furent là de bons moments. Mabel Haslett écrit ceci : “Je me souviens d’avoir fait une centaine de beignets que les frères semblaient aimer beaucoup. (...) Je revois encore frère Rutherford en prendre quelques-uns. Ce fut un moment inoubliable quand ses compagnons et lui racontèrent tout ce qu’ils avaient vécu. Je me souviens aussi de frère DeCecca, qui était de petite taille. Je le revois debout sur une chaise pour que tout le monde puisse le voir et l’entendre.” Giusto Battainon raconte ceci : “On nous a servi du poulet, mais nous étions si nombreux qu’il a fallu manger debout. Quelle joie que d’entendre les frères raconter ce qui leur était arrivé ! (...) Entre autres choses, frère DeCecca a dit : ‘Plus grandes sont les difficultés, plus grandes sont les bénédictions.’ Et vraiment je voyais que Jéhovah bénissait abondamment son peuple.”

      Le soir du 1er avril 1919, un autre banquet fut offert aux frères libérés, cette fois par le personnel du bureau de la Watch Tower, à l’hôtel Chatham de Pittsburgh. Voici ce qu’a rapporté Sullivan : “Elle ne connaissait pas de limites, la joie qui gagna le peuple de Jéhovah quand nos frères quittèrent la prison fédérale d’Atlanta, le 25 mars 1919. (...) Leur attachement à Jéhovah se vit encore dans le fait qu’ils se mirent aussitôt au travail pour faire connaître au peuple de Dieu en tous lieux la délivrance de Jéhovah, grâce au congrès de Cedar Point, celui de 1919.”

      TOUT À FAIT DISCULPÉS

      L’affaire des huit Étudiants de la Bible devait être jugée en appel le 14 avril 1919. Ils comparurent devant la cour d’appel du deuxième district fédéral, à New York. Le 14 mai 1919, leurs condamnations, injustes, furent annulées. Ce jour-​là présidaient les juges Ward, Rogers et Manton. Voici ce que déclara le juge Ward dans le jugement qui fut rendu, quand il renvoya l’affaire à plus tard pour un nouveau procès : “Dans cette affaire, les défendeurs n’ont pas été jugés avec modération et impartialité, ce à quoi ils avaient droit ; c’est pour cette raison que le jugement précédent a été cassé.”

      Le juge Martin Manton n’était évidemment pas d’accord. Le 1er juillet 1918, ce juge catholique, sans donner aucune raison, avait refusé de mettre en liberté provisoire Rutherford et ses compagnons, ce qui eut pour conséquence une détention injuste de neuf mois, alors qu’ils étaient en instance d’appel. À propos, le juge Manton fut fait par la suite, par le pape Pie XI, “chevalier de l’ordre de St-Grégoire le Grand”. Mais le mépris que Manton avait pour la justice devait finalement devenir manifeste. Le 3 juin 1939, il fut condamné à la peine maximum de deux ans de prison, plus une amende de 10 000 dollars, pour avoir honteusement abusé de ses fonctions de juge fédéral en acceptant des dons d’un montant de 186 000 dollars pour six jugements.

      Ainsi le 14 mai 1919 les condamnations qui avaient été injustement infligées aux huit Étudiants de la Bible furent annulées. Cela voulait dire qu’ils étaient libres, à moins que le gouvernement décide d’engager de nouvelles poursuites. Mais la guerre était finie et les autorités comprirent que, vu les faits, il serait impossible d’obtenir une condamnation. Aussi, en plein tribunal de Brooklyn, le 5 mai 1920, l’avocat du gouvernement annonça la cessation des poursuites. L’accusation fut abandonnée par acte de nolle prosequi (abandon des poursuites). C’est ainsi que ces huit chrétiens, victimes d’un jugement injuste, furent tout à fait innocentés.

      Le jugement ayant été annulé et l’accusation abandonnée, Rutherford et ses sept compagnons étaient complètement blanchis. Il en est qui ont parlé du juge Rutherford comme d’un “ancien détenu”, mais sans aucune raison. Le jugement du 14 mai 1919 établit nettement que lui et ses compagnons avaient été emprisonnés sur une accusation illégale. Que frère Rutherford n’était pas considéré comme un ancien détenu, on en a la preuve dans le fait que plus tard il plaida comme avocat devant la Cour suprême des États-Unis, ce qui eût été impossible à un ancien détenu. Vingt ans plus tard, soit en automne 1939, les neuf juges de la Cour suprême écoutèrent sa plaidoirie dans l’affaire Schneider contre New Jersey. La Cour rendit, par 8 voix contre 1, un jugement en faveur du client de Rutherford, Clara Schneider, une dame témoin de Jéhovah.

      Au cours des années décisives de 1918 et 1919, le peuple de Jéhovah dut affronter de grandes difficultés. Mais avec l’aide de Dieu, il endura (Rom. 5:3-5). Satan, malgré ses armes, n’avait pas réussi à fermer la bouche de ceux qui chantaient les louanges de Dieu. Combien était juste donc le texte annuel pour 1919 : “Toute arme forgée contre toi sera sans effet (...). Tel est l’héritage des serviteurs de l’Éternel.” — És. 54:17, Bible Segond.

      PERSPECTIVE NOUVELLE

      Après la période d’épreuve 1917-​1919, le peuple de Jéhovah s’examina. Comprenant qu’il n’avait pas toujours suivi des voies divinement approuvées, il chercha par la prière à se faire pardonner, car il se repentait de sa conduite antérieure. Cela lui a valu le pardon et la bénédiction de Jéhovah. — Prov. 28:13.

      L’un des compromis avait consisté à amputer le livre Le mystère accompli de plusieurs pages, afin de plaire à ceux qui s’étaient arrogé le droit de censurer. Un autre compromis eut lieu quand on publia dans La Tour de Garde du 1er juin 1918 les lignes suivantes : “Conformément à la résolution du Congrès du 2 avril et à la proclamation du Président des États-Unis, celle du 11 mai, il est demandé au peuple du Seigneur en tous lieux de faire du 30 mai une journée de prières et de supplications.” Les commentaires qui suivaient faisaient l’éloge des États-Unis et étaient inconciliables avec la neutralité chrétienne. — Jean 15:19 ; Jacq. 4:4.

      Pendant la Première Guerre mondiale, il se posa parmi les Étudiants de la Bible des questions sur l’attitude à adopter vis-à-vis du service militaire. Il en est qui refusèrent toute forme de service, tandis que d’autres acceptèrent de servir comme non-combattants. Et les bons de la défense nationale ? Fallait-​il en acheter ? Ceux qui n’en achetaient pas étaient parfois l’objet de persécutions et se faisaient même brutaliser. Quand les serviteurs de Jéhovah de notre temps considèrent le programme et les activités des nations, ils se conforment aux principes bibliques énoncés en Ésaïe 2:2-4 qui conclut en disant : “Et ils devront forger leurs épées en socs de charrue et leurs lances en cisailles à émonder. Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation, et ils n’apprendront plus la guerre.”

      Une perspective nouvelle, voilà ce qui s’ouvrait devant le peuple de Jéhovah au seuil des années 1920. Il avait traversé des années difficiles, mais les disciples oints du Christ, les “deux témoins” symboliques, avaient repris vie spirituellement et étaient prêts à l’action. Comment cela s’était-​il fait ? Que s’était-​il passé dans les mois qui suivirent la mise en liberté de frère Rutherford et de ses huit compagnons ?

      D’EXCELLENTS RÉSULTATS

      Quand Rutherford est sorti de prison, il avait l’esprit préoccupé par une importante question : Quel intérêt porte-​t-​on au message du Royaume ? C’était un homme malade et il n’aurait pas été étonnant de le voir s’occuper en premier lieu de sa santé, mais il voulait à tout prix connaître la réponse à cette question importante.

      À la prison d’Atlanta, Rutherford et Van Amburgh se trouvaient dans la même cellule. Or, par suite d’une ventilation défectueuse, il n’y avait pas de circulation d’air dans leur cellule. Insuffisamment alimentés en oxygène, leurs organismes s’intoxiquèrent. C’est là d’ailleurs que frère Rutherford fut atteint aux poumons pour le reste de ses jours. Peu après sa mise en liberté il fit une pneumonie. Il fut si malade qu’on se demanda s’il en réchapperait. Étant donné son état et comme il avait de la famille en Californie, il se rendit dans cette région.

      Voulant savoir à quel point on s’intéressait au message du Royaume, frère Rutherford prit les dispositions nécessaires en vue de tenir une réunion publique au Clune’s Auditorium de Los Angeles, le dimanche 4 mai 1919. Dans les nombreuses annonces qu’il fit paraître dans la presse, il promettait d’expliquer dans son discours pourquoi les administrateurs de la Société Watch Tower avaient été condamnés illégalement.

      Le clergé de la ville pensait qu’on en avait fini avec les Étudiants de la Bible et la Société et que personne ne viendrait au discours qui avait pour thème “Un espoir pour l’humanité affligée”. Or, il se trompait. On dénombra trois mille cinq cents assistants et, faute de place, il fallut renvoyer environ six cents personnes. Rutherford leur promit de prendre la parole le lundi soir. Bien qu’il eût été souffrant toute la journée, il prononça le même discours devant un auditoire de mille cinq cents personnes. Mais il fut si malade qu’au bout d’une heure il dut se faire remplacer. Cependant cette tentative à Los Angeles avait donné d’excellents résultats. On s’intéressait beaucoup au message du Royaume.

      “LE BÉTHEL SERA-​T-​IL RESTAURÉ ?”

      Il y avait encore une autre question importante qui se posait. Le Tabernacle de Brooklyn avait été vendu. Le Béthel, lui, était toujours la propriété de la Société, mais il était sans mobilier ou presque. Le siège avait été transféré à Pittsburgh. Là les frères n’avaient pas beaucoup d’argent et les pièces qu’ils occupaient dans la Federal Street ne se prêtaient guère au travail d’expansion. Il n’y avait pas de local pour l’imprimerie ; d’autre part, nombre de clichés pour l’impression des publications de la Société avaient été détruits. Les perspectives étaient sombres.

      Pendant le séjour de Rutherford en Californie, il se produisit quelque chose d’intéressant au siège de la Société, à Pittsburgh. Un beau matin, un chrétien, George Butterfield, entra au siège. C’était un homme riche. Macmillan l’accueillit dans la pièce affectée à la réception et lui apprit que Rutherford se trouvait en Californie ; alors, selon Macmillan, voici ce qui se passa :

      “Il m’a dit : ‘Disposez-​vous d’une pièce particulière ?’

      “‘Si tu veux, je vais aller verrouiller la porte et nous serons entre nous. Qu’est-​ce que tu veux faire, George ?’

      “Il s’était mis en devoir de retirer sa chemise pendant que je lui parlais. Je croyais qu’il avait perdu la raison. Il avait l’air un peu fripé et semblait fatigué du voyage, alors que d’ordinaire il était toujours très propre et très soigné de sa personne. Quand il fut en maillot de corps, il demanda un couteau. Il défit alors une petite pièce qui y était cousue et sortit un paquet d’argent. C’était environ dix mille dollars en billets de banque.

      “Il posa le paquet sur la table et dit : ‘Voilà qui vous aidera à mettre l’œuvre en route. Je n’ai pas voulu envoyer un chèque, car j’ignorais qui était ici. Je n’ai pas voyagé en wagon-lit, parce que je ne voulais pas que quelqu’un vienne me dépouiller de cette somme, si jamais on avait soupçonné que j’en étais porteur. Je n’ai donc pas fermé l’œil de la nuit. J’ignorais qui était responsable de l’œuvre, mais maintenant que je vois ici des frères que je connais et en qui j’ai confiance, je suis content d’être venu !’ (...) Ce fut certes une agréable surprise et un encouragement.”

      Quand frère Rutherford fut de retour au siège de Pittsburgh, il pria Wise, vice-président de la Société, de se rendre à Brooklyn pour voir s’il était possible de rouvrir le Béthel et de louer des locaux susceptibles de servir d’imprimerie. Voici comment se déroula la conversation :

      “Va voir si c’est la volonté du Seigneur que nous retournions à Brooklyn.”

      “Comment saurais-​je si c’est la volonté du Seigneur que nous y retournions ?”

      “C’est parce qu’en 1918 nous n’avons pu nous approvisionner en charbon que nous avons dû quitter Brooklyn et revenir à Pittsburgh. Que le charbon soit donc un signe. Va commander du charbon.” [À New York le charbon était encore rationné à la fin de la guerre.]

      “À ton avis, combien de tonnes dois-​je commander pour qu’on puisse y voir un signe ?”

      “Eh bien, fais qu’il n’y ait pas de doute sur ce signe ; commande cinq cents tonnes.”

      Frère Wise s’exécuta. Il fit une demande auprès des autorités et reçut un bon pour cinq cents tonnes de charbon. Aussitôt il télégraphia à Rutherford. Voilà qui couvrirait les besoins de la Société pour des années. Mais où mettre tout ce charbon ? Il fut stocké dans le sous-sol du Béthel. On considéra que la façon dont les choses avaient tourné était une indication, un signe que c’était bien la volonté du Seigneur que l’on retourne à Brooklyn. Le retour eut lieu le 1er octobre 1919.

      JOYEUSES RETROUVAILLES

      Peu avant la réouverture du Béthel, le peuple de Jéhovah en général se rassembla en congrès. Ce furent de joyeuses retrouvailles. Quelque temps après les réunions publiques qu’il avait tenues à Los Angeles, en mai 1919, Rutherford décida qu’on ferait un grand congrès. On finit par choisir pour lieu de rassemblement Cedar Point. Cette assemblée, qui eut lieu du 1er au 8 septembre 1919, se révéla être une assemblée particulièrement bienfaisante sur le plan spirituel.

      Les hôtels de Cedar Point pouvaient accueillir environ trois mille personnes. Les Étudiants de la Bible avaient retenu toutes leurs chambres pour le lundi 1er septembre, premier jour du congrès, à partir de midi. Or un millier de personnes seulement vinrent pour la session d’ouverture, ce qui causa une petite déception. Mais les gens continuaient d’arriver par trains spéciaux et par d’autres moyens. Bientôt on vit se former de longues files d’attente. C’étaient des délégués qui voulaient une chambre. Et qui s’affairait derrière le comptoir pour les servir ? Deux anciens détenus de la prison d’Atlanta : Macmillan et Martin ! Rutherford, lui, s’activait de son côté, ainsi que beaucoup d’autres. Ils portaient les valises et conduisaient les congressistes à leurs chambres. Cela dura jusqu’après minuit.

      Les délégués, tous pleins d’allégresse, continuaient d’arriver. Trois mille étaient présents au soir du premier jour, mais le vendredi ils étaient six mille. Au discours public du dimanche on dénombra sept mille personnes. À l’occasion de cette joyeuse assemblée deux cents assistants prirent le baptême, symbolisant leur offrande de soi.

      Au sujet du discours public “Un espoir pour l’humanité affligée”, voici ce qu’écrit Arden Plate : “Il fut décidé que le discours public se ferait dehors et frère Rutherford prit la parole (...). Vu le petit nombre, on n’eut pas trop de peine à entendre.”

      LES MYSTÉRIEUSES LETTRES “GA”

      Dès leur arrivée sur les lieux de l’assemblée, les congressistes remarquèrent quelque chose qui les intrigua. Ursula Serenco s’en souvient. Voici ce qu’elle nous a raconté : “Nous avons vu un grand calicot tendu au-dessus de l’estrade et qui portait deux énormes lettres : ‘GA’. Nous sommes restés perplexes toute la semaine, essayant de deviner ce que pouvait bien signifier ce sigle. C’est alors que frère Macmillan gagna l’estrade. Avec l’humour qui lui était propre, il dit à l’assistance que lui aussi avait été intrigué par ces deux lettres mystérieuses. Puis il ajouta : ‘À mon avis, cela doit signifier : “Devinez encore.”’ (En anglais : Guess Again). Tout le monde éclata de rire.”

      Ce n’est pas avant le vendredi 5 septembre, lors de la “Journée des Collaborateurs”, que fut satisfaite la curiosité des congressistes. Imaginez que vous vous trouvez au milieu de cette foule joyeuse au moment où Rutherford fait son discours “Proclamez le Royaume”. C’est au cours de ce discours qu’il annonça la parution d’un nouveau journal périodique : L’Âge d’Or.

      Ainsi il n’y avait plus de mystère. Le sigle “GA” désignait L’Âge d’Or (en anglais : Golden Age). Après Rutherford, c’est Martin qui prit la parole. Il expliqua les méthodes à employer pour une activité nouvelle, celle qui consistait à recueillir des abonnements pour L’Âge d’Or. Paraissant tous les quinze jours, ce journal de trente-deux pages présentait beaucoup de textes religieux qui expliquaient les événements de notre temps à la lumière des prophéties divines. Le premier numéro, daté du 1er octobre 1919, traitait de sujets tels que le travail, l’économie l’industrie, les mines, la finance, le commerce, les transports, l’agriculture, la science, les inventions et la religion, sans oublier un article biblique qui avait pour titre “Les vivants peuvent-​ils parler avec les morts ?”

      Le rédacteur en chef de L’Âge d’Or était l’un des frères qui avaient été emprisonnés en même temps que Rutherford. Il s’appelait Clayton Woodworth. Son fils, James Woodworth, raconte ceci : “Mon père nous avait redonné un foyer à Scranton et lorsque, en 1919, L’Âge d’Or commença à paraître aux côtés de La Tour de Garde, la Société le nomma rédacteur en chef du nouveau périodique. Comme il lui fallait passer une bonne partie de son temps à Brooklyn, la Société fit le nécessaire pour qu’il pût travailler quinze jours à Brooklyn et quinze jours chez lui. Cela dura des années. J’entends encore le crépitement matinal de sa machine à écrire. En effet, il devait souvent se lever à cinq heures du matin pour écrire ou préparer des articles qui étaient expédiés à Brooklyn par le premier courrier.”

      Clayton Woodworth s’acquitta fidèlement de ses fonctions de rédacteur en chef de L’Âge d’Or et du journal qui lui succéda et qui fut appelé Consolation (périodique qui parut du 6 octobre 1937 jusqu’au 31 juillet 1946). En raison de son âge, il fut déchargé de cette tâche quand, avec le numéro du 22 août 1946, le nouveau périodique Réveillez-vous ! remplaça Consolation. Frère Woodworth demeura fidèle dans d’autres fonctions requises par le service de Dieu jusqu’au jour de sa mort, le 18 décembre 1951, à l’âge de quatre-vingt-un ans.

      “NOUS ALLIONS NOUS METTRE AU TRAVAIL”

      En 1919, le congrès de Cedar Point donna aux frères de l’époque une plus vive conscience de l’étendue universelle de l’œuvre de prédication que devait accomplir le peuple de Jéhovah. Ou, pour reprendre les termes de Macmillan : “Cette idée commença donc à prendre corps en nous : ‘Maintenant il faut faire quelque chose.’ Nous n’allions plus rester là à attendre notre départ pour le ciel ; nous allions nous mettre au travail.”

      À coup sûr, le peuple de Dieu ‘allait se mettre au travail’. On prit des mesures énergiques et toutes destinées à faire progresser la pure adoration. Ainsi, l’année 1919 fut témoin de la renaissance de l’œuvre des colporteurs. Au printemps de cette année-​là il y en avait 150 qui étaient actifs dans cette forme de service, mais en automne on en dénombra 507.

      Le service des pèlerins fut également mis en route. Les représentants itinérants et à plein temps de la Société furent bientôt au nombre de quatre-vingt-six. Ils furent envoyés dans les congrégations pour rassembler ceux qui avaient été dispersés pendant les persécutions du temps de guerre. Ils excitèrent l’intérêt en rétablissant, par leur service, des liens étroits avec le siège de l’organisation terrestre de Jéhovah. En ce domaine aussi les affaires de la pure adoration progressaient.

      TOUS DANS LE CHAMP !

      Dans La Tour de Garde des 1er et 15 août 1919 parut l’article en deux parties “Heureux ceux qui ne craignent pas”. Cet article faisait ressortir la nécessité de passer à l’action avec courage et fidélité dans le service de Dieu. Comment le peuple de Dieu accueillit-​il cet appel à l’action ? Avec enthousiasme et sans crainte. Plein de zèle, il s’attela à l’œuvre du Royaume, à la tâche qui l’attendait. Les serviteurs de Dieu reprirent vie spirituellement dans le service actif de Jéhovah, en tant qu’ambassadeurs. C’est ainsi que se réalisa l’image prophétique de la résurrection des “deux témoins” de Dieu dont il est question en Révélation 11:11, 12.

      En 1920, la responsabilité individuelle par rapport à la prédication fut plus vivement ressentie quand ceux qui prenaient part au témoignage commencèrent à remettre un rapport hebdomadaire. Avant 1918 il n’y avait que les colporteurs qui faisaient un rapport d’activité. De plus, pour faciliter le travail de la prédication, les congrégations se virent attribuer des territoires déterminés. Quels furent les effets ? En 1920 il y avait 8 052 “ouvriers d’ecclésia” et 350 colporteurs. En 1922, sur plus de 1 200 congrégations aux États-Unis, 980 avaient été entièrement réorganisées pour le service du champ. Ces dernières comptaient 8 801 ouvriers qui remettaient des publications aux gens contre une contribution. La moyenne hebdomadaire était de 2 250.

      Quand commença la diffusion de L’Âge d’Or, on présenta cette activité comme suit : “L’œuvre de L’Âge d’Or consiste à passer de maison en maison avec le message du Royaume, en proclamant le jour de vengeance de notre Dieu et en consolant les affligés. De plus, on tâchera de laisser un Âge d’Or dans chaque foyer, même si l’abonnement est refusé. On recevra des numéros spécimens (...). Les ouvriers d’ecclésia pourront se procurer les numéros spécimens auprès du Directeur.” Les congrégations qui désiraient prendre part à l’activité se firent inscrire auprès de la Société Watch Tower comme organisations de service. La Société, de son côté, nomma un membre de chacune de ces congrégations aux fonctions de “Directeur”. Étant nommé, le “Directeur” n’était pas l’objet d’une élection locale annuelle, comme les “anciens” ou “aînés” de l’époque.

      Joignons-​nous un instant à la diffusion de L’Âge d’Or. Voici ce que nous raconte Elva Fisher : “En 1919 nous parvenait le premier envoi du nouveau journal L’Âge d’Or. (...) Personne d’entre nous n’avait une automobile à l’époque. Mon mari et son frère charnel, Audie Bradshaw, prirent donc notre petit cabriolet à une place, le chargèrent de périodiques et partirent annoncer la bonne nouvelle, avec une voiture attelée d’un cheval ! Ma belle-sœur restait à la maison pour s’occuper du bétail et de nos enfants, car nous habitions tous des fermes. Les hommes passèrent deux journées entières à diffuser le périodique, car on devait laisser un Âge d’Or dans chaque foyer. Quelle n’était pas notre joie pour cette possibilité de prendre part à l’œuvre de prédication !”

      “On demandait des volontaires pour aller recueillir des abonnements”, nous dit Fred Anderson, qui ajoute : “Je me proposai donc et bientôt je connus ma première joie réelle, celle que l’on éprouve à donner le témoignage. Depuis lors j’ai recueilli de nombreux abonnements et répandu des centaines de numéros de ce journal, qui s’appelle aujourd’hui Réveillez-vous ! Quel puissant instrument pour réveiller les gens, pour leur faire prendre conscience des temps décisifs que nous vivons et pour leur donner la merveilleuse espérance de vie et de paix sur une terre purifiée !”

      LA DIFFUSION DU “ZG”

      Le 21 juin 1920, une édition non cartonnée du livre Le mystère accompli fut mise à la disposition des frères en vue de sa diffusion. On appelait ordinairement cette publication le “ZG”. (“Z” voulait dire Zion’s Watch Tower, première dénomination de la Watch Tower [La Tour de Garde], et “G”, septième lettre de l’alphabet, désignait ce septième volume des Études des Écritures.) Cette édition spéciale de la Watchtower (1er mars 1918) avait été mise en réserve quand le livre fut interdit et pouvait être maintenant diffusée pour 20 cents l’exemplaire.

      Se souvenant de son activité avec le “ZG”, Beulah Covey déclare : “Il y avait à l’intérieur une image qui représentait une église (...) avec deux ecclésiastiques qui s’avançaient chacun sur un des bas-côtés, tenant d’une main un pistolet et de l’autre le plateau pour la quête. Pour placer le livre ‘ZG’, il suffisait de montrer cette image. C’était chose courante de répandre quarante ou cinquante livres par jour dans le champ.”

      L’activité avec cette édition sous forme de périodique du Mystère accompli fut très féconde. Par exemple, Annie Poggensee écrit ceci : “Je frappai à la porte d’une dame qui me prit le ‘ZG’ et referma la porte. J’étais loin de soupçonner quels allaient être les effets. Quelques semaines plus tard, on laissa à sa porte une feuille d’invitation pour un discours. Voyant qu’il s’agissait de la même œuvre, elle vint au discours. Elle continua de venir aux réunions et finalement son mari et ses deux filles commencèrent à y assister. Peu après la famille Andreson était dans la vérité.”

      LE “GA” No 27

      Vint le jour où parut L’Âge d’Or No 27 (en angl. Golden Age). “C’était le numéro du 29 septembre 1920, qui relatait en détail les persécutions et les mauvais traitements que subirent les frères et sœurs durant la période d’oppression”, écrit Roy Hendrix, qui prit part à sa diffusion. Amelia et Elizabeth Losch ajoutent ceci : “Le journal parlait des persécutions impies qui furent infligées aux Étudiants internationaux de la Bible pendant la Première Guerre mondiale par les ecclésiastiques de la chrétienté et leurs alliés politiques et militaires. (...) Neuf membres de la congrégation refusèrent de prendre part à cette œuvre et signèrent une pétition en ce sens. Ils manquaient de foi en l’‘esclave fidèle et avisé’. Quant à nous, nous avons, ainsi que trois autres, maintenu la foi, et nous avons répandu 25 000 exemplaires en quinze jours. À la fin de la campagne nous étions fatigués mais heureux, sachant que nous marchions fidèlement dans la lumière de la Parole de Dieu.”

      L’Âge d’Or No 27 fut tiré à quatre millions d’exemplaires. On les distribuait gracieusement ou on les remettait contre une contribution volontaire de dix cents. La diffusion se faisait surtout de maison en maison.

      L’ŒUVRE DANS LES AUTRES PAYS

      Les demandes de publications bibliques ne cessaient de croître. Cela se vérifiait au Canada, par exemple, où la censure qui frappait les publications de la Watch Tower fut levée le 1er janvier 1920. La persécution en ce pays semblait donner au peuple de Dieu encore plus de zèle pour annoncer la parole et faire progresser la pure adoration.

      Le 12 août 1920, Rutherford et quelques collaborateurs s’embarquèrent pour l’Europe. Des assemblées eurent lieu à Londres, à Glasgow et dans d’autres villes anglaises. Accompagné d’un petit groupe, Rutherford se rendit en Égypte et en Palestine. On visita différents bureaux et des classes bibliques, qui furent spirituellement affermies. On fonda une filiale de la Société à Ramallah. Dans un rapport de fin d’année, frère Rutherford révéla que la Société était en train d’établir un bureau européen chargé de superviser l’œuvre de prédication en Suisse, en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Autriche et en Italie.

      LA “CAMPAGNE DES MILLIONS D’HOMMES”

      Pour stimuler l’œuvre consistant à faire des disciples, une nouvelle activité de prédication fut inaugurée : la “Campagne des millions d’hommes”. On devait offrir au public durant cette campagne, contre une contribution de 25 cents, le livre de 128 pages qui avait pour titre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais. La diffusion du livre devait se faire pendant qu’aurait lieu une série de discours publics, programme qui commença le 25 septembre 1920 et qui avait pour thème un discours particulier (à l’origine il avait pour titre “Le monde a pris fin — Des millions d’hommes actuellement vivants peuvent ne jamais mourir”), celui que Rutherford avait fait à Los Angeles le 24 février 1918 et qui fut publié dans le nouveau livre en 1920.

      Jetant un coup d’œil rétrospectif sur l’époque, Lester Roper déclare : “Puis ce fut à mon tour de faire un discours public sur le sujet ‘Élevez un étendard pour les peuples : des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais’. J’avais l’habitude du public, mais cette fois c’était autre chose. J’avais l’impression qu’à tout moment la salle allait se lever et se mettre à me conspuer. Il faut dire qu’il fallait avoir le cœur bien accroché, car à l’époque nous n’étions dans le monde qu’une toute petite poignée d’hommes à être dans la vérité, et voilà qu’on annonçait au public que des ‘millions d’hommes actuellement vivants ne mourraient jamais’ !”

      Le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais fut traduit par la suite en différentes langues. À la différence de l’“œuvre pastorale” qui consistait à prêter des livres au public, on plaçait le nouveau livre contre une contribution. Ceux qui s’intéressaient à la question pouvaient se procurer par la suite des volumes des Études des Écritures. La “Campagne des millions d’hommes” dura pendant un certain temps et un grand témoignage fut donné. Pour attirer l’attention du public, on fit paraître des avis dans la presse et on utilisa l’affiche. La campagne avait pris une telle ampleur qu’on s’en souvenait encore des années plus tard.

      Se rappelant l’effet de la “Campagne des millions d’hommes”, Rufus Chappell écrit ceci : “Nous avons présenté le livre Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais dans la ville de Sion (dans l’Illinois, aux États-Unis) et aux environs, avec de bons résultats. Je me souviens d’une grande enseigne lumineuse au-dessus de la teinturerie de la North Sheridan Road, à huit kilomètres environ de Sion. Elle disait : ‘We dye for the millions now living who will never die.’ (Jeu de mots intraduisible en français et portant sur l’homonymie de “dye” qui veut dire “teindre” et “die” qui signifie “mourir”. Traduction littérale : “Nous teignons pour les millions d’hommes actuellement vivants qui ne mourront jamais.”) On en a beaucoup parlé à l’époque et nombre de personnes, s’étant posé des questions, ont appris la vérité dans ce livre.”

      UN INSTRUMENT DE PROGRÈS

      Pendant des années les Étudiants de la Bible avaient lu et largement diffusé les Études des Écritures. En 1921 parut un nouveau livre : La Harpe de Dieu, de la main de Rutherford. Avec le temps son tirage s’éleva à 5 819 037 exemplaires, en 22 langues. “Quelle bénédiction quand parut La Harpe de Dieu ; ce fut une réponse à nos prières”, écrit Carrie Green, qui poursuit en disant : “Le livre rendait la vérité, toute la vérité, bien plus simple, les différents sujets étant présentés sous l’image des ‘cordes de la harpe’.”

      Le livre présentait le dessein de Jéhovah comme “les dix cordes de la Harpe de Dieu, la Bible”. Voici les “dix cordes” ou titres des chapitres de l’ouvrage : La Création, La Justice manifestée, La Promesse abrahamique, La Naissance de Jésus, La Rançon, La Résurrection, Le Mystère révélé, Le Retour de notre Seigneur, La Glorification de l’Église, Le Rétablissement. C’était un manuel à l’usage de ceux qui commencent à étudier la Bible. En allant de maison en maison, les Étudiants de la Bible proposaient en même temps que ce livre un cours complet par correspondance. Les douze questionnaires qui composaient le cours étaient envoyés par la poste, un questionnaire par semaine. Il arrivait qu’une congrégation ordinaire envoyait jusqu’à 400 au 500 questionnaires par semaine. Cette œuvre se poursuivit pendant des années et fut très utile. Voici ce que dit Hazel Burford : “On faisait aussi des études au domicile des personnes intéressées, ce qui ressemblait à nos études à domicile de notre temps, avec cette différence, cependant, que tout un groupe de proclamateurs y assistait, comme dans nos études de livre de la congrégation.”

      INSTALLATION D’UNE IMPRIMERIE

      Dans l’année qui suivit la Première Guerre mondiale, la Société Watch Tower désira acheter une grande rotative. Il n’en existait que quelques-unes dans le pays, mais aucune n’était disponible. Apparemment, il n’y avait guère de chance qu’on pût s’en procurer une avant de nombreux mois. Mais la main de Jéhovah n’est pas trop courte et, en 1920, une grande rotative fut installée et commença à fonctionner. On l’avait affectueusement surnommée “le vieux cuirassé”. Avec les années, des millions de périodiques, de brochures et d’autres imprimés sont sortis de cette machine.

      Après l’achat du “vieux cuirassé”, la Société loua un bâtiment à Brooklyn (35 Myrtle Avenue). Dès leur arrivée au Béthel, le 22 janvier 1920, on demanda aux frères Pelle et Kessler d’aller y travailler. Voici ce que nous raconte Pelle : “Au 35 Myrtle Avenue, on dut d’abord laver les murs. Ce fut bien le travail le plus sale que j’aie jamais eu à faire, mais c’était différent. On était heureux. En effet, c’était l’œuvre du Seigneur et cela valait donc la peine. Il nous a fallu trois jours pour tout nettoyer et le local pouvait accueillir maintenant le service de la correspondance. Au sous-sol on était en train d’assembler la rotative et au premier étage on installait la presse plate, la plieuse et l’agrafeuse.”

      Bientôt tout fut installé et les machines se mirent en marche. Frère Pelle poursuit en disant : “Deux frères, qui étaient des ajusteurs et des ouvriers imprimeurs expérimentés, surveillaient la presse plate, Kessler, lui, était à la plieuse et moi, à l’agrafeuse. Vint l’instant émouvant où nous vîmes sortir de notre presse à nous le tout premier numéro de La Tour de Garde, le 1er février 1920. Peu de temps après jaillissait de la rotative du sous-sol L’Âge d’Or No 27. Un petit commencement, certes, mais il n’y a jamais eu de fin à l’accroissement.”

      L’œuvre de la prédication se développait. En 1922, les demandes de publications étaient plus nombreuses que jamais. C’est pourquoi, le 1er mars 1922, la Société fit transporter son imprimerie dans un immeuble de cinq étages au 18 Concord Street (Brooklyn). Au début quatre étages furent occupés et, finalement, tout le bâtiment. C’est là que pour la première fois la Société commença à imprimer elle-​même les livres cartonnés. Quant au bâtiment de la Myrtle Avenue, il servit d’entrepôt pour le papier et les publications.

      Le transport des machines de la Myrtle Avenue jusqu’à la Concord Street posait des problèmes, dont le plus gros était le déménagement du “vieux cuirassé”. Voici comment on vint à bout de la difficulté, selon ce que nous a raconté un jour Lloyd Burtch :

      “C’est le 1er mars 1922 que nous avons déménagé l’imprimerie. Il s’agissait de tout emmener de la Myrtle Avenue jusqu’au grand bâtiment au 18 Concord Street. Avec un petit camion nous avions pu transporter la plupart des pièces lourdes. Mais quand on a voulu déménager les gros cylindres de la rotative, on a constaté qu’ils étaient bien trop lourds pour le camion. On n’avait pas pensé à cela ! Comment faire pour les transporter dans le nouveau bâtiment ? Le lendemain matin, à notre réveil, le problème était résolu.

      “Subitement il était tombé durant la nuit plusieurs centimètres de neige et, du coup, il n’y a plus eu de problème. En effet, nous avons construit une sorte de traîneau et avons roulé dessus les cylindres. Accrochant l’engin au camion, nous l’avons fait glisser doucement sur la neige jusqu’au nouveau bâtiment. Là, on a introduit les cylindres dans le sous-sol, les faisant passer par la fenêtre. Des années plus tard, frère Martin, le responsable de l’imprimerie, racontait encore avec plaisir aux frères, lors des congrès, comment cette soudaine chute de neige avait résolu notre problème de déménagement.”

      Le “vieux cuirassé” ne tarda pas à faire tourner ses cylindres dans la nouvelle imprimerie de la Concord Street. Il fallait voir comme il faisait trembler le bâtiment. D’où cette remarque de frère Martin : ‘Il n’y a pas de doute, ce sont bien les anges qui tiennent les murs debout !’

      GRÂCE À JÉHOVAH

      “Quand on voit des hommes sans grande expérience ou même sans expérience du tout réussir à imprimer livres et Bibles sur des rotatives, on a la preuve que c’est bien Jéhovah qui dirige les choses”, déclare Charles Fekel. Il est au Béthel depuis 1921 et a vu tout ce qui s’est passé au siège depuis plus d’un demi-siècle. Il nous dit : “On a toujours trouvé des hommes pour chaque tâche, sans gaspillage d’efforts. Ce qu’on avait projeté d’avance, si grands que fussent les travaux, a toujours été mené à terme, malgré l’opposition de Satan.”

      En 1922, quand la Société transporta l’imprimerie au 18 Concord Street, elle fit l’acquisition de tout le matériel nécessaire pour la composition, la galvanoplastie, l’impression et la reliure. La plupart des machines étaient neuves. Le président d’une importante entreprise qui avait fait une bonne partie du travail d’impression de la Société vint jeter un coup d’œil et déclara : “Vous avez là une imprimerie de tout premier ordre et personne ici n’a l’air de savoir s’en servir. Dans six mois vous aurez tout démoli et vous apprendrez par l’expérience que les seuls gens capables de faire votre travail, ce sont les gens de métier.”

      Certes, les problèmes qui se posaient étaient énormes, mais, grâce à Jéhovah, les frères firent des progrès incroyables. En voici un exemple : Il y a quelques années il a fallu à un monteur spécialisé venu d’Allemagne et à ses aides deux mois pour monter une grosse presse achetée par la Société. Moins de deux ans plus tard, une autre presse de même type et de même taille a été montée en trois semaines par un seul frère et quelques assistants du Béthel.

      Au siège de la Société les frères se sont appliqués. Ils ont beaucoup appris et il ne leur a pas fallu longtemps avant de savoir fabriquer des livres bien solides. Au début, ils ne parvenaient à en cartonner que deux mille. Mais en 1927, leur production quotidienne était de 10 000 à 12 000 livres.

      DE RETOUR À CEDAR POINT

      L’imprimerie de la Concord Street ne tournait que depuis peu de temps quand le peuple de Dieu se réunit en assemblée internationale du 5 au 13 septembre 1922. Où ? De nouveau à Cedar Point, là où les Étudiants de la Bible avaient tenu congrès en 1919. Dans l’intervalle il y avait eu de l’accroissement. Les délégués qui assistèrent à l’assemblée de 1922 venaient des États-Unis, du Canada et de l’Europe. Chaque jour 10 000 personnes en moyenne étaient présentes et le dimanche on en dénombra un bien plus grand nombre : entre 18 000 et 20 000. Ceux qui se firent baptiser furent au nombre de trois cent soixante et un. Des réunions en anglais et en d’autres langues eurent lieu simultanément et, à un moment donné, on en compta jusqu’à onze.

      Imaginez que vous vous êtes rendu à Cedar Point pour assister à une assemblée qui fut particulièrement enrichissante. Voyez les grands calicots, les pancartes fixées aux arbres et les écriteaux accrochés aux poteaux. Tous portent les lettres “A D V”. Que signifient-​elles ? Selon certains : “Après la mort, la victoire !” (After Death Victory) ; en effet, à l’époque, les membres oints du reste songeaient beaucoup à leur départ pour le ciel, leur demeure. Selon d’autres, cela voulait dire “Engagez le Diable à abandonner la partie.” (Advise the Devil to Vacate).

      On fut dans l’attente jusqu’au vendredi 8 septembre, qui avait été appelé “Le Jour”. Le juge Rutherford prononça alors un discours sur “Le Royaume”. Voici ce qu’a déclaré à ce sujet frère Sullivan : “Ceux qui ont eu le privilège d’assister à cette assemblée revoient encore frère Rutherford prier quelques personnes, que la grosse chaleur empêchait de rester à leurs places, de bien vouloir ‘S’ASSEOIR’ et ‘ÉCOUTER’ à tout prix le discours.” Entre autres choses, frère Rutherford a parlé de la fin des temps des Gentils en 1914 et a cité la déclaration blasphématoire du Conseil fédéral des Églises, déclaration par laquelle ce Conseil saluait la Société des Nations comme “l’expression politique du royaume de Dieu sur la terre”. Imaginez que vous êtes au milieu de l’assistance au moment où Rutherford arrive à la conclusion émouvante de son discours. Vous l’écoutez de toutes vos oreilles quand il déclare :

      “(...) Depuis 1914 le Roi de gloire a saisi sa puissance et commencé son règne. Il a purifié les lèvres des membres de la classe du temple et il les envoie avec ce message. On ne saurait trop souligner l’importance du message du royaume. C’est le message entre tous. C’est le message de l’heure. Il incombe à tous ceux qui appartiennent au Seigneur de l’annoncer. Le royaume du ciel est proche ; le Roi règne ; l’empire de Satan croule ; des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais.

      “Croyez-​vous cela ? (...)

      “S’il en est ainsi, retournez au champ, ô vous, fils du Dieu très-haut ! Revêtez votre armure ! Soyez sobres, vigilants, actifs, vaillants ! Marchez de l’avant dans le combat jusqu’à ce que chaque lieu de Babylone soit devenu désert. Répandez le message en tous lieux. Le monde doit connaître que Jéhovah est Dieu et que Jésus-Christ est le Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Ceci est le jour de tous les jours. Voici, le Roi règne ! Vous êtes ses hérauts. C’est pourquoi : Proclamez, proclamez, proclamez le roi et son royaume.”

      À ce moment, un calicot en trois couleurs et de onze mètres de long fut déroulé au-dessus de l’estrade. On y voyait une grande image du Christ, au milieu, ainsi que les mots “Proclamez le Roi et le Royaume”. Tout devenait clair. Les lettres “A D V” signifiaient “PROCLAMEZ” (en angl. ADVERTISE). Et que fallait-​il proclamer ? Eh bien, “le Roi et le Royaume” ! “Imaginez l’enthousiasme, s’exclame George Gangas, la joie et l’excitation des frères. Jamais rien de tel n’était survenu dans leur vie. (...) C’est une chose qui s’inscrivit en caractères indélébiles dans mon esprit et dans mon cœur et que je n’oublierai pas tant que je vivrai.” James Woodworth, qui avait seize ans à l’époque et faisait partie de l’orchestre, raconte ceci : “Ce fut sensationnel. Quel tonnerre d’applaudissements ! Le vieux frère Pfannebecker brandit son violon au-dessus de sa tête et, se tournant vers moi, il dit avec force : ‘Ach ya ! Et maintenant nous allons faire cela, n’est-​ce pas ?’”

      INCITÉS À PROCLAMER LE ROYAUME

      Et on fit cela ! Oui, les serviteurs de Dieu le font depuis lors. Ils proclament courageusement le Roi et le Royaume. En quittant Cedar Point, les Étudiants de la Bible étaient enflammés de l’esprit et pleins d’enthousiasme pour l’œuvre de prédication qui les attendait. “Les mots ne sauraient décrire ce besoin d’aller de l’avant, de rentrer chez nous et de proclamer”, déclare Ora Hetzel. Quant à sœur James Bennecoff, elle dit : “Nous nous sentions incités à ‘proclamer, proclamer, proclamer le Roi et son Royaume’. Oui, avec plus de zèle et plus d’amour dans notre cœur que jamais.”

      D’ailleurs, les congressistes eurent l’occasion de proclamer le Royaume avant même de quitter Cedar Point. Le lundi 11 septembre 1922 était le “Jour du Service”. Plusieurs centaines d’automobiles se trouvaient là, chacune avec cinq passagers ou davantage et une bonne provision de publications. Tous étaient prêts à proclamer le Royaume dans le service du champ. “Ma carte d’‘Instructions à l’usage des Ouvriers’ portait le No 144, se rappelle Dwight Kenyon. Ma carte portait ces mots : ‘Les autos se rangeront le long du lac (Cedar Point), suivant le numéro fixé au radiateur, à 6 h 30 précises. Ton auto porte le No 215 et tu es l’Ouvrier No 5 (...).’ Je me trouvais dans un groupe de sept personnes. Notre territoire était Milan, dans l’Ohio, à quelques kilomètres de l’endroit où nous étions. Je me souviens que frère Rutherford était là à cette heure matinale, pour le départ.”

      Oui, Rutherford était là ‘pour le départ’. Mais il ne se borna pas à cela. “Frère Rutherford se trouvait dans la première automobile qui démarra ce matin-​là”, se rappelle Sara Kaelin. John Fenton Mickey ajoute : “La voiture de frère Rutherford était la première. Il avait invité ma femme et moi-​même, ainsi que la sœur de ma femme, Clara Myers, et Richard Johnson et sa femme. Je ne pus partir avec eux, car notre petite fille était tombée malade (...). Eh bien, le territoire de la première voiture était la route entre Cedar Point et Sandusky. Frère Rutherford prit la première maison, Clara Myers la deuxième, et ainsi de suite jusqu’à la fin du service. Puis tous retournèrent à l’assemblée.”

      APPELS POUR UN SERVICE ACCRU

      Les serviteurs de Jéhovah prêchaient de maison en maison depuis des années. Ce travail allait s’accélérer. Après octobre 1922, l’activité de porte en porte fut rendue plus facile grâce aux conseils d’une feuille d’instructions de service qui paraissait chaque mois.

      Aux réunions des Étudiants de la Bible on continuait à dispenser une abondante nourriture spirituelle. C’est en 1922 qu’on organisa pour la première fois des études en groupe de La Tour de Garde. Dans les réunions chrétiennes on tenait compte de l’accent qui était mis sur le service du champ. C’est ainsi que fut modifiée la réunion du milieu de la semaine, réunion de prières, de louanges et de témoignages. Pendant longtemps on y avait chanté des cantiques, dit des prières et donné des témoignages. Mais quelque temps après 1920 intervint un changement qui n’était pas sans lien avec la proclamation du Royaume de maison en maison. À ce sujet, voici ce qu’écrit James Gardner : “Le 1er mai 1923 devait marquer une étape nouvelle. En effet, le premier mardi de chaque mois fut réservé comme ‘Journée de service’, afin de permettre aux ouvriers d’ecclésia d’aller dans le service du champ avec le ‘Directeur’ nommé par la Société. Pour donner plus d’impulsion à l’œuvre et plus d’encouragement aux frères, il fut décidé que dans les réunions de prières qui se tenaient le mercredi soir on consacrerait la moitié du programme à relater des témoignages et des faits de prédication.” Frère Siebenlist ajoute ceci : “Au cours de la réunion du mercredi soir, on commença à examiner, par la suite, le Bulletin, feuille de service imprimée par la Société. Aussi, quand on commença à mettre l’accent sur le service du champ, le groupe [congrégation] de Shattuck, dans l’Oklahoma, s’attela à la tâche de la prédication et apprit par cœur les témoignages qui paraissaient dans le Bulletin.”

      En 1923 la Société commença aussi à consacrer plusieurs dimanches par an à un “témoignage universel”. Il fallait à ces occasions conjuguer tous les efforts pour tenir par toute la terre et en même temps des réunions publiques. On invitait tous les Étudiants de la Bible à annoncer des réunions telles que “Chute de l’empire de Satan — Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais”.

      Aux États-Unis, c’est au début de 1927 qu’on a commencé à diffuser, le dimanche et contre une contribution, des livres et des brochures de maison en maison. “Certains se sont demandé comment cela allait se passer, sachant que le monde nous était hostile”, raconte James Gardner, qui ajoute : “Cela a déclenché une vague de persécutions en certains endroits. Mais c’était l’‘esclave fidèle et avisé’ qui nous demandait de le faire, alors pourquoi hésiter ? C’est volontiers que nous sommes sortis, et s’il en est qui se sont plaints de nous ‘voir arriver le dimanche avec des livres’, etc., on n’a pas tardé à constater que Jéhovah dirigeait son peuple dans le monde entier. Encore de nos jours le dimanche est un jour propice pour sortir, et nous le faisons constamment.”

      AUX PORTES

      Aimeriez-​vous vous joindre à ceux qui, à cette époque, faisaient connaître le Royaume dans la prédication de maison en maison ? Expliquant en quoi consistait le travail, voici ce que dit Myrtle Strain : “Le plus souvent nous expliquions ce que contenaient les livres, et nous n’ignorions pas l’art de vendre. Souvent on nous demandait d’entrer et alors, si la personne marquait de l’intérêt, nous lui donnions un aperçu du dessein de Dieu, depuis la chute d’Adam jusqu’au relèvement de l’homme. Parfois on restait une heure et davantage dans une même maison.”

      “Ces temps-​là nous ont laissé des souvenirs inoubliables, raconte Marthe Holmes. Je revois encore notre petit groupe de cinq personnes en train de visiter des bourgs éloignés dans la région de Des Moines. Il nous arrivait de partir avant l’aube et de rester jusqu’au crépuscule. À cette époque, notre auto n’avait ni toit rigide, ni freins hydrauliques, ni direction assistée, ni climatiseur, ni chauffage. La plupart du temps nous roulions sur des routes non goudronnées. Quand la voiture s’embourbait, nous glissions des planches sous les roues pour pouvoir repartir. Le véhicule était muni de rideaux latéraux que nous abaissions en cas de pluie ou de neige. Nous emportions avec nous de quoi nous restaurer et nous mangions dans la voiture, même par une température glaciale. Un jour, après avoir fait plusieurs heures de prédication à Newton, à cinquante kilomètres environ de Des Moines, une violente tempête s’est abattue sur nous. Nous avions beaucoup de peine à maintenir notre automobile sur la route, car le vent soufflait avec force. Le toit en toile avait été rabattu vers l’arrière par les rafales de la tempête et il claquait au vent. Nous sommes finalement arrivés à Des Moines, trempés jusqu’aux os. Ceux qui nous ont vus ont dû se dire : ‘Ils sont fous, ces gens-​là !’”

      Souvent leurs efforts étaient récompensés. Par exemple, Julia Wilcox n’a pas oublié le jour — c’était dans les années 20 — où elle a débuté dans le travail de maison en maison à Washington, dans la Caroline du Nord. Elle tomba sur une dame qui s’intéressait à la brochure Les vivants peuvent-​ils parler avec les morts ? et qui accepta quelques publications. Voici ce que dit sœur Wilcox :

      “Ne voulant pas la retarder, je m’apprêtais à partir, mais elle ne voulait pas me laisser aller. Voici son histoire :

      “‘Je sais que le Seigneur vous a envoyée ici aujourd’hui. Vous êtes la réponse à nos prières. Ma mère et moi avons demandé à Dieu de nous conduire à la lumière. Nous avons été membres de l’Église méthodiste durant toute notre vie, mais depuis quelque temps nous n’allons plus au culte, parce que nous restons toujours sur notre faim. On n’y entend parler que d’argent et d’argent et d’argent. L’autre jour, ma mère a vu dans une revue une annonce à propos d’un livre sur le spiritisme et la manière de parler directement à Dieu. Elle m’a dit de le commander pour voir ce que cet ouvrage pouvait nous apprendre. Eh bien, pour une raison quelconque j’ai oublié de poster ma commande. [Cette lettre n’a jamais été envoyée.] Maintenant je vais d’abord lire vos livres, et quand ma mère reviendra chez moi elle les lira, elle aussi. S’il vous plaît, n’oubliez pas de repasser.’

      “Bien entendu, je promis de revenir. À l’époque, on n’encourageait personne à faire des nouvelles visites. Ce qu’on demandait surtout, c’était de visiter le territoire et de laisser des publications. En tout cas, j’ai tenu parole et je suis repassée le jour où sa mère était présente. Toutes deux avaient ‘dévoré’ les publications que je leur avais laissées et elles en réclamaient d’autres. À partir de ce jour, elles ont accepté toutes les publications qu’éditait la Société (...). J’ai la grande joie de vous apprendre que sœur [Sophie] Carty, ma première nouvelle visite, a été fidèle dans le service et assidue aux réunions jusqu’au jour de sa mort survenue en 1963.”

      SEPT ANGES SONNENT DE LA TROMPETTE

      Dans les années 20, les serviteurs de Jéhovah étaient occupés à proclamer le Roi et le Royaume, avec d’excellents résultats. D’autre part, bien qu’à l’époque le peuple de Dieu ne s’en rendît pas compte, il eut part à l’accomplissement de certaines prophéties apocalyptiques. Tandis que sept anges sonnaient de la trompette, les vrais chrétiens jouaient un rôle dans des événements qui se produisaient sur la terre et ils continuent d’y jouer un rôle encore de nos jours. — Rév. 8:1 à 9:21 ; 11:15-19.

      Depuis l’époque où le premier ange a sonné de la trompette, la chrétienté a été criblée par une grêle dévastatrice, autrement dit par de puissants messages basés sur la vérité de la Bible (Rév. 8:7). Tout a commencé pendant le congrès de Cedar Point, en septembre 1922. À cette occasion, le peuple de Dieu adopta avec enthousiasme une résolution intitulée “Un défi”. C’était une courageuse condamnation de l’infidélité du clergé, qui avait participé à la guerre et qui a ensuite répudié le Royaume messianique en saluant la Société des Nations comme l’expression politique du Royaume de Dieu. En octobre 1922, plus de quarante-cinq millions d’exemplaires d’un tract contenant cette résolution et des arguments à l’appui commencèrent à être diffusés dans le monde entier. Depuis cette époque, la chrétienté (les clergés catholique et protestant, ainsi que les membres des Églises) est convaincue de mensonge quand elle affirme suivre le Christ.

      Sous la direction du deuxième ange à la trompette, les Étudiants de la Bible ont tenu un congrès régional à Los Angeles, du 18 au 26 août 1923. C’est à cette occasion qu’ils ont adopté avec enthousiasme la résolution historique intitulée “Un avertissement”. Cette résolution dévoilait le comportement du clergé de la chrétienté, lequel s’abstenait de prendre part à la proclamation du Royaume, et elle invitait les “brebis” à se tourner non vers la Société des Nations soutenue par le clergé, mais vers le Royaume de Dieu, le “seul remède aux maux nationaux et individuels”. Le comportement du clergé sous ce rapport a été dans une large mesure responsable de la montée des éléments extrémistes et révolutionnaires figurés par la “mer” agitée. Mais ces éléments non plus ne peuvent donner la vie à l’humanité, pas plus que ne saurait donner la vie tout sang qui se déverserait du corps humain. En décembre 1923, on commença à imprimer le tract “Proclamation — Un avertissement à tous les chrétiens”, qui reproduisait le texte de la résolution. Outre les millions d’exemplaires qui parurent dans les autres pays, 13 478 400 exemplaires furent imprimés aux États-Unis. La diffusion en masse de cette Proclamation n’était qu’un commencement. Encore de nos jours, les disciples oints de Jésus font des proclamations préconisant le Royaume de Dieu. — Rév. 8:8, 9.

      Quand le troisième ange a sonné de la trompette, le tiers des eaux s’est changé en absinthe (Rév. 8:10, 11). Il est significatif qu’à l’occasion du congrès que les Étudiants de la Bible tinrent à Columbus du 20 au 27 juillet 1924, le peuple de Dieu ait adopté par acclamation une résolution ayant pour titre “Acte d’accusation”. Cette résolution dévoilait les doctrines mensongères et blasphématoires du clergé apostat et montrait que le chemin sur lequel le clergé et ses amis politiques conduisent les hommes est un chemin qui mène à la mort. En effet, le clergé fait boire aux gens des eaux amères comme l’absinthe, une boisson qui provoque leur mort spirituelle et causera finalement leur destruction. Le texte de cette résolution parut dans le tract intitulé “Acte d’accusation contre le clergé”. Aux États-Unis 13 545 000 exemplaires de ce tract sortirent des presses. Des millions d’autres furent imprimés ailleurs, en langues étrangères. Finalement 50 000 000 d’exemplaires de ce tract furent répandus. L’“Acte d’accusation” parut également dans les colonnes de La Tour de Garde. Mais là aussi ce ne fut qu’un commencement. Sur les ondes et au moyen de livres, de brochures, de périodiques et de témoignages oraux, les serviteurs de Jéhovah continuent à montrer que les enseignements du clergé ne sont pas des eaux qui donnent la vie, mais des eaux qui mènent à la mort.

      Vint l’année 1925 et le quatrième ange à la trompette se tint prêt à en sonner. Il fit retentir sa trompette et le tiers du soleil, de la lune et des étoiles fut frappé et enténébré (Rév. 8:12). Au cours d’un congrès régional qui s’est tenu à Indianapolis du 24 au 31 août 1925, les serviteurs de Dieu adoptèrent avec force une résolution intitulée “Message d’espérance”. C’était une résolution empreinte d’amour, mais qui montrait que dans la chrétienté, qui se dit la lumière spirituelle du monde, les gens avaient sombré dans les ténèbres. La Tour de Garde et L’Âge d’Or publièrent le texte de la résolution. Par la suite, des millions d’exemplaires de cette résolution sortirent des presses sous forme de tract, en plusieurs langues. Voilà comment les hommes furent informés que la chrétienté ne baigne pas dans la lumière de la vérité céleste et de la faveur divine.

      L’assaut des sauterelles symboliques fut annoncé quand le cinquième ange sonna de la trompette, au printemps de 1926 (Rév. 9:1-11). Cette année-​là, du 25 au 31 mai, les Étudiants de la Bible tinrent un congrès international à Londres. À cette occasion, ils adoptèrent avec enthousiasme une résolution qui avait pour titre “Un témoignage aux dirigeants du monde”. Cette résolution, ainsi que le discours public que Rutherford prononça le dimanche 30 mai devant un immense auditoire réuni au Royal Albert Hall, discours qui avait pour sujet “Pourquoi les puissances du monde chancellent-​elles ? — Le remède”, tout cela montra qu’à l’origine de la Société des Nations se trouvait Satan et que le clergé ne soutenait pas le Royaume messianique de Dieu. Des explications analogues paraissaient dans le nouveau livre Délivrance et dans la nouvelle brochure L’étendard pour les peuples. Le lundi matin, le Daily News de Londres consacrait une page entière à la résolution, ainsi qu’au discours public du dimanche, et annonçait un autre discours de Rutherford pour lundi soir. Cette page du journal avait été achetée pour une somme considérable, et un million d’exemplaires de cette édition touchèrent le public.

      Finalement 50 000 000 d’exemplaires de la résolution “Un témoignage” furent répandus par toute la terre, sous forme de tract et en de nombreuses langues. On dévoilait ainsi les projets humains qui étaient conçus contre le Royaume de Dieu au nom de la religion. Cette condamnation causait du tourment, comme celui que provoque la piqûre du scorpion, et elle continue à en causer.

      Quand le sixième ange sonna de la trompette, quatre anges symboliques furent détachés et deux cents millions de chevaux symboliques sortirent “afin de tuer le tiers des hommes”. Ces “chevaux” figurent les moyens dont on se sert pour annoncer un terrible message de jugement, et plus particulièrement le moyen que représente l’imprimé. L’action commença en 1927, lors d’un événement important, c’est-à-dire à l’occasion d’un congrès international des Étudiants de la Bible qui se tint à Toronto, au Canada (Rév. 9:13-19). C’est là que le dimanche 24 juillet environ 15 000 personnes, réunies au Colisée, entendirent Rutherford leur donner lecture d’une résolution adressée “Aux peuples de la chrétienté”, peuples qui composent approximativement le tiers de l’humanité. La résolution demandait instamment à tous les cœurs sincères d’abandonner la chrétienté, afin de ne pas subir son sort. Les peuples étaient invités à se soumettre à Jéhovah Dieu, ainsi qu’à son Roi et à son Royaume. Quand Rutherford termina son discours public “Liberté pour les peuples”, discours qui appuyait la résolution, l’assistance se leva et adopta la résolution par acclamation. Des millions de personnes purent suivre le programme sur les ondes, grâce à une chaîne internationale de cinquante-trois stations, le plus grand réseau de l’époque. “Une gigantesque chaîne radiophonique transmet le discours de Rutherford”, voilà ce qu’a déclaré le 25 juillet 1927 le New York World. “Un immense réseau radiodiffuse dans toutes les parties du monde un discours qui condamne le clergé organisé.”

      Comme les amis et soutiens de la chrétienté ont dû se tordre sous la morsure du feu de certaines des déclarations de cette énergique résolution ! Cette résolution et le discours public furent publiés dans la brochure Liberté pour les peuples. Des millions d’exemplaires furent remis entre les mains des gens et des dirigeants. Voilà comment des millions de “chevaux” symboliques partirent à l’assaut de la chrétienté, sous la direction des membres oints du reste, les “quatre anges”. Avec les années, les publications chrétiennes de ce genre se sont multipliées, devenant des centaines de millions, et des milliers d’hommes, ayant lu leur message, ont abandonné Babylone la Grande, l’empire mondial de la fausse religion. — Rév. 9:13-19 ; 18:2, 4, 5.

      Des événements dramatiques se produisirent quand le septième ange sonna de la trompette. “Et il s’est produit dans le ciel des voix fortes qui disaient : ‘Le royaume du monde est devenu le royaume de notre Seigneur et de son Christ, et il régnera à tout jamais.’” Bien que le royaume du monde des hommes lui appartienne légitimement, depuis 607 avant notre ère Dieu avait permis que la royauté de la descendance ointe du roi David fût interrompue pendant “sept temps”, soit 2 520 ans. Cette période s’est terminée aux environs du 4/5 octobre 1914. Il fallait que les hommes sachent que Jéhovah régnait par l’entremise du Royaume qui fut alors instauré, qu’il ‘saccagerait bientôt ceux qui saccagent la terre’ et que ceux qui craignent son nom seraient collaborateurs avec lui pour transformer la terre en paradis. — Rév. 11:15-18.

      Quand ces choses seraient-​elles annoncées au monde, comme par la sonnerie de la ‘trompette du septième ange’ ? Cette proclamation commença en 1928, quand les Étudiants de la Bible se rassemblèrent en congrès à Detroit, du 30 juillet au 6 août. Le dimanche 5 août fut une journée marquante. En effet, ce jour-​là, les délégués entendirent l’émouvante résolution intitulée “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah”, ainsi que le discours “Chef des peuples” que Rutherford prononça à l’appui de la résolution. Entre autres choses, il était dit dans la résolution que Satan refusera de se dessaisir de sa domination méchante sur les nations et les peuples, et que Jéhovah, par le moyen de son agent exécutif Jésus Christ, passera à l’action contre le Diable et les forces du mal, ce qui aura pour conséquence le renversement de toute son organisation et l’emprisonnement de Satan. Il était encore déclaré dans la résolution que Dieu, par l’entremise du Christ, établira la justice sur la terre, délivrera l’humanité du mal et comblera de bienfaits toutes les nations de la terre. “C’est pourquoi, était-​il dit en conclusion, le temps est venu où tous ceux qui aiment la justice doivent se ranger du côté de Jéhovah et lui obéir et le servir d’un cœur pur, afin de recevoir les innombrables bénédictions que le Dieu Tout-Puissant leur réserve.”

      Des extraits de la “Déclaration contre Satan et pour Jéhovah” et du discours public prononcé à l’appui parurent dans les colonnes de L’Âge d’Or et de La Tour de Garde. D’autre part, la résolution et le discours furent publiés dans la brochure Le Bienfaiteur de l’homme, dont des millions d’exemplaires furent diffusés en plusieurs langues. Voilà comment un message qui soutenait le Royaume de Dieu et de Jésus Christ et contestait la domination du monde par Satan et ses agents résonna telle une sonnerie de trompette il y a plus de quarante ans. Cependant, grâce aux imprimés et aux discours publics il retentit depuis lors avec une force toujours plus grande, tandis que les serviteurs de Jéhovah portent sans relâche aux peuples de la terre le message du Royaume de Dieu.

      UNE DES TOUTES PREMIÈRES STATIONS DE RADIO FAIT ENTENDRE SA VOIX

      “La radio annonce au monde l’avènement du Millénium”, écrivait le 17 avril 1922 un journal de Philadelphie (The Record). Il ajoutait ceci : “La conférence du juge Rutherford a été transmise depuis le Metropolitan Opera. L’orateur a parlé dans le micro et le message a été porté sur des kilomètres de fils téléphoniques Bell jusqu’à la station de Howlett.” C’est par ces mots que commençait un article de presse sur la première allocution radiodiffusée de Rutherford, allocution qu’il prononça le 16 avril 1922 au Metropolitan Opera de Philadelphie. Quel en était le sujet ? “Des millions d’hommes actuellement vivants ne mourront jamais.” Son auditoire visible paraissait bien petit par rapport à tous ceux qui en Pennsylvanie, dans le New Jersey et le Delaware entendirent le discours chez eux, sur des postes rudimentaires. On les évalua à 50 000.

      On était aux tout premiers jours de la radio-communication. Aux États-Unis, ce n’est pas avant 1920 que furent faites depuis la station KDKA de Pittsburgh et la station WWJ de Detroit des radiodiffusions commerciales régulières. On pouvait alors acheter des postes à galène munis d’écouteurs, mais ce n’est pas avant les années 1930 que commencèrent à paraître sur le marché les postes avec haut-parleurs et antennes incorporés.

      En 1920 et dans les années qui suivirent, le peuple de Jéhovah fut en petit nombre. En 1924 il n’y avait en moyenne aux États-Unis que 1 064 Étudiants de la Bible qui prêchaient chaque semaine de maison en maison. Aussi, durant cette période, le peuple de Dieu, se rendant compte du rôle que pouvait jouer la radio, vit en elle un excellent moyen de faire connaître aux masses le message du Royaume.

      En 1922, Rutherford et quelques conseillers commencèrent par acheter une dizaine d’hectares de terres à Staten Island, qui fait partie de New York. À ce sujet, voici ce qu’a dit un jour Lloyd Burtch : “Un samedi après-midi, frère Rutherford a emmené quelques-uns d’entre nous à Staten Island. Quand nous sommes arrivés sur la propriété qui avait été achetée, il désigna un certain endroit au milieu des bois qui couvraient le terrain et dit : ‘Parfait ! C’est là que nous allons commencer à creuser. Nous allons construire une station de radio sur notre propre terrain.’ Avec quel acharnement nous avons creusé ! Cet été-​là, nous étions au travail tous les week-ends.” Pendant tout l’hiver et une partie de l’été, les frères ont abattu beaucoup de besogne. Nombre de jeunes gens du siège de Brooklyn venaient leur donner un coup de main les week-ends.

      En 1923, Ralph Leffler donnait des cours de radio dans un établissement scolaire de l’Ohio (Alliance). Un jour il reçut une lettre du bureau du président de la Société Watch Tower. Voici ce qu’elle disait : “Puisque tu donnes des cours de radio (...) n’aimerais-​tu pas consacrer tout ton temps au service du Seigneur en ce domaine ?” Frère Leffler vit distinctement ici la main de Jéhovah et, par conséquent, il accepta. À la mi-octobre il arriva au Béthel et on le mit à la vaisselle. “‘Comme si je n’avais pas fait assez de vaisselle à l’armée !’ Voilà ce que je me disais.” Et il ajoute ceci : “Mais je me suis alors souvenu de ce passage de l’Écriture : ‘Le Seigneur, votre Dieu, vous éprouve, pour savoir si vous aimez le Seigneur, votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre âme.’ (Deut. 13:3, Version autorisée). J’en ai conclu que c’était là une nouvelle épreuve.” Un mois plus tard, il commença son travail d’installation radiophonique. “On trouva dans la ville un émetteur de 500 watts qu’on acheta pour la station”, nous dit frère Leffler. Il l’installa rapidement et bientôt tout fut près pour la première émission.

      “Nous étions tous très émus, reconnaît frère Leffler. La première émission serait-​elle un succès ? Parviendrait-​on à la capter ? On avait reçu du gouvernement l’autorisation nécessaire et la station s’était vu attribuer les lettres WBBR. Tout était donc prêt pour la première émission. Elle eut lieu le dimanche soir 24 février 1924. J’eus le privilège de mettre l’installation sous tension pour notre première émission et il ne restait plus qu’à espérer que tout irait pour le mieux.”

      Cette première émission de la WBBR dura deux heures, de 20 h 30 à 22 h 30. On donna des solos de piano, des chants et ce qui constituait la partie essentielle du programme, un discours de Rutherford sur le sujet “Radio et prophétie divine”. Ensuite chaque soir, de 20 h 30 à 22 h 30, et le dimanche, de 15 h à 17 h, on diffusait de la belle musique et des discours d’enseignement.

      On eut également l’occasion de donner des dramatiques sur la WBBR. Maxwell Friend joua un rôle en ce domaine. Il avait suivi des cours d’art dramatique dans le célèbre théâtre de la ville de Zurich. Des années plus tard, Jéhovah accorda à frère Friend le privilège inattendu de créer et de diriger des drames bibliques, ainsi que des scènes qui reproduisaient ce qui se passait dans l’enceinte des tribunaux quand des témoins de Jéhovah comparaissaient devant des juges et des procureurs influencés par le clergé. Ces drames les confondaient publiquement et mettaient hors de cause les serviteurs de Dieu. Les acteurs et les musiciens qui intervenaient dans ces pièces formaient ce qu’on appelait “Le Théâtre du Roi.”

      En 1928, à South Amboy, dans le New Jersey, des serviteurs de Jéhovah furent arrêtés pour avoir annoncé la bonne nouvelle le dimanche. Ces arrestations marquèrent le début de la “Bataille du New Jersey”, bataille qui dura dix ans. “Le Théâtre du Roi” joua un rôle dans ce combat. Au cours des procès, souvent les juges catholiques ne cachaient pas leur parti pris. Ils usaient d’un langage grossier et révélaient parfois sans le vouloir quels étaient certains de leurs alliés du monde ecclésiastique, alliés qui cherchaient à rester dans l’ombre. Ce qui se disait au tribunal était pris en sténo. De bons acteurs assistaient aux procès et étudiaient la voix et les intonations du juge, du procureur etc. Quelques jours plus tard, “Le Théâtre du Roi” reproduisait les scènes du tribunal avec un réalisme stupéfiant. Voilà comment les ondes servirent à démasquer l’ennemi. Les magistrats finirent par avoir tellement peur d’être mis en vedette, eux ainsi que les policiers et les procureurs qu’on avait abusés, qu’ils se montrèrent plus prudents lorsqu’il s’agissait d’affaires impliquant le peuple de Jéhovah.

      Pendant trente-trois ans environ la WBBR glorifia le nom de Jéhovah et diffusa la vérité biblique. La station commença à fonctionner avec un émetteur de 500 watts. Trois ans plus tard, la Société fit l’acquisition d’un nouvel émetteur de 1 000 watts. En 1947, la Commission fédérale des communications autorisa la WBBR à porter sa puissance à 5 000 watts, à condition de ne pas gêner les stations qui, en divers points des États-Unis, opéraient sur la même fréquence. L’antenne directionnelle fut la solution et l’on put ainsi porter la puissance de 5 000 watts à 25 000 en direction du nord-est, dans des régions où la population était la plus dense. La WBBR était captée dans la région de New York, dans le New Jersey et le Connecticut. Mais on recevait, à propos de ses programmes, des lettres d’Angleterre, de l’Alaska, de Californie et d’autres lieux lointains.

      La Société vendit la station le 15 avril 1957. Pourquoi ? Eh bien, quand la station commença ses émissions en 1924, il n’y avait qu’une seule congrégation de deux cents proclamateurs pour les cinq quartiers de New York, ainsi que pour Long Island et même pour certaines parties du New Jersey. Or, en 1957 on comptait 62 congrégations dans New York même et un maximum de 7 256 proclamateurs, sans compter 322 prédicateurs à plein temps. Un excellent témoignage était donc donné. D’autre part, on obtenait plus de résultats en parlant aux gens dans leurs foyers. Ils pouvaient poser des questions et faire ainsi plus de progrès dans la connaissance de la Parole de Dieu. L’argent que coûtaient les émissions pouvait être utilisé d’une autre manière pour faire fructifier les intérêts du Royaume de Dieu.

      Mais la Société a encore fait des choses dans le domaine radiophonique. Un jour, frère Rutherford pénétra dans la chambre de Ralph Leffler, déplia sur la table une carte des États-Unis et, pointant son index, il dit : “Je songe à mettre des stations là, là et là. Serais-​tu disposé à t’occuper de la construction de ces stations ?” La réponse fut : “Très volontiers.” Donc, quand arriva novembre 1924, frère Leffler était en route pour la région de Chicago, afin de travailler à la construction d’une autre station qui serait la propriété de la Société et qui devait recevoir le nom de WORD. Frère Leffler installa aussi des émetteurs pour d’autres stations qui n’appartenaient pas directement à la Société mais qui étaient dirigées par ses représentants.

      LE PEUPLE DE DIEU ÉCRIT QUELQUES PAGES DE L’HISTOIRE DE LA RADIO

      Dans les années 1920, le peuple de Jéhovah ne fit pas seulement œuvre de pionnier en installant la WBBR, une des toutes premières stations émettrices, mais, comme on l’a déjà noté, les serviteurs de Dieu écrivirent une page de l’histoire de la radio le dimanche 24 juillet 1927, le jour où Rutherford prit la parole sur les ondes d’un réseau de cinquante-trois stations, depuis Toronto au Canada — la plus grande chaîne radiophonique qui eût jamais été réalisée.

      Comment est-​on parvenu à réaliser cet immense réseau radiophonique ? À la suite de toute une série d’événements. Un accord était intervenu entre la WBBR et le propriétaire de la station new-yorkaise WJZ sur le partage du temps, mais l’accord ne fut pas tenu. Plus tard, la WBBR se vit assigner une autre longueur d’ondes et, plus tard encore, on lui assigna une nouvelle longueur d’ondes, moins favorable. En vertu de la loi No 27 sur la radiodiffusion, la station WBBR intenta une action devant la Commission fédérale de radiodiffusion ; elle demandait qu’on lui assigne une meilleure longueur d’ondes. Lors de l’audition (14, 15 juin 1927), M. Aylesworth, président de la Compagnie nationale de radiodiffusion, se mit à parler des grands services que rendaient les stations new-yorkaises WEAF et WJZ, voulant laisser entendre par là qu’il ne serait pas juste de permettre à la WBBR d’occuper une partie du temps, bien que la WJZ et la WEAF eussent des longueurs d’ondes différentes. Durant le contre-interrogatoire mené par Rutherford, celui-ci posa à M. Aylesworth la question suivante : “Votre but, c’est de donner aux gens, grâce aux ondes, le message des plus grands financiers, des hommes d’État les plus éminents et des ecclésiastiques les plus célèbres du monde, n’est-​ce pas ?” Il répondit par l’affirmative.

      “Si vous étiez convaincu que le grand Dieu de l’univers allait sous peu mettre en œuvre son plan en vue de bénir toutes les familles et les nations de la terre par la paix, la prospérité, la vie, la liberté et le bonheur, ne feriez-​vous pas le nécessaire pour diffuser la nouvelle sur les ondes ?” Il aurait été difficile à M. Aylesworth de répondre autrement que par l’affirmative. C’est ce qu’il fit, puis, de lui-​même, il déclara qu’il diffuserait volontiers une conférence du président de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Naturellement, Rutherford accepta l’offre.

      C’est ainsi que le dimanche 24 juillet 1927, tandis que frère Rutherford parlait à Ontario devant un auditoire visible de 15 000 personnes, des millions d’autres purent l’entendre sur les ondes, grâce à un réseau radiophonique comme on n’en avait encore jamais vu. Dans une lettre adressée à la Société par la Compagnie nationale de radiodiffusion, il était dit ceci : “À mon avis, le juge Rutherford a eu hier après-midi le plus grand auditoire qu’un homme ait jamais pu avoir sur les ondes.”

      En 1928, les Étudiants de la Bible jouèrent encore un rôle dans un autre grand événement de l’histoire de la radiodiffusion. À Detroit, le dimanche 5 août, alors que Rutherford parlait sur le sujet “Un Chef pour l’humanité” devant un auditoire de 12 000 personnes, son discours public fut diffusé par un réseau qui mettait à contribution 107 stations reliées entre elles par 54 000 kilomètres de fils téléphoniques et 147 000 kilomètres de fils télégraphiques. Ce message fut retransmis sur ondes courtes jusqu’en Australie et en Nouvelle-Zélande.

      Le réseau Tour de Garde ou réseau “Blanc” fut mis sur pied en 1928, précisément pour pouvoir être utilisé à l’occasion du congrès de Detroit. Les résultats furent si prometteurs que la Société Watch Tower résolut de faire fonctionner aux États-Unis et au Canada un réseau de trente stations qui émettraient chaque semaine. On se décida pour un programme d’une heure, qui serait diffusé depuis la WBBR. Ce furent des émissions intéressantes et vivantes. On y entendait un discours de Rutherford, discours qui était précédé et suivi de morceaux de musique joués par l’orchestre de la Société. Tous les dimanches, depuis le 18 novembre 1928 jusqu’à la fin de l’année 1930, ceux qui écoutaient la radio pouvaient prendre “L’heure de La Tour de Garde”.

      Les programmes radiophoniques accaparaient le temps de frère Rutherford. Un excellent témoignage était donné, certes, mais cela empêchait Rutherford de voyager et d’organiser des congrès en divers points du globe. C’est pourquoi la Société décida, en 1931, de diffuser des programmes enregistrés. On demanda à deux cent cinquante stations de transmettre les enregistrements de quinze minutes que frère Rutherford pouvait faire aux moments qui lui convenaient le mieux et que les stations passaient aux heures fixées par leurs studios. En 1932, ce service radiophonique (appelé la chaîne Wax) s’étendit à 340 stations. En 1933, année record, 408 stations furent mises à contribution pour porter le message à six continents, et 23 783 discours furent diffusés, dont la plupart étaient des enregistrements de quinze minutes. À l’époque, on pouvait capter sur son poste des émissions de La Tour de Garde transmises à la même heure par des stations fort éloignées les unes des autres. Souvent les ondes étaient pleines de paroles de vérité qui glorifiaient Dieu.

      UNE IMPRIMERIE À NOUS

      De plus en plus le peuple de Jéhovah attirait l’attention du public On était au courant de l’ampleur des réseaux radiophoniques qu’il avait réalisés. On ne pouvait pas ignorer l’existence des proclamateurs du Royaume, car leur prédication de maison en maison allait s’accélérant. Les commandes de publications se multipliaient et l’imprimerie de la Société s’efforçait de les honorer. Se reportant à la seconde moitié de la période 1920-​1930, frère Barber écrit : “L’imprimerie du 18 Concord Street [Brooklyn, New York] était devenue trop petite pour répondre à nos besoins.”

      C’était clair. Les Étudiants de la Bible avaient besoin d’une autre imprimerie. Ils décidèrent d’en construire une. Comme on ne pouvait pas réunir assez d’argent sans compromettre l’œuvre dans les autres parties de la terre, la Société résolut de rassembler les fonds nécessaires en hypothéquant partiellement ses biens immobiliers, jusqu’à concurrence de la moitié de leur valeur. On émit à cet effet des bons de 100, 500 et 1 000 dollars, qui rapportaient un intérêt de 5% payable annuellement. Par un supplément qui parut dans La Tour de Garde, les Étudiants de la Bible se virent offrir l’occasion de s’inscrire pour obtenir des bons, plutôt que de les laisser se vendre sur le marché public.

      En 1926 et en 1927 les membres de la famille du Béthel de Brooklyn eurent la joie de voir la nouvelle imprimerie commencer à prendre forme. Bientôt tout fut prêt. Un bâtiment moderne de sept étages, en béton armé et à l’épreuve du feu, se dressait au 117 Adams Street. Les différents étages représentaient une surface de travail de 6 500 mètres carrés. En février 1927 le moment était venu de quitter le 18 Concord Street. “Je revois encore frère Martin [le responsable de l’imprimerie] et les autres frères danser de joie quand on déménagea les machines”, nous dit Harry Petros. L’enthousiasme que la nouvelle imprimerie avait provoqué chez frère Martin transparaît dans son rapport au président de la Société et qui fut publié dans l’Annuaire de 1928. Il y faisait remarquer que même nos détracteurs reconnaissaient à présent que c’était “l’une des plus belles imprimeries du centre de l’industrie mondiale de l’édition, à savoir New York”. Le rapport contient la description suivante :

      “Le bâtiment a été conçu en fonction de notre travail. La fabrication descend d’étage en étage, automatiquement et logiquement. Au dernier étage, est-​il besoin de le dire, se trouvent les bureaux ; à l’étage au-dessous se dresse tout ce qui concerne la composition (linotypes, etc.) ; les clichés descendent à l’étage inférieur, le cinquième, où se fait l’impression ; le service postal et les brochures occupent le quatrième étage ; la fabrication est entreposée au deuxième, l’expédition occupe le premier ; les stocks de papier, le garage et les génératrices sont au rez-de-chaussée. On ne saurait imaginer disposition plus pratique.”

      Au siège travaillaient près de deux cents personnes. Il fallait agrandir le Béthel. En décembre 1926, la Société acheta le lotissement contigu à la propriété qu’elle possédait au 124 Columbia Heights à Brooklyn. Au début de janvier 1927 les trois édifices qui portaient les numéros 122, 124 et 126 furent démolis et on commença à construire un immeuble de huit étages et de quatre-vingts chambres. Cela devait former un ensemble avec le bâtiment que la Société avait achevé en 1911, sur l’arrière, et qui donne sur la Furman Street.

      “ENSEIGNÉS PAR JÉHOVAH”

      Jéhovah a béni son peuple dans les années 1920 et il a veillé à ce que ses serviteurs aient tout ce qu’il fallait pour faire fructifier les intérêts du Royaume. Jéhovah se révéla aussi comme étant le Dieu de la révélation progressive. Et il arriva que les Étudiants de la Bible devaient parfois redresser dans une certaine mesure leur manière de voir. Mais ils étaient reconnaissants de ce que Dieu les guidait et ils désiraient ardemment “être enseignés par Jéhovah”. — Jean 6:45 ; És. 54:13.

      Ainsi, le peuple de Dieu dut redresser sa manière de voir en 1925. On s’attendait pour cette année-​là à un rétablissement et à des bénédictions. En effet, comme on le croyait alors, cette année-​là devait marquer la fin de soixante-dix jubilés de cinquante ans chacun, depuis l’entrée d’Israël en terre de Canaan (Lév. 25:1-12). Voici ce que déclare frère Schroeder : “On pensait que le reste des disciples oints du Christ irait au ciel pour faire partie du Royaume et que les fidèles d’autrefois tels qu’Abraham, David et d’autres ressusciteraient comme princes pour assumer, en tant que partie du Royaume de Dieu, le gouvernement de la terre.”

      L’année 1925 s’en vint et l’année 1925 s’en alla, et les disciples oints de Jésus étaient encore sur la terre en tant que classe. Les fidèles d’autrefois — Abraham, David et d’autres — n’avaient pas été ressuscités pour devenir princes sur la terre (Ps. 45:16). À ce sujet voici ce qu’a écrit Anna MacDonald : “1925 fut une année bien triste pour beaucoup de frères. Il en est qui trébuchèrent ; leurs espérances étaient anéanties. Ils s’attendaient à voir ressusciter des ‘anciens dignitaires’ [hommes d’autrefois comme Abraham]. Au lieu de voir cela comme ‘une chose probable’, ils ont compris que c’était ‘une chose certaine’, et il y en eut qui firent des préparatifs pour leurs bien-aimés, s’attendant à leur résurrection. Pour ma part, j’ai reçu une lettre de la sœur qui m’avait conduite à la vérité. Elle m’informait qu’elle s’était trompée dans ce qu’elle m’avait dit (...) [Mais] j’étais reconnaissante d’avoir été libérée de Babylone. Vers quoi d’autre pourrait-​on aller ? J’avais appris à connaître et à aimer Jéhovah.”

      Les fidèles serviteurs de Dieu ne s’étaient pas voués à lui jusqu’à une certaine date seulement. Ils étaient résolus à le servir pour toujours. Pour ces personnes, le fait que les choses prévues pour 1925 ne se réalisèrent pas ne posa pas de grand problème ni n’affecta leur foi. “Pour les fidèles, écrit James Poulos, 1925 fut une année merveilleuse. Par son ‘esclave fidèle et avisé’, Jéhovah attira notre attention sur le chapitre douze de la Révélation. Nous fûmes éclairés sur les points suivants : la ‘femme’, l’organisation universelle de Dieu ; la guerre dans le ciel et la défaite de Satan et de ses anges, qui furent chassés des parvis célestes par Jésus et ses saints anges ; ainsi que la naissance du Royaume de Dieu.” Manifestement, frère Poulos songe à l’article “Naissance de la nation” qui parut dans La Tour de Garde du 1er mars 1925. Grâce à cet article, le peuple de Dieu vit nettement sous quels traits avaient été symbolisées les deux grandes organisations rivales, celle de Jéhovah et celle de Satan. Le peuple de Jéhovah apprit encore que Satan doit limiter ses opérations à la terre depuis son expulsion du ciel, à l’issue de la ‘guerre dans le ciel’ qui éclata en 1914.

      OBSERVANCES ET FÊTES

      “Dans nos tout premiers congrès, entre les sessions, alors que les amis bavardaient ensemble, nous écrit Anna Zimmerman, il n’était pas rare de voir des amis vous tendre leur ‘Manne’ [livre dont le titre complet est La manne céleste quotidienne pour la maison de la foi] et vous demander de bien vouloir écrire sur leur livre vos nom et adresse. Il fallait les écrire sur la page blanche, en regard de la date de votre anniversaire de naissance. Quand arrivait votre anniversaire de naissance et que, ce matin-​là, ils lisaient le texte du jour, souvent ils vous envoyaient une carte ou une lettre, pour vous souhaiter un joyeux anniversaire.”

      En effet, en ces jours-​là, les chrétiens voués célébraient les anniversaires de naissance. Pourquoi, dès lors, ne pas fêter l’anniversaire de la naissance de Jésus ? Au temps du pasteur Russell, on fêtait Noël dans la vieille Maison de la Bible à Allegheny. Ora Sullivan se souvient que frère Russell donnait aux membres de la famille de la Maison de la Bible des pièces d’or de cinq ou dix dollars le jour de la Noël. Voici ce qu’écrit Mabel Philbrick : “On avait alors coutume — ce qui ne se fait évidemment plus de nos jours — de célébrer Noël et d’avoir un arbre de Noël dans le réfectoire du Béthel. Au lieu de saluer la famille par un ‘bonjour à tous !’, comme il le faisait chaque matin, frère Russell disait ce jour-​là : ‘Joyeux Noël à tous !’”

      Pourquoi les Étudiants de la Bible ont-​ils cessé d’observer la fête de Noël ? Richard Barber donne la réponse : “On m’avait demandé de faire un discours d’une heure sur les ondes d’un réseau [de radiodiffusion]. Le sujet ? La fête de Noël. Le discours eut lieu le 12 décembre 1928 et fut publié dans les colonnes de L’Âge d’Or No 241 et de nouveau, un an plus tard, dans le No 268. Dans ce discours il était démontré que Noël avait une origine païenne. Après cela, les frères du Béthel n’ont jamais plus célébré Noël.”

      “Hésitions-​nous à nous défaire de ces coutumes païennes ?” C’est la question que pose Charles John Brandlein, qui répond : “Nullement. Il ne s’agissait là que de se conformer aux choses nouvelles que nous venions d’apprendre. Nous ne savions pas que c’étaient des coutumes païennes. C’est comme si nous ôtions un vêtement souillé pour le jeter.” Ensuite, on se défit des anniversaires de naissance et de la Fête des Mères, — simple culte de la créature. Voici ce que déclare Lilian Kammerud : “Avec quel empressement les frères se sont défaits de toutes ces fêtes ! Et, comme ils le reconnaissaient volontiers, il étaient heureux d’être libres. Les nouvelles vérités nous remplissent toujours de joie et (...) nous sentions que nous avions le privilège de savoir des choses que d’autres ne savaient pas.”

      D’AUTRES MODIFICATIONS DANS NOS MANIÈRES DE VOIR

      Comme on ne cessait de faire des progrès dans la compréhension de la Parole de Dieu, il a fallu modifier encore nos manières de voir. Selon Grant Suiter, les dernières années de la période 1920-​1930 se caractérisent notamment par des changements de cet ordre. “On a eu l’impression au cours de ces années-​là que nos manières de voir en ce qui concerne certains passages de l’Écriture et certains comportements se modifiaient sans cesse. Par exemple, c’est en 1927 qu’on fit remarquer dans La Tour de Garde que les fidèles membres du corps de Christ qui s’étaient endormis dans la mort n’avaient pas été ressuscités en 1878 [comme on l’avait cru], que la vie est dans le sang, et aussi qu’on allait se défaire de l’habitude de s’habiller de noir.” (Voir l’édition anglaise de La Tour de Garde de 1927, pages 150-152, 166-169, 254, 255, 371, 372). À ce propos, l’année précédente, lors du congrès de Londres, celui qui se tint du 25 au 31 mai 1926, frère Rutherford se présenta sur l’estrade en costume de ville ; il n’avait pas mis la traditionnelle jaquette noire que les orateurs avaient coutume de porter chez les témoins de Jéhovah.

      On changea encore notre manière de voir à propos du symbole dit “croix et couronne”, symbole qui paraissait sur la couverture de La Tour de Garde depuis le numéro de janvier 1891. En fait, depuis des années, de nombreux Étudiants de la Bible portaient un insigne avec ce symbole. Voici comment nous le décrit frère Barber : “C’était un véritable insigne. Que représentait-​il ? Deux branches de laurier qui encadraient une couronne traversée d’une croix inclinée. Cela faisait assez bel effet ; en tout cas cela représentait l’idée que nous nous faisions à l’époque sur tout ce que comportait le fait de prendre notre ‘croix’ et de suivre Jésus Christ, afin de nous rendre dignes de porter en temps voulu la couronne de la victoire.”

      À propos des insignes “croix et couronne”, voici ce qu’écrit Lily Parnell : “Dans l’esprit de Rutherford, tout cela était babylonien et il fallait s’en défaire. Ainsi qu’il nous le déclara, quand on allait chez les gens et qu’on commençait à parler, c’est cela qui était le témoignage.” Et à propos du congrès que les Étudiants de la Bible tinrent à Detroit en 1928, frère Suiter écrit ceci : “À cette assemblée, on nous fit comprendre que ce n’était pas nécessaire et même que c’était mal de porter l’insigne ‘croix et couronne’. Nous nous en sommes donc défaits.” Trois ans plus tard, à partir du numéro du 15 octobre 1931, La Tour de Garde ne portait plus ce symbole sur sa couverture.

      Quelques années plus tard, le peuple de Dieu apprit que Jésus Christ n’était pas mort sur une croix en forme de T. Le 31 janvier 1936, frère Rutherford donna à la famille du Béthel de Brooklyn le nouveau livre Richesses. Voici ce qu’on peut y lire à la page 25 (édition française) : “Ce n’est pas sur une croix de bois telle qu’on la représente sur tant d’images et de tableaux qu’il fut crucifié, mais simplement sur le bois.”

      “VOUS ÊTES MES TÉMOINS, DIT JÉHOVAH”

      Le monde subit un grand choc quand arriva le jeudi 25 octobre 1929, le célèbre “jeudi noir”. La Bourse s’était effondrée. Le New York Times annonçait la nouvelle sous cette manchette : “Les cours s’effondrent — perte de 14 milliards de dollars. Panique nationale, partout on vend.” C’est ainsi que commença la Grande Dépression qui se prolongea pendant les années 1930. Mais durant cette période secouée par la détresse économique, Jéhovah a donné à son peuple une abondante nourriture spirituelle. Il lui fit encore prendre plus vive conscience de la profonde signification de ces paroles : “Vous êtes mes témoins, dit Jéhovah ; c’est moi qui suis Dieu !” — És. 43:12, Bible de Crampon (1905).

      On mettait de plus en plus l’accent sur le nom divin. Par exemple, prenez sur plusieurs années les articles de fond du numéro du 1er janvier de l’édition anglaise de La Tour de Garde. En voici les titres : “Qui honorera Jéhovah ?” (1926), “Jéhovah et ses œuvres” (1927), “Honorez son nom” (1928), “Je louerai mon Dieu” (1929) et “Chantez à Jéhovah” (1930).

      Pour ce qui est d’exalter le nom de Jéhovah, cependant, le congrès que le peuple de Dieu tint à Columbus du 24 au 30 juillet 1931 fut un événement marquant. Il fut exceptionnel en ce qu’il devait être prolongé par des congrès qui se tiendraient en 165 points du globe. Mais ce n’était pas là la chose la plus importante. Il y avait encore autre chose, quelque chose de plus significatif et non sans rapport avec les lettres mystérieuses ‘JW’. On les voyait sur les programmes et sur Le Messager, journal de l’assemblée. En fait, on les voyait un peu partout. “Quand nous avons approché des lieux de l’assemblée, écrit Burnice Williams, nous avons vu des ‘JW’ partout. Ignorant ce que signifiaient ces lettres, nous nous posions des questions : ‘JW ? Qu’est-​ce que cela peut bien vouloir dire ?’” Quant à Herschel Nelson, elle nous dit : “Nous nous livrions à toutes sortes de conjectures sur la signification des deux lettres JW (...).”

      C’est le dimanche 26 juillet 1931 que fut révélée la signification des deux lettres “JW”, lorsque les congressistes adoptèrent avec enthousiasme une résolution présentée par Rutherford et qui avait pour titre “Un nouveau nom”. En voici des extraits :

      “Par ces motifs : il est nécessaire maintenant, afin que notre position exacte puisse être déterminée et connue, — et nous croyons agir ainsi en harmonie avec la volonté de Dieu telle qu’elle est exprimée dans sa parole, — qu’il soit résolu ce qui suit :

      “Que nous avons un grand amour pour le frère Charles T. Russell, à cause de son œuvre, et que nous reconnaissons volontiers que le Seigneur s’est servi de lui et a grandement béni son travail ; que néanmoins, conformément à l’enseignement de la parole de Dieu, nous ne pouvons consentir à être appelés par le nom de ‘Russellistes’ ; que la Tour de Garde, Société de Bibles et de Tracts, l’Association Internationale des Étudiants de la Bible et la ‘Peoples Pulpit Association’ sont simplement des noms de corporations, que nous soutenons, contrôlons et dont nous nous servons, en tant que chrétiens, pour l’accomplissement de l’œuvre que nous avons entreprise par obéissance aux commandements de Dieu ; que cependant aucun de ces noms ne peut s’attacher ni être justement appliqué à nous en tant que groupe de chrétiens, qui marchons sur les traces de notre Seigneur et Maître, Christ Jésus ; que nous sommes des étudiants de la Bible, mais que, en tant que compagnie de chrétiens constitués en association, nous ne consentons pas à être appelés du nom d’‘Étudiants de la Bible’, ou de noms semblables, comme moyen d’identification de notre position devant le Seigneur ; que, d’autre part, notre groupement refuse de porter le nom de quelque homme que ce soit ;

      “Que, ayant été rachetés par le sang précieux de Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, et ayant été justifiés et engendrés par Jéhovah Dieu et appelés à son royaume, nous proclamons sans hésiter notre fidélité et notre obéissance absolues à Jéhovah Dieu et à son royaume ; que nous sommes des serviteurs de Jéhovah Dieu, chargés d’accomplir une œuvre en son nom et que c’est par obéissance à son commandement que nous rendons le témoignage de Jésus-Christ et que nous faisons connaître aux hommes que Jéhovah est le Dieu tout-puissant et véritable. C’est pourquoi nous adoptons et porterons dorénavant joyeusement le nom que le Seigneur Dieu nous a donné de sa propre bouche et par lequel nous désirons être connus et appelés, c’est-à-dire le nom de Témoins de Jéhovah.”

      Tout devenait clair. Les deux lettres mystérieuses “JW” signifiaient Jehovah’s Witnesses (Témoins de Jéhovah). “Je n’oublierai jamais l’immense clameur et le tonnerre d’applaudissements qui secouèrent les lieux quand l’orateur nous apprit de quoi il s’agissait”, déclare Arthur Worsley. Herbert Boehk ajoute : “Dans toute la ville de Columbus les affiches qui disaient : ‘Bienvenue aux Étudiants de la Bible’ disparurent des devantures ; on pouvait lire maintenant : ‘Bienvenue aux témoins de Jéhovah.’”

      Ce fut une joie immense de recevoir le nom de témoins de Jéhovah. La résolution intitulée “Un nouveau nom” ne fut pas seulement adoptée avec allégresse par les milliers de disciples oints du Christ réunis en assemblée à Columbus. Plus tard, les congrégations locales adoptèrent, elles aussi, la même résolution. Les témoins de Jéhovah avaient un nom dont personne d’autre au monde ne voulait. Mais les serviteurs de Dieu en étaient profondément reconnaissants. — És. 43:12.

      Alors qu’il était âgé de quatre-vingt-huit ans, frère Macmillan assista à l’assemblée “Fruits de l’esprit”, assemblée qui se tint dans la même ville. À cette occasion, le 1er août 1964, il raconta des choses intéressantes à propos du nouveau nom et de son adoption. Voici ce qu’il dit :

      “J’ai eu le privilège d’être ici, à Columbus, en 1931, quand nous avons reçu (...) le nouveau titre ou nom (...). Je figurais parmi les cinq personnes qui devaient faire un commentaire et dire ce qu’elles pensaient de tout cela et si elles acceptaient le nouveau nom. Voici ce que j’ai dit : ‘Je pense que c’est là quelque chose de magnifique parce que ce titre apprend au monde ce que nous faisons, quelle est notre activité. Avant cela, on nous appelait Étudiants de la Bible. Pourquoi ? Parce que c’est ce que nous étions. Puis, quand d’autres nations ont commencé à étudier avec nous, on nous appela Étudiants internationaux de la Bible. Mais maintenant nous sommes témoins de Jéhovah Dieu, et ce titre apprend au public ce que nous sommes exactement et ce que nous faisons (...).’

      “En fait, c’est le Dieu Tout-Puissant, je le crois, qui amena tout cela. En effet, frère Rutherford lui-​même m’a raconté qu’il se réveilla une nuit, à l’époque où il se préparait en vue de ce congrès, et il se dit : ‘Comment ai-​je bien pu demander qu’on fasse un congrès international, alors que je n’ai ni discours ni message spécial pour les congressistes ? Pourquoi les rassembler tous en ce lieu ?’ Puis il se mit à réfléchir à cela, et Ésaïe 43 lui vint à l’esprit. Il se leva à 2 heures du matin et rédigea en sténo, sur son bureau, un plan du discours qu’il allait faire sur le Royaume, espérance du monde, et sur le nouveau nom. Et tout ce qu’il a dit à l’époque, il l’avait préparé cette nuit-​là, ou ce matin-​là à 2 heures. Et [il n’y a jamais eu] de doute dans mon esprit — ni alors ni maintenant — que c’est le Seigneur qui l’avait guidé en cette affaire et que c’est bien là le nom que Jéhovah veut que nous portions, et nous sommes très heureux d’avoir ce nom.”

      “LE ROYAUME, ESPÉRANCE DU MONDE”

      Au cours de l’assemblée de Columbus — le dimanche 26 juillet 1931 à midi — Rutherford a prononcé un important discours public : “Le Royaume, espérance du monde”. Les réseaux radiophoniques NBC et CBS avaient refusé de prêter leur concours. Les adorateurs de Jéhovah ont donc installé une chaîne radiophonique pour transmettre le message de Columbus ; la Compagnie américaine des télégraphes et téléphones a d’ailleurs fait ce bref commentaire : “Ce réseau spécial est le plus important jamais mis en place.” Le discours de Rutherford a donc été diffusé grâce à un relais radiophonique de 163 stations réparties aux États-Unis, au Canada, à Cuba et au Mexique.

      Immédiatement après la conférence radiodiffusée “Le Royaume, espérance du monde”, Rutherford a lu le texte d’une résolution intitulée “Avertissement de Jéhovah aux gouvernants et aux peuples”. Cette résolution disait entre autres choses : “L’espérance du monde est le royaume de Dieu ; il n’y a point d’autre espérance.” Elle incitait les hommes à prendre position pour le Royaume de Dieu. Lorsque Rutherford invita son auditoire, visible et invisible, à adopter cette résolution, tous les congressistes se levèrent comme un seul homme et dirent : “Oui.” Les télégrammes reçus de toutes les parties du pays ont révélé que beaucoup d’auditeurs avaient également approuvé ce texte.

      Les chefs du monde, y compris les membres du clergé, allaient donc recevoir un message au moyen du discours public “Le Royaume, espérance du monde” prononcé par frère Rutherford, et ils connaîtraient le contenu de la résolution “Avertissement de Jéhovah”. Ils apprendraient que les vrais serviteurs de Jéhovah avaient aussi adopté la résolution intitulée “Un nouveau nom”, et qu’ils seraient désormais appelés “témoins de Jéhovah”. Cela fut rendu possible grâce à la brochure Le Royaume, Espérance du Monde, qu’ils diffusèrent parmi le public en général, et envoyèrent également aux membres du clergé, aux chefs politiques et militaires et aux hommes de la haute finance. En deux mois et demi seulement, cinq millions d’exemplaires ont été répandus, et la tâche était loin d’être terminée.

      Fred Anderson écrit ce qui suit à propos de la campagne entreprise à l’aide de cette brochure : “J’ai rendu visite à l’évêque qui habitait La Crosse. Il m’a invité sur un ton très cordial à entrer dans son salon. Là, je lui ai expliqué le but de ma visite et présenté la brochure. Il l’a regardée sans rien dire. J’ai donc pris congé en le remerciant de son accueil. C’est alors qu’il est entré dans une grande colère et, comme je m’apprêtais à sortir, il m’a lancé la brochure au visage. Puis il l’a ramassée et me l’a lancée de nouveau, au moment précis où je fermais la porte. Comme il n’a pu s’en débarrasser, j’espère qu’il l’a lue.” Sœur Bartow nous dit : “Lorsque le pasteur se rendit compte de ce que je lui avais remis, il vociféra : ‘Espèce de petite ignorante, tu as la prétention de venir m’apprendre quelque chose, à moi qui ai fait huit années de théologie !’ Quelle joie c’était pour moi de servir le vrai Dieu !”

      NOUS FAISONS DU TROC

      La dépression qui a marqué les années 30 a suscité de grandes difficultés. Les usines fermaient leurs portes. En 1932, plus de 10 000 000 de personnes étaient en chômage aux États-Unis. Les cultivateurs, les citadins, bref, la population en général ressentait les effets de la grande dépression économique.

      L’argent manquait, mais les personnes au cœur sincère devaient connaître le joyeux message de la vérité biblique. Aussi, lorsque les gens ne pouvaient payer les publications, les témoins de Jéhovah n’hésitaient pas à les leur laisser gratuitement. Mais cela ne pouvait durer. Comment faire ? Margaret Bridgett dit : “Nous échangions les publications contre des œufs, du beurre, des fruits frais ou en conserve, des poulets, du sirop d’érable ; quant à moi, je les troquais contre des travaux d’aiguille — dessus de lit, housses de coussin, broderies et tapis fait main. Il m’arrivait parfois de payer mon loyer avec certaines de ces choses. (...) [Des années plus tard,] alors que j’assistais à une remise de diplômes à Galaad [école de missionnaires], j’ai eu la joie de rencontrer une sœur à qui j’avais remis une série de livres contre des dessus de lit. Elle avait accepté la vérité et entrepris le service de pionnier [prédicateur à plein temps]. Son fils s’intéressait à la vérité.”

      Arden Pate et John Booth se souviennent d’avoir placé de petites cages à l’arrière de leur voiture pour transporter les poulets qu’ils recevaient en échange de publications. Mais n’allez pas croire que troquer des publications contre des poulets était toujours chose facile. Lula Glover écrit : “Nous avons parcouru de nombreux territoires en Alabama, en Georgie, en Floride, en Caroline du Nord et du Sud, et d’autres au Tennessee et au Mississippi. Vous représentez-​vous sœur Green et moi en train de chasser le poulet dans la cour des grandes fermes ?”

      Ces échanges n’étaient pas faits pour des raisons égoïstes. Les gens avaient besoin de la bonne nouvelle et le troc leur permettait de la recevoir sous forme imprimée. Maxwell Lewis dit : “Nous remercions sans cesse Jéhovah de nous soutenir, et nous n’avons jamais manqué de nourriture, de logement ou de vêtements.”

      CAMPAGNES DES DIVISIONS

      Mais l’œuvre du Royaume a de nouveau rencontré une forte opposition. En 1928, le peuple de Jéhovah avait commencé à prêcher de maison en maison le dimanche et l’opposition n’avait pas tardé à se manifester. Au cours des années 30, le nombre des arrestations n’a fait que croître ; on accusait faussement les témoins de Jéhovah de vendre sans patente, de troubler la paix et de transgresser les lois du sabbat dominical. La Société Watch Tower organisa donc un service juridique pour conseiller les frères et fit publier une brochure intitulée “Conseils pour les procès”, afin d’aider les proclamateurs du Royaume à se défendre devant les tribunaux. Lorsque le procès était perdu, nous faisions appel.

      Mais nous n’allions pas en rester là ! En 1933, 12 600 témoins aux États-Unis se sont portés volontaires pour se rendre à tout moment là où il y avait de l’opposition afin d’y prêcher. Ils ont été répartis en soixante-dix-huit divisions comprenant chacune un certain nombre de voitures ; chaque voiture emmenait cinq proclamateurs. Lorsque la persécution avait sévi à un endroit, on y envoyait entre 10 et 200 voitures. Si des chrétiens venaient à être arrêtés dans le service, il fallait le signaler à la Société qui lançait alors un appel, et le dimanche midi suivant une division se rendait à un rendez-vous précis, généralement dans la campagne. Là, des instructions étaient données et des parcelles de territoire distribuées, puis la division de “sauterelles” s’abattait sur la ville, qui était entièrement visitée en l’espace de trente à soixante minutes (Rév. 9:7-9). Dans le même temps, un comité de frères se présentaient au commissariat afin d’y déposer la liste de tous les témoins ayant participé à la prédication ce jour-​là. Tout proclamateur arrêté pendant la campagne devait composer un certain numéro de téléphone dès son arrivée au poste de police. Des avocats étaient prêts à venir à la rescousse avec l’argent de la caution.

      À l’occasion de l’une de ces campagnes, nous avions commencé par envoyer dix voitures de témoins dans le territoire ; puis, selon ce que rapporte sœur Burnice Williams, “quelques heures plus tard, ils téléphonaient pour dire qu’on les avait arrêtés. Dix autres voitures ont donc été envoyées, et la prison s’est finalement remplie. Quand notre groupe est arrivé, il n’y avait plus de place où nous enfermer. (...) Lorsque les autorités se rendaient compte que nous étions déterminés à visiter le territoire, elles renonçaient à nous combattre, si bien que nous pouvions exercer librement notre ministère. Nous finissions toujours par gagner la bataille”.

      Nicholas Kovalak junior dit que les témoins s’attendaient à être arrêtés : “Lorsque nous étions arrêtés et que l’on nous prenait nos ‘objets de valeur’, nous avions tous une brosse à dents. L’agent demandait alors : ‘Pourquoi chacun de vous a-​t-​il une brosse à dents ?’ Et nous de répondre : ‘Nous nous attendions à être arrêtés et mis en prison ; nous nous sommes donc préparés en conséquence.’ Il levait les bras au ciel en disant : ‘À quoi cela sert-​il ?’ Les autorités savaient qu’elles n’intimideraient pas les témoins ni ne leur feraient renoncer à la prédication.”

      Des dizaines d’années ont passé depuis ces campagnes menées de 1933 à 1935, mais ceux qui y ont participé s’en souviennent encore avec émotion. John Dulchinos dit : “Ce furent vraiment des années extraordinaires dont nous chérissons le souvenir. L’esprit de Jéhovah nous avait ôté toute crainte.”

      LA BATAILLE DES ONDES

      Malgré l’opposition croissante, les témoins de Jéhovah des années 30 prêchaient hardiment le message du Royaume de maison en maison. La radio les a également aidés à faire pénétrer la bonne nouvelle dans des millions de foyers, à la consternation du clergé. En ce temps-​là, la Société Watch Tower utilisait à l’échelle internationale 408 stations de radio. Au printemps de 1933, les catholiques des États-Unis ont déclenché une campagne nationale menée par les cardinaux, les évêques et les prêtres. Quel était son objectif ? “Chasser Rutherford des ondes !”

      Le pape Pie XI annonça que 1933 serait une “année sainte”. Le 23 avril 1933, Rutherford prononça le discours historique “L’année sainte et ses effets sur la paix et la prospérité”, qui fut retransmis par au moins cinquante-cinq stations radiophoniques. Ce discours exposait ouvertement la vanité des espérances offertes par la hiérarchie catholique romaine et la dénonçait comme une contrefaçon de la paix et de la prospérité promises par le Royaume de Dieu. Des dispositions avaient été prises pour que 158 stations radiophoniques rediffusent l’enregistrement de cette conférence le 25 juin 1933. Et on a distribué de maison en maison cinq millions de feuilles annonçant la retransmission. La réaction de la hiérarchie fut brutale. Les catholiques intensifièrent leurs intimidations et certains directeurs de stations de radio refusèrent d’assurer à l’avenir la retransmission d’un programme de la Société Watch Tower.

      Vers la fin de 1933 et au début de 1934, le peuple de Jéhovah a fait circuler dans tout le pays une pétition protestant contre les agissements des catholiques. Adressée au Congrès, cette pétition avait recueilli 2 416 141 signatures. Le 4 octobre 1934, Rutherford comparut devant la Commission fédérale des télécommunications. Il cita des exemples précis et des chiffres montrant que les pressions exercées par les catholiques avaient sérieusement entravé la liberté de culte et l’usage de la radio accordés aux témoins de Jéhovah dans l’intérêt du public. Malgré les faits et les témoignages présentés, la Commission fédérale ne fit pas grand-chose pour changer la situation. Les serviteurs de Jéhovah ont donc fait circuler une nouvelle pétition dans tous les États-Unis. Elle fut soumise au Congrès en janvier 1935, avec un total de 2 284 128 signatures à l’appui. Les représentants du Congrès ne prêtèrent aucune attention à la seconde pétition. Finalement, les événements ont amené les témoins à faire circuler une troisième pétition pour protester contre ces méthodes d’intimidation et de boycottage et réclamer un débat public opposant les hauts dignitaires de la hiérarchie catholique romaine au juge Rutherford. Celle-ci a recueilli 2 630 000 signatures. Leonard Brown père, qui a participé à la diffusion de cette pétition, dit avoir “rencontré de nombreux catholiques qui ont accueilli favorablement l’idée d’un débat”. Cette pétition a été présentée le 2 novembre 1936 à la Commission fédérale des télécommunications, mais une fois de plus elle est restée sans effet.

      Comme aucun membre du clergé catholique n’avait accepté de rencontrer Rutherford pour un débat en 1937, la Société publia une brochure intitulée “Dévoilées”, qui présentait les doctrines bibliques fondamentales et réfutait principalement les faux enseignements catholiques. Pendant que le témoin faisait jouer sur un phonographe portatif la série de disques “Démasqué” enregistrés par frère Rutherford, la personne suivait dans la brochure. Grâce au questionnaire Étude modèle No 1, il était possible de commencer ensuite une étude biblique. Melvin Sargent rapporte à ce sujet : “On m’a prié de présenter cette série de disques chez un homme qui avait invité trois autres couples de ses amis à profiter de l’étude. Il a fallu trois semaines pour couvrir ce sujet et d’autres, tels que ‘Religion et christianisme’. Sur les huit personnes présentes, six se sont vouées à Jéhovah.”

      Puis, à partir du 31 octobre 1937, le peuple de Jéhovah se retira volontairement des stations de radio commerciales. Certes, il est arrivé que des discours publics prononcés par le président de la Société soient encore retransmis par toute une chaîne de stations radiophoniques et, bien entendu, la WBBR a continué de fonctionner pour la gloire de Dieu. Dès lors, de 1937 à 1940, les témoins ont intensifié l’usage du phonographe portatif et des enregistrements de discours bibliques, dans le but de faire pénétrer le message du Royaume dans des millions de foyers.

      DE QUI SE COMPOSE LA “GRANDE MULTITUDE” ?

      Pendant des années, cela a été une question brûlante pour les serviteurs de Jéhovah, qui considéraient la “grande multitude” (grande foule, MN) comme une classe spirituelle secondaire, destinée à être réunie aux 144 000 oints dans les cieux pour jouer le rôle de ‘compagne’ de l’Épouse du Christ (Ps. 45:14, 15 ; Rév. 7:4-15 ; 21:2, 9). Dès 1923, les “brebis” de la parabole des brebis et des chèvres avaient été comparées à une classe terrestre suscitée aux temps modernes, classe qui survivrait à Har-Maguédon et entrerait dans l’ordre nouveau promis par Dieu (Mat. 25:31-46 ; Rév. 16:14, 16). Le livre Justification (tome I), paru en 1931, identifiait les personnes marquées au front pour le salut (Ézéch. chap. 9) aux “brebis” de la parabole de Jésus. En 1932, les témoins sont arrivés à la conclusion que cette classe de “brebis” suscitée aux temps modernes avait été préfigurée par Jonadab, le compagnon de Jéhu. Pour la première fois en 1934, ces “Jonadabs”, qui ont une espérance terrestre, ont été invités à se “consacrer” ou à se vouer à Dieu pour entrer en relations avec lui, et à se faire baptiser. Toutefois, aucune nouvelle explication n’avait été avancée quant à l’identité de la “grande multitude” décrite dans le chapitre 7 du livre de la Révélation Rév 7.

      Mais toutes les incertitudes relatives à la “grande multitude” furent dissipées lorsque frère Rutherford parla sur le sujet à l’occasion de l’assemblée tenue par les témoins de Jéhovah du 30 mai au 3 juin 1935 dans la ville de Washington. Dans son discours, il a montré à l’aide des Écritures que les expressions “grande multitude” et “autres brebis”, lesquelles devaient apparaître au temps de la fin, sont à mettre en parallèle. Webster Roe se souvient qu’au point culminant de son discours Rutherford demanda : “Que tous ceux qui ont l’espérance de vivre éternellement sur la terre veuillent bien se lever.” Selon frère Roe, “plus de la moitié des assistants se levèrent” ; l’orateur dit alors : “VOYEZ LA GRANDE MULTITUDE !” “Tout d’abord il y eut un grand silence, rapporte Mildred Cobb, puis des cris de joie retentirent et tout le monde se mit à applaudir à n’en plus finir.”

      L’assemblée passa très vite, mais elle avait suscité le désir de rechercher ces “brebis”. Sadie Carpenter écrit : “Débordants d’enthousiasme et l’esprit renouvelé, nous sommes retournés dans notre territoire pour trouver ces ‘brebis’ qui devaient encore être rassemblées.”

      Après l’assemblée de 1935, certains n’ont plus pris le pain et le vin lors de la célébration du Repas du Seigneur. Ils n’étaient pas devenus infidèles, mais ils avaient compris que leur espérance était terrestre et non céleste. Jusqu’en 1935, les publications de la Société avaient été rédigées principalement pour les disciples oints de Jésus, mais à partir de cette date, La Tour de Garde et les autres imprimés chrétiens apportèrent la nourriture spirituelle non seulement à la classe ointe, mais aussi à ses compagnons qui ont une espérance terrestre.

      QUE LA VÉRITÉ RETENTISSE !

      Au cours des années 30, les proclamateurs du Royaume se sont servis du phonographe à disques pour rechercher les “brebis”. Henry Cantwell nous en parle en ces termes : “En 1933, la Société commençait à étendre le champ de la prédication ; aussi a-​t-​il été décidé d’enregistrer sur disques les discours présentés par frère Rutherford dans tout le pays. À cette fin, la Société a entrepris la fabrication de phonographes à disques. (...) Il y en avait toute une variété. Certains discours étaient entièrement reproduits sur un seul disque, alors que pour d’autres il en fallait deux et même quatre. Il y avait des discours de 15, 30 et 60 minutes. Nous pouvions ainsi tenir des réunions publiques dans les différentes parties de notre territoire.”

      Julia Wilcox apporte d’autres précisions, disant : “Nous commencions par chercher un foyer ou parfois un édifice public, une vieille grange ou même une église, où il serait possible de faire entendre un discours d’une heure. Puis nous passions la plus grande partie de la journée à annoncer la conférence de maison en maison, prenant des dispositions pour revenir chercher ceux qui n’avaient pas de moyen de locomotion.”

      Pour une série de douze réunions, le territoire était fait trois fois avec des publications bibliques et quatre fois pour annoncer le discours enregistré. On faisait également de la publicité en apposant des affiches aux vitrines des magasins et sur les voitures des témoins. D’excellents résultats ont ainsi été obtenus et beaucoup de personnes se sont mises à étudier régulièrement et même à participer à l’œuvre de prédication.

      Selon Ralph Leffler, “la Société utilisa des centaines de disques 33 tours pour répandre la bonne nouvelle. De nombreuses voitures et des camions munis de haut-parleurs sillonnaient les rues pour faire entendre le message gravé sur les disques. Les mots ‘Message du Royaume’ étaient écrits sur le pavillon du haut-parleur et servaient de thème. Dans toute la ville et jusque dans la campagne environnante, le témoignage était ainsi donné. (...) Les frères arrêtaient parfois la voiture en haut d’une colline dominant une petite ville située dans la vallée ; alors, dans le calme du soir, le son portait à des kilomètres à la ronde”.

      Rassemblant ses souvenirs, Henry Cantwell écrit : “Nous nous rendions dans une partie du territoire, nous jouions de la musique pour attirer l’attention, et après quelques paroles d’introduction au microphone, nous passions l’un des discours enregistrés. Puis nous annoncions que des personnes allaient faire du porte à porte pour donner de plus amples renseignements à ceux qui en désiraient.” Des bateaux munis de haut-parleurs opéraient de la même manière.

      La prédication ainsi effectuée par les témoins de Jéhovah rencontra de l’opposition. À ce sujet, Lennart Johnson écrit ce qui suit :

      “Dans la 11ème Rue des faubourgs sud de Rockford [Illinois], une dame n’a pas du tout apprécié le message du Royaume ni l’activité déployée à l’aide des voitures sonorisées. Perdant toute maîtrise sur elle-​même, cette femme a sauté dans sa voiture et est allée se mettre près du véhicule des témoins ; puis, cherchant à couvrir la voix de l’orateur, elle s’est mise à klaxonner pendant trois ou quatre minutes. Mais à en juger par ce qui est arrivé à son avertisseur, tout ce qu’elle a gagné, c’est une batterie déchargée.”

      Cette activité a également eu son côté amusant. Julia Wilcox dit : “Au début, certaines personnes étaient effrayées. Par exemple, il y en avait qui travaillaient dans les champs, loin de la voiture sonorisée ; elles avaient l’impression qu’une voix venant du ciel leur parlait de Dieu. On nous a même rapporté que des familles ont quitté le travail des champs pour rentrer chez elles, croyant que le jour du jugement dernier était arrivé.”

      INTENSE ACTIVITÉ AVEC LE PHONOGRAPHE

      Pendant des années, le phonographe portatif a joué un rôle important dans la prédication du Royaume. Le congrès général tenu à Columbus, dans l’Ohio, du 15 au 20 septembre 1937, contribua beaucoup au développement de cette activité. À propos de ce congrès, Elwood Lunstrum fait le commentaire suivant :

      “À cette assemblée, on inaugura l’activité de maison en maison avec le phonographe portatif. Auparavant, nous emmenions aussi l’appareil dans le service, mais nous ne le faisions jouer que lorsque la personne nous invitait à entrer. (...)

      “Le service de ‘pionnier spécial’ fut créé au congrès de Columbus. Les pionniers devaient prendre la tête dans l’activité avec le phonographe, suivre l’intérêt manifesté par les personnes bien disposées (en faisant ce que l’on a appelé pour la première fois des ‘visites complémentaires’ [nouvelles visites]) et conduire des études bibliques selon la méthode désignée par l’expression ‘étude modèle’.”

      Peu de temps après cette assemblée, environ 200 pionniers spéciaux, choisis dans tous les États-Unis, ont été envoyés dans les grandes villes où il y avait déjà des congrégations du peuple de Dieu. Munis de phonographes portatifs, ces proclamateurs à plein temps se sont mis au travail. Les témoins de Jéhovah en général n’ont pas tardé à prendre conscience de l’importance de cet outil. En deux ans, les ateliers de la Société à Brooklyn ont dû fournir plus de 20 000 phonographes ; ils n’ont d’ailleurs pu satisfaire toutes les commandes, car des milliers de proclamateurs déployaient une activité intense avec cet instrument et faisaient retentir le message de vérité partout.

      Avec le temps, quelques changements ont été apportés aux phonographes. En 1934, il existait un modèle robuste de faible encombrement, muni d’un moteur à ressort ; il pouvait contenir six disques et le tout pesait environ dix kilos. Les frères se sont fait des muscles avec celui-là ! Environ deux ans plus tard, la Société en a fourni un plus léger ; puis, lors des assemblées de 1940, le phonographe de type vertical a été lancé. Conçu et fabriqué par des frères travaillant au siège de la Société, ce phonographe fonctionnait dans la position debout ; un petit espace était même prévu pour des publications et un sandwich. Ce modèle a beaucoup facilité la prédication de porte en porte.

      Maintenant, reportez-​vous trente ans en arrière et imaginez que vous êtes dans le service. “La personne ouvre la porte et vous dites : ‘J’ai un message pour vous.’ Vous posez le bras du phonographe sur le disque et aussitôt la voix de frère Rutherford retentit”, rapporte sœur Reusch. “À la fin du message, dit Angelo Manera junior, l’orateur propose un livre approprié et en mentionne le prix. Vous présentez donc ce livre et la personne l’accepte, si son intérêt a été éveillé.” “Nous nous sommes toujours efforcés d’être polis, dit George McKee, mais nous n’avons jamais perdu de vue que tous doivent entendre la bonne nouvelle du Royaume.”

      L’activité avec le phonographe rencontra également de l’opposition. Ernest Jansma nous dit : “On a arraché le phonographe des mains de certains proclamateurs et on l’a réduit en miettes sous leurs yeux ; d’autres ont vu des individus brutaux lancer leur appareil dans la rue. Un frère du Middle West, lui, a vu un fermier furieux décharger son fusil de chasse sur le phonographe et le transformer en passoire et, tandis que le frère quittait les lieux au volant de sa voiture, il a entendu les plombs siffler autour de lui. Les gens étaient méchants et fanatiques en ces jours-​là.” Amelia et Elizabeth Losch nous rapportent qu’un jour, alors qu’elles faisaient entendre le disque “Ennemis” à des personnes rassemblées devant une maison, une femme arracha le disque du phonographe et le brisa en disant : “Vous n’avez pas le droit de parler ainsi de mon pape !”

      Mais malgré l’opposition, l’activité avec le phonographe s’est poursuivie. Puis, dans les années 40, on l’a de moins en moins employé dans le ministère. À partir de 1944, la campagne de prédication avec le phonographe, qui avait duré dix ans, commença à faire place au témoignage oral.

      La carte de témoignage fut un autre moyen utilisé dans les années passées pour prêcher la bonne nouvelle ; inaugurée vers la fin de 1933, elle servit utilement jusque dans les années 1940. John et Helen Groh en parlent en ces termes : “Les proclamateurs n’étaient pas aussi nombreux et aussi bien formés qu’aujourd’hui. Pour nous aider dans notre travail, et afin que le territoire soit fait plus en profondeur, la Société nous fournissait des cartes de témoignage ou petits sermons imprimés que nous demandions aux personnes de lire. En cas de refus ou si notre interlocuteur n’avait pas ses lunettes à portée de la main, nous expliquions la teneur du message imprimé.”

      UNE AUTRE FAÇON D’ANNONCER LE ROYAUME

      Une importante forme de service qui attira l’attention du public sur le peuple de Jéhovah occupé à annoncer le Roi et le Royaume fut inaugurée au congrès de Newark, dans le New Jersey, en 1936 et mise de nouveau en évidence à l’assemblée de Londres en 1938. Des années plus tard, cette activité reçut le nom officiel de marche publicitaire. À propos du congrès de Newark tenu en 1936, Rosa May Dreyer dit : “Des ‘hommes-sandwiches’ annoncèrent le discours principal et distribuèrent des feuilles d’invitation.”

      À l’occasion de l’assemblée de Londres en 1938, Rutherford suggéra que des témoins portent, fixés sur des perches, des panneaux sur lesquels on lirait des slogans incitant à la réflexion. Frère Schroeder (qui était alors responsable de la filiale de la Société en Angleterre) nous dit :

      “(...) Le lendemain soir, frère Knorr et moi avons conduit le premier défilé d’une longueur de neuf kilomètres environ ; près de mille frères traversèrent le centre d’affaires de Londres. Entre chaque homme-sandwich, un témoin portait le panneau ‘Face aux réalités’ [annonçant la conférence publique qui devait se tenir au Royal Albert Hall], et un autre le panneau ‘La religion est un piège et une escroquerie’. Quel spectacle fut donné ce soir-​là !

      “Le lendemain matin, frère Rutherford m’appela dans son bureau pour que je lui fasse un rapport sur ce qui s’était passé. Je lui ai dit que nous avions effectivement attiré l’attention des gens et que beaucoup nous avaient appelés ‘communistes’. Il réfléchit quelques instants, jouant avec son crayon, puis il arracha une feuille de papier sur laquelle il avait écrit : ‘Servez Dieu et Christ, le Roi’, et me la tendit. Il me demanda si ce slogan apposé sur un troisième panneau neutraliserait la réaction hostile de la veille. Sur ma réponse affirmative, il donna des instructions pour que ce slogan soit imprimé et utilisé lors du prochain défilé, qui devait avoir lieu deux jours plus tard. Les résultats ont été excellents. Ainsi, avant que ne commence l’assemblée prévue du 9 au 11 septembre, nous avons conduit plusieurs défilés dans lesquels figuraient ces trois slogans, alternés. Comme le gouvernement britannique nous refusait depuis des années le droit d’utiliser la radio pour nos programmes éducatifs et notre publicité, ces défilés se sont révélés efficaces pour attirer l’attention du public.”

      Pour Gladys Bolton, les marches publicitaires étaient “l’activité la plus difficile de toutes”. Elle ajoute : “Chaque pancarte portait un slogan différent, mais celui qui m’a le plus frappée, c’est ‘La religion est un piège et une escroquerie’. Il était loin de plaire au clergé.” Toujours à propos de ce slogan, Ursula Serenco dit : “À cette époque-​là, nous ne parlions pas de ‘vraie religion’ ni de ‘fausse religion’ ; pour nous, toutes les religions étaient mauvaises. Nous donnions au vrai culte le sens de ‘adoration’ et au faux culte le sens de ‘religion’.”

      Parfois, les marches publicitaires suscitaient une opposition ouverte. John Sovyrda écrit : “Dans certaines villes comme Pittston [Pennsylvanie], nous n’étions pas bien accueillis. Beaucoup de gens nous crachaient au visage, nous injuriaient grossièrement, disant que nous étions des communistes. Ils nous lançaient tout ce qu’ils avaient sous la main et quelques-uns sont même allés jusqu’à nous frapper à coups de poing.”

      Mais alors, pourquoi les témoins de Jéhovah organisaient-​ils ces marches publicitaires ? Charles Eberle répond : “Essentiellement pour que les gens connaissent la vérité sur le faux culte et sur l’opposition manifestée à l’égard de notre activité chrétienne.” Angelo Manera junior ajoute : “Nous considérions chaque nouvelle forme de service proposée comme un autre moyen de servir Jéhovah, une autre façon de lui prouver notre fidélité, une nouvelle mise à l’épreuve de notre intégrité, et nous étions impatients de lui montrer notre zèle à le servir selon sa volonté.”

      Grant Suiter précise que les marches publicitaires ont pris fin en octobre 1939, à la suite d’un avis publié dans La Tour de Garde ; il ajoute cependant : “Cette façon inhabituelle et efficace d’attirer l’attention de nombreuses personnes sur le ministère des témoins de Jéhovah était unique en son temps. Incontestablement, Dieu avait dirigé et mis un terme à cette activité. Certes, il existe encore aujourd’hui des manifestations publiques de toutes sortes, mais nous n’y participons pas et aucune de nos activités ne peut être confondue avec de telles démonstrations.”

      LA “VRAIE SAGESSE” SE RÉPAND GRÂCE AUX PÉRIODIQUES

      Les proclamateurs du Royaume ont eu d’excellentes occasions d’aider au rassemblement de la “grande foule” et de répandre la vraie sagesse en proposant de porte en porte l’abonnement aux périodiques La Tour de Garde et Consolation. Lors de la première campagne d’abonnements à Consolation organisée d’avril à juin 1938, 73 006 nouveaux abonnements ont été enregistrés aux États-Unis. La première campagne annuelle d’abonnements à La Tour de Garde eut lieu de janvier à mai 1939, et rien qu’aux États-Unis les témoins de Jéhovah ont recueilli 93 000 nouveaux abonnements.

      Mais La Tour de Garde et Consolation devaient encore être portés d’une toute autre manière à l’attention du public. “La vraie sagesse” crierait littéralement ‘dans les rues’. (Prov. 1:20.) Comment cela ? Grâce à la diffusion du périodique dans les rues, qui fut inaugurée en février 1940. Les serviteurs de Jéhovah se postaient au coin des rues passantes, ils portaient un sac en bandoulière sur lequel étaient inscrits les noms des deux périodiques ainsi que la contribution suggérée. Tenant le journal Consolation bien haut, le proclamateur du Royaume criait : “Ce périodique publie des faits qu’aucun autre journal n’ose imprimer !” ou bien : “Il dénonce la religion comme étant une escroquerie !” ou encore : “La Tour de Garde annonce le gouvernement théocratique !” On encourageait les proclamateurs à être modérés dans leur langage et à avoir une tenue digne. Inutile de dire que les passants s’arrêtaient, et beaucoup acceptaient les numéros proposés.

      Mais qu’est-​ce qui est à l’origine de cette activité ? Frère Johnston se souvient qu’en 1939 la Société a écrit à tous les serviteurs de zone (aujourd’hui surveillants de circonscription) pour leur demander des suggestions sur la façon de présenter La Tour de Garde et Consolation. Frère Johnston pensa aux crieurs de journaux avec leur sac en bandoulière. “Essayons cela”, se dit-​il. Dave et Emma Reusch acceptèrent de confectionner des sacs pour les périodiques, sur lesquels leur fille, Vera Coates, mit en couleurs les inscriptions “La Tour de Garde d’un côté et Consolation de l’autre”. Quand frère Johnston visita la petite congrégation de Concord, en Californie, un groupe de proclamateurs se joignit à lui pour l’activité dans les rues. Il écrit : “La semaine suivante, les Reusch ont fait d’autres sacs, et cette fois-​ci nous nous sommes postés dans les rues du quartier d’affaires de Oakland. Au début, certains frères étaient réticents, mais finalement le travail dans les rues l’a emporté, et nous avons commencé à recevoir des commandes de sacs de la part d’autres congrégations. C’est à ce moment-​là que j’ai envoyé mon rapport à la Société en y joignant un sac à titre d’échantillon. (...) La Société m’a remercié ainsi que tous les autres frères qui s’étaient livrés à cette expérience, me faisant savoir qu’un avis paraîtrait bientôt dans l’Informateur à ce sujet. C’est ce qui s’est effectivement produit.”

      La Société prit des dispositions pour fournir des sacs aux proclamateurs. Nicholas Kovalak junior nous dit à ce propos : “Les proclamateurs de la congrégation de Passaic, dans le New Jersey, avaient le privilège de couper et d’assembler des sacs pour les frères dans tout le pays. Les samedis et dimanches, tous ceux qui avaient quelque habileté se portaient volontaires pour assembler et coudre les sacs dans l’atelier de confection de frère Frank Catanzaro. (...) La Société imprimait elle-​même les inscriptions. Ainsi, chaque fois que nous cousions un sac, nous avions le sentiment d’annoncer à notre façon le Royaume de Dieu.”

      Qu’a ressenti le proclamateur lorsque pour la première fois, en février 1940, il s’est posté au coin d’une rue pour proposer La Tour de Garde et Consolation ? Peter D’Mura répond à cette question : “Je n’ai pas oublié le 1er février 1940. (...) Quel accueil nous réserverait-​on ? Quelle allait être la réaction de nos voisins et des habitants de la ville ? Nous étions impatients. Nous allions passer deux heures dans cette activité. (...) Mais quelle surprise ! Nous nous avancions vers les passants, en criant notre slogan, et nous étions bien accueillis. Chacun de nous a placé de nombreux périodiques ce jour-​là.”

      Se souvenant de la réaction du public, Grace Estep écrit : “Au début, les gens étaient plutôt étonnés ; certains trouvaient cela amusant, d’autres se fâchaient ; puis, beaucoup ont montré de la gêne, ils changeaient de trottoir pour éviter des voisins à qui ils ne voulaient pas parler, tout en ayant honte de feindre de les ignorer. Au bout de quelques semaines, ils ont adopté une nouvelle attitude ; ils faisaient semblant d’être très absorbés par une conversation ou par une devanture de magasin.”

      Dans certains cas, la diffusion des périodiques dans les rues a suscité de l’agitation parmi la population. Frère Robbins se souvient que lui et d’autres frères ont été attaqués par un groupe de gens en colère alors qu’ils présentaient les périodiques sur la voie publique à San Antonio, au Texas. Heureusement, les témoins n’ont pas été blessés, mais ce sont eux, et non leurs assaillants, qui ont été arrêtés. Frère Robbins ajoute :

      “Quand on nous a relâchés, nous sommes retournés à la Salle du Royaume pour nous réorganiser et voir ce qu’il y avait lieu de faire. (...) Nous nous sommes donc réorganisés et avons décidé de reprendre notre activité.

      “Lorsque nous sommes revenus en ville, les vendeurs de journaux proposaient une édition ‘spéciale’ en criant : ‘Les témoins de Jéhovah ont quitté la ville !’ Mais nous étions de nouveau dans les rues. (...) Nous n’avions pas quitté la ville et n’étions pas près de le faire.”

      “LES ANCIENS ÉLECTIFS”

      Les Écritures comparent le peuple de Dieu à des brebis ayant pour Berger céleste Jéhovah (Ps. 28:8, 9 ; 80:1 ; Ézéch. 34:11-16). Outre les soins attentifs prodigués par ce Berger, les brebis sont aidées et dirigées par l’excellent Berger, Jésus Christ, et par les autres bergers établis au sein de la congrégation chrétienne (Mat. 25:31-46 ; Luc 12:32 ; Jean 10:14-16 ; I Pierre 5:1-4). Vers les années 1870 et jusqu’en 1932, les conférences et les études bibliques étaient présidées par des hommes qui avaient été nommés aînés par vote de la congrégation ; ils étaient aidés par des diacres, également élus de cette manière. Selon frère Barber, les aînés “s’occupaient des questions d’ordre spirituel, dirigeaient les réunions, prononçaient des discours et veillaient sur la congrégation dans son ensemble”, tandis que les diacres “assumaient la fonction de placeurs, veillaient à la disposition des sièges et se chargeaient des questions d’ordre matériel”.

      Les aînés et les diacres étaient élus tous les ans par les membres de chaque congrégation qui votaient à main levée. Herbert Abbott nous dit ce qui suit : “À cette époque, nous pensions que le mot grec rendu par ‘nommer’ (Sg) et ‘établir’ (MN) dans Actes 14:23 avait un rapport avec le fait de tendre la main et signifiait voter à l’occasion de l’élection de la classe des conducteurs. Nous ne savions pas qu’il avait été utilisé dans le sens d’établi ou désigné par les apôtres ou le collège central.”

      “Quelles qualités spirituelles étaient requises de ceux que l’on choisissait pour assumer une charge au sein de la congrégation ?”, demande Henry Rheb. Il répond en partie, disant : “Tout d’abord, on ne choisissait pas des novices, et cela était conforme aux Écritures. Avant la réunion de service, on examinait les conditions requises des anciens, énoncées dans I Timothée 3:1-13 et Tite 1:5-9.” Edith Brenisen ajoute : “Lorsque la liste des candidats était établie, on nous demandait de considérer attentivement dans la prière et à la lumière de la Bible les qualités et les aptitudes de chaque candidat choisi, sans oublier de solliciter l’aide de l’esprit saint pour prendre une décision. (...) Puis nous nous réunissions de nouveau pour élire ceux qui avaient été choisis.”

      Dans certains endroits, l’élection des anciens a suscité des problèmes. Sœur Avery Bristow se souvient de “manœuvres électorales et de rivalités”. Elle dit : “Dans certaines congrégations cela créa des divisions et la confusion parmi les frères et sœurs ; il en est qui refusaient même de parler à ceux d’un autre groupe.” James Rettos ajoute : “Quelques-uns devenaient furieux lorsqu’ils n’étaient pas élus.”

      Il y a également eu des problèmes en rapport avec le service du champ. Ursula Serenco écrit : “Tout alla bien jusqu’en 1927, où il a été annoncé que désormais tous participeraient à la prédication de maison en maison et présenteraient des publications, particulièrement le dimanche matin. Nos anciens électifs s’y opposèrent et tentèrent de décourager toute la classe pour qu’elle n’ait aucune part à cette activité. Les membres de la classe ont commencé à prendre parti, et des divisions se sont créées.” L’attitude de certains anciens vis-à-vis de la prédication de maison en maison étant préoccupante, il fut décidé qu’on en tiendrait compte lors du vote annuel. Par exemple, selon Robert Dawson, en 1929 les candidats à la fonction d’ancien et de diacre à Pittsburgh ont dû répondre à cette question : “Es-​tu prêt à prendre part au service ?”

      D’après sœur Norris, certains anciens se croyaient supérieurs et ne voulaient rien faire d’autre que des discours. Elle ajoute : “D’autres critiquaient les articles de La Tour de Garde, refusant de reconnaître ce périodique comme le canal utilisé par Jéhovah pour dispenser la vérité, et ils cherchaient à gagner les frères à leur point de vue.”

      Il ne faut toutefois pas en conclure que tous les aînés élus avaient une mauvaise attitude. Beaucoup se sont acquittés fidèlement de leurs responsabilités de bergers chrétiens du peuple de Dieu (I Pierre 5:1-4). Selon James Barton, “quelques-uns seulement ont continué de faire obstacle à la prédication”. Roy Hendrix ajoute que “la plupart des anciens étaient des Étudiants de la Bible et des témoins sincèrement voués à Jéhovah”. Clarence Huzzey fait également remarquer que “bon nombre de ces anciens étaient d’excellents chrétiens mûrs, soucieux des intérêts de la congrégation”. Jéhovah paissait son peuple, et il acceptait d’utiliser ces hommes pour veiller sur ses adorateurs voués.

      Les “anciens électifs” présidèrent aux activités des congrégations pendant de nombreuses années. Toutefois, en 1932 il y eut un changement temporaire. Les membres les plus anciens de la famille du Béthel de Brooklyn se souviennent encore de la réunion tenue le mercredi soir 5 octobre 1932 à la salle Apollo de Brooklyn. Quelque 300 membres de la congrégation de New York adoptèrent une résolution mettant fin à l’élection des aînés dans la ville de New York (voir La Tour de Garde de décembre 1932 et du 15 octobre 1932 [angl.]). Presque toutes les autres congrégations prirent la même résolution et cessèrent d’élire des anciens. C’est donc en 1932 que les “anciens électifs” ont été remplacés par un groupe de chrétiens mûrs appelé “comité de service”, lequel était élu par la congrégation pour aider le Directeur qui avait été établi par la Société Watch Tower.

      Cette nouvelle disposition prise en 1932 a suscité des difficultés au point que certains ont même quitté l’organisation. Mais la grande majorité des congrégations et de leurs membres ont accepté avec reconnaissance ce changement.

      D’AUTRES CHANGEMENTS DANS L’ORGANISATION

      Pendant de nombreuses années, seuls les frères oints, disciples de Jésus Christ, assumaient des responsabilités au sein de la congrégation chrétienne. Mais à partir de 1937, les choses ont changé. Grant Suiter écrit : “Nous avons été aidés par le conseil paru dans La Tour de Garde du 1er mai 1937 (angl.) selon lequel les chrétiens appartenant à la classe de Jonadab [dont l’espérance est terrestre] peuvent être nommés à des positions de service au sein des congrégations. (...) La Tour de Garde du 15 octobre 1937 soulignait que les Jonadabs pouvaient être membres du comité de service et accomplir d’autres tâches semblables au sein des groupes [congrégations].” Selon La Tour de Garde, les “Jonadabs” pouvaient devenir “serviteurs de groupe” ou surveillants-présidents, lorsqu’il n’y avait pas de membre du reste oint. Norman Larson ajoute : “Nous voyons comment Jéhovah organisait son peuple en vue du grand accroissement à venir. Sans aucun doute, cela ouvrait des horizons nouveaux à ceux qui, comme moi, appartenaient à la classe terrestre.”

      En 1938, un autre changement important intervint. Les articles “Unité d’action” et “Organisation” parus dans La Tour de Garde des 15 mai, 1er et 15 juin (angl.), ont montré qu’il n’appartenait pas aux membres des congrégations d’établir les surveillants et leurs assistants. Il était suggéré que les congrégations du monde entier examinent la résolution présentée dans La Tour de Garde et demandent que “La Société” organise la congrégation en vue du service et “nomme ses différents serviteurs”, c’est-à-dire tous ceux qui assumeraient des responsabilités sur le plan local (voir La Tour de Garde de 1938 [angl.], pages 169, 182, 183). La plupart des congrégations adoptèrent cette résolution ; quant à celles, peu nombreuses, qui la rejetèrent, elles ne tardèrent pas à perdre leur intelligence des choses spirituelles et leurs privilèges de service.

      LA “SALLE DU ROYAUME”

      Jéhovah, le Berger céleste, accorde à son peuple d’abondants bienfaits spirituels. Il le nourrit principalement au moyen des réunions chrétiennes (Héb. 10:24, 25). Les serviteurs de Dieu des temps modernes se sont souvent réunis dans des foyers et ont loué des salles publiques. Toutefois, après la naissance du Royaume céleste en 1914, le peuple de Dieu a commencé à donner le nom de “Salle du Royaume des témoins de Jéhovah” à leurs principaux lieux de réunions.

      Selon Domenico Finelli, la première Salle du Royaume fut construite en 1927 à Roseto, en Pennsylvanie, et “inaugurée par un discours public de frère Giovanni DeCecca”. Mais c’est à partir de 1935 que l’expression “Salle du Royaume” a été utilisée dans le monde entier. Cette année-​là, le président Rutherford a visité les îles Hawaii pour installer une filiale à Honolulu. Des dispositions ont également été prises pour la construction d’une salle de réunions attenant au bâtiment de la filiale. Cette salle reçut le nom de “Salle du Royaume”.

      À partir de 1935, les témoins de Jéhovah ont loué et aménagé des locaux pour en faire des Salles du Royaume où ils tenaient leurs réunions. Souvent, des congrégations ont acheté, restauré ou construit des bâtiments qu’elles utilisent comme lieu de réunion pour y étudier la Bible et adorer Dieu. Il n’y a pas longtemps, frère Pelle faisait cette remarque appropriée :

      “Vues du dehors, les Salles du Royaume sont attrayantes ; à l’intérieur, elles sont confortables et pratiques. Leur aspect agréable est un témoignage muet et donne aux personnes bien disposées le sentiment d’être ‘chez elles’. Les frères et les personnes sincèrement intéressées par la vérité sont pratiquement les seuls à avoir participé à la construction de ce bâtiment. Nous n’avons pas dû recourir aux organismes (du monde de Satan) pour obtenir des prêts à la construction. Tous ces biens restent la propriété du peuple de Jéhovah. Il en était de même de la tente des Israélites dans le désert [Actes 7:44]. Récemment, on m’a demandé : ‘Pourquoi appelez-​vous ce bâtiment “Salle du Royaume” ?’ J’ai répondu : Les Salles du Royaume étant exclusivement consacrées au Dieu Tout-Puissant et à son Royaume, cette expression est donc tout à fait appropriée.”

      LE SERVICE DE ZONE AFFERMIT LE PEUPLE DE JÉHOVAH

      Dans les années 30, les membres de la “grande foule” ont afflué dans les Salles du Royaume ; il a donc fallu songer à affermir les congrégations du peuple de Dieu (Rév. 7:9). On a inauguré pour cela le service de zone, appelé aujourd’hui service de la circonscription. Une zone était formée d’une vingtaine de congrégations situées dans une certaine partie du territoire. La Société désigna un serviteur de zone qui était chargé de passer une semaine dans chaque congrégation afin de veiller à la bonne organisation de celle-ci et d’aider ses membres dans l’œuvre de prédication. De temps à autre, une assemblée de zone réunissait les vingt congrégations qui profitaient alors des instructions bibliques données et d’une édification spirituelle. Le siège de la Société désignait des serviteurs spéciaux pour desservir ces assemblées. Le service de zone commença le 1er octobre 1938 et se poursuivit jusqu’en novembre 1941.

      Edgar Kennedy nous explique comment les chrétiens ont accueilli cette disposition : “Ils étaient fort satisfaits et montraient, par des témoignages d’amour, qu’ils appréciaient notre visite. Les groupes [congrégations] étaient petits, mais ils étaient très actifs. L’accroissement n’allait pas tarder à venir car les frères se soumettaient aux instructions théocratiques, ils aimaient la vérité, participaient avec zèle au service et conduisaient des études modèles. Plusieurs nouveaux groupes ont pu être formés.”

      “LE SALUT APPARTIENT À JÉHOVAH”

      Il fallait que l’organisation chrétienne soit forte en ces jours-​là, car les témoins de Jéhovah étaient persécutés à outrance. Tout avait commencé en 1935. Que s’était-​il passé ? Le lundi 3 juin de cette année-​là, à l’occasion d’un congrès organisé dans la ville de Washington, frère Rutherford avait répondu à une question sur le salut au drapeau exigé des enfants dans les écoles, disant que saluer un emblème terrestre, en lui imputant le salut, était un acte d’infidélité envers Dieu, et que lui-​même ne le ferait pas.

      Frère Philbrick dit que la réponse de Rutherford “a certainement été entendue par des jeunes écoliers, car les journaux de Boston ont publié un article selon lequel, à l’occasion de la rentrée des classes, un jeune garçon de Lynn, dans le Massachusetts, avait refusé de saluer le drapeau américain. Il s’appelait Carleton Nichols. Le même jour, Barbara Meredith a pris une position semblable à l’école de Sudbury, dans le Massachusetts”. Toutefois, ce dernier fait n’a pas été rapporté par la presse, le professeur de la jeune fille s’étant montré tolérant.

      C’est le 20 septembre 1935 que le jeune Carleton Nichols a refusé de saluer le drapeau. Le fait a été publié dans tous les États-Unis. L’Associated Press contacta le président Rutherford, pour lui demander de faire une déclaration officielle concernant la position des témoins de Jéhovah à ce sujet. Rutherford accéda à cette requête, mais la presse refusa de publier sa déclaration. Aussi, le 6 octobre 1935, à l’occasion d’une émission radiodiffusée dans tout le pays, Rutherford parla sur le thème “Le salut au drapeau”. Cette conférence fut publiée dans la brochure de 32 pages intitulée Loyauté, et diffusée à des millions d’exemplaires. Dans cette réponse à la presse américaine, il fut souligné que les témoins de Jéhovah respectent le drapeau, mais que leurs relations avec Jéhovah et leurs obligations envers lui leur interdisent formellement de saluer une image ou représentation quelconque. Cela équivaudrait pour eux à un acte d’adoration contraire aux principes renfermés dans les Dix Commandements (Ex. 20:4-6). En outre, il fut démontré que les parents chrétiens ont pour premier devoir d’enseigner leurs enfants et de leur apprendre la vérité telle qu’ils l’ont eux-​mêmes comprise en étudiant les Saintes Écritures.

      Bien que beaucoup de membres du corps enseignant se soient montrés tolérants, certains ont agi arbitrairement en expulsant des écoles les enfants des témoins de Jéhovah parce qu’ils avaient refusé de saluer le drapeau. Par exemple, le 6 novembre 1935, deux jeunes témoins furent renvoyés de l’école publique de Minersville, en Pennsylvanie. Leur père, Walter Gobitis, engagea des poursuites contre les autorités scolaires de Minersville. L’affaire fut présentée devant le tribunal du district est de Pennsylvanie qui se prononça en faveur des témoins de Jéhovah. Cette décision favorable fut contestée, mais la cour d’appel de la circonscription nous fit remporter la victoire. Finalement, en juin 1940, la Cour suprême des États-Unis fut saisie de l’affaire et réforma le jugement favorable par un vote de huit voix contre une. Cette décision eut des conséquences désastreuses.

      Dans une ville après l’autre, les chrétiens ont été persécutés en raison de leur prise de position biblique sur la question du salut au drapeau. Par exemple, le 20 juin 1940 à Rockville, dans le Maryland, des gens auxquels s’étaient joints quelques agents de police ont attaqué des témoins de Jéhovah qui étudiaient la Bible en commun. Étant entré dans la Salle du Royaume, le chef de la bande a dit : “Je vous donne deux minutes pour saluer le drapeau, sinon ça va saigner.” Sotir Vassil rapporte : “Il y eut un silence d’environ une minute, puis un homme qui était venu à la réunion pour la première fois se leva d’un bond et, saisi d’une grande frayeur, se précipita pour saluer le drapeau et sortit. (...) Personne d’autre dans l’assistance ne salua cette image. Les deux minutes étant écoulées, le chef m’arracha tout ce que j’avais dans les mains et donna l’ordre à la bande de ‘tout casser’. Les pièces du mobilier volèrent alors en tous sens. Deux agents de police armés de pistolets étaient entrés avec eux, je leur ai demandé d’intervenir. Ils n’ont pas ouvert la bouche ni fait le moindre geste pour arrêter les vandales.” La situation s’aggrava. Frère Vassil ajoute : “Tels des démons, ils se déchaînèrent, nous poussant hors de la salle. Ils ne cessaient de crier : ‘Tuez-​les ! Tuez-​les ! Ce sont des nazis !’ Des enfants dans la salle se mirent à pleurer, ce qui fit dire à certains de ces forcenés : ‘Fichez les gosses par la fenêtre !’ Ils nous firent sortir dans la rue à coups de pied, en criant : ‘Chassez-​les de la ville ! Chassez-​les de la ville !’”

      Ayant enfin réussi à échapper à la meute, frère Vassil alla voir le serviteur de zone, Charles Eberle, qui rapporta immédiatement l’incident au procureur général des États-Unis. Le lendemain, la Commission fédérale d’enquêtes examina l’affaire. Finalement le tribunal se prononça, et frère Vassil nous dit : “Après le jugement, qui fut rendu en notre faveur pour la gloire de Jéhovah, la commune de Rockville plaça un agent de police à la porte de notre Salle du Royaume à chacune de nos réunions, pour empêcher qu’un tel incident ne se reproduise. Cette fois, l’instrument utilisé par Satan pour détruire notre nouvelle congrégation et notre Salle du Royaume avait été inefficace. — És. 54:17.”

      Ce fait n’est qu’un exemple parmi d’autres. Il y a eu beaucoup de cas de ce genre, dont celui de l’avocat des témoins de Connersville, dans l’Indiana, qui fut battu et traîné hors de la ville. Les serviteurs de Dieu enduraient ces cruelles persécutions parce qu’ils observaient fidèlement les Saintes Écritures et affirmaient courageusement que seul Dieu, et par conséquent aucune nation, les délivrerait de leurs ennemis et des dangers. En vérité, “le salut appartient à Jéhovah”. — Ps. 3:8.

      ÉCOLES DU ROYAUME

      Le salut au drapeau étant devenu obligatoire dans les écoles, un grand nombre de jeunes témoins de Jéhovah se sont vus expulsés des établissements scolaires. En conséquence, la Société a aidé les vrais chrétiens à enseigner leurs enfants. Dès 1935, des écoles privées furent ouvertes ; on les appela “Écoles du Royaume”. Elles fonctionnaient grâce à des enseignants qualifiés, eux-​mêmes témoins de Jéhovah, qui offraient leur temps et leurs forces pour instruire les jeunes témoins expulsés des écoles publiques. Le peuple de Dieu organisa et finança ces écoles privées en différents endroits du pays.

      L’une de ces Écoles du Royaume se trouvait à Lakewood, dans le New Jersey. D’après frère Erlenmeyer, qui fréquenta cette école, la Salle du Royaume de la congrégation était au rez-de-chaussée ainsi que la salle de classe, la cuisine et le réfectoire. Au premier étage il y avait les chambres des filles, et au second celles des garçons. “Évidemment, dit frère Erlenmeyer, la plupart d’entre nous logeaient sur place ; tout au plus, nous rentrions chez nous les week-ends. Ceux qui habitaient plus loin retournaient chez eux tous les quinze jours, et la dernière année, toutes les trois semaines seulement, en raison du rationnement de l’essence.”

      Le travail ne manquait pas ; aussi y avait-​il à demeure un cuisinier et une femme de ménage. Mais les enfants devaient également accomplir certaines tâches : aider à la cuisine, laver et essuyer la vaisselle, sortir les ordures, etc. Au petit déjeuner, on examinait le texte biblique du jour, et la classe commençait par une étude de la Bible d’une demi-heure. Les enfants étaient ainsi nourris spirituellement. En outre, ils avaient l’occasion d’utiliser ce qu’ils avaient appris dans le service du champ les samedis et dimanches.

      Une autre École du Royaume fonctionnait à Gates, en Pennsylvanie, sous la direction de Grace Estep, une institutrice de l’école publique qui avait été renvoyée pour n’avoir pas demandé à ses élèves de saluer le drapeau et de prêter serment. Selon sœur Estep, la première année scolaire a été “mouvementée”, les autorités cherchant à fermer l’école sous un prétexte quelconque. Elle ajoute : “Il n’était pas rare qu’un responsable du corps enseignant ou quelque autre autorité fasse irruption dans la classe afin de nous prendre en défaut ou de nous tracasser de façon ou d’autre. De plus, l’esprit patriotique était très vif parmi la population. Un jour, un attroupement se forma devant l’école. Ces gens voulaient la faire sauter à la bombe ou l’incendier ; dans leur colère, ils s’en sont également pris au propriétaire qui nous avait loué les locaux. Comme c’était un homme influent dans la ville et que ces énergumènes ne savaient pas comment faire sauter l’école sans détruire en même temps le salon de coiffure [situé dans le même bâtiment], ils ont renoncé à leur projet.” Finalement, le nombre des élèves augmenta ; outre la maternelle, il y avait les classes de l’enseignement primaire et secondaire.

      Les élèves de l’École du Royaume réussissaient-​ils dans leurs études ? Lloyd Owen, qui enseignait à l’école de Sangers, dans le Massachusetts, rapporte : “Nous avions l’habitude de faire subir aux élèves un examen, afin de nous rendre compte de leurs progrès. La plupart du temps, ils avaient presque une année d’avance sur le programme scolaire normal. (...) Il y avait au moins deux examens par an, et chaque fois les résultats étaient très bons.”

      Il régnait un excellent esprit dans les Écoles du Royaume. “Tous les frères étaient remarquables ; ils offraient leur aide de diverses manières, dit sœur Estep. Tous ceux qui, de près ou de loin, s’intéressaient aux Écoles du Royaume, formaient comme une communauté. Mon cœur déborde de reconnaissance pour tout ce que nos chers amis ont fait en ce temps-​là, car leur amour pour Jéhovah ne connaissait pas de limites. Quoique pauvres, ils pourvoyaient aux choses nécessaires, donnant sans compter de leur temps et de leurs forces.”

      LA COUR SUPRÊME RÉFORME SON JUGEMENT

      Le 8 juin 1942, par cinq voix contre quatre, la Cour suprême des États-Unis se prononça contre les témoins de Jéhovah dans l’affaire Jones contre Opelika, décrétant qu’ils avaient besoin d’une patente pour exercer leur ministère. Toutefois, il est intéressant de noter que les juges Black, Douglas et Murphy sont revenus sur leur vote de 1940, à propos de l’affaire Gobitis, impliquant le salut au drapeau. En conséquence, l’avocat de la Société Watchtower déposa une plainte au tribunal du district sud de la Virginie-Occidentale contre le Ministère de l’Éducation du même État. Dans quel but ? Pour empêcher l’application de la loi sur le salut obligatoire au drapeau. Les trois juges qui présidaient le procès se prononcèrent à l’unanimité en faveur des témoins de Jéhovah, mais le Ministère de l’Éducation de la Virginie-Occidentale interjeta appel. Le 14 juin 1943, jour anniversaire de l’adoption du drapeau américain, la Cour suprême des États-Unis réforma son jugement dans l’affaire Gobitis en décrétant (affaire Ministère de l’Éducation de la Virginie-Occidentale contre Barnette) que les membres du corps enseignant n’avaient pas le droit d’expulser de l’école les enfants des témoins de Jéhovah, refusant ainsi de les instruire sous prétexte qu’ils ne saluaient pas le drapeau.

      Cette décision réformait donc le jugement prononcé par la Cour suprême dans l’affaire Gobitis. Certes, cela ne mit pas fin aux problèmes liés à la prise de position chrétienne en rapport avec le salut au drapeau, mais les Écoles du Royaume n’avaient désormais plus leur raison d’être. Ainsi, pour la première fois depuis huit ans, les enfants des témoins de Jéhovah pouvaient retourner dans les écoles publiques.

      ‘DÉFENSE ET AFFERMISSEMENT LÉGAL DE LA BONNE NOUVELLE’

      Tous les témoins chrétiens de Jéhovah, qu’ils soient jeunes ou âgés, s’attendent à être persécutés. Jésus n’a-​t-​il pas dit à ses disciples : “Vous serez les objets de la haine de tous à cause de mon nom.” (Mat. 10:22). Et Paul écrit : “D’ailleurs, tous ceux qui veulent vivre avec piété dans l’union avec Christ Jésus seront eux aussi persécutés.” (II Tim. 3:12). Parfois, la persécution a provoqué l’arrestation de chrétiens qu’on accusait faussement de vendre des livres sans patente et de troubler la paix. Au début, on ne relevait pas le nombre des arrestations, mais aux États-Unis il y en eut 268 en 1933 et 1 149 en 1936. On mit à tort les témoins dans la catégorie des quêteurs ou des marchands ambulants au lieu de voir en eux des ministres de l’Évangile.

      Toutefois, les témoins de Jéhovah ne se sont pas laissé arrêter, juger et emprisonner sans combattre. Ils ont décidé de faire systématiquement appel. Grâce à l’aide de Jéhovah, ils ont pu ‘défendre et affermir légalement la bonne nouvelle’. — Phil. 1:7.

      Il est impossible de décrire en quelques pages les scènes émouvantes et le vaillant combat théocratique mené par les serviteurs de Jéhovah pour obtenir la liberté de prêcher. Nous commencerons néanmoins par “la bataille du New Jersey”, qui fut chaude. Le premier “coup de feu” fut tiré en 1928, à South Amboy, dans le New Jersey, où quelques serviteurs de Dieu furent arrêtés. Néanmoins, Plainfield devint le champ de bataille où les catholiques livrèrent combat aux témoins du New Jersey.

      INCIDENT À PLAINFIELD

      Étant donné que la ville de Plainfield était devenue tristement célèbre en persécutant le peuple de Jéhovah, frère Rutherford décida d’y faire un discours public intitulé “Pourquoi l’intolérance religieuse est-​elle pratiquée actuellement dans notre pays ?” Sous prétexte de protéger le théâtre, une cinquantaine de policiers, dont la présence n’était ni désirée ni nécessaire, assistèrent à cette réunion organisée le 30 juillet 1933. Ils étaient là sans doute à la demande du clergé catholique, qui cherchait à faire annuler cette réunion et peut-être même à supprimer l’orateur.

      À son arrivée au théâtre, frère Rutherford remarqua que derrière les rideaux la police avait braqué deux mitrailleuses sur le pupitre et l’auditoire. Malgré ses protestations, les policiers refusèrent d’enlever ces armes. D’après eux, ils avaient été informés qu’il y aurait une émeute et ils étaient là pour maintenir l’ordre. George Gangas relate que l’atmosphère était tendue pendant tout le discours. Il était particulièrement frappé par les phrases suivantes que frère Rutherford prononça vers la fin de son exposé :

      “Honte aux prêtres qui ont fait persécuter les témoins de Jéhovah, afin de tenir les gens dans l’ignorance de la vérité et d’éviter d’être eux-​mêmes dévoilés ! Honte aux magistrats qui, pour des raisons intéressées, ont rangé les témoins de Jéhovah parmi les colporteurs et les démarcheurs cupides ! Honte aux avocats qui, craignant de perdre des avantages personnels, ont refusé devant les tribunaux de répondre franchement à la question de savoir si l’on peut empêcher quelqu’un de prêcher l’évangile du Royaume de Dieu, en promulguant et en appliquant des ordonnances locales visant les colporteurs et les démarcheurs !”

      Frère Gangas écrit : “Je me disais : ‘Ils vont sûrement le descendre ! Il sera certainement arrêté !’ Mais comme le déclarait l’entrée en matière de la brochure Intolérance, ‘l’ange de Jéhovah campe autour de ceux qui le craignent, et il les délivre’.” (Ps. 34:7). Malgré la situation difficile, frère Rutherford réussit à achever son discours sans autre incident, et il fut applaudi avec enthousiasme. Plus tard, la brochure Intolérance fut publiée et largement diffusée.

      UN DICTATEUR REÇOIT UN MESSAGE DES TÉMOINS

      Les témoins de Jéhovah combattaient pour la liberté d’expression et du culte ailleurs qu’aux États-Unis. En juin 1933, pendant la prétendue “Année sainte”, le gouvernement d’Adolf Hitler confisqua l’immeuble de la Société Watch Tower à Magdebourg, qui lui fut pourtant restitué en octobre, et interdit les activités du peuple de Jéhovah en Allemagne. Les témoins n’avaient plus le droit ni de se réunir ni de distribuer leurs publications. Le 7 octobre 1934, les témoins allemands se réunirent par petits groupes, et après une prière fervente ils envoyèrent un télégramme de protestation aux membres du gouvernement de Hitler. En outre, les serviteurs de Dieu dans d’autres pays agirent de même.

      Sœur Gladys Bolton évoque ses souvenirs en ces termes : “À une réunion de service tenue un soir de 1934, on nous demanda d’être tous présents au rendez-vous de service le dimanche matin suivant, à 9 heures, pour une raison spéciale. Tout le monde était curieux de savoir de quoi il s’agissait. Le dimanche matin, notre maison était pleine. L’orateur annonça que les congrégations des témoins de Jéhovah du monde entier se réunissaient aujourd’hui, pour envoyer simultanément à Hitler des télégrammes lui demandant de cesser de persécuter les témoins de Jéhovah en Allemagne.” Après avoir adressé une prière à Jéhovah, chaque groupe envoya le télégramme suivant : “Au Gouvernement de Hitler, Berlin, Allemagne. Les mauvais traitements que vous infligez aux témoins de Jéhovah révoltent tous les honnêtes gens et déshonorent le nom de Dieu. Cessez les persécutions contre les témoins de Jéhovah, sans quoi Dieu vous détruira vous et votre parti.” Ce message était signé “TÉMOINS DE JÉHOVAH”, et portait le nom de la ville où se trouvait la congrégation.

      Ces télégrammes firent sensation même aux États-Unis. Frère Melvin Winchester nous dit : “À Keysville, en Virginie, et dans d’autres endroits, le télégraphiste a failli se trouver mal quand les frères lui apportèrent ce télégramme qu’il devait envoyer.”

      Et quelle fut la réaction du gouvernement nazi ? Il intensifia les persécutions contre les témoins de Jéhovah, mais le peuple de Dieu en Allemagne et dans d’autres pays avait été préparé en vue de l’opposition et des difficultés qui l’attendaient. Au moment voulu, Jéhovah veilla à ce que ses serviteurs reçoivent les conseils bibliques et les encouragements nécessaires. En effet, vers la fin de 1933, La Tour de Garde publia un article intitulé “Ne les craignez point”. L’inimitié de l’Église catholique y fut démasquée, et l’article prévint les frères qu’en raison de l’opposition, certains des fidèles serviteurs de Dieu perdraient peut-être la vie. Mais les membres du peuple de Dieu furent encouragés à continuer de rendre témoignage à son nom avec courage et joie, afin de participer à la justification de ce saint nom.

      CONSEILS POUR SE DÉFENDRE

      La foi des chrétiens était mise à l’épreuve à cette époque-​là. Bien entendu, ce n’est pas chaque acte d’opposition ni même chaque arrestation qui aboutit à un procès. Néanmoins, les serviteurs de Jéhovah aux États-Unis avaient souvent besoin de conseils, pour se défendre avec succès devant les tribunaux. Pour aider les proclamateurs du Royaume, la Société Watchtower créa un service juridique dans ses bureaux de Brooklyn.

      Robert Morgan se souvient des détails suivants : “Lors de nos réunions de service hebdomadaires, nous avons étudié la brochure Conseils pour les procès, publiée par la Société. Nous nous efforcions de nous préparer pour savoir parler à la police et aux juges qui ne cessaient de nous entraver dans notre service du champ. Nous apprenions comment répondre lorsque nous étions interpellés par la police, quels étaient nos droits de citoyen, et quelles mesures nous devions prendre sans faute si nous étions condamnés, afin de défendre la bonne nouvelle devant des cours d’appel.”

      Frère Ray Bopp précise de son côté : “Aux réunions de service, des démonstrations reproduisaient le déroulement des événements à partir du moment de l’arrestation jusqu’à la fin du procès et l’annonce du jugement. Des serviteurs dans la congrégation jouaient le rôle du procureur et de l’avocat, et certains de ces ‘procès’ fictifs s’étendaient sur plusieurs semaines.”

      ARRÊTÉS ET JETÉS EN PRISON

      Certes, les conseils juridiques donnés par la Société et l’excellente formation dispensée aux réunions de service aidèrent grandement les serviteurs de Dieu. Mais une fois qu’ils étaient derrière les barreaux, seul Jéhovah pouvait les fortifier. Comme l’écrivit Paul, “j’ai de la force pour tout grâce à celui qui me donne de la puissance”. — Phil. 4:13.

      Des centaines de témoins chrétiens de Jéhovah furent arrêtés et emprisonnés durant les années agitées après 1930 et après 1940. À propos des problèmes juridiques que les serviteurs de Jéhovah rencontrèrent dans une région, frère Homer Rogers déclare : “Dans la ville de La Grange [en Georgie] il y avait une ordonnance qui interdisait à quiconque d’aller de porte en porte pour proposer aux habitants de la ville quelque imprimé que ce soit. Cet arrêté visait les témoins de Jéhovah et ne fut appliqué qu’à eux.” Comment pouvait-​on le savoir ? Tout simplement parce que les habitants eux-​mêmes admettaient que tous les autres imprimés étaient distribués sans difficulté à La Grange.

      Le 17 mai 1936, 176 témoins furent arrêtés et détenus parce qu’ils avaient prêché à La Grange. Les femmes furent libérées le lendemain, mais 76 frères furent incarcérés pendant quatorze jours dans une prison située à quelques kilomètres de la ville. Les autres détenus étaient des forçats qui étaient littéralement enchaînés pendant qu’ils travaillaient à la construction d’une route depuis le lever du soleil jusqu’au soir. Frère Sillaway nous rapporte que les témoins furent jugés et condamnés à une amende de un dollar ou à trente jours de prison. Le procureur ayant interdit au greffier de signer le recours, les frères perdirent le droit de faire appel, si bien que le 28 mai 1937, 57 d’entre eux rentrèrent en prison pour purger leur peine de trente jours. Malgré leur innocence, ces témoins furent habillés comme des forçats, ne reçurent qu’une couverture pour deux malgré le froid qui sévissait, et durent accomplir des travaux pénibles sur les routes et ailleurs.

      Malgré leurs souffrances, ces frères emprisonnés eurent aussi l’occasion de faire du bien spirituellement. Frère Sillaway écrit : “Vers la fin de nos trente jours, douze hommes faisant partie de mon groupe et d’un autre durent travailler dans un cimetière réservé aux Noirs, presque à la campagne. Au milieu de la matinée, un cortège funèbre entra par la porte principale et s’arrêta. Un employé des pompes funèbres s’approcha de nous et nous expliqua que la famille du mort était trop pauvre pour payer le prêtre, si bien qu’il n’y aurait ni service religieux ni prière. Il nous demanda si l’un de nous accepterait de prononcer quelques paroles. Ainsi, j’eus le privilège d’expliquer à cette poignée de gens la vraie condition des morts et l’espérance de la résurrection. Ils ne firent pas attention à ma tenue de bagnard.”

      Sœur Theresa Drake dit qu’elle rencontra pour la première fois l’intolérance à l’égard du peuple de Dieu peu de temps après 1930, lorsqu’elle fut arrêtée à Bergenfield, dans le New Jersey. Elle écrit : “On me prit mes empreintes digitales pour la première fois à Plainfield, où je fus détenue toute une nuit avec 28 autres sœurs. Nous étions 29 dans une cellule minuscule, de sorte que personne ne pouvait s’allonger pour dormir. Finalement, on nous conduisit au gymnase et on nous donna des tapis pour nous permettre de nous étendre sur le sol. Je me souviens qu’un policier ouvrit une porte et, nous voyant, s’exclama : ‘Elles sont comme des moutons menés à la boucherie.’”

      Citant un autre exemple, sœur Drake écrit : “À Perth Amboy, on nous a arrêtés le matin à 10 heures et nous avons été détenus jusqu’à 20 heures. C’est alors que j’ai rencontré pour la première fois frère Rutherford. Il est venu se porter caution pour 150 d’entre nous qui avions été arrêtés. Nous étions tous réunis dans une grande salle du tribunal. À l’extérieur, la foule fouillait nos voitures et prenait nos livres et d’autres imprimés pour les jeter sur la pelouse devant le tribunal. Une demi-douzaine d’hommes se tenaient derrière le bâtiment, pour s’emparer de frère Rutherford. Ils l’ont menacé, mais ils n’ont pas pu l’atteindre, car en quittant le tribunal nous l’avons entouré, et il s’est engouffré dans une voiture qui l’attendait, mais qui n’était pas la sienne.”

      À propos des villes de l’Ohio et de la Virginie-Occidentale, sœur Edna Bauer a déclaré : “Bon nombre de frères furent arrêtés et emmenés en prison sur les voitures des pompiers qui faisaient marcher leurs sirènes pour attirer l’attention des passants.” Souvent, on jetait en prison des groupes de frères, sans tenir compte de leur âge. Par exemple, sœur Bennecoff se souvient qu’à Columbia, en Caroline du Sud, “on a jeté en prison 200 d’entre nous, dont le plus jeune n’avait que 6 semaines”.

      Les conditions en prison pouvaient être très pénibles. Frère Earl Dale, se rappelant son incarcération injuste en tant que chrétien à Somersworth, dans le New Hampshire, écrit : “J’essayais de dormir la nuit, mais la prison n’était pas d’une propreté exemplaire. La nuit, il y avait des petites bêtes qui se promenaient sur moi. Je ne les aimais pas, mais elles avaient l’air de me trouver à leur goût !” Parce qu’ils avaient annoncé la bonne nouvelle à Caruthersville, dans le Missouri, frère et sœur Adair furent mis en prison pendant soixante-dix-huit jours en 1941. Sœur Adair appelle le lieu de sa détention “le donjon”. Sa santé souffrit de son incarcération. Elle déclare : “Dormir pendant soixante-dix-huit jours sur du ciment avec simplement une couverture et un oreiller n’avait rien d’agréable. Mais ce qui m’importait, c’était de rester fidèle à Jéhovah.’

      Certes, les témoins de Jéhovah américains étaient souvent jetés en prison pour avoir prêché le message du Royaume, mais cela ne les fit pas taire. En tant que détenus, ils continuaient d’annoncer la bonne nouvelle. Par exemple, sœur Dora Wadams eut de nombreuses occasions de prêcher en prison. Elle se souvient qu’un jour, lorsqu’elle se trouvait en prison à Newark, dans le New Jersey, la nouvelle s’est répandue que les témoins allaient être libérés. Elle relate : “Une nuit, alors que nous étions déjà enfermés dans nos cellules, nous avons entendu d’autres détenus dire : ‘Les gens de la Bible vont nous quitter demain. La prison ne sera pas pareille. Ils sont comme des anges qui nous ont été envoyés du ciel.’”

      DEVANT LES TRIBUNAUX

      Les serviteurs de Jéhovah étaient prêts à se défendre et à défendre l’œuvre que Dieu leur avait confiée si, après avoir été arrêtés, ils étaient traduits devant les tribunaux. Parfois ils ne bénéficiaient pas de l’aide d’un avocat. Par exemple, en 1938, frère Roland Collier, membre de la congrégation d’Orange, dans le Massachusetts, obtint l’autorisation de se servir d’une voiture munie de haut-parleurs dans la ville voisine d’Athol. Lui et un autre frère étaient restés dans la voiture et passaient le disque “Ennemis” pendant que d’autres proclamateurs du Royaume prêchaient de maison en maison. Frère Collier fut arrêté et accusé d’avoir fait du porte à porte, bien que ce ne fût pas vrai à cette occasion. Il relate : “Nous avons attendu le procès avec intérêt, et nous nous sommes préparés en conséquence. J’ai bien étudié la brochure Conseils pour les procès que la Société avait publiée en vue de telles éventualités. Le jour du procès, plusieurs frères étaient présents au tribunal pour me donner du courage. J’ai suivi exactement les conseils de la Société, allant même jusqu’à interroger le chef de police. À la fin de l’audition, j’ai été acquitté, et le lendemain le journal local portait le titre suivant : ‘UN HABITANT D’ORANGE ÉVITE D’ALLER EN PRISON EN PRÊCHANT’.”

      Certains avocats qui n’étaient pas témoins de Jéhovah firent de grands efforts pour défendre le peuple de Dieu. Mais souvent les frères étaient défendus par des avocats qui étaient eux-​mêmes des frères. L’un de ces frères avocats s’appelait Victor Schmidt. Sa femme, Mildred, écrit entre autres : “Après la décision défavorable de la Cour suprême des États-Unis concernant le salut au drapeau, une vague d’émeutes et d’arrestations déferla sur les frères dans de nombreuses villes autour de Cincinnati. Comme mon mari ne conduisait pas, je devais lui servir de chauffeur lorsqu’il se rendait dans ces différentes villes. À certains moments, il y avait un nouveau procès presque tous les jours. Je ne pouvais donc plus travailler avec les pionniers. (...) Victor avait une grande foi en Jéhovah, et sa foi a fortifié la mienne. Lorsque nous approchions des villes où il devait défendre les frères devant le tribunal, il me demandait de ranger la voiture sur le bas-côté de la route, et alors il priait Jéhovah, en lui demandant de lui ouvrir la voie pour qu’il puisse aider les frères et aussi, si telle était sa volonté, de bien vouloir nous protéger et nous aider à ne jamais céder à la crainte de l’homme. Maintes et maintes fois nous avons eu des preuves de la puissance extraordinaire des forces angéliques de Jéhovah qui agissaient en notre faveur.”

      JUSQU’À LA COUR SUPRÊME DES ÉTATS-UNIS

      Plusieurs affaires juridiques impliquant les témoins de Jéhovah furent portées devant la Cour suprême des États-Unis. L’une était l’affaire Lovell contre la ville de Griffin. Plusieurs membres du peuple de Dieu avaient déjà été arrêtés pour avoir prêché la bonne nouvelle à Griffin, en Georgie. Mais un jour, un certain nombre de témoins furent arrêtés pour avoir violé une ordonnance interdisant “la diffusion (...) des publications de toutes sortes (...) sans l’autorisation écrite du maire de la ville de Griffin”. Frère Fiske nous fournit les détails suivants : “Il y avait dans notre groupe plusieurs frères qui étaient de grands gaillards de plus de 1,80 m, mais lorsque la police a cherché quelqu’un pour représenter tout le groupe, avec l’accord des surveillants présents, elle a choisi une petite sœur maigrichonne, pensant sans doute pouvoir l’intimider. Mais la sœur en question [Alma Lovell] avait bien étudié la brochure Conseils pour les procès. (...) Aucun des frères ne s’était aussi bien préparé qu’elle, si bien que lors du procès, elle a parlé pendant plus d’une heure, donnant un excellent témoignage. Montrant cependant que ce qu’elle disait ne l’intéressait pas, le juge l’écoutait les pieds sur son bureau. Lorsqu’elle s’est rassise, il a enlevé ses pieds du bureau et lui a dit : ‘C’est tout ?’ Elle a répondu : ‘Oui, Monsieur le juge.’ Là-dessus, et sans autres formalités, il a déclaré tous les frères coupables. L’avocat de la Société s’est aussitôt pourvu en appel.” Le 28 mars 1938, la Cour suprême rendit une décision unanime annulant l’ordonnance en question.

      Le 26 avril 1938, frère Newton Cantwell prêchait le Royaume avec ses deux fils mineurs. Ce témoin chrétien fut arrêté pendant qu’il faisait entendre le disque “Ennemis” et présentait le livre du même titre. Il fut traduit devant les tribunaux du Connecticut à la suite d’une plainte déposée par deux catholiques. Il fut accusé d’avoir troublé la paix et d’avoir violé un arrêté de l’État du Connecticut interdisant les quêtes faites au profit d’œuvres religieuses ou de bienfaisance sans l’autorisation du secrétaire du comité des œuvres sociales de l’État. Frère Cantwell fut déclaré coupable par les tribunaux du Connecticut. Il écrit : “La Société a interjeté appel, et l’affaire a été portée devant la Cour suprême des États-Unis. (...) Le jugement précédent a été cassé, et l’arrêté exigeant une autorisation pour diffuser des imprimés religieux ou accepter des dons au profit d’une œuvre religieuse fut déclaré contraire à la constitution tel qu’il avait été appliqué aux témoins de Jéhovah. Encore une victoire pour le peuple de Dieu !”

      En revanche, le 8 juin 1942, les témoins de Jéhovah essuyèrent une défaite importante devant la Cour suprême des États-Unis, cinq juges sur neuf s’étant prononcés contre eux. Il s’agit de l’affaire Jones contre la ville d’Opelika. Ce procès concernait la distribution des périodiques dans les rues et soulevait la question de savoir si frère Rosco Jones était vraiment coupable d’avoir violé une ordonnance de la ville d’Opelika, dans l’Alabama, en “vendant des livres” sans licence ni paiement d’une taxe.

      UN “JOUR FASTE” POUR LE PEUPLE DE DIEU

      Puis vint le 3 mai 1943, date que l’on pourrait qualifier de “jour faste” pour les témoins de Jéhovah. Pourquoi ? Parce qu’ils remportèrent douze victoires sur les treize affaires jugées ce jour-​là. L’affaire Murdock contre Pennsylvanie, concernant une taxe de patente, était particulièrement importante. En effet, lors de ce procès la Cour suprême des États-Unis revint sur la décision qu’elle avait prise dans l’affaire Jones contre la ville d’Opelika. Dans son jugement sur l’affaire Murdock, la Cour déclara : “On prétend toutefois que le fait qu’une taxe puisse supprimer ou limiter cette activité est sans importance si elle ne produit pas ce résultat. Mais en raisonnant de la sorte on ne tient pas compte de la nature de cette taxe. C’est une taxe de patente, — une taxe uniforme imposée sur l’exercice d’un droit protégé par les Amendements garantissant les droits des citoyens. Or, un État ne peut imposer une taxe pour la jouissance d’un droit garanti par la Constitution fédérale.” À propos de l’affaire Jones, la Cour déclara : “Le jugement dans l’affaire Jones contre Opelika a été cassé ce jour. Libérés de ce précédent, nous pouvons rétablir à leur position constitutionnelle et élevée les libertés d’évangélistes itinérants qui propagent leurs croyances religieuses et les doctrines de leur foi en distribuant des publications.” Le jugement dans l’affaire Murdock endigua le flot de persécutions que le peuple de Jéhovah avait subies à cause des ordonnances qui exigeaient le paiement d’une taxe de patente.

      Leurs efforts eurent des répercussions juridiques. C’est donc à juste titre qu’une revue de droit a écrit : “Il est clair que les actuelles garanties constitutionnelles de liberté individuelle, telles que la Cour suprême des États-Unis les interprète avec autorité, sont bien plus étendues qu’elles ne l’étaient avant le printemps de 1938, et que l’on doit trouver la raison principale de cette extension dans les trente et un procès des témoins de Jéhovah (seize jugements faisant loi), dont celui de Lovell contre la ville de Griffin fut le premier. Si ‘le sang des martyrs constitue la semence de l’Église’, quelle n’est pas la dette de la loi constitutionnelle envers la persévérance dans l’action — je devrais peut-être dire le dévouement — de ce groupement ?” — Minnesota Law Review, Vol. 28, No 4, mars 1944, p. 246.

      DES FOULES EN COLÈRE NE FONT PAS TAIRE CEUX QUI LOUENT JÉHOVAH

      Tandis qu’ils menaient des combats juridiques pour s’assurer la liberté du culte et leur droit d’annoncer la bonne nouvelle, dans le champ les témoins de Jéhovah durent souvent faire face à la violence de la foule. Cela aussi a un précédent biblique, car Jésus Christ passa par des épreuves analogues (Luc 4:28-30 ; Jean 8:59 ; 10:31-39). Le fidèle Étienne souffrit le martyre par les mains d’une foule en colère. — Actes 6:8-12 ; 7:54 à 8:1.

      Certains voyous profitèrent du congrès chrétien qui devait se tenir dans le monde entier du 23 au 25 juin 1939 pour harceler le peuple de Dieu. L’assemblée de New York était reliée directement par lignes téléphoniques aux autres assemblées tenues ailleurs aux États-Unis, au Canada, dans les îles Britanniques, en Australie et aux îles Hawaii. Pendant qu’ils annonçaient le discours intitulé “Gouvernement et paix” que frère Rutherford devait prononcer, les serviteurs de Jéhovah apprirent que des groupes de l’Action catholique allaient venir pour troubler cette réunion publique prévue pour le 25 juin. Ainsi, le peuple de Dieu s’attendait à des difficultés. Frère Blosco Muscariello relate ce qui suit : “Tout comme Néhémie, qui devait rebâtir la muraille de Jérusalem, fournit à ses hommes des instruments de travail et des armes (Néh. 4:15-22), nous aussi, nous étions bien équipés. (...) J’étais du nombre des jeunes hommes qui reçurent des instructions spéciales en tant que placeurs. Chacun de nous reçut un bâton qu’il devait utiliser si le discours principal était perturbé.” Frère Cantwell précise cependant : “On nous a dit de ne nous servir des bâtons que comme ultime défense, si nous y étions contraints.”

      On ignore généralement que lorsque frère Rutherford monta sur l’estrade du stade new-yorkais Madison Square Garden le dimanche après-midi 25 juin 1939, c’était un homme malade. Le discours commença. Parmi les retardataires il y avait environ 500 suppôts du prêtre catholique Charles Coughlin, le célèbre “prêtre des ondes” pendant les années trente, dont les émissions à la radio étaient écoutées par des millions d’auditeurs. Étant donné que le parterre du stade avait été réservé aux témoins, les partisans de Coughlin, dont plusieurs prêtres, durent s’asseoir en haut du balcon, derrière l’orateur.

      Un correspondant du périodique Consolation rédigea le rapport suivant : “Personne ne fumait dans le stade, mais dix-huit minutes après le début du discours, un homme à gauche de cette section du balcon alluma une cigarette, puis un autre à droite ; ensuite les lumières électriques de cette section se mirent à clignoter et, tout à coup, des hommes commencèrent à crier et à conspuer l’orateur.” Sœur Broad relate : “J’étais tendue et je m’attendais à ce que la confusion gagne tout le stade. Mais au bout de quelques minutes, je me suis aperçue que les manifestants étaient tous groupés derrière l’orateur. Je me suis dit : ‘Que va-​t-​il faire ?’ Il me semblait impossible qu’il puisse continuer de parler, alors qu’on jetait des objets sur l’estrade et qu’à tout moment quelqu’un pouvait bondir sur l’estrade et enlever le microphone.” Sœur Esther Allen se souvient d’avoir entendu “des huées et des cris de ‘Heil Hitler !’, ‘Vive Franco !’ et ‘À mort Rutherford !’”.

      Frère Rutherford, homme malade, allait-​il céder à la pression de ses adversaires violents ? Sœur Laupert écrit : “Plus ils criaient pour couvrir la voix de l’orateur, plus le juge Rutherford parlait avec puissance.” Frère Aleck Bangle écrit de son côté : “Le président de la Société ne se laissa pas intimider, mais il affirma courageusement : ‘Voyez comment les nazis et les catholiques essaient d’interrompre cette réunion, mais par la grâce de Dieu, ils échoueront.’” Et frère Roger Morgan ajoute : “Cette phrase nous fournit l’occasion que nous attendions d’applaudir à tout rompre, pour montrer que nous soutenions avec enthousiasme l’orateur. Frère Rutherford tint bon jusqu’à la fin de l’heure. Par la suite, nous étions émus chaque fois que nous écoutions dans les foyers les disques reproduisant ce discours.”

      “Les placeurs ont bien travaillé, nous précise C. H. Lyon. Deux des partisans de Coughlin qui se montrèrent particulièrement rebelles reçurent des coups de bâton sur la tête et, comme tous les autres, ils furent jetés dehors. Le lendemain un journal fit de la publicité à l’un des hommes de Coughlin en publiant sa photo où on le voyait la tête recouverte d’un pansement en forme de turban.”

      Trois des placeurs furent arrêtés et accusés de “voies de fait”. Ils furent jugés à New York les 23 et 24 octobre 1939, par trois juges (deux catholiques et un juif). Ils expliquèrent devant le tribunal qu’ils s’étaient rendus dans cette section du Madison Square Garden pour s’occuper des perturbateurs. Attaqués par les émeutiers, ils leur avaient résisté et avaient dû agir avec fermeté envers certains d’entre eux. Les témoins à charge firent de nombreuses déclarations contradictoires. Non seulement les juges acquittèrent les trois frères, mais ils leur dirent qu’ils avaient agi conformément à leurs droits.

      LA GUERRE MONDIALE ATTISE LES FLAMMES DE LA VIOLENCE

      L’opposition s’était donc manifestée aux assemblées des témoins de Jéhovah tenues en 1939. Mais à mesure que le monde se précipitait dans la guerre, les flammes de la violence contre eux allaient être attisées. Certes, ce ne fut que vers la fin de 1941 que les États-Unis déclarèrent la guerre à l’Allemagne, à l’Italie et au Japon, mais l’esprit de nationalisme se faisait sentir bien avant cette date.

      Au cours des premiers mois de la Seconde Guerre mondiale, Jéhovah Dieu fit un don précieux à son peuple. Dans son édition anglaise du 1er novembre 1939, La Tour de Garde publia un article intitulé “Neutralité”. Cet article portait comme sous-titre ces paroles que Jésus Christ prononça au sujet de ses disciples : “Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.” (Jean 17:16, Darby). Cet examen biblique de la neutralité chrétienne arriva au moment opportun et prépara les témoins de Jéhovah à affronter les temps difficiles qui les attendaient.

      ON ESSAIE DE BRÛLER LA FERME DU ROYAUME

      La ferme du Royaume, près de South Lansing, dans l’État de New York, produisait pour le personnel du siège de la Société des fruits, des légumes, de la viande, du lait et du fromage. Frère David Abbuhl travaillait à la ferme en 1940, au moment où la paix et la sérénité qui y régnaient furent soudain troublées. Il écrit : “La veille du 14 juin 1940 [anniversaire de l’adoption du drapeau américain], un vieillard, qui passait chaque jour devant la ferme pour aller boire un whisky à South Lansing, nous informa que certains membres de la Légion américaine [une organisation d’anciens combattants] avaient l’intention de venir le lendemain pour incendier nos bâtiments et casser nos machines.” Les frères prévinrent le shérif.

      Frère John Bogard, qui était alors serviteur de la ferme, décrit en ces termes ce qui se passa lorsque l’ennemi se manifesta le lendemain : “Vers six heures du soir, nos adversaires commencèrent à converger vers la ferme dans des voitures. Le shérif et ses hommes arrivèrent et demandèrent leurs papiers aux chauffeurs des voitures, en les prévenant de ne pas toucher à la ferme du Royaume. Les voitures firent la navette devant la ferme jusque tard dans la nuit, mais grâce à la présence de la police leurs occupants durent rester sur la route, et leur projet de détruire la ferme échoua. Le personnel de la ferme passa une nuit mouvementée, mais nous avons tous pensé à ces paroles rassurantes que Jésus a dites à ses disciples : ‘Vous serez les objets de la haine de tous à cause de mon nom. Et pourtant pas un cheveu de votre tête ne périra.’ — Luc 21:17, 18.”

      Ainsi, cette tentative pour incendier la ferme fut contrecarrée. On a estimé le nombre des voitures à 1 000 et celui des manifestants à environ 4 000 ; ils étaient venus de toutes les parties de l’ouest de l’État de New York, dans l’intention de détruire la ferme du Royaume appartenant à la Société. Sœur Kathryn Bogard écrit : “Leur projet a échoué, et certains de ces hommes sont aujourd’hui eux-​mêmes des témoins, et même des ministres à plein temps !”

  • États-Unis d’Amérique (3e partie)
    Annuaire 1975 des Témoins de Jéhovah
    • États-Unis d’Amérique (3e partie)

      LA VIOLENCE SE DÉCHAÎNE À LITCHFIELD

      À peu près à la même époque où l’on avait essayé de brûler la ferme du Royaume, une vague de persécutions déferla sur les témoins de Jéhovah à Litchfield, dans l’État d’Illinois. Frère Clarence Huzzey évoque ses souvenirs, en disant : “Je ne sais comment, mais nos ennemis à Litchfield eurent vent de nos projets, si bien que lorsque nous sommes arrivés pour visiter les habitants de la ville, ils étaient prêts pour nous accueillir. Le prêtre fit sonner les cloches de l’église, et à ce signal les gens ont commencé à s’attaquer aux frères et à les conduire à la prison locale. Plusieurs frères ont été sévèrement battus, et la foule a même menacé d’incendier la prison. Certains de nos assaillants ont identifié les voitures des frères et les ont démolies.”

      Frère Walter Wissman écrit de son côté : “Après que les frères eurent été battus par la foule, les gendarmes de la police routière les rassemblèrent dans la prison, afin de les protéger. Un frère, Charles Cervenka, fut jeté à terre lorsqu’il refusa de saluer le drapeau. On lui frotta le visage avec et on lui donna de grands coups de pied à la tête et au corps. C’est lui qui reçut les blessures les plus graves, à telle enseigne qu’il ne s’en remit jamais complètement. Il mourut quelques années plus tard. Il affirma que pendant qu’on le battait, il se disait qu’il était heureux que ce soit lui et non l’un des nouveaux frères, car il savait qu’il tiendrait bon, alors qu’un nouveau pourrait peut-être s’affaiblir et céder.”

      Frère Wissman ajoute encore : “La ville de Litchfield était très fière de ce qui s’était passé. En effet, quelque temps plus tard, dans les années 1950, Litchfield célébra son centenaire avec des chars de cavalcade représentant les événements remarquables qui jalonnaient les cent années de son histoire. Or, l’un de ces chars commémorait l’attaque organisée contre les témoins de Jéhovah en 1940. Apparemment les responsables considéraient que cet événement était une page glorieuse de l’histoire de leur ville. Puisse Jéhovah leur donner ce qu’ils méritent !”

      APPELS NON ÉCOUTÉS

      Les attaques violentes contre les témoins de Jéhovah devenaient si sérieuses et nombreuses que M. Francis Biddle, Procureur fédéral des États-Unis, et Mme Eleanor Roosevelt (femme du président Franklin Roosevelt) firent des appels publics pour arrêter ces persécutions. En fait, le 16 juin 1940, le jour même des événements de Litchfield, M. Biddle déclara dans un discours radiodiffusé dans tout le pays par le réseau de la N.B.C. :

      “Les témoins de Jéhovah ont été attaqués et battus à maintes reprises. Ils n’avaient commis aucun délit ; mais la foule les a jugés coupables et leur a infligé des châtiments populaciers. Le Procureur général a ordonné une enquête immédiate sur ces actes de violence.

      “Les citoyens doivent être vigilants et se tenir sur leurs gardes et, par-dessus tout, faire preuve de calme et de bon sens. Étant donné que les violences perpétrées par la populace rendent la tâche du gouvernement infiniment plus difficile, celles-ci ne seront pas tolérées. Nous ne vaincrons pas le mal nazi en imitant ses méthodes.”

      Pourtant, ces appels n’endiguèrent pas le flot de persécutions contre les témoins de Jéhovah.

      RÉUNIONS CHRÉTIENNES INTERROMPUES

      Au cours de ces années difficiles, il arrivait que des chrétiens américains soient attaqués pendant qu’ils étaient paisiblement réunis pour s’instruire dans la Bible. Un tel incident se produisit en 1940 à Saco, dans l’État du Maine. D’après frère Harold Duncan, tandis que les témoins de Jéhovah étaient réunis dans leur Salle du Royaume, située au premier étage d’un immeuble, pour y écouter un discours biblique enregistré sur disques, une foule d’entre 1 500 et 1 700 personnes se rassembla dans la rue. Il se souvient clairement qu’un prêtre était assis dans une voiture devant la salle. Frère Duncan écrit : “Le dépanneur de radios (dont la boutique se trouvait à côté) fit marcher tous ses postes le plus fort possible, afin de couvrir la voix de l’orateur. Puis les gens se mirent à jeter des pierres dans les fenêtres de la salle, des policiers habillés en civil éclairant avec leurs torches électriques les carreaux à casser. Je me rendis deux fois au poste de police, situé à un peu plus d’un pâté de maisons de là, mais seulement pour m’entendre dire : ‘Quand vos gens accepteront de saluer le drapeau américain, nous viendrons vous aider.’ La foule cassa 70 [petits carreaux], et une pierre grosse comme un poing passa juste à côté de la tête de sœur Gertrude Bob, et enleva un morceau de plâtre au coin du mur.”

      La foule se manifesta également en 1942, à une assemblée organisée à Klamath Falls, dans l’État d’Oregon. Frère Don Milford relate que les gens coupèrent les fils téléphoniques, interrompant ainsi le discours transmis d’un autre congrès. Mais un frère qui possédait le texte du discours prit aussitôt la relève, et le programme se poursuivit. Finalement, les gens firent irruption dans la salle. Les témoins se défendirent, et lorsqu’ils réussirent à refermer la porte d’entrée, ils découvrirent à l’intérieur de la salle l’un des assaillants, — “un homme grand et fort”, — étendu sans connaissance. Il s’agissait d’un policier. On mit son insigne à côté de son visage et on prit une photo. Frère Milford précise : “Nous avons appelé la Croix-Rouge, et deux femmes sont arrivées avec un brancard pour l’enlever. Plus tard, on l’a entendu dire : ‘Je ne pensais pas qu’ils se défendraient.’” La police refusa d’aider les témoins, et ce ne fut que quatre heures plus tard que la foule se dispersa grâce à l’intervention de la police de l’État.

      ATTAQUES EN DIFFUSANT LES PÉRIODIQUES DANS LES RUES

      Bien qu’il soit vrai que dans certaines villes la police refusa de protéger les témoins de Jéhovah, cela ne fut pas toujours le cas. Par exemple, pendant que frère Payne présentait les périodiques dans une rue de Tulsa, dans l’État d’Oklahoma, il remarqua qu’un agent le surveillait toujours de loin. Frère Payne écrit : “Un jour, je lui ai demandé pourquoi il me surveillait ainsi. Il m’a répondu que malgré l’importance du quartier qu’il devait surveiller, il se tenait près de moi de peur que je ne sois enlevé ou attaqué. Il avait lu comment les témoins étaient traités dans certaines petites villes, et il n’entendait pas permettre à qui que ce soit de nous gêner dans notre œuvre.”

      Il n’empêche que les serviteurs de Jéhovah furent souvent attaqués par des foules déchaînées pendant qu’ils donnaient le témoignage dans les rues à l’aide de La Tour de Garde et de Consolation. Par exemple, frère George McKee dit que semaine après semaine, dans une ville de l’Oklahoma, une foule de 100 à plus de 1 000 hommes en colère molestait les témoins qui présentaient les périodiques dans les rues. Le maire, le chef de police et d’autres fonctionnaires refusèrent de les protéger. Selon frère McKee, le plus souvent les gens étaient conduits par un médecin très connu, cousin de Belle Starr (célèbre femme-gangster) et chef dans la Légion américaine. D’abord, les frères étaient accostés par des ivrognes. Puis la foule survenait, armée de bâtons, de couteaux, de couperets et de fusils. Son objectif ? Chasser les témoins de la ville. Mais chaque samedi les proclamateurs du Royaume décidaient d’avance combien de temps ils voulaient rester dans les rues, et, en général, bien que la foule s’organisât rapidement, ils parvenaient à y rester le temps prévu. Ils plaçaient de nombreux périodiques aux gens qui faisaient leurs courses.

      Un certain samedi, environ quinze témoins furent attaqués. Frère McKee déclare : “Nous nous rendions compte que nous devions compter sur Jéhovah Dieu et sur notre bon jugement si nous voulions en sortir vivants. Sans crier gare, les gens ont attaqué trois d’entre nous avec des couteaux et des bâtons. (...) Les bras cassés, le crâne fêlé et souffrant d’autres blessures, nous nous sommes adressés à quatre médecins de la ville, mais ils ont tous refusé de nous soigner. Il nous a fallu faire quatre-vingts kilomètres avant de trouver un médecin compatissant. Mais nos blessures ne nous ont pas empêchés de retourner dans les rues le samedi suivant, pour annoncer la bonne nouvelle du Royaume. Voilà l’état d’esprit qui nous animait pendant toute cette période de difficultés et de persécutions.”

      VIOLENCE À CONNERSVILLE

      Un exemple frappant de la violence de la foule s’est vu en 1940 à Connersville, dans l’État d’Indiana. Plusieurs chrétiennes comparaissaient devant un tribunal, accusées faussement d’avoir “troublé l’ordre public”. Le premier jour du procès, pendant que frère Rainbow, serviteur de zone, et Victor et Mildred Schmidt quittaient le tribunal, une vingtaine d’hommes menacèrent de les faire mourir et essayèrent de renverser leur voiture.

      Le dernier jour du procès, le procureur passa presque tout le temps qu’il lui avait été imparti à inciter les gens à l’attaque, s’adressant parfois directement aux hommes armés qui se trouvaient dans la salle d’audience. Vers 21 heures, le jugement fut prononcé : “coupables”. Ce mot déchaîna la violence. Sœur Schmidt relate qu’elle et son mari, l’un des avocats de la défense, se trouvaient, avec deux autres frères, isolés des autres témoins et entourés d’une foule de deux cents à trois cents personnes. Voici son récit :

      “Presque aussitôt, nous avons été soumis à un bombardement d’œufs et de toutes sortes de fruits et de légumes. Plus tard, nous avons appris que les gens nous avaient jeté le contenu de tout un camion.

      “Nous avons essayé de courir jusqu’à notre voiture, mais nos assaillants nous en ont empêchés et nous ont poussés vers la route qui sortait de la ville. Tout à coup, les gens ont chargé, en frappant les frères et en me tapant sur le dos comme avec des fouets. Alors, une tempête éclata, avec des pluies torrentielles et un vent violent. Mais les éléments déchaînés étaient insignifiants à côté de la violence de cette foule poussée par les démons. À cause de l’orage, bon nombre de gens se sont réfugiés dans leurs voitures et nous ont suivis, tout en hurlant des insultes où figurait constamment le nom de Jéhovah. Comme nos cœurs étaient transpercés d’entendre ces blasphèmes !

      “Malgré le mauvais temps, il nous semblait qu’une bonne centaine d’hommes avançaient vers nous à pied. À un moment donné, au volant de sa voiture, sœur Jacoby (maintenant sœur Crain) de Springfield (Ohio) a essayé de nous délivrer de la foule, mais les gens ont failli renverser sa voiture, ils ont donné des coups de pied à la carrosserie et ont essayé d’arracher les portières. Quand ils ont eu fini d’attaquer la voiture, nos adversaires ont recommencé à nous taper dessus. La voiture a dû partir sans nous. La tempête continuait de plus belle puis, pendant que nous marchions, nous avons entendu la foule crier : ‘Jetons-​les dans le fleuve ! Jetons-​les dans le fleuve !’ Ce cri sans cesse répété m’a remplie d’effroi, car je voyais que nous approchions d’un pont. Mais, arrivés au fleuve, les gens ont subitement cessé de crier. Bientôt, nous nous trouvions de l’autre côté du pont. C’était comme si les anges de Jéhovah avaient aveuglé la foule, l’empêchant de voir où elle se trouvait. J’ai dit en moi-​même : ‘Oh, Jéhovah, merci !’

      “Après cela, quelques grands gaillards ont recommencé à frapper les frères. Comme c’est dur de voir quelqu’un que vous aimez être roué de coups ! Chaque fois qu’ils ont frappé Victor, il a chancelé, mais il n’est jamais tombé. C’était épouvantable ! (...)

      “Maintes et maintes fois, les gens se sont approchés de moi par-derrière et m’ont frappée dans le dos comme avec un fouet. Finalement, nous nous sommes trouvés séparés des deux autres frères, et pendant que nous marchions en nous tenant par le bras, Victor m’a dit : ‘Nous n’avons pas souffert autant que Paul. Nous n’avons pas encore résisté jusqu’au sang.’ [Voir Hébreux 12:4.]

      “Il faisait nuit et il était très tard (j’ai appris par la suite qu’il était environ 23 heures). Nous étions au-delà des limites de la ville et presque épuisés. Soudain, une voiture s’est arrêtée près de nous, et une voix familière nous a dit : ‘Montez vite !’ C’était un jeune pionnier très brave, Ray Franz, qui était venu nous sauver de la foule déchaînée ! (...)

      “Encore une fois, nous avions l’impression que les anges de Jéhovah avaient aveuglé nos ennemis pour les empêcher de nous voir monter dans la voiture. Nous y avons retrouvé sains et saufs notre cher frère Rainbow, sa femme et trois autres témoins. Je ne sais pas comment cette petite voiture a pu transporter huit personnes ! Quant à nous, nous étions tous persuadés que les anges de Jéhovah avaient empêché l’ennemi de nous voir y monter. En effet la foule était toujours aussi violente à notre égard et rien n’indiquait qu’elle voulait nous relâcher. C’était donc comme si Jéhovah avait étendu son bras affectueux et nous avait délivrés ! Plus tard, nous avons appris que les deux frères qui avaient été séparés de nous s’étaient réfugiés dans une meule de foin. Ils y ont été retrouvés par des frères le lendemain matin. L’un d’eux avait été gravement blessé par un projectile.

      “Nous sommes arrivés chez nous vers 2 heures du matin, complètement trempés et transis de froid, car la tempête avait mis fin à une vague de chaleur et entraîné derrière elle une masse d’air froid. Nos frères et sœurs nous ont soignés, refermant cinq plaies ouvertes au visage de Victor. Comme nous étions reconnaissants de nous retrouver entre les mains affectueuses de nos chers frères !”

      Cependant, Jéhovah soutient et fortifie ses serviteurs au milieu de pareilles épreuves. Sœur Schmidt conclut en disant : “Ainsi, nous avions subi une autre sorte d’épreuve que, par sa miséricorde, Jéhovah nous avait permis de supporter, en permettant que ‘l’endurance fasse œuvre complète’.” — Jacq. 1:4.

      D’AUTRES ACTES DE BRUTALITÉ

      Les témoins de Jéhovah ont été la cible de nombreux autres actes de violence de la part des foules en colère. En décembre 1942, plusieurs témoins de Jéhovah furent molestés pendant qu’ils distribuaient des périodiques dans une rue de Winnsboro, au Texas. Parmi eux se trouvait frère Pillars, serviteur des frères (surveillant de circonscription). Voyant la foule s’approcher d’eux, les témoins comprirent qu’ils ne pouvaient continuer leur activité dans une telle situation. Ils décidèrent donc de regagner leur voiture. Frère Pillars relate ses souvenirs en ces termes : “Le pasteur baptiste, un certain Phillips, était assis dans sa voiture munie de haut-parleurs et se trouvait vers le milieu de la rue principale. Il avait prêché sur le Christ et son crucifiement, mais dès qu’il nous a vus, il a changé de sermon. Il s’est mis à vitupérer contre les témoins de Jéhovah parce qu’ils refusaient de saluer le drapeau. Il a déclaré qu’il serait heureux de mourir pour la Bannière étoilée [le drapeau américain] et que quiconque refusait de la saluer devrait être chassé de la ville. Arrivés à la hauteur de sa voiture, nous avons vu une autre foule qui se dirigeait vers nous. Bientôt nous étions entourés et nous avons été retenus jusqu’à l’arrivée du shérif, qui nous a arrêtés.”

      Plus tard, la foule pénétra dans le bureau du shérif, qui ne fit rien pour protéger les témoins. Les gens s’emparèrent d’eux et les sortirent dans la rue, où ils leur donnèrent des coups de poing, en particulier à frère Pillars. Celui-ci raconte : “J’ai été aidé d’une manière extraordinaire. Je prenais une de ces raclées ! Blessé au visage, je perdais du sang par le nez et par la bouche, mais je ressentais peu de douleur. J’étais étonné, et je sentais que les anges me soutenaient. (...) Je comprenais mieux comment nos frères allemands pouvaient endurer fidèlement et sans chanceler les persécutions nazies.”

      Frère Pillars perdit connaissance plusieurs fois, mais ses persécuteurs le ranimèrent, afin de le battre de nouveau. Finalement, ses tortionnaires le trempèrent dans l’eau froide et essayèrent de lui faire saluer un petit drapeau qui mesurait dix centimètres sur cinq, “le seul drapeau, devait-​il déclarer plus tard, que ces patriotards avaient pu trouver”. Pendant qu’ils tenaient le drapeau, ils lui soulevaient le bras, mais le frère laissait retomber sa main, montrant par là qu’il refusait de saluer. Bientôt ils lui mirent une corde autour du cou, le jetèrent à terre et le traînèrent jusqu’à la prison. Vaguement, il les entendit dire : “Pendons-​le. Comme ça, nous serons définitivement débarrassés de ces Témoins !” Peu après, ils essayèrent de le pendre. Frère Pillars écrit : “Ils me mirent une nouvelle corde de chanvre de douze millimètres autour du cou, avec le nœud derrière l’oreille, et ils me traînèrent dans la rue. Ensuite, ils jetèrent l’autre bout de la corde par-dessus un tuyau qui sortait du bâtiment, et quatre ou cinq hommes se mirent à tirer dessus. La corde se tendit, et quand elle me souleva, je perdis connaissance.”

      Lorsque frère Pillars reprit connaissance, il se trouvait dans la prison non chauffée. Un médecin était en train de l’examiner et disait : “Si vous voulez sauver cet homme, vous feriez mieux de l’envoyer tout de suite à l’hôpital, car il a perdu beaucoup de sang et ses yeux sont dilatés.” Le shérif lui répondit : “C’est la plus belle tête de mule que j’aie jamais rencontrée !” Frère Pillars précise : “Comme cette insulte me réconfortait, car elle confirmait que je ne leur avais pas cédé !”

      Après le départ du médecin, la foule pénétra dans cette prison froide et sombre. On fit craquer des allumettes près du visage de frère Pillars pour mieux le voir. Quelqu’un demanda : “Est-​il mort ?” Un autre répondit : “Non, mais il n’en a plus pour longtemps.” Bien que transi de froid et trempé jusqu’aux os, frère Pillars essaya de ne pas trembler dans l’espoir de se faire passer pour mort. Enfin tous partirent, et un grand silence régna. Au bout d’un certain temps, la porte s’ouvrit et des policiers d’État entrèrent et portèrent frère Pillars jusqu’à une ambulance, qui le conduisit à l’hôpital de Pittsburg, au Texas. Il avait été malmené par la foule pendant six heures. Mais que se produisit-​il quand les gens l’eurent pendu ? Pourquoi était-​il toujours en vie ? Frère Pillars déclare : “J’appris la réponse à ces questions tard le jour suivant.” Il ajoute :

      “Je me trouvais dans la salle des détenus de l’hôpital de Pittsburg quand je reçus la visite de frère Tom Williams, avocat de Sulphur Springs qui luttait courageusement pour la justice. Ayant essayé sans succès de trouver où l’on m’avait amené, il dut menacer de poursuivre en justice les autorités de la ville ; alors elles lui révélèrent que j’étais à l’hôpital. Quel plaisir de voir le visage d’un frère ! C’est là qu’il m’apprit que toute la ville parlait de moi : J’avais été pendu, mais la corde avait cassé !

      “Plus tard, lorsque la police fédérale se saisit de l’affaire, ce qui aboutit à une enquête par jury, un groupe de Pentecôtistes se présentèrent comme témoins. Ces hommes dirent : ‘Aujourd’hui ce sont les témoins de Jéhovah. Demain ce sera nous !’ Ils décrivirent la pendaison en ces termes : ‘Nous l’avons vu se balancer au bout de la corde. Puis elle a cassé. Lorsque nous avons vu cela, nous savions que c’était le Seigneur qui l’avait cassée.’”

      Le shérif et les autres fonctionnaires impliqués dans cette affaire s’enfuirent dans un autre État, si bien qu’ils ne passèrent jamais en jugement. Frère Pillars retrouva ses forces et reprit son activité comme serviteur des frères dans la même région.

      COMMENT ENDURER DE CRUELLES PERSÉCUTIONS

      Peut-être avez-​vous tendance à dire : “Je ne pourrais jamais endurer des persécutions si cruelles !” Non, vous ne pourriez pas les endurer par votre propre force. Mais Jéhovah peut vous rendre fort, si vous profitez dès maintenant de tout ce qu’il nous donne pour nous édifier spirituellement. Les persécutions sont principalement rattachées à la question de la souveraineté universelle. En effet, Satan a défié Jéhovah Dieu en prétendant que nul homme ne lui resterait fidèle dans l’épreuve. Quel privilège de rester fidèle à Jéhovah Dieu et de soutenir sa cause, prouvant ainsi que Satan est un menteur ! — Job 1:1 à 2:10 ; Prov. 27:11.

      Depuis cette époque difficile où les témoins de Jéhovah américains subirent de nombreuses attaques par des foules en colère, le peuple de Dieu se rend compte de plus en plus qu’il dépend entièrement de Jéhovah. Certes, les chrétiens sont prêts à se défendre et à défendre les leurs en harmonie avec les principes du christianisme, mais ils ne se munissent pas d’armes meurtrières au cas où ils seraient attaqués (Mat. 26:51, 52 ; II Tim. 2:24). Au contraire, ils reconnaissent que ‘les armes de leur guerre ne sont pas charnelles’. — II Cor. 10:4 ; voir La Tour de Garde, édition française du 1er mars 1970, pages 153-159 (17/69, pages 33-43).

      ASSEMBLÉE THÉOCRATIQUE À SAINT LOUIS

      L’humanité connaissait les douleurs de la Seconde Guerre mondiale, et les serviteurs de Dieu étaient en butte à des persécutions, mais ‘Jéhovah des armées était avec eux’. (Ps. 46:1, 7.) Dieu veilla à ce qu’ils reçoivent une abondance de bonnes choses spirituelles. À ce sujet, citons le cas de l’Assemblée théocratique des témoins de Jéhovah, organisée du 6 au 10 août 1941, à Saint Louis, aux États-Unis.

      Les serviteurs de Jéhovah attendaient avec impatience cette assemblée. Bientôt, nombre d’entre eux roulaient vers Saint Louis. Sœur McCreery écrit : “Nous avons bientôt remarqué que tous les témoins mettaient un périodique [La Tour de Garde ou Consolation] sur la vitre de leur voiture, afin de s’identifier ; nous les avons donc imités. Pendant tout le voyage, nous avons passé notre temps à saluer des gens que nous ne connaissions pas du tout mais qui étaient manifestement nos frères, tant ils nous souriaient et nous saluaient amicalement !”

      Malgré les pressions qu’exercèrent sur elle des organisations de l’Action catholique et d’anciens combattants, la direction des Arènes refusa d’annuler le contrat conclu avec les témoins de Jéhovah. Cependant, l’Église catholique fit de la propagande mensongère à leur sujet, si bien que nombre d’habitants de la ville revinrent sur leur promesse d’héberger des membres du peuple de Dieu. Robert Rainer relate : “Des religieuses allaient de porte en porte pour dire aux gens de ne pas louer des chambres aux témoins de Jéhovah.” D’après sœur Margaret Rogers, il y avait à Saint Louis “tant de témoins sans chambre qu’il a fallu fabriquer sur place des matelas pour leur permettre de dormir aux Arènes”.

      Toujours à propos du problème de l’hébergement des congressistes, frère et sœur Janssen écrivent : “Pendant le congrès, un journal publia une photo d’une mère et de son enfant endormis sur la pelouse du stade. Il n’en fallut pas plus pour que les habitants au cœur plus sensible que celui de leurs faux enseignants commencent à appeler le service du logement pour mettre à sa disposition des chambres pour les témoins.” Bientôt ce service recevait des offres de chambres par télégrammes, coups de téléphone, lettres, visites personnelles et par d’autres moyens. Les gens arrêtaient même les proclamateurs du Royaume dans la rue pour leur offrir une chambre.

      Pour certains témoins une cité de caravanes fut aménagée. Ce camp finit par accueillir 677 caravanes, 1 824 tentes, 100 camping-cars, 99 camions et 3 autocars, le tout abritant une population de 15 526 personnes. Sœur Edna Gorra a déclaré : “Ce camp était immense. Il comportait des rues, dont chacune était désignée par un nom, des lavabos, des bains, des douches, etc. C’était merveilleux de voir des gens venus de tant d’États différents vivre ensemble en paix dans leurs caravanes, leurs tentes et leurs camping-cars.”

      POINTS SAILLANTS DU PROGRAMME

      Le programme de ce congrès était spirituellement enrichissant. Sœur Hazel Burford, actuellement missionnaire à Panama, déclare à ce sujet : “Nous avons été réjouis de recevoir une explication claire de la question de la domination universelle de Jéhovah en tant que Souverain suprême, et d’apprendre que cette question impliquait l’intégrité de ses serviteurs. (...) Nous nous sommes rendu compte plus clairement que jamais pourquoi Jéhovah permettait que son peuple soit cruellement persécuté dans le monde entier.” Dans son discours intitulé “Intégrité”, frère Rutherford expliqua que la question que Satan souleva à l’époque de Job était la suivante : “Jéhovah peut-​il avoir sur la terre des hommes qui, soumis aux épreuves les plus sévères, lui resteront fidèles ?” Cependant, la question principale est celle de la domination de l’univers. Entre autres, l’orateur encouragea ses auditeurs à s’attacher sans réserve au Gouvernement théocratique de Jésus Christ, sachant qu’il justifiera le nom divin et délivrera tous les amis de la justice qui servent Jéhovah.

      Un détail de ce congrès de Saint Louis qui toucha particulièrement le cœur des délégués eut lieu le dimanche 10 août 1941, le “Jour des enfants”. Au début de la matinée, un discours fut prononcé sur le baptême, et 3 903 personnes furent baptisées, dont 1 357 enfants. Pour ces derniers, — et même pour les adultes, — ce jour-​là devait être spécial. Le programme portait la notice suivante : “Tous les enfants de parents consacrés, âgés de cinq à dix-huit ans et possédant des billets pour des places réservées, s’assoiront juste devant l’estrade.” Le discours de frère Rutherford intitulé “Enfants du Roi” était prévu pour 11 heures.

      Le nombre des assistants atteignait alors le chiffre extraordinaire de 115 000. Le parterre devant l’orateur et d’autres places réservées tout autour étaient remplis d’enfants âgés de cinq à dix-huit ans, — un auditoire tout à fait remarquable. Quand frère Rutherford prit place sur l’estrade, tous ces jeunes l’acclamèrent et applaudirent. Il les salua en agitant son mouchoir, et des milliers de jeunes mains lui répondirent. Puis il prit place au pupitre, visiblement ému par ce spectacle.

      Frère Rutherford avait beaucoup de choses à dire à tous ces jeunes chrétiens et aux milliers d’autres membres de cet immense auditoire. Sœur Dorothy Wilkes déclare à ce sujet : “L’espérance de voir des conditions édéniques rétablies sur la terre devint très réelle pour nous lorsque frère Rutherford nous fit remarquer que ‘les propriétés que vous avez vues en vous rendant à l’assemblée ne sont rien à côté de ce que vous allez recevoir’ !” Frère Neal Callaway, qui se trouvait parmi ces enfants réunis ce jour-​là, a écrit : “Après avoir achevé son discours, le président de la Société a dit : ‘J’ai une question à poser à chacun de vous. J’invite tous ceux qui ont accepté d’accomplir la volonté de Dieu, qui ont pris position pour le Gouvernement théocratique de Jésus Christ et qui sont prêts à obéir à Dieu et à son Roi, à SE LEVER !’

      “Nous nous sommes levés d’un seul mouvement. ‘Voyez, s’est exclamé le président de la Société, plus de 15 000 nouveaux témoins du Royaume !’ Après des applaudissements prolongés, il a dit : ‘Si vous êtes d’accord de faire tout ce que vous pouvez pour parler du Royaume de Dieu et de ses bénédictions, dites : “Oui !”’ Tous debout, 15 000 enfants ont crié d’une seule voix ‘Oui !’

      “Puis le président de la Société a ajouté : ‘Si vous possédiez un instrument que vous pourriez utiliser pour honorer le nom de Jéhovah, vous en serviriez-​vous fidèlement ?’ Nous avons répondu : ‘Oui !’ Frère Rutherford a enchaîné en disant : ‘Asseyez-​vous donc et je vous en parlerai. Le Seigneur a permis que ce livre soit préparé à votre intention. Il est intitulé “Enfants”.’ Il y a eu un tonnerre d’applaudissements !” Chaque enfant assis dans les sections spéciales des Arènes et du camping reçut gratuitement un exemplaire du nouveau livre Enfants, rédigé par frère Rutherford.

      Frère George Caron fait remarquer que bon nombre des enfants présents à cette occasion merveilleuse continuaient de progresser. “Ils sont devenus pionniers, dit-​il, sont allés à l’École de Galaad, sont partis comme missionnaires, ont servi au Béthel, et de bien d’autres manières ont avancé du même pas que l’organisation. Aujourd’hui, ce sont des piliers dans bien des congrégations à travers le monde.”

      Le dimanche après-midi 10 août 1941, frère Rutherford, bien malade, parla pour la dernière fois devant un congrès. Il parla sans notes, improvisant pendant environ quarante-cinq minutes.

      Faisant quelques remarques importantes au sujet de la direction du peuple de Jéhovah, il déclara : “Je voudrais que des étrangers ici présents sachent si vous acceptez un homme comme votre chef, au cas où ils auraient tendance à l’oublier. Chaque fois qu’une organisation est créée et commence à croître, on dit qu’un certain homme, un chef, a fait beaucoup d’adeptes. S’il y a quelqu’un dans l’auditoire qui pense que moi, l’homme qui se tient devant vous, je suis le chef des témoins de Jéhovah, qu’il dise Oui ! [Il y eut un NON unanime !]

      “Si vous pensez que je suis tout simplement l’un des serviteurs du Seigneur, et que nous travaillons coude à coude dans l’unité pour servir Dieu et le Christ, alors dites Oui ! [Il y eut un OUI unanime !]

      “Un chef terrestre comme moi n’est pas nécessaire pour faire travailler une telle foule ; des gens comme vous se battraient avec le Diable à coups de bâton, mais vous le combattez avec l’épée de l’esprit, qui est tout de même plus efficace !”

      Pendant son dernier discours, frère Rutherford a sans cesse encouragé ses auditeurs à persévérer dans l’œuvre consistant à prêcher le message du Royaume.

      JOURS DU CRÉPUSCULE À BETH-SARIM

      En novembre 1941, la grave maladie dont souffrait frère Rutherford avait progressé, si bien qu’il dut se faire opérer à Elkhart, dans l’Indiana. Après, il exprima le désir d’aller en Californie. Il fut donc amené à une maison appelée “Beth-Sarim”, à San Diego. Depuis quelque temps déjà, il était manifeste pour ses collaborateurs et les meilleurs médecins consultés qu’il ne se remettrait pas de sa maladie.

      Précisons, en peu de mots, qu’après l’incarcération injuste qu’il avait subie en 1918-​1919, à cause de sa fidélité à Jéhovah, frère Rutherford avait fait une grave pneumonie. Cette maladie ne lui avait laissé qu’un seul poumon valide, si bien que les hivers de New York le mettaient pratiquement dans l’impossibilité de s’acquitter de ses devoirs de président de la Société. Dans les années vingt, il suivit un traitement médical à San Diego. Le climat lui convenait particulièrement bien, et son docteur l’encouragea à passer le maximum de temps possible à San Diego. Finalement, Rutherford suivit ce conseil.

      Au bout d’un certain temps, quelqu’un fit un don en vue de la construction d’une maison à San Diego, à l’usage de frère Rutherford. Cette maison ne fut pas bâtie aux frais de la Société Watch Tower. À propos de cette propriété, le livre Salut, publié en 1939, déclarait : “En 1929 fut construite sur un petit domaine à San Diego, en Californie, une maison qui porte le nom de Beth-Sarim.”

      Sœur Hazel Burford était l’une des infirmières qui s’occupaient de frère Rutherford pendant sa dernière maladie à Beth-Sarim, où on l’amena en novembre 1941. Elle relate : “Nous avons passé des moments intéressants. Vers la fin, il dormait toute la journée et s’occupait des affaires de la Société pendant la nuit. Nous étions tous bien occupés.” Un matin, vers le milieu de décembre, trois frères, y compris frère Knorr, arrivèrent de Brooklyn. Sœur Burford nous dit : “Ils passèrent plusieurs jours auprès de lui, pour examiner le rapport annuel qui devait être publié dans l’Annuaire, ainsi que d’autres questions d’organisation. Après leur départ, frère Rutherford continua de s’affaiblir et, environ trois semaines plus tard, le jeudi 8 janvier 1942, il acheva fidèlement sa course terrestre et reçut des privilèges de service plus grands dans les cours de son Père céleste.” À 17 h 15 le même jour, la nouvelle de sa mort fut communiquée par téléphone au siège de l’œuvre à Brooklyn.

      Comment la nouvelle du décès de frère Rutherford fut-​elle annoncée à la famille du Béthel de Brooklyn ? Frère William Elrod évoque ses souvenirs en ces termes : “Je n’oublierai jamais le jour où nous avons appris la mort de frère Rutherford. L’annonce a été courte, et il n’y a pas eu de discours.”

      UNE TRANSITION SANS HEURTS

      Le jeudi 8 janvier 1942 marqua la fin de la vie terrestre de Joseph Franklin Rutherford, à l’âge de soixante-douze ans. Il avait été président de la Société Watch Tower pendant vingt-cinq ans. Lorsque Charles Taze Russell, premier président de la Société, mourut en 1916, les Étudiants de la Bible étaient traumatisés et beaucoup d’entre eux se demandaient comment ils allaient pouvoir continuer leur service pour Dieu. D’autre part, des hommes cupides cherchèrent à s’emparer de la Société, ce qui ne manqua pas de créer des problèmes pendant un certain temps. Mais grâce à l’aide divine, leurs projets échouèrent complètement. En revanche, la mort de frère Rutherford ne posa pas de semblables problèmes. Bien entendu, les ennemis du peuple de Dieu pensaient que l’œuvre des témoins de Jéhovah s’arrêterait, mais ils se trompaient. Frère Grant Suiter écrit : “L’organisation théocratique continua sans arrêt et sans heurts.”

      Le 13 janvier 1942, l’ensemble des membres des comités directeurs des Sociétés de Pennsylvanie et de New York, associations utilisées par le peuple de Dieu, se réunirent au Béthel de Brooklyn. Quelques jours auparavant, le vice-président de la Société, frère Nathan Knorr, leur avait demandé de rechercher sincèrement la sagesse divine par la prière et la méditation, ce qu’ils firent. La réunion des deux comités s’ouvrit par une prière demandant la direction de Jéhovah et, après avoir examiné attentivement la situation, les frères élurent unanimement frère Knorr président de la Société. Frère Barber écrit à ce propos : “À ma connaissance, personne ne doutait de la nomination de frère Knorr, et nous étions tous bien décidés à nous serrer les coudes pour le soutenir et prouver notre attachement à l’organisation de Jéhovah. Cette même unité régnait également parmi tous les directeurs de la Société.” Une foule de télégrammes et de lettres attestaient que les serviteurs de Jéhovah du monde entier étaient unis et bien décidés à poursuivre l’œuvre de la prédication.

      Nathan Homer Knorr est né en 1905, à Bethlehem, en Pennsylvanie, de parents américains. À l’âge de seize ans il commença à fréquenter la congrégation des Étudiants de la Bible à Allentown, et en 1922 il assista au congrès de Cedar Point, où il décida de se retirer de l’Église réformée. Le 4 juillet 1923, à l’occasion d’une visite que Frederick Franz, du Béthel de Brooklyn, rendait à la congrégation d’Allentown, Nathan Knorr, alors âgé de dix-huit ans, eut l’occasion de symboliser l’offrande de sa vie à Jéhovah Dieu par le baptême d’eau. Frère Franz prononça le discours, et Knorr fut baptisé avec d’autres dans la rivière Little Lehigh. Il se souvient toujours avec joie de ce jour-​là, et il se rend compte avec plaisir qu’il a eu le privilège de collaborer avec frère Fred Franz depuis plus de cinquante et un ans !

      Environ deux mois plus tard, soit le 6 septembre 1923, frère Knorr devint membre de la famille du Béthel de Brooklyn. Frère Barber évoque le souvenir suivant : “Un midi que nous sommes rentrés pour déjeuner, nous avons découvert dans notre chambre A-9 un jeune frère occupé à ranger ses vêtements et ses affaires dans l’une des commodes. Ne sachant pas que l’un des occupants de la chambre avait été transféré à Staten Island, pour travailler à la station de radio WBBR, nous avons accueilli le nouveau venu avec des phrases telles que : ‘Que fais-​tu ici ?’ ‘Il y a déjà assez de monde dans cette chambre, et même trop.’ Nous étions d’avis qu’un de plus serait un de trop, mais bientôt nous nous sommes calmés. Or, le jeune frère en question n’était autre que frère Knorr. Avouons que c’était une façon bizarre de lui souhaiter la bienvenue ! Mais depuis lors, nous nous sommes souvent rappelé cet incident, en riant de bon cœur. Dès le début, il était évident que ce jeune frère était venu au Béthel pour se donner à fond au travail qu’on lui confierait. Il s’appliqua vigoureusement au service de l’expédition et fit des progrès rapides en s’acquittant de ses responsabilités et en acceptant d’accomplir n’importe quelle tâche.”

      Plus tard il travailla au service de planning de l’imprimerie de la Société, et le 8 février 1928 frère Rutherford le désigna pour être l’un des responsables du périodique L’Âge d’Or. Frère Clayton Woodworth en était le rédacteur, frère Robert Martin le directeur, et frère Nathan Knorr le secrétaire-trésorier. Quand Robert Martin, alors directeur de l’imprimerie, mourut, le 23 septembre 1932, Rutherford le fit remplacer par Knorr. Le 11 janvier 1934, frère Knorr fut élu directeur de l’Association de la Tribune du Peuple (aujourd’hui la Watchtower Bible and Tract Society of New York, Inc.). Après le décès de frère Coward, le 10 janvier 1935, frère Knorr devint le vice-président de cette association. Le 10 juin 1940, il devint directeur et vice-président de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania. Il fut élu président des deux associations le 13 janvier 1942. Il devint également président de l’Association internationale des Étudiants de la Bible. Pour illustrer comment frère Knorr envisage l’œuvre, frère Cantwell relate l’anecdote suivante : “En 1940, les persécutions battaient leur plein, une filiale fermait après l’autre et les foules se déchaînaient contre nous. Une fois que l’imprimerie travaillait de nuit, lors d’un ‘exercice d’alerte à l’incendie’, frère Knorr déclara au personnel réuni : ‘Je sais que les perspectives de l’œuvre sont sombres. Mais nous devrions tous nous rappeler la pensée suivante : Si Harmaguédon doit venir demain, notre désir devrait être de faire marcher l’imprimerie toute la nuit.’”

      L’INSTRUCTION EN VUE DE LA VIE

      À l’époque, les serviteurs de Jéhovah se servaient d’une carte de témoignage et d’un phonographe pour prêcher dans le champ. Cependant, ils auraient dû savoir s’exprimer eux-​mêmes à l’aide de la Bible, et être capables de donner les raisons de leur espérance. C’était là l’opinion de frère Knorr, le nouveau président de la Société. Évoquant le passé, James Woodworth écrit : “Alors que du temps de frère Rutherford on mettait l’accent sur le thème ‘La religion est un piège et une escroquerie’, à présent une ère d’expansion mondiale commençait, et l’instruction dans les domaines de la Bible et de l’organisation allait être dispensée parmi le peuple de Jéhovah sur une échelle sans précédent.”

      Au cours des années, depuis lors, l’accent a été mis de plus en plus sur l’instruction biblique. En vérité, les témoins de Jéhovah étaient entrés dans une ère d’instruction en vue de la vie.

      COURS DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE

      Henry Cantwell nous informe qu’“un peu plus d’un mois après que frère Knorr fut devenu président de la Société, un Cours supérieur du ministère théocratique fut organisé”. De quoi s’agissait-​il ? D’une école inaugurée en février 1942, au Béthel de Brooklyn.

      Frère Barber explique ce cours en ces termes : “Tous les membres masculins de la famille du Béthel de Brooklyn furent invités à se faire inscrire. (...) Le cours consistait d’abord en un discours prononcé devant tous les élèves. Les sœurs étaient invitées comme auditrices, mais à l’époque elles ne pouvaient pas s’inscrire à l’école. Après ce discours, les élèves se séparaient en plusieurs classes, où ils prononçaient des allocutions sous la direction de conseillers qualifiés.” Frère Reusch précise : “Chaque mois nous avions une révision préparée par notre instructeur, frère Sullivan.”

      Cela vous rappelle-​t-​il quelque chose ? Si vous êtes témoin de Jéhovah, vous avez reconnu ce qui commença voilà plus de trente ans au Béthel de Brooklyn : il s’agit de l’École du ministère théocratique. Bientôt d’autres serviteurs de Jéhovah bénéficiaient à leur tour de cette instruction. Lors de l’assemblée ayant pour thème ‘Appel à l’action’, organisée dans 247 villes américaines les 17 et 18 avril 1943, un ‘Cours pour le ministère théocratique’ fut annoncé et une démonstration de l’école fut présentée. À la surprise de tous, une brochure de 96 pages fut mise à la disposition des congressistes. Elle expliquait comment organiser cette nouvelle école dans chaque congrégation, et fournissait les matières des discours d’instruction hebdomadaires. L’instructeur désigné devait présider l’école et donner des conseils constructifs après chaque allocution de six minutes prononcée sur des sujets bibliques par les frères inscrits au cours.

      Si vous êtes inscrit à l’École du ministère théocratique, vraisemblablement vous avez eu peur quand il vous a fallu prononcer votre première allocution d’élève. Mettez-​vous à la place des élèves à l’époque où l’école venait d’être créée, au début des années quarante. Une première allocution d’élève pouvait alors être une véritable épreuve. C’est ce qu’avoue frère Julio Ramu, qui écrit : “Mes genoux et mes mains tremblaient, et je claquais des dents. Je n’ai pas tenu le coup pendant six minutes. En trois minutes, tout était fini. Voilà ma première expérience comme orateur. Mais je n’ai pas abandonné pour autant.” Frère Angelo Catanzaro relate que sa première allocution d’élève avait pour titre “Le Roi d’éternité”. Il dit : “Je ne l’oublierai jamais. Ma mère raconte que pendant plusieurs nuits je prononçais cette allocution à haute voix pendant que je dormais.” Mais les frères priaient Jéhovah et comptaient sur son aide. Sœur Louisa Warrington écrit de son côté : “Les frères étaient pleins de bonne volonté et faisaient de leur mieux. Il était merveilleux de voir comment l’esprit de Jéhovah les aidait (...) à devenir des orateurs capables et confiants.”

      Depuis 1959, les sœurs dans les congrégations du peuple de Dieu ont le privilège de se faire inscrire à l’École du ministère théocratique. Désormais elles pouvaient faire des démonstrations de six minutes, pour montrer comment présenter un sermon aux gens dans leur foyer. À présent elles connaissaient les mêmes émotions que les frères ! Sœur Grace Estep devait prononcer un sermon le premier soir où les sœurs participaient à l’École du ministère théocratique. Elle écrit : “Bien sûr, j’avais peur ! Mais le sujet était facile et je l’ai présenté tant bien que mal. C’était une épreuve pour moi, mais comme j’étais contente ensuite d’avoir connu cette nouvelle bénédiction de la part de Jéhovah !” Partagez-​vous ses sentiments ?

      Ainsi, l’École du ministère théocratique, qui fait partie de l’instruction chrétienne dispensée dans les 34 576 congrégations du peuple de Jéhovah du monde entier, eut ses débuts au Béthel de Brooklyn en février 1942. Depuis sa création, cette école a beaucoup aidé le peuple de Jéhovah. Grâce à elle, il y eut bientôt des orateurs capables. Après 1944, le phonographe, utilisé depuis dix ans, fut remplacé par le témoignage oral rendu par des prédicateurs théocratiques aux portes et dans les foyers.

      La lecture de la Parole de Dieu a toujours occupé une place de choix dans le programme de l’École du ministère théocratique. L’un des premiers manuels rédigés à l’intention de cette école s’intitulait “Équipé pour toute bonne œuvre” et fut publié en 1946. Sœur Mabel Philbrick a déclaré que ce livre “nous a permis de mieux comprendre comment la Bible fut rédigée et préservée, ainsi que l’origine des Apocryphes. C’est grâce à lui que j’ai appris ce que sont le Talmud, le texte massorétique et bien d’autres choses. Mais ce que j’ai apprécié le plus, c’était l’analyse qu’il présentait de chaque livre de la Bible”.

      Au cours des années, d’autres manuels ont été préparés pour l’École du ministère théocratique. Citons, entre autres, le livre grand format intitulé “Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile”, publié en 1963. Sans doute Alice Babcock exprime-​t-​elle l’avis de bien d’autres chrétiens lorsqu’elle qualifie ce livre de “véritable mine de trésors spirituels”. Ce manuel examinait en profondeur, lui aussi, chacun des soixante-six livres de la Bible, en mettant l’accent particulièrement sur l’utilité des livres bibliques pour les chrétiens de notre temps.

      Actuellement, les témoins d’expression anglaise emploient pour l’École du ministère théocratique et pour leur étude individuelle un ouvrage qui est le fruit de six années de recherches. Quelque deux cent cinquante frères dans plus de quatre-vingts pays ont participé à ces recherches, puis une équipe spéciale de rédacteurs a rassemblé tous ces matériaux au siège de la Société, à Brooklyn. Il en est résulté un ouvrage de 1 700 pages, traitant de sujets bibliques, d’“Aaron” à “Zuzim”. Ce livre, achevé en 1970, est intitulé Aid to Bible Understanding (Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible). Cet ouvrage a vraiment été un don de Jéhovah.

      UNE CAMPAGNE DE DISCOURS PUBLICS

      Déjà dans les années quarante, grâce à l’École du ministère théocratique, de nombreux frères étaient devenus capables de prononcer des discours publics. Aussi, en janvier 1945, une campagne de réunions publiques fut inaugurée dans le monde entier. Chaque orateur préparait son discours, mais la Société Watch Tower veillait à ce que les présentations soient uniformes en choisissant les sujets et en fournissant des plans d’une page pour ces discours d’une heure. Cette campagne de réunions publiques commença par une série de huit discours, dont le premier était intitulé “L’homme réussira-​t-​il à édifier un monde nouveau ?”

      Outre les orateurs, d’autres proclamateurs du Royaume prirent part à cette campagne. En effet, ils annonçaient les discours en distribuant des feuilles d’invitation dans les rues et de maison en maison. Parfois la diffusion des feuilles d’invitation était effectuée dans les rues commerçantes par des proclamateurs portant des pancartes. Souvent les discours étaient prononcés dans une Salle du Royaume, mais une série de conférences pouvait tout aussi bien être présentée dans une salle louée dans une région isolée du territoire de la congrégation. Si vous assistez régulièrement aux réunions chrétiennes, vous avez l’occasion de profiter de tels discours publics.

      Naturellement, au début, prononcer un discours public présentait quelques problèmes, car il s’agissait d’une activité nouvelle. Frère Pelle déclare : “Pendant bien des années, la veille du jour où je devais prononcer un discours public, je m’agenouillais à côté de mon lit pour demander à Jéhovah de me fortifier et de me rendre capable de faire un discours qui lui soit agréable. Je conseille aux jeunes frères inscrits à l’École du ministère théocratique de faire comme moi, car Jéhovah a toujours exaucé ma prière, et il fera de même pour eux.” — Ps. 65:2.

      JÉHOVAH PRÉVOIT UN TÉMOIGNAGE MONDIAL

      Il y a une trentaine d’années, les hommes se trouvaient au beau milieu de la Seconde Guerre mondiale. Pour certains, il pouvait sembler peu pratique de prendre des dispositions en vue de l’expansion internationale de la prédication du Royaume. Mais l’esprit de Jéhovah fortifia ses serviteurs, leur permettant d’aller de l’avant. Il était de toute première importance que l’instruction en vue de la vie se poursuive.

      En septembre 1942, frère Knorr et les autres directeurs de la Société Watch Tower décidèrent à l’unanimité d’ouvrir une école destinée à former des missionnaires pour l’activité ministérielle dans différents pays du monde. Où pouvaient-​ils l’installer ? La Société possédait une propriété dans la région des Finger Lakes, vers le nord de l’État de New York. Il s’agissait de la ferme du Royaume, près de South Lansing.

      La Société Watchtower y avait construit en 1941 un grand immeuble en brique de deux étages. Ce bâtiment avait été édifié comme lieu de refuge pour la famille du Béthel de Brooklyn, au cas où des persécutions intenses l’obligeraient à quitter New York. Mais cela n’avait pas été nécessaire. Peut-être Jéhovah dirigeait-​il cette affaire dès le début, dans un dessein bien déterminé. À présent, ce bâtiment pouvait abriter une nouvelle école théocratique. Elle fut d’abord appelée Galaad, collège biblique de la Watchtower, et plus tard Galaad, l’École biblique de la Watchtower.

      À partir d’octobre 1942, il y eut un grand déploiement d’activités. Frères Schroeder, Maxwell Friend et Eduardo Keller commencèrent à mettre sur pied les cours prévus par le collège central, à préparer leurs conférences, à se procurer des manuels et à réunir une bibliothèque. En même temps, les bâtiments de la ferme du Royaume durent être transformés en vue de l’aménagement d’une bibliothèque, d’une grande salle de conférences, de salles de classe, de chambres et d’autres installations nécessaires. Ce furent des mois d’une activité fébrile !

      Imaginez la surprise de certains pionniers lorsqu’ils reçurent des demandes d’admission à la nouvelle école, et l’émotion qu’ils ont dû ressentir quand leurs demandes furent acceptées ! Frère et sœur Charles Eisenhower écrivent : “Nous nous sentions très indignes, mais en même temps reconnaissants de ce privilège. Nos demandes d’admission ayant été acceptées, nous avons vendu notre voiture et notre caravane, et nous sommes arrivés à l’École de Galaad pour la première classe. L’école était nouvelle, les salles étaient flambant neuves et les instructeurs ainsi que les étudiants étaient tous nouveaux !”

      Le jour de l’inauguration si longtemps attendu arriva le lundi 1er février 1943. Les champs de la ferme du Royaume étaient recouverts de neige. C’était donc par une froide journée d’hiver. Mais à l’intérieur du bâtiment principal, quarante-neuf hommes et cinquante et une femmes, des couples et des célibataires, se réunirent avec joie. À cette occasion, certains des directeurs de la Société, les instructeurs, des amis et des parents s’étaient joints aux étudiants, ce qui faisait une assistance totale de 161 personnes.

      Des allocutions furent prononcées, entre autres par frères Franz et Van Amburgh. Frère Knorr prononça le discours de bienvenue et d’inauguration. Sans doute tous les assistants partageaient-​ils ses sentiments, lorsqu’il déclara : “Jéhovah Dieu a pourvu à ces terres et à cet édifice appelé ‘Galaad’, et cela pour la réalisation de son dessein. C’est vers lui que montent nos actions de grâces et nos louanges.” Indiscutablement, la création de cette école était un événement théocratique important.

      Recherches bibliques, le Ministère théocratique, Discours publics sur la Bible, la Loi suprême, Thèmes bibliques, — voilà quelques-uns des sujets auxquels les élèves devaient accorder toute leur attention pendant les cinq mois du cours. Ils devaient également étudier une langue étrangère, — l’espagnol dans la première classe. Les étudiants de Galaad avaient vraiment beaucoup de choses à apprendre, mais chaque jour ils passaient une partie de leur temps à s’occuper de certains travaux d’entretien de la ferme et des bâtiments de l’école. Cela les aidait à se détendre les nerfs. Chaque soirée de la semaine était réservée à l’étude individuelle, alors que les week-ends fournissaient l’occasion de participer à l’œuvre salutaire consistant à prêcher le Royaume. Tout comme les étudiants, les instructeurs participaient au service du champ.

      La Seconde Guerre mondiale faisait toujours rage lorsque les élèves des premières classes de Galaad reçurent leurs diplômes. Puisqu’il était pratiquement impossible d’envoyer des missionnaires en Europe, dans les îles du Pacifique ou en Asie, les premiers diplômés furent envoyés à Cuba, au Mexique, au Costa Rica, à Porto Rico, au Canada et en Alaska. Mais depuis, les missionnaires de Galaad sont allés jusqu’aux confins de la terre, afin d’annoncer, “en témoignage”, la bonne nouvelle du Royaume. — Mat. 24:14.

      La trente-cinquième classe de l’École de Galaad acheva ses études à la ferme du Royaume le 24 juillet 1960. La trente-sixième classe commença ses études le lundi 6 février 1961, dans un immeuble de la Société Watch Tower situé au 107 Columbia Heights, à Brooklyn. Le transfert de cette école au siège de la Société s’est avéré très profitable. En effet, à présent les élèves ont le privilège d’écouter des discours prononcés par un plus grand nombre de frères qui travaillent pour la Société, y compris des membres du collège central des témoins de Jéhovah.

      Trois décades se sont écoulées depuis la création de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Plus de 5 500 élèves ont suivi les cours de cette institution consacrée à l’instruction théocratique. Sur ce nombre, plus de 2 500 sont toujours actifs dans le service à plein temps, annonçant la bonne nouvelle du Royaume dans le monde entier.

      L’ÉCOLE DU MINISTÈRE DU ROYAUME

      Au cours des années, la Société a continué de mettre l’accent sur l’instruction théocratique en vue de la vie. En 1958 elle commença à préparer un cours pour une nouvelle école organisée à l’intention des surveillants. Sous le nom d’‘École du ministère du Royaume’, ce cours qui à l’origine durait vingt-quatre jours, comportait quatre-vingt-seize séances en classe et vingt conférences ou discours d’instruction. Les sujets étudiés étaient, entre autres, Les enseignements du Royaume, Le ministère dans le champ, L’art de parler et Les surveillants. Le premier groupe d’élèves de l’École du ministère du Royaume comprenait vingt-cinq personnes, des serviteurs (surveillants) de circonscription américains et leurs femmes qui n’avaient pas suivi les cours de Galaad. Ce premier cours, organisé dans les bâtiments de la Société près de South Lansing, commença le 9 mars et se termina le 3 avril 1959. L’école fut transférée au siège de Brooklyn le 9 avril 1967.

      Avec le temps, le programme de l’École du ministère du Royaume a été modifié, si bien que le cours dure actuellement deux semaines. Cette école a été organisée dans de nombreux pays un peu partout dans le monde et a grandement aidé le peuple de Jéhovah. Dans certains pays, les instructeurs se déplacent, présentant le cours dans les Salles du Royaume, pour permettre à un plus grand nombre d’aînés de profiter de l’école sans grand déplacement. Comme le peuple de Jéhovah est reconnaissant de l’excellente instruction dispensée de cette manière ! L’École du ministère du Royaume a grandement aidé les surveillants chrétiens à assumer leurs responsabilités et leurs privilèges.

      L’instruction théocratique en vue de la vie comporte un autre aspect intéressant qui mérite d’être mentionné. Au cours des années, certains de ceux qui ont cherché à se faire instruire dans la Bible étaient analphabètes. Or, la Société n’a pas méconnu ce problème. Dans bien des pays, l’organisation du peuple de Dieu a établi des classes d’alphabétisation, ce qui lui a valu les félicitations de plusieurs gouvernements. Des hommes et des femmes ont appris à lire et à écrire, et bon nombre d’entre eux ont progressé au point de jouir de grands privilèges de service, pour la plus grande gloire de Jéhovah.

      “ALLEZ DE L’AVANT !”

      En 1942, frère Knorr et ses collaborateurs se rendaient compte qu’une grande œuvre restait à accomplir. C’est pourquoi à l’Assemblée théocratique du monde nouveau organisée du 18 au 20 septembre 1942, il fut dit aux témoins de Jéhovah d’‘aller de l’avant !’ L’assemblée principale se tint à Cleveland, et elle fut reliée à cinquante et une autres villes des États-Unis.

      Frère Franz prononça le discours clé le vendredi soir 18 septembre 1942. Intitulé “La seule lumière”, ce discours, qui commentait Ésaïe, chapitres 49 et 60, pouvait se résumer ainsi : “Allez de l’avant !” Sœur Julia Wilcox écrit : “À la fin du discours clé intitulé ‘La seule lumière’, j’ai eu l’impression que personne dans l’auditoire ne pensait que le moment était venu de se relâcher. Non, il fallait ‘se lever et répandre la lumière’ ; le peuple de Dieu devait continuer de refléter la seule lumière qui existe dans les ténèbres du présent monde.”

      Après frère Franz, frère Knorr parla sur le sujet “Comment présenter ‘l’épée de l’esprit’”. Ses paroles d’ouverture étaient les suivantes : “Il y a encore du travail à faire, beaucoup de travail !”

      Le discours public prononcé le dimanche après-midi 20 septembre expliquait, lui aussi, qu’une œuvre restait à accomplir. Le sujet “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée ?” pouvait sembler étrange à une époque où les nations étaient en pleine Seconde Guerre mondiale.

      Frère Knorr se rendait compte que ce discours serait très important. Avec l’aide de Jéhovah, il était résolu à ‘mettre le paquet’. Frère Reusch révèle ce qui suit : “Je pouvais l’entendre répéter des dizaines de fois son discours public ‘La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée ?’ Ma chambre au Béthel se trouvait juste au-dessous de l’appartement du président. J’étais donc bien au courant des efforts qu’il faisait pour s’exercer.”

      Dans ce discours puissant d’une heure, la Société des Nations fut identifiée clairement à la créature politique de couleur écarlate mentionnée dans Révélation, chapitre 17. L’orateur a expliqué que la SDN, qui se trouvait alors dans l’abîme de l’inactivité, ‘n’était pas’, mais qu’elle ne resterait pas dans l’abîme (Rév. 17:8). Elle en sortirait. Knorr précisa : “Mais notez bien que d’après cette prophétie, lorsque la bête sortira de l’abîme à la fin de l’actuelle guerre mondiale, elle sortira ayant sur son dos la femme ‘Babylone’, ou bien celle-ci montera sur son dos dès que la bête sera sortie de l’abîme.” Il ajouta que ni la paix faite par les hommes ni la bête de couleur écarlate ne pourraient durer. Bientôt la bête elle-​même serait complètement anéantie.

      Se rappelant ce discours, sœur Marie Gibbard a déclaré : “Admirez la précision avec laquelle la prophétie de Révélation 17 s’est accomplie, conformément à l’explication selon laquelle la SDN sortirait de l’abîme pour établir une paix instable qui ne durerait pas ! Quelle protection merveilleuse pour nous ! Cela nous a évité d’être influencés par les événements mondiaux qui suivirent : l’allégresse que connut ce pays lors des victoires en Europe et au Japon, puis, en 1945, lorsque les Nations unies furent saluées comme la garantie d’une paix future ! Ce discours fit sur nous une impression durable et était d’une grande valeur pratique.” La leçon à en tirer était également claire. Les serviteurs de Jéhovah avaient encore du travail à faire, et ils avaient du temps devant eux pour l’accomplir.

      BERGERS DÉSIGNÉS POUR VISITER LE TROUPEAU

      À cette assemblée de 1942, il fut annoncé que des représentants de la Société Watch Tower visiteraient régulièrement les congrégations du peuple de Dieu. (Auparavant, elles étaient visitées par les serviteurs de zone, mais cette activité, celle des serviteurs régionaux et l’organisation d’assemblées de zone avaient été suspendues le 1er décembre 1941.) Les visites des nouveaux représentants itinérants de la Société devaient reprendre le 1er octobre 1942. Ces frères étaient désignés sous le nom de “serviteur des frères”, et ils déployaient une activité semblable à celle des surveillants de circonscription que nous connaissons aujourd’hui. Sœur Norris écrit à ce sujet : “Ils examinaient les écritures des congrégations et aidaient les frères à faire progresser les intérêts du Royaume. Cette disposition nous rendait conscients du fait que Jéhovah prend soin de son peuple par l’intermédiaire de son organisation.”

      À partir du 15 octobre 1946, ce service fut réorganisé. Le champ était divisé en circonscriptions, composées chacune d’une vingtaine de groupes (congrégations). Les surveillants itinérants devaient passer une semaine dans chaque congrégation, principalement pour aider les témoins dans la prédication de maison en maison. Deux fois par an, toutes les congrégations d’une même circonscription devaient se réunir pour une assemblée de trois jours, présidée par un “serviteur de district”. Au cours des années, d’autres modifications ont été apportées à ce service, et vous en bénéficiez encore aujourd’hui, si vous êtes témoin de Jéhovah. Mais remontons au début de ce service.

      Pour nous rendre compte des efforts fournis par ces courageux bergers du troupeau de Dieu, voyons comment le service de district s’accomplissait dans les années quarante. Vers la fin des années 1940, frère Nicholas Kovalak était l’un des quelques serviteurs de district aux États-Unis. Se souvenant d’octobre 1949, il écrit : “Ce mois-​là, j’ai parcouru avec ma voiture quelque 6 400 kilomètres !” Il ajoute : “Ce même mois, les week-ends j’ai desservi cinq assemblées de circonscription et j’ai visité plusieurs congrégations entre deux assemblées. Je voyageais, parlais, donnais témoignage, vérifiais les écritures, mangeais, étudiais, lisais et, de temps à autre, je dormais !” En une semaine il parcourut plus de 3 000 kilomètres pour visiter deux congrégations, et le week-end il desservit une assemblée de circonscription. Bien entendu, il ne devait pas toujours parcourir de telles distances. Frère Kovalak conclut en disant : “À présent qu’il y a davantage de congrégations, notre travail est plus facile. Jéhovah est bon pour nous, et il nous soutient.”

      Les surveillants de circonscription et de district s’intéressent vivement aux autres adorateurs de Jéhovah. Ils cherchent à les aider dans le service du champ et à les édifier spirituellement. Les assemblées de circonscription contribuent également à faire progresser les intérêts du Royaume. Pendant l’année de service écoulée, chaque semaine il y a eu en moyenne vingt assemblées de circonscription aux États-Unis, avec une assistance moyenne de 1 605 personnes. Au total, il y a eu durant l’année 1 064 assemblées de circonscription, avec 1 708 143 assistants.

      DES CHRÉTIENS PRENNENT POSITION POUR LA NEUTRALITÉ

      Lorsque la nouvelle administration de la Société Watch Tower commença au début des années quarante, la Seconde Guerre mondiale faisait rage et l’intégrité d’un certain nombre de chrétiens envers Jéhovah était mise à l’épreuve. En 1940, la Loi sur la formation et le service militaires entra en vigueur aux États-Unis, qui ne participaient pas encore à la guerre. Cette loi prévoyait le service militaire obligatoire pour les hommes âgés de plus de dix-huit ans, mais aussi l’exemption des “ministres du culte dûment ordonnés”, rangés dans la catégorie IV-D. Or, la majorité des témoins de Jéhovah ne furent pas reconnus comme ministres. Ils n’étaient pas séditieux, et ils ne faisaient rien pour gêner les entreprises militaires ou autres des gouvernements humains. Cependant, ils étaient résolus à respecter une stricte neutralité chrétienne (Jean 17:16). En outre, ils avaient ‘forgé leurs épées en socs de charrue’. — És. 2:2-4.

      Lors de plusieurs milliers de procès, les procureurs du gouvernement soutenaient que les témoins de Jéhovah devaient d’abord se laisser incorporer dans l’armée avant d’avoir recours aux tribunaux fédéraux. Ainsi, les chrétiens intègres furent emprisonnés, et bon nombre d’entre eux furent condamnés à la peine maximum de cinq ans de prison et à une amende de dix mille dollars. À ce sujet, il est intéressant de faire remarquer que lorsque frère Eugene Brandt et six autres témoins furent condamnés, le juge indiqua du doigt un drapeau suspendu au mur derrière lui, et frère Brandt se souvient qu’il déclara : “Voyez-​vous ce drapeau ? Eh bien, j’y vois la face de mon dieu, si bien que pour moi il n’y a pas d’inconvénient à l’adorer, et vous devriez avoir les mêmes sentiments.”

      ILS PROFITÈRENT DU TEMPS PASSÉ EN PRISON

      La première nuit passée derrière les barreaux a impressionné plus d’un frère. Le pionnier Daniel Sydlik (qui travaille actuellement au Béthel de Brooklyn) fut mis en prison en 1944 à cause de sa neutralité chrétienne. Il se souvient de s’être allongé sur sa couchette et d’avoir écouté les portes métalliques coulissantes “se fermer avec un bruit qui ressemblait au grondement du tonnerre”. Une à une les portes des cellules se fermaient ainsi, le bruit se rapprochant toujours plus de lui jusqu’à l’instant où la porte de sa propre cellule s’ébranla et se ferma à son tour. Il ajoute : “Soudain je me suis senti pris d’une nausée à la pensée que j’étais enfermé, pris au piège. Puis, aussitôt après, une autre sensation m’a envahi, me procurant une grande joie et la paix, le genre de paix dont parle la Bible, — ‘la paix de Dieu, qui surpasse toute pensée’.” — Phil. 4:7.

      Comme bien d’autres, frère Sydlik finit par être incarcéré dans une prison fédérale. Que faisaient ces chrétiens pendant qu’ils étaient emprisonnés à cause de leur neutralité ? Ils firent un bon emploi de leur temps. Dès qu’ils avaient achevé les tâches qui leur étaient assignées dans la prison, on leur permettait souvent de se réunir pour étudier la Bible et les imprimés de la Société Watch Tower. Ils profitèrent également de la situation pour améliorer leur instruction, par exemple en étudiant une langue étrangère telle que l’espagnol ou le grec. À propos des chrétiens détenus à Mill Point, en Virginie-Occidentale, frère Rudolph Sunal écrit : “Nous avons pu tenir notre étude de livre. (...) Dans chaque dortoir, les frères tenaient la réunion de service et l’École du ministère théocratique. (...) Le dimanche, nous tenions notre étude de La Tour de Garde à la bibliothèque. (...) Nous avons aussi eu le privilège d’organiser des assemblées miniatures. (...) Un été, on a mis à notre disposition le terrain de jeux, un piano et d’autres instruments, et nous avons pu présenter un programme très instructif.”

      Se rappelant le programme d’instruction chrétienne organisé en prison, frère Molohan déclare : “Nos études et nos réunions étaient si bien fréquentées et elles étaient tellement instructives que nous avons baptisé la prison de Leavenworth ‘le Collège’.”

      La Société Watch Tower se souciait de la santé spirituelle de ces jeunes hommes incarcérés. Aussi fit-​elle en sorte que certains ministres, tels que frère Macmillan et frère Sullivan, les visitent régulièrement. Pourquoi ? Pour leur donner des conseils et des encouragements bibliques.

      Qu’ils soient libres ou emprisonnés, les témoins de Jéhovah cherchent à accomplir leur mission consistant à faire des disciples (Mat. 28:19, 20). Certes, les occasions qui s’offraient à ces chrétiens incarcérés à cause de leur neutralité étaient limitées. Mais cela ne les faisait pas taire. Frère Molohan écrit : “J’ai profité d’une bonne occasion pour parler à Frank Ryden, un homme au cœur honnête condamné à la prison à vie, et il devint ma première ‘lettre de recommandation’. Il fut baptisé dans l’auge aux mulets de la prison.” — II Cor. 3:1-3.

      PÉTITION POUR UNE AMNISTIE

      Le 10 août 1946, une résolution importante fut adoptée à l’unanimité par plus de 60 000 délégués réunis à l’“Assemblée théocratique des nations joyeuses”, organisée à Cleveland. Cette résolution demandait au Président des États-Unis d’amnistier plus de 4 000 témoins condamnés et incarcérés injustement. Cette mesure de grâce rétablirait ces chrétiens neutres dans leurs droits civiques que les bureaux de recrutement et les tribunaux leur avaient refusés de 1940 à 1946.

      Frère Edgar Kennedy écrit : “À ma grande surprise, le président du congrès annonça que cette résolution réclamant une amnistie en faveur de ces hommes serait présentée personnellement au Président des États-Unis par un représentant de la Société. Étant donné que pendant la Première Guerre mondiale j’avais combattu comme officier aux côtés de Harry Truman, qui depuis était devenu Président des États-Unis, j’ai pensé qu’il serait utile de mentionner ce fait aux responsables du congrès.” Voilà pourquoi à midi trente, le vendredi 6 septembre 1946, l’avocat de la Société, un autre avocat et frère Kennedy, qui était pionnier, furent reçus par le président américain pendant quarante minutes environ. Selon frère Kennedy, Truman écouta attentivement pendant que l’avocat de la Société expliquait les arguments développés dans la résolution, jusqu’au moment où il demanda la grâce présidentielle. Kennedy se souvient qu’alors “Truman l’interrompit avec colère et lui dit : ‘Je n’ai rien à f... d’un propre à rien qui refuse de combattre pour son pays. De toute façon, je n’apprécie pas le manque de respect que vous témoignez au drapeau.’” Frère Kennedy poursuit son récit en disant :

      “Je comprenais que c’était maintenant le moment où je devais intervenir. Je me suis présenté comme l’officier qui avait approvisionné sa batterie en munitions pendant la guerre. J’ai sorti de mon porte-documents une photographie des officiers de notre régiment, et je l’ai posée sur son bureau. Il l’a regardée et m’a dit qu’il avait la même accrochée au mur de sa bibliothèque, au-dessus de son bureau. Je lui ai alors dit qu’il était plus difficile de combattre pour les principes chrétiens que de faire la guerre. J’ai expliqué brièvement les raisons pour lesquelles les témoins de Jéhovah ne font pas le salut au drapeau. Il m’a écouté, puis il a dit : ‘Je vois que je me suis trompé.’”

      Frère Kennedy dit qu’après cela le président écouta mieux l’avocat de la Société “quand il acheva sa demande pour que soient libérés les témoins de Jéhovah condamnés et détenus pour avoir violé la Loi sur le service militaire. Truman lui répondit qu’il en parlerait au Procureur fédéral”.

      Au bout d’un certain temps, le Président Truman désigna une commission d’amnistie. Elle examina des milliers de feuilles d’audience des tribunaux et de fiches établies par des bureaux de recrutement, et elle recommanda quelques mesures de grâce. Mais le 23 décembre 1947, Truman n’amnistia que 136 témoins de Jéhovah, alors que 1 523 personnes au total bénéficièrent de l’amnistie. Comparativement aux 4 300 témoins de Jéhovah détenus, les autres religions n’avaient que 1 000 de leurs adhérents incarcérés ; pourtant c’est à elles que le président accorda la part du lion dans cette amnistie. Ainsi, l’immense majorité de ces chrétiens neutres furent traités avec discrimination, simplement parce qu’ils étaient résolus à garder leur intégrité envers Jéhovah Dieu.

      LE COMBAT JURIDIQUE CONTINUE

      Le 4 février 1946, la Cour suprême des États-Unis examina les affaires Smith et Estep, et décida que les tribunaux et les cours d’appel avaient eu tort de refuser aux témoins de Jéhovah le droit à une audience impartiale et d’affirmer que ceux-ci devaient d’abord se laisser incorporer dans l’armée avant de pouvoir se défendre devant la justice. Le 23 décembre 1946, dans les affaires Gibson et Dodez, la Cour suprême élargit le sens de la loi, de manière à permettre que se défendent devant les tribunaux des témoins de Jéhovah accusés de ne pas s’être présentés dans un camp pour objecteurs de conscience ou de ne pas y être restés après l’appel.

      Les procureurs prétendaient que les pionniers n’avaient pas droit à l’exemption du service militaire parce qu’ils ne desservaient pas une congrégation fixe. Ils disaient également que les serviteurs de groupe (surveillants-présidents) ne pouvaient être exemptés parce que leurs congrégations n’étaient pas composées de laïcs mais de témoins de Jéhovah. Tous ces arguments furent réfutés dans l’affaire Dickinson, que la Cour suprême trancha en faveur des témoins de Jéhovah le 30 novembre 1953. Ces décisions firent jurisprudence dans tout le pays.

      FERMES DANS LA FOI MALGRÉ L’EMPRISONNEMENT

      En regardant trente ans en arrière, à l’époque où tant de chrétiens furent emprisonnés à cause de leur neutralité et de leur intégrité, on pourrait se demander ce que l’on ferait dans des circonstances analogues. Peu importe le prétexte invoqué par nos ennemis pour incarcérer le peuple de Dieu, avec l’aide de Jéhovah nous pourrons garder notre intégrité, à l’exemple de ces centaines de chrétiens qui souffrirent à cause de leur neutralité. En 1965, après sept années de détention dans les prisons de la Chine communiste, frère Stanley Jones parla devant plus de 34 700 personnes réunies au Yankee Stadium de New York. Pendant sa détention, il avait médité sur les Écritures, et il était resté spirituellement fort grâce à la prière et à l’aide de l’esprit de Jéhovah. Il émit, entre autres, cette pensée intéressante : “Nous n’aurons des tribulations que pendant ‘dix jours’. Autrement dit, elles auront un terme. Chaque chose prend fin à son heure. Il nous suffit donc d’endurer ; Dieu nous aidera à tenir bon.” — Rév. 2:10.

      Un autre missionnaire, Harold King, passa presque cinq années dans une prison de la Chine communiste. Lui aussi réussit à demeurer spirituellement fort. Saviez-​vous que pendant sa détention il a même mis des pensées bibliques en musique ? En effet, le recueil de cantiques utilisé aujourd’hui par les témoins de Jéhovah, intitulé “Chantant et vous accompagnant de musique dans votre cœur”, contient une mélodie composée par frère King en prison. Il s’agit du cantique No 10, portant le titre “De maison en maison”. Ne craignez donc pas pour l’avenir. Jéhovah peut vous soutenir, tout comme il soutint les chrétiens américains incarcérés à cause de leur neutralité, et bien d’autres hommes intègres, comme frères Jones et King, qui connurent les rigueurs des prisons de la Chine communiste.

      SECOURS MATÉRIEL

      Le 2 septembre 1945 amena la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les filiales de la Société Watch Tower rouvrirent bientôt leurs portes en nombre de pays. Les congrégations furent rétablies et la nourriture spirituelle commença à affluer en abondance. Cependant les chrétiens des pays ravagés par la guerre avaient besoin de secours matériels. C’est pourquoi, par amour pour les compagnons chrétiens dans la nécessité, le peuple de Jéhovah entreprit ce qui devait être une campagne de secours de deux ans et demi (Jean 13:34, 35). Les témoins des États-Unis, du Canada, de Suisse, de Suède et d’ailleurs donnèrent des vêtements et de l’argent pour faire des achats de vivres, en vue d’aider les chrétiens d’Autriche, de Belgique, de Bulgarie, de Tchécoslovaquie, du Danemark, d’Angleterre, de Finlande, de France, d’Allemagne, de Grèce, de Hongrie, d’Italie, des Pays-Bas, de Norvège, des Philippines, de Pologne et de Roumanie.

      “À la fin de la Seconde Guerre mondiale, racontent Hazelle et Helen Krull, nos frères sont revenus des camps. Beaucoup d’entre eux étaient malades ou avaient été spoliés de leurs biens matériels. Certains se trouvaient séparés de leurs familles et ignoraient si les leurs étaient encore en vie. Malgré cela, ils étaient tous très forts spirituellement. Leur retour à la liberté fut salué par les frères du monde entier. Ce qui les intéressa tout d’abord, ce fut de se réorganiser pour l’œuvre du Royaume, d’annoncer la même bonne nouvelle que celle qui leur avait valu l’emprisonnement et de mettre à jour leur connaissance spirituelle. À les voir tous remplis d’un pareil esprit, à l’issue de longues et terribles épreuves, cela nous encouragea tous et nous étions contents d’avoir le privilège de leur venir en aide dans toute la mesure de nos moyens. Dans les Salles du Royaume on rassemblait et on triait des vêtements, des chaussures et d’autres dons. Le tout était chargé sur des camions et expédié à nos frères. Des tonnes et des tonnes furent ainsi acheminées.”

      Le poids total des vêtements qui furent expédiés s’éleva à 480 tonnes. Le poids des vivres se monta à 326 tonnes. On envoya encore 124 110 paires de chaussures durant la campagne. Le tout représentait la somme de 1 322 406,90 dollars. Tous ces dons suscitèrent de nombreux témoignages de reconnaissance. Parlant d’un de ces témoignages, Esther Allen dit : “La lettre de remerciements nous fit monter les larmes aux yeux.” C’est ainsi que d’un côté nous acheminions les choses matérielles et que de l’autre nous venaient d’émouvants témoignages de gratitude et un encourageant récit d’intégrité.

      Au cours des années, les témoins de Jéhovah des États-Unis ont eu de nombreuses occasions de secourir matériellement leurs compagnons dans la foi, soit dans le pays même, soit dans d’autres pays. Par exemple, un tremblement de terre a dévasté le Pérou en 1970. Les congrégations de Lima recueillirent des vêtements, des vivres et de l’argent ; et sept tonnes de provisions furent transportées sans retard dans la région sinistrée. Les témoins de Jéhovah de New York donnèrent plus de dix tonnes de vêtements. C’était bien plus qu’il n’en fallait. D’autre part, la Société Watch Tower fournit à sa filiale 20 000 dollars, pour que cette dernière fût en mesure de faire tout le nécessaire pour les frères de la zone sinistrée. De même, on fit parvenir des secours après le séisme qui détruisit Managua (Nicaragua) en 1972. Tous ces témoignages d’amour rappellent la générosité dont firent preuve les chrétiens du premier siècle. — II Cor. 9:1-14.

      Cependant le secours apporté aux compagnons dans la foi ne consiste pas invariablement en des dons matériels. Saviez-​vous qu’en l’année 1961 les serviteurs de Jéhovah des États-Unis et d’autres pays ont écrit des milliers de lettres aux autorités espagnoles pour leur demander de bien vouloir accorder au peuple de Dieu de leur pays la liberté du culte ? Et en 1968, ils adressèrent des lettres aux autorités du Malawi pour protester contre les sévices dont étaient l’objet les témoins de Jéhovah en ce pays. Les serviteurs de Jéhovah se préoccupent avec amour de la situation de leurs frères en tous lieux.

      CONGRÈS HISTORIQUES QUI HONORENT VRAIMENT JÉHOVAH

      Les grands rassemblements du peuple de Dieu, ceux d’autrefois comme ceux d’aujourd’hui, ont apporté de grands bienfaits spirituels (Deut. 31:10-13 ; Néh. 8:8, 12). Cela s’est vérifié pour l’Assemblée théocratique des nations joyeuses que les témoins de Jéhovah tinrent à Cleveland du 4 au 11 août 1946, la première année d’après-guerre. Cette assemblée fut différente. Les années précédentes, on avait relié par radiotéléphone des congrès qui se tenaient en plusieurs villes et en divers pays, réunissant ainsi de vastes auditoires. Mais pour la première fois, lors de l’Assemblée des nations joyeuses, le peuple de Dieu eut un congrès international d’une telle ampleur qu’on put voir se rassembler en une seule ville des délégués venus de tous les coins du monde.

      Il fallait songer à l’hébergement des congressistes. Ce fut une tâche énorme. On en vint à bout en allant chercher des chambres chez l’habitant, de maison en maison. Mais nombre de congressistes furent logés au “camp des caravanes”. On dénombra vingt mille délégués qui vivaient là dans de bonnes conditions. Il fallait aussi songer à nourrir tout ce monde. On organisa une cafétéria qui servait entre 15 000 et 20 000 repas à l’heure.

      Mais ce qui comptait en tout premier lieu, c’était la nourriture spirituelle, qui fut servie en abondance. Par exemple, frère Franz parla sur le sujet “La moisson, la fin du monde”. Il était question dans son discours de la parabole du blé et de la mauvaise herbe ou ivraie (Mat. 13:24-30, 36-43). C’est à l’occasion de cette assemblée que frère Swingle développa le thème “Réveillez-vous !” Il décrivit le monde du vingtième siècle comme étant le monde de l’atome, de l’avion à réaction, du radar et de l’électronique, mais un monde qui courait à sa perte parce qu’il ne se tenait pas en éveil devant les défis auxquels doit faire face l’humanité. Frère Knorr, lui, développa le sujet “Réponse à l’appel qui nous réveille”. Il invita son auditoire à “être éveillé, à rester éveillé et à lire Réveillez-vous !” En effet, le nouveau périodique Réveillez-vous ! allait prendre la place de Consolation, journal connu naguère sous le titre de L’Âge d’Or. Bien des années plus tard, Henry Cantwell a pu dire : “Sans nul doute, Réveillez-vous ! s’est montré à la hauteur de sa mission, car le journal a aidé bien des personnes à se réveiller du sommeil et à se tourner vers la vraie adoration.”

      D’autres se souviendront encore de cette assemblée parce que c’est à cette occasion que parut un excellent instrument d’étude biblique, c’est-à-dire le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” En six ans plus de 10 500 000 exemplaires de la première édition étaient sortis des presses. Révisé le 1er avril 1952, le livre continua d’être diffusé et au début de 1971 on en avait édité au total 19 246 710 exemplaires en 54 langues. Parmi les ouvrages non rangés dans la catégorie des romans, “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” occupait alors la quatrième place sur la liste des livres les plus vendus du vingtième siècle.

      Le jeudi 8 août marqua l’assemblée de 1946. Frère Knorr parla sur le sujet “Les problèmes de la reconstruction et de l’expansion”. Se souvenant du discours, Edgar Clay, qui venait d’Angleterre, a écrit ceci par la suite : “J’ai eu le privilège de me trouver sur l’estrade, derrière l’orateur, et, pendant qu’il donnait un aperçu de l’œuvre et expliquait les plans d’agrandissement du Béthel et de l’imprimerie de Brooklyn, l’assistance ponctuait ses paroles par des applaudissements répétés. De l’estrade je ne pouvais distinguer aucun visage, mais je sentais toute la joie de l’auditoire.”

      COUP D’ŒIL SUR LA SCÈNE DU MONDE

      La reconstruction et l’expansion théocratiques étaient devenues nécessaires. C’était évident. C’est pourquoi, le 6 février 1947, soit six mois environ après l’Assemblée théocratique des nations joyeuses, le président de la Société, N. H. Knorr, et son secrétaire, M. G. Henschel, ont entrepris un tour du monde. D’après leurs observations au cours de ce voyage de 76 916 kilomètres, ils ont pu déterminer ce qu’il fallait faire pour renforcer et unifier l’organisation dans le monde entier.

      Ce voyage eut d’heureuses conséquences. En effet, à la suite de ce périple, des missionnaires de Galaad furent envoyés dans certains pays asiatiques et dans des îles du Pacifique. La Théocratie allait de l’avant !

      L’ACCROISSEMENT DE LA THÉOCRATIE

      Jéhovah peut ‘faire que le petit devienne un millier et celui qui est infime une nation puissante’. (És. 60:22.) Il a fait cela il y a des siècles, après avoir ramené de Babylone des Juifs exilés. De même, Dieu a délivré les Israélites spirituels qui étaient captifs de Babylone la Grande, l’empire mondial de la fausse religion. En outre, il leur a donné l’accroissement. En 1938, on avait dénombré dans le monde un maximum de 59 047 proclamateurs. Puis vinrent la guerre, les persécutions et, après ces événements, la reconstruction de l’organisation parmi le peuple de Dieu. Quel fut le résultat ? Eh bien, en 1949, les témoins chrétiens de Jéhovah étaient au nombre de 317 877! L’accroissement de la Théocratie était manifeste !

      Comme il était approprié, dès lors, que le peuple de Dieu se réunisse à l’occasion de l’Assemblée des témoins de Jéhovah pour l’accroissement de la Théocratie ! En voiture, en car, en train, en bateau, en avion, les témoins sont arrivés en foule à New York, au célèbre Yankee Stadium, pour un congrès international de huit jours, du 30 juillet au 6 août 1950. L’afflux de dix mille étrangers inquiéta le Service de l’immigration et de la naturalisation des États-Unis. On leur fit subir des tracasseries. Mais, par la suite, les délégués venus au congrès élevèrent une vigoureuse protestation.

      Comme lors du congrès international de Cleveland, en 1946, on avait organisé une grande cafétéria pour nourrir les congressistes. Que c’était impressionnant ! Selon le New York Times, voici ce qu’a déclaré un inspecteur du Service de la santé : “J’étais fasciné. Je n’avais encore rien vu qui fonctionne aussi parfaitement.”

      De nombreux délégués furent logés chez l’habitant ou dans des hôtels. Mais plus de 13 000 s’installèrent au camp des caravanes dans le New Jersey, camp qui avait été aménagé par les témoins de Jéhovah et qui se trouvait à 65 kilomètres de New York. Marie Greetham, qui s’en souvient, dit ceci : “Les frères de New York et du New Jersey ont travaillé de nombreuses semaines pour poser les conduites d’eau, le gaz, l’électricité et les installations sanitaires (...). Cette cité était reliée par fil au congrès de New York, de sorte que tout ce qui s’y disait était entendu dans le camp des caravanes.”

      Quand vint le mercredi 2 août 1950, le peuple de Jéhovah en général n’avait aucune idée de la merveilleuse bénédiction qui lui était réservée ce jour-​là, jour dont le thème était “Prêche la Parole”. Cet après-midi-​là frère Knorr développa le sujet “Comment donner aux peuples une langue pure”. (Soph. 3:9.) Entre autres choses il rappela qu’en 1902 la Société Watch Tower était entrée en possession d’une version des Écritures grecques chrétiennes connue sous le nom de Emphatic Diaglott, qui fut imprimée pour la première fois sur ses presses le 21 décembre 1926. Par la suite la Société imprima d’autres Bibles.

      Cependant cette session de l’assemblée de 1950 allait apporter quelque chose qui souleva l’enthousiasme. En cette occasion mémorable frère Knorr a eu le grand privilège d’annoncer la parution en anglais des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. Surpris et ravis, les 82 075 personnes qui se trouvaient au Yankee Stadium et au camp des caravanes saluèrent la parution de cette version par de longs applaudissements. Des dizaines de milliers d’exemplaires se trouvèrent bientôt entre les mains des auditeurs. Quelle joie pour tous !

      LES “PRINCES” SONT LÀ !

      Pendant des années le peuple de Jéhovah avait cru que les fidèles d’autrefois tels qu’Abraham, Joseph et David seraient ressuscités avant la fin du présent système de choses méchant. On appelait ces serviteurs de Dieu “anciens dignitaires”, “fidèles d’autrefois” et “les princes”. Le psalmiste avait dit : “Tes enfants prendront la place de tes pères ; tu les établiras comme princes sur toute la terre.” (Ps. 45:17 45:16, MN, Bible Crampon-Tricot). C’est pourquoi, quand le peuple de Dieu se rendait à un congrès, il était toujours plus ou moins dans l’expectative. Peut-être ce rassemblement serait-​il marqué par l’apparition d’un ou de plusieurs princes ressuscités.

      En gardant cela présent à l’esprit, joignez-​vous maintenant aux 82 601 congressistes qui écoutent attentivement frère Franz le samedi soir 5 août 1950. Arrivé à un certain point de son intéressant discours biblique, il pose cette question : “La présente assemblée internationale serait-​elle heureuse de savoir que ce soir et en ces lieux il y a parmi nous de futurs PRINCES DE LA NOUVELLE TERRE ?”

      Imaginez la surprise de l’auditoire. Voici quelques souvenirs encore très vivaces : “Je revois encore l’assemblée sursauter de stupéfaction. Nous nous sommes mis à regarder autour de nous, pleins d’espoir... David, Abraham, Daniel ou Job étaient-​ils là ? Beaucoup de sœurs avaient les larmes aux yeux.” (Grace Estep). “J’étais si émue que je me suis assise sur le bord de mon siège, les yeux rivés sur la cage des joueurs (sorte d’abri à ras du sol pour les joueurs de base-ball). J’étais certaine que d’un moment à l’autre allait en surgir un ou plusieurs de ces hommes d’autrefois.” (Sœur Dwight Kenyon). “Ceux qui se trouvaient dans les couloirs se précipitèrent vers les entrées pour regarder l’estrade, peut-être dans l’espoir de voir Abraham, David ou Moïse. L’assistance se leva, l’atmosphère se tendit. Je suis sûr que si à ce moment-​là un homme avec une longue barbe s’était avancé vers l’estrade, on n’aurait pu contenir la foule.” — L. E. Reusch.

      Puis il se fit un profond silence. Chacun tendait l’oreille pour ne rien perdre des paroles de l’orateur. Celui-ci expliqua le sens exact du mot hébreu traduit par “prince”. Il fit remarquer que de nos jours les “autres brebis” ont enduré des souffrances pour leur foi, tout comme les témoins de Jéhovah des temps passés. Donc, rien n’empêche le Christ de faire de ces “autres brebis” des “princes par toute la terre”. (Ps. 45:16 ; Jean 10:16.) C’est alors que l’orateur a conclu en ces termes : “Devant cette perspective enthousiasmante, oh ! conservons l’organisation théocratique et que Dieu continue à lui faire faire des progrès en tant que société du monde nouveau ! Ne regardons jamais en arrière vers la Sodome moderne, qui est promise à la destruction, mais avec foi regardons droit devant nous. Allons donc tous résolument de l’avant en tant que société du monde nouveau !”

      SIGNE DE L’ACCROISSEMENT DE LA THÉOCRATIE

      Le dimanche après-midi 6 août fut encore une journée remarquable pour les congressistes. Dans le Yankee Stadium se pressaient 87 195 personnes. On en dénombra 25 215 sur les trottoirs et dans les tentes avoisinantes. Au camp des caravanes il y avait 11 297 personnes.

      Il y eut donc au total 123 707 personnes qui écoutèrent le discours que prononça frère Knorr et qui avait pour sujet “Pouvez-​vous vivre à jamais dans le bonheur sur la terre ?” Dans ce discours émouvant et logique, l’orateur cita de nombreux versets à l’appui de ses paroles et démontra qu’il y a des personnes qui pourront vivre à jamais dans le bonheur sur la terre.

      RASSEMBLEMENT EN TANT QUE SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU

      En 1953 se produisit encore un événement remarquable qui devait faire date dans l’histoire de la Théocratie. Le peuple de Dieu attendait avec impatience la période du 19 au 26 juillet. Les serviteurs de Jéhovah vinrent de quatre-vingt-seize pays pour remplir par milliers le Yankee Stadium de New York. L’Assemblée de la société du monde nouveau, qui dura huit jours, fit voir au monde l’unité internationale qui règne parmi les témoins chrétiens de Jéhovah.

      Il a fallu héberger tout ce monde. On trouva des chambres chez l’habitant et dans les hôtels. Et 45 000 délégués allèrent s’installer à la “Cité des caravanes”, à 65 kilomètres du stade, près de New Market, dans le New Jersey. À propos, les stands de ravitaillement de la Cité des caravanes donnèrent à un fournisseur de l’endroit un témoignage silencieux sur l’honnêteté chrétienne (Héb. 13:18). Comme beaucoup de témoins, qui étaient volontaires, devaient quitter la Cité avant l’ouverture des stands et qu’ils ne revenaient qu’après la fermeture, ils se servaient eux-​mêmes et laissaient l’argent sur des plateaux. Frère Cantwell dit ceci : “Ce monsieur [le fournisseur] fut stupéfié en voyant cela et finit par dire : ‘M. Cantwell, je tiens à vous dire que vous ne pourriez faire cela dans mon église, car il n’est pas possible de faire confiance à ceux qui la fréquentent.’”

      Le caractère international du congrès se voyait encore dans les quatre-vingt-dix calicots tendus autour de l’enceinte du stade. Les délégués pouvaient y lire des salutations comme celles-ci : “Salaams du Liban, le pays des cèdres” et “Aloha chrétienne de Hawaii”. Le programme de chaque jour se déroulait selon un thème territorial, comme le “Jour de l’Amérique du Nord” et le “Jour des îles de l’Atlantique”.

      En harmonie avec le thème de l’assemblée, le 20 juillet frère Knorr prononça le discours “Vivons dès à présent comme une société d’un monde nouveau”. Se souvenant de cet après-midi-​là, voici ce qu’écrit frère Barber : “Comme des dizaines de milliers de congressistes étaient présents en tant que ‘société du monde nouveau’, c’était là une belle occasion pour faire dire à cette foule immense combien cette société était solidaire et unie.” Comment ? En lui faisant adopter une résolution qui déclarait que les témoins de Jéhovah étaient conscients du fait qu’ils constituaient une société d’un monde nouveau, une société unique et bien unie. La résolution fut adoptée à l’unanimité par les 125 040 personnes qui se trouvaient au stade, dans les tentes et à la Cité des caravanes.

      ON SONNE L’ALARME

      On n’allait certes pas oublier cette immense assemblée, ne serait-​ce qu’en raison d’un discours de frère Franz, discours que Webster Roe qualifie de “formidable”. À propos de cet exposé particulier, voici ce qu’écrit Roger Morgan : “Le discours qui m’impressionna le plus lors de l’assemblée de 1953 au Yankee Stadium, ce fut celui de frère Franz, sur le sujet ‘La Société du monde nouveau attaquée par l’extrême nord’.”

      En effet, on sonna l’alarme le jeudi soir 23 juillet 1953. Frère Franz, vice-président de la Société, décrivit ce soir-​là l’attaque prochaine que doit lancer contre le peuple de Dieu Gog de Magog et toutes ses hordes. Gog, personnage principal de la prophétie, fut identifié à Satan. Et, comme l’expliqua frère Franz, le pays de Magog est le lieu où se trouvent, depuis leur expulsion du ciel en 1918, les forces spirituelles méchantes, c’est-à-dire au voisinage de la terre (Rév. 12:7-9). Comme le montra l’orateur, la prospérité, l’unité et la sécurité que connaît actuellement le peuple de Jéhovah, tout cela amènera Gog et ses forces à passer à l’attaque. Combien les 112 700 auditeurs furent reconnaissants de recevoir l’avertissement et d’être invités à mettre leur confiance en Jéhovah et à proclamer la bonne nouvelle du Royaume de Jéhovah et de Christ !

      ÉMOUVANTE CLÔTURE DE L’ASSEMBLÉE

      Les délégués furent particulièrement émus le dimanche après-midi 26 juillet. En effet, le discours public de frère Knorr, “Après Harmaguédon, Dieu établira un monde nouveau”, rassembla au total 165 829 personnes (au stade, dans les tentes et dans la Cité des caravanes). Au stade seul on dénombra 91 562 assistants. Peu avant le discours, on ouvrit certaines portes et des milliers de gens purent aller s’asseoir sur la pelouse. Enfin, des milliers d’autres ont pu entendre l’exposé retransmis par la station WBBR.

      Puis ce fut la fin du discours et une brise se mit à souffler, qui rafraîchit un peu les milliers d’auditeurs qui étaient restés pour la session de clôture. S’appuyant sur le Psaume 145, frère Knorr fit encore un exposé d’une heure. Il souligna la nécessité de louer Jéhovah, de l’exalter comme Dieu, de le proclamer comme Souverain universel et de faire connaître sa royauté. Après le cantique “Chantez des louanges triomphales !” et la prière, se termina la plus grande assemblée chrétienne de l’époque.

      L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE LA VOLONTÉ DIVINE

      “Encore maintenant, quand on fait mention de l’année 1958, écrit Angelo Manera, les témoins de Jéhovah ont toujours présent à la mémoire un grand événement : le ‘grand congrès’, l’Assemblée internationale de la volonté divine. Quel congrès !” Ce rassemblement remarquable a réuni des délégués venus d’au moins 123 pays et îles. Alors que les relations internationales étaient tendues et qu’une guerre menaçait au Proche-Orient, le peuple de Jéhovah se réunit en paix et dans l’unité du 27 juillet au 3 août 1958 à New York, plus exactement au Yankee Stadium et aux Polo Grounds non loin de là.

      Pendant près de deux semaines avant le congrès, frère Knorr se réunit avec plus de quatre-vingts surveillants de filiale et leurs assistants. Ils parlèrent du nouveau livre qu’il avait préparé sur la façon de procéder dans les filiales, après avoir inspecté la plus grande des filiales, celle de Brooklyn, qui est chargée de l’œuvre aux États-Unis. Durant le congrès, d’autres réunions fort utiles eurent lieu avec ces hommes, ainsi qu’avec les missionnaires, les pionniers spéciaux, les surveillants de circonscription et les surveillants de district.

      Un événement se produisit le mercredi 30 juillet, événement qui fit écrire ceci à Ernest Jansma : “Je suis sûr que cet événement fera date dans les annales de l’histoire de la Théocratie.” En effet, rien de pareil ne s’était encore produit depuis la Pentecôte de l’an 33, quand, à Jérusalem, 3 000 nouveaux disciples de Jésus Christ se firent baptiser le même jour (Actes 2:41). Peu après le discours “Le baptême selon la volonté divine”, 7 136 personnes (2 937 hommes et 4 199 femmes) furent immergées au Orchard Beach, à quelques kilomètres de là, symbolisant leur offrande de soi à Jéhovah Dieu. Ce fut le plus grand baptême en masse en un même endroit.

      À l’occasion de ce grand rassemblement, le paradis terrestre, le paradis spirituel et le paradis céleste, oui, tous les trois furent examinés dans le discours “Maintenons notre paradis spirituel”, discours prononcé par frère Knorr. Après son exposé, l’orateur raconta que des missionnaires de la Thaïlande avaient demandé si la Société publierait un jour un ouvrage d’étude qui ne réfuterait pas les mensonges doctrinaux, mais qui se bornerait à exposer le véritable enseignement biblique. Pour répondre à leurs besoins et à ceux des chrétiens en tous lieux, annonça-​t-​il, la Société avait édité le nouveau livre Du paradis perdu au paradis reconquis. Écrit dans une langue simple et abondamment illustré, ce livre a réjoui jeunes et vieux. “Toute une génération d’enfants a grandi en feuilletant le livre Paradis, dit Grace Estep. Ils l’ont emporté avec eux aux réunions et ils l’ont aussi fait voir à leurs petits camarades de jeux, car ils savaient raconter toute une série d’histoires bibliques en s’aidant des images, et cela avant de savoir lire.”

      Le samedi 2 août fut le jour appelé “Que ta volonté soit faite”. Cet après-midi-​là, le président de la Société prononça un émouvant discours dont le sujet était précisément “Que ta volonté soit faite”. Après son exposé, il annonça aux 175 441 assistants la parution du nouveau livre “Que ta volonté soit faite sur la terre”. Tous les délégués n’avaient qu’une hâte, c’était de voir comment le nouvel ouvrage expliquait les prophéties, notamment celles du livre de Daniel.

      “QUEL TÉMOIGNAGE POUR JÉHOVAH !”

      Comment décrire tout ce qui s’est passé à l’Assemblée internationale de la volonté divine le dimanche 3 août ? “Quel témoignage pour Jéhovah !” Tel était le titre qui barrait une page d’un compte rendu sur le congrès. En effet, quel témoignage ! “Le dimanche fut un jour qu’aucun des assistants n’oubliera jamais, écrit Edgar Kennedy. Il fallait voir les gens arriver au Yankee Stadium pour écouter le discours public. D’où nous étions nous voyions affluer au stade un flot continu de personnes qui occupèrent tous les sièges puis envahirent la pelouse où elles s’assirent par groupes. Pour tous les spectateurs, ce fut là une magnifique manifestation de la ‘grande foule’, celle qui se joint au reste oint pour louer à ses côtés le nom de Jéhovah et pour faire la ‘volonté divine’. Tout comme cela se passait au Yankee Stadium, les Polo Grounds eux aussi étaient submergés par une foule immense. À 15 heures le silence se fit parmi ce plus d’un quart de millions de personnes, au moment où le président du congrès se leva pour présenter l’orateur, N. H. Knorr, président de la Société Watch Tower, et annoncer le sujet de son discours : ‘Le royaume de Dieu est entré dans son règne — La fin du monde est-​elle proche ?’”

      Cette foule immense se composait de 253 922 personnes ! À en juger d’après la grande assistance du vendredi, 60 000 personnes du public devaient se trouver dans l’auditoire. Pendant une heure, des multitudes entendirent l’orateur avancer les preuves bibliques qui attestent que le Royaume de Dieu domine depuis 1914 et que la fin du monde est proche.

      ON IMPRIME LA PAROLE DE DIEU

      Pour donner aux hommes l’instruction qui mène à la vie et pour faire progresser les intérêts du Royaume de Dieu, il fallait mettre à la disposition de tous le livre qui contient le thème du Royaume. Frère Knorr y songeait depuis des années. D’ailleurs, quand il travaillait à l’imprimerie de la Société, il avait depuis longtemps dans un tiroir de son bureau de quoi faire imprimer une Bible complète. Les circonstances n’ont pas permis de réaliser ce projet. Devenu président de la Société, frère Knorr ne tarda pas à faire de cette idée une réalité. D’autre part, il était également important de produire des Bibles à bas prix, pour que la Parole de Dieu soit à la portée de toutes les bourses.

      En 1942, à l’Assemblée théocratique du monde nouveau, celle que les témoins de Jéhovah avaient organisée à Cleveland, frère Knorr parla sur le sujet “Comment présenter ‘l’épée de l’esprit’”. Il déclara que la Bible est la plus grande arme offensive qui soit, l’“épée de l’esprit”. (Éph. 6:17.) Il sut exprimer ce que le peuple de Dieu pensait en général : “Ah ! si nous trouvions le texte que nous cherchons, nous pourrions tenir nos adversaires à distance, nous pourrions consoler les affligés, nous pourrions rendre simple ce qui nous paraît si clair. Si seulement nous avions une Bible avec ce qu’il faut pour nous aider à trouver rapidement les passages que nous cherchons !”

      C’est à l’occasion de cette assemblée qu’on présenta une nouvelle édition de la Bible du roi Jacques, la première Bible complète qui fût jamais sortie des presses de la Société Watch Tower. Pendant des mois, plus de 150 serviteurs de Jéhovah avaient travaillé à une concordance spécialement conçue pour aider le peuple de Dieu dans la prédication. Cette concordance se trouve à la fin de cette Bible qui, comme l’écrit James Filson, “vint à point nommé. Nous en avions besoin nous-​mêmes et nous en avions besoin pour la diffuser dans nos territoires (...). Nous étions contents d’avoir à notre disposition une bonne Bible qu’on pouvait laisser pour un dollar seulement. Encore de nos jours, c’est la seule Bible qui se trouve dans le foyer de bien des gens qui ne sont pas dans la vérité”.

      Frère Knorr songeait à autre chose encore. Il désirait que le nom de Jéhovah fût préservé dans toutes les langues. Or, il existait une version biblique qui utilisait le nom divin dans les Écritures hébraïques. C’était la Version standard américaine. La Société acheta le droit d’en utiliser les clichés et imprima cette Bible. Cette édition de la Watch Tower fut présentée aux congressistes de l’Assemblée théocratique des proclamateurs unis, celle qui s’est tenue en 1944. “Nous avons beaucoup utilisé cette Bible dans nos nouvelles visites et nos études bibliques”, écrit Edgar Kennedy.

      UNE NOUVELLE TRADUCTION DE LA BIBLE

      Depuis 1946 le président de la Société cherchait une traduction en langue moderne des Écritures grecques chrétiennes, une traduction qui fît encore mieux voir la vérité en rendant fidèlement le sens des textes originaux. Quand, le 2 août 1950, frère Knorr prit la parole devant une assistance de 82 075 personnes, lors de l’Assemblée internationale de l’accroissement de la Théocratie, il révéla que le 3 septembre 1949 s’était tenue au Béthel de Brooklyn une réunion des comités directeurs des associations de Pennsylvanie et de New York (un seul directeur était absent). C’est lors de cette réunion que le président annonça l’existence d’un “comité pour la traduction du monde nouveau”. Celui-ci venait d’achever une traduction des Écritures grecques chrétiennes et en avait remis le texte à la Watch Tower Bible and Tract Society, association de Pennsylvanie. Le personnel de l’imprimerie commença à travailler sur les premières pages du manuscrit le 29 septembre 1949.

      Cet après-midi-​là, le 2 août 1950, frère Knorr eut la grande joie d’annoncer aux congressistes saisis d’enthousiasme la parution en anglais des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau. Il ne s’agissait pas là de quelque révision d’une version parue antérieurement C’était une traduction entièrement nouvelle ! Le comité de traduction avait utilisé le célèbre texte de Westcott et Hort, tout en consultant d’autres recensions. On avait proscrit les mots archaïques. Autrement dit, c’était une Bible en langue moderne.

      Dans les pages de la nouvelle traduction le nom de “Jéhovah” paraît 237 fois. C’est là une de ses caractéristiques. Dans la préface le comité indique les raisons qui l’ont amené à faire figurer le nom divin dans le texte. La version est encore remarquable sous bien d’autres rapports.

      Avec le temps, la Traduction du monde nouveau exerça une profonde influence sur la langue du peuple de Jéhovah en général, qui utilisa le nouveau vocabulaire. Dès 1953, on se servit du mot “congrégation”, qui paraît dans la nouvelle version au lieu du terme “groupe” pour désigner un groupe rassemblé du peuple de Dieu. — Comp. Actes 20:17 ; Colossiens 4:15, Traduction du monde nouveau.

      Au fil des ans furent traduits les cinq volumes de la série Les Écritures hébraïques — Traduction du monde nouveau. On en annonça la parution à l’occasion de différentes assemblées du peuple de Dieu. En 1961, lors des assemblées de district des adorateurs unis, les témoins de Jéhovah eurent la grande joie de recevoir l’édition complète, en un seul volume, des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau. À l’époque, le nombre des proclamateurs du Royaume était passé à 965 169. Sans conteste, Jéhovah bénissait leurs efforts. Par son esprit saint, Dieu faisait croître les choses. — I Cor. 3:6, 7.

      LA BIBLE CONTINUE À SORTIR DES PRESSES

      Les serviteurs de Jéhovah ont toujours eu le désir de propager la Parole de Dieu dans le public. On a donc imprimé des Bibles de différents formats. Par exemple, en 1963, lors de l’Assemblée de la “bonne nouvelle éternelle”, a paru en anglais une édition format de poche des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau (édition révisée de 1961). Ensuite fut publiée l’édition primitive, reliée en un seul volume, avec chaînes, notes en bas de page et appendice. Mais imaginez la joie des congressistes italiens, néerlandais, français, allemands, portugais et espagnols quand ils reçurent, traduites dans leurs langues respectives, les Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau ! “Bravo ! Bravissimo !” s’exclama un délégué italien. Voici ce qu’a dit un congressiste allemand : “Quelle occasion pour les témoins de Jéhovah d’éveiller l’intérêt que les Allemands portaient jadis à la Bible !” Plus tard, la Traduction du monde nouveau complète a paru dans les langues précitées.

      En 1971, lors des assemblées de district dites “Le nom divin”, a paru l’édition anglaise grand format des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau (édition révisée de 1971). Pour ceux qui, dans leur étude des Écritures, désirent examiner de près le texte original, il y a un volume de 1 184 pages intitulé “Les Écritures grecques — Traduction interlinéaire du Royaume”. Cet ouvrage a été publié en 1969.

      Comme les serviteurs de Jéhovah ont le souci constant d’exalter son nom devant les hommes, ils ont encore imprimé une autre Bible. En 1972, la Société Watch Tower a édité La Bible en anglais vivant du défunt Steven Byington. Cette version rend invariablement le Tétragramme hébreu par “Jéhovah”.

      Depuis 1950 des millions d’exemplaires de la Traduction du monde nouveau sont répandus par toute la terre, dont un grand nombre en anglais. Elle fut donc la bienvenue, la Concordance complète des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau. Cette concordance, qui parut en 1973, contient 14 700 titres et environ 333 200 versets. De nombreux membres de la famille du Béthel de Brooklyn ont travaillé avec zèle pour la compiler, corriger les épreuves, etc. Cette concordance fait gagner beaucoup de temps dans la recherche des versets bibliques.

      Aujourd’hui, Les Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau, c’est-à-dire la Bible complète, existent en sept langues, et les Écritures grecques chrétiennes en une huitième langue. Par ailleurs, les Écritures grecques sont en train d’être traduites en quatre autres langues. Ces Bibles coûtent-​elles cher ? Non, l’édition anglaise courante de la Traduction du monde nouveau coûte un dollar l’exemplaire, et les traductions dans les six autres langues coûtent l’équivalent d’un dollar. Pourquoi un si bas prix ? C’est pour que les Saintes Écritures soient à la portée de toutes les bourses, pour que les cœurs honnêtes puissent la lire et l’accepter “non comme la parole des hommes, mais, ainsi qu’elle l’est réellement, comme la parole de Dieu”. — I Thess. 2:13.

      Plus de trois décennies se sont écoulées depuis qu’est sorti d’une des presses de la Société le premier exemplaire de l’édition Watch Tower de la Bible du roi Jacques. Dans l’intervalle, de nombreuses mains dévouées ont travaillé avec diligence pour faire parvenir au public des exemplaires de la Parole de Dieu en nombre croissant. Ainsi, de 1942 jusqu’à l’année de service 1974, 28 533 890 exemplaires des Écritures, complètes ou en partie, ont été produits par l’imprimerie de Brooklyn. Peut-être serez-​vous surpris d’apprendre qu’en 1974 quinze rotatives de la Société Watch Tower à Brooklyn ont tourné à plein temps pour imprimer des Bibles.

      Outre cette énorme production de Bibles, la Société a imprimé dans le même temps des millions d’auxiliaires bibliques. Toutes ces publications, — comme “Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile” et Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible, — ont aidé les serviteurs de Dieu à devenir des étudiants zélés des Écritures et des proclamateurs efficaces de la bonne nouvelle, et cela quelle que soit leur condition ou leur rang. Puisqu’il y a des personnes qui doutent de l’authenticité des Écritures, on s’est appliqué à démontrer que la Bible est bien d’origine divine. Signalons à ce propos le livre de 192 pages La Bible est-​elle vraiment la Parole de Dieu ? qui a été tiré à plus de 18 768 000 exemplaires, en 27 langues. Cet ouvrage, qui a paru en 1969, prouve que la Bible dit vrai et qu’elle n’a pas besoin du témoignage des archéologues, comme si elle était dans une position de faiblesse et avait besoin du soutien des “autorités” de ce monde. Au contraire, dans cet ouvrage, on se base sur la force de la Bible, sur son témoignage, sur sa logique et sur le fait que les Écritures résolvent de nombreuses questions qui sans cela resteraient sans réponse. “Ce livre a paru au moment où le clergé commençait à se montrer plus impudent dans ses efforts pour diffamer la Bible, écrit Webster Roe, et il a contribué à raffermir la foi chancelante d’un grand nombre, au point de les pousser à étudier sérieusement la Bible.”

      ‘QUE NOUS VIVIONS OU QUE NOUS MOURIONS, NOUS APPARTENONS À JÉHOVAH !’

      Les témoins de Jéhovah ne sont pas des colporteurs de la Parole de Dieu (II Cor. 2:17). Ce sont des personnes qui défendent la Bible et y croient. C’est pourquoi ils respectent la loi de Dieu sur le sang. D’ailleurs, ils sont connus dans le monde entier pour leur fidèle obéissance au décret divin qui interdit de consommer du sang ou de l’introduire dans son organisme pour en soutenir les forces vitales (Actes 15:28, 29). Même quand leur vie semble être en danger, les chrétiens disent, en substance : ‘Que nous vivions ou que nous mourions, nous appartenons à Jéhovah.’ — Rom. 14:7, 8.

      Le caractère sacré du sang a été souligné dans La Tour de Garde anglaise du 15 décembre 1927 (éd. française de mars 1928). Entre autres choses, l’article “Une cause de la vengeance de Dieu” disait ceci : “Dieu a dit à Noé qu’il pourrait se nourrir de toute créature vivante, à l’exception du sang, parce que la vie réside dans le sang.” Des années plus tard, La Tour de Garde (éd. anglaise du 1er décembre 1944) déclarait : “Non seulement comme descendant de Noé, mais aussi à présent comme quelqu’un qui était tenu d’obéir à la loi que Dieu avait donnée à Israël (...) il était interdit à l’étranger de manger ou de boire du sang, que ce soit par transfusion ou par voie buccale (Gen. 9:4 ; Lév. 17:10-14).” Dans les années qui suivirent, les choses devinrent encore plus claires.

      Dans son édition anglaise du 1er juillet 1945, La Tour de Garde précisait encore la position du chrétien sur la question du sang. Entre autres choses, le périodique disait que, bien que les transfusions sanguines remontent à l’époque des Égyptiens, le plus ancien cas qui soit rapporté est la vaine tentative qui fut faite pour sauver le pape Innocent VIII en 1492, opération qui coûta la vie à trois jeunes gens. Chose encore plus significative, le même numéro de La Tour de Garde expliquait que la loi sur le sang, celle que Dieu avait donnée à Noé, s’appliquait à toute l’humanité et que les chrétiens devaient s’abstenir du sang (Actes 15:28, 29). En résumé, La Tour de Garde disait :

      “Étant donné que le Dieu Très-Haut et Très-Saint a donné des instructions fort claires en ce qui concerne le sang, conformément à l’alliance éternelle conclue avec Noé et tous ses descendants ; étant donné que Dieu, en vue de donner la vie à l’humanité, n’a permis d’employer le sang que comme moyen de propitiation pour le péché ; et étant donné que la propitiation devait être faite sur son saint autel ou devant le propitiatoire, et non par l’introduction directe du sang dans l’organisme humain ; il faut en conséquence que tous les adorateurs de Jéhovah qui désirent acquérir la vie éternelle dans le monde nouveau de la justice respectent le caractère sacré du sang et se conforment aux justes prescriptions divines concernant cette question.”

      L’attitude du chrétien devant les transfusions sanguines avait donc été bien précisée. L’intégrité de Samuel Muscariello fut mise à l’épreuve sur cette question. Voici ce que nous raconte Blosco Muscariello : “Peu après sa sortie de prison [où l’avait conduit sa neutralité chrétienne], mon frère cadet Samuel fut atteint d’un mal dû à une intoxication urémique. Les médecins prescrivirent une opération, avec transfusions sanguines naturellement. Ils lui donnaient tout au plus deux ans à vivre au cas où il refuserait l’opération et la transfusion. Sam refusa. Cela se passait en 1947. (...) Outre la déclaration de La Tour de Garde [qui n’était pas passée inaperçue], les paroles de frère Sullivan qui venait nous voir en prison résonnaient encore dans nos oreilles (...) ‘il est mal d’accepter une transfusion’. Exactement deux ans plus tard, Sam fut emmené à l’hôpital ; il était mourant. Soumis à des pressions, je me suis rendu auprès de son lit et je lui ai dit : ‘Sam, ils veulent te faire une transfusion.’ Sous l’effet des piqûres, à demi conscient, il essaya pourtant de sortir de son lit [pour ne pas recevoir de transfusion ; il n’en a jamais reçue] ; (...) notre famille, endeuillée [par sa mort], fut cependant affermie par le courage de Sam qui resta intègre devant Jéhovah jusqu’à sa mort.”

      Quand arrivèrent les années 1950, il y eut litige à propos du refus des témoins de Jéhovah d’accepter la transfusion sanguine. Le 18 avril 1951, à Chicago, l’État s’adressa à la justice pour faire retirer un enfant à ses parents, ce qui permettrait aux médecins de lui faire une transfusion sanguine. D’après le diagnostic, la petite Cheryl Labrenz, âgée de six jours, souffrait d’une maladie rare (destruction des globules rouges). Selon les médecins, sans transfusion elle ne vivrait pas. Témoins chrétiens de Jéhovah, ses parents, Darrell et Rhoda Labrenz, considéraient que la transfusion sanguine est une violation de la loi divine. D’où leur refus. Ils se préoccupaient surtout de l’avenir de leur enfant, sachant que la vie éternelle n’est donnée qu’à ceux qui restent attachés aux lois divines. Mais sur un ordre du tribunal, on fit une transfusion à Cheryl, malgré les protestations des parents.

      L’affaire Labrenz ne fut que le premier chapitre de ce qui devait devenir une longue histoire. Cela fait maintenant plus de vingt ans que les témoins de Jéhovah attirent l’attention du public parce qu’ils respectent la loi divine sur le sang. Marie Greetham se souvient encore très bien de ce qui est arrivé à son frère, Dan Morgan. Atteint d’un cancer, il avait été congédié par trois fois d’un hôpital new-yorkais sur son refus d’accepter toute transfusion. Quand on l’y renvoya pour la quatrième fois, il refusa encore la transfusion. Sœur Greetham nous dit : “Cela s’est passé en août 1951 et Dan est mort en octobre 1951, à l’âge de cinquante-quatre ans. Dan était serein et heureux. Quatre jours avant sa mort, il expliqua à son autre sœur que très bientôt il fermerait ses yeux, mais qu’il était heureux. En effet, lui dit-​il, il avait été fidèle et sa récompense serait grande, car il appartenait au ‘petit troupeau’ des disciples du Christ.” — Luc 12:32 ; Rév. 2:10.

      Mais la mort est-​elle inéluctable quand on refuse la transfusion sanguine ? Non, évidemment. Considérons le cas de Gladys Bolton. Son médecin lui avait appris qu’elle avait un anévrisme à l’artère qui aboutissait à la rate. Il fallait donc enlever la rate. La sœur consentit à l’opération, mais sans transfusion. Surpris, le médecin écouta ses explications et nota qu’elle n’était pas contre les succédanés du sang. Il fut d’accord pour l’opérer sans transfusion. L’opération eut lieu le 21 mai 1959. Or, avant même qu’on ait pu procéder à l’ablation de la rate, la veine éclata et sœur Bolton perdit 70% de son sang. Les médecins et les infirmières qui se trouvaient dans la salle d’opération réclamaient tous du sang, mais son médecin tint parole. La sœur resta quinze jours sans reprendre conscience et trois semaines sous une tente à oxygène. De nombreuses complications étaient survenues, mais son médecin fut très attentif et petit à petit sœur Bolton se rétablit. Voici ce qu’elle nous écrit : “Un jour que nous étions seuls, il m’a dit : ‘Madame Bolton, n’abandonnez jamais votre Dieu Jéhovah. En effet, d’après toutes les règles de la médecine, vous devriez être morte à présent. Jamais personne n’a survécu à une telle hémorragie !’ ‘Docteur Davis, lui ai-​je répondu, je n’ai nullement l’intention de quitter Jéhovah, mais, comme l’enseignent les témoins de Jéhovah, il n’y a plus aujourd’hui de guérisons miraculeuses. Nous apprécions les bons médecins et les infirmières qualifiées, et vous avez tous travaillé dur pour me garder en vie. Cependant, comme nous avons obéi au commandement de Jéhovah relatif au sang, nous avons tous été bénis.’ Il eut l’air satisfait de ma réponse et me remercia.” Sœur Bolton est sortie de l’hôpital le 1er juillet 1959.

      Au cours de toutes ces années, Jéhovah n’a pas manqué de pourvoir amplement à tout ce dont peuvent avoir besoin ceux qui veulent obéir à la loi sur le sang. Parmi toutes ces choses susceptibles de nous aider figure la brochure de 64 pages Le sang, la médecine et la loi de Dieu, qui fut publiée en 1961. Vous en êtes-​vous servi pour parler de cette question vitale avec votre médecin ?

      LA PURETÉ DU VRAI CULTE EST SAUVEGARDÉE

      Les serviteurs de Dieu savent que pour garder la faveur divine il faut veiller à la pureté du culte (Jacq. 1:27). Ils doivent donc être purs moralement et spirituellement (És. 52:11 ; I Cor. 6:9-11). Tous ces points ont été soulignés dans des discours d’assemblée, dans des articles de La Tour de Garde et autres, et cela tout particulièrement au cours des dernières années, car le monde en général se dégrade de plus en plus.

      En 1951, les défenseurs du vrai culte ont appris quelque chose d’important à propos du terme “religion”. Certains d’entre eux se souvenaient encore de l’année 1938, au cours de laquelle il leur était arrivé de brandir la pancarte “La religion est un piège et une escroquerie”. D’après leurs vues de l’époque, toute “religion” était non chrétienne, donc issue du Diable. Mais dans La Tour de Garde du 15 mars 1951 il était expliqué qu’on pouvait utiliser les adjectifs “vrai” et “faux” à propos de la religion. D’autre part, le livre La religion a-​t-​elle servi l’humanité ? (publié en anglais en 1951 et présenté lors de l’assemblée de “l’adoration pure”, celle qui s’est tenue au Wembley Stadium de Londres) disait ceci : “D’après son acception, le mot ‘religion’ signifie ‘mode d’adoration, culte’, quel que soit ce culte, vrai ou faux. C’est sa plus simple définition, qui correspond, par ailleurs, avec celle de son équivalent hébreu abohdah, proprement ‘service’, quel que soit celui qui reçoit pareil service.” Par la suite, les expressions “fausse religion” et “vraie religion” furent communément employées chez les témoins de Jéhovah.

      Le peuple de Dieu était résolu à pratiquer la vraie religion et à se garder moralement et spirituellement pur pour le service de Jéhovah. Ce point fut particulièrement mis en relief dans La Tour de Garde du 1er mars 1952 (éd. française du 1er juillet 1952), qui contenait les importants articles que voici : “Garder l’organisation pure”, “L’exclusion est une mesure juste” et “Le péché qui rend le rétablissement impossible”. Le périodique montrait qu’il était juste d’expulser de la congrégation chrétienne tout membre baptisé qui péchait et ne se repentait pas (I Cor. 5:1-13). Si par la suite le pécheur se repentait, la réintégration était possible. — II Cor. 2:6-11.

      Ce n’était pas la première fois que La Tour de Garde parlait de l’exclusion des pécheurs qui ne se repentaient pas. Mais à partir de 1952 on souligna tout particulièrement la nécessité de maintenir la pureté spirituelle de la congrégation chrétienne. Avec les années, on devint aussi de plus en plus conscient du fait qu’il fallait user de miséricorde envers ceux qui se repentaient (Jacq. 2:13). Souvent, donc, les surveillants ont été à même de guérir spirituellement les égarés, avant que les choses en viennent au point où il aurait fallu procéder à l’exclusion. — Gal. 6:1.

      Les chrétiens ne fraternisent pas avec les exclus. Ils ne tolèrent pas la méchanceté dans leurs rangs. Mais qu’en est-​il si des exclus abandonnent leur mauvaise voie ? La réponse à cette question nous est donnée dans les articles “La miséricorde divine montre la voie du retour aux égarés” et “Gardons un point de vue équilibré sur les exclus”. Ces articles parurent dans La Tour de Garde anglaise du 1er août 1974 (éd. française du 15 novembre 1974) et montrent qu’on peut encourager ces exclus à revenir sur le chemin de la vie.

      Les discours aux assemblées ont joué leur rôle dans le combat pour la sauvegarde de la pureté de l’organisation. Par exemple, frère Reusch se souvient d’un discours de 1964 qui fut prononcé par frère Franz et qui avait pour sujet “Gardons la pureté et la chasteté de l’organisation des serviteurs publics”. Voici ce que dit frère Reusch : “L’orateur déclara qu’une jeune fille de mœurs faciles ressemble aux serviettes souillées qu’on voit dans les lavabos publics. C’était un langage direct. On appelait les choses par leur nom ; (...) cela venait à point nommé. C’étaient des conseils de sagesse destinés à nous préparer pour la débâcle des mœurs que nous voyons depuis lors.”

      Ce flot de conseils salutaires coule depuis des années. Spirituellement parlant, les publications ont montré au peuple de Jéhovah quel est le chemin qu’il faut suivre.

      LE TÉMOIGNAGE DU ROYAUME S’ÉTEND

      Pendant les années 1950, on redoubla d’efforts pour étendre l’œuvre consistant à annoncer le message du Royaume. En 1951 on fit un pas de plus en ce sens. Parlant devant une assemblée qui se tenait à Washington en octobre 1951, frère Knorr révéla que près de 50% des comtés des États-Unis (1 469 sur 3 062) n’étaient jamais visités ou ne recevaient qu’un témoignage partiel. Mais cela allait changer. Proclamateurs et pionniers étaient invités à visiter ces territoires en juin, juillet et août 1952. Cette proposition fut accueillie avec enthousiasme. Encore de nos jours on continue à visiter les territoires isolés.

      Lors des assemblées de district de 1957, assemblées dites de “La sagesse vivifiante”, on fit un autre pas important en vue de faire progresser le témoignage du Royaume. Voici ce qu’écrit Marie Gibbard : “C’est alors qu’on entendit pour la première fois l’expression ‘servir là où le besoin est grand’. Les familles pouvaient faire un service de missionnaire. C’était là une nouvelle conception du service et qui offrait des occasions d’activité aux individus et aux familles qui ne pouvaient recevoir la formation de l’École de Galaad pour entrer dans le service de missionnaire.”

      Beaucoup de chrétiens qui sont allés en certains endroits des États-Unis ou qui sont partis dans d’autres pays, en des lieux où le besoin en proclamateurs était plus grand que chez eux, ont eu la possibilité d’encourager et d’édifier des compagnons dans la foi, d’aider les nouveaux à acquérir la connaissance de la vérité et même de contribuer à la formation d’une congrégation.

      DE MEILLEURS PROCLAMATEURS DE LA BONNE NOUVELLE

      “Tout le monde devrait savoir prêcher la bonne nouvelle de maison en maison”, déclara frère Knorr, qui parlait de ce à quoi devraient tendre les chrétiens. Il prononça ces paroles le 22 juillet 1953, lors de l’assemblée internationale de la société du monde nouveau. Dans le passé, les témoins de Jéhovah utilisaient le phonographe et les cartes de témoignage pour annoncer la bonne nouvelle, mais cela ne se faisait plus. Cependant une formation était nécessaire. Quand il développa le sujet “L’œuvre principale de tous les serviteurs”, frère Knorr annonça un nouveau programme de formation pour l’activité de maison en maison. Les serviteurs (surveillants) de circonscription et de district auraient leur rôle à jouer dans ce programme, mais tous les serviteurs nommés dans les congrégations apporteraient leur concours, afin que chaque prédicateur du Royaume devienne un proclamateur régulier de la bonne nouvelle. Quand il visiterait une congrégation, le serviteur de circonscription choisirait des prédicateurs expérimentés pour que ceux-ci travaillent avec les nouveaux et les inexpérimentés dans le cadre du programme de formation. Cette disposition destinée à qualifier pour la prédication un plus grand nombre de témoins chrétiens fut mise en route le 1er septembre 1953.

      “Le programme de formation (...) fut une excellente chose, nous dit James Filson. On aida les timides à aller de l’avant. Quant à ceux qui croyaient qu’ils ne savaient faire qu’une seule chose, comme la diffusion des périodiques, on les aida à prendre part aux autres formes [du service de Dieu]. En s’efforçant d’aider les autres, beaucoup augmentèrent leur propre efficacité.”

      L’“ÉPÉE DE L’ESPRIT” MANIÉE AVEC COURAGE

      Les chrétiens doivent être à même de manier “l’épée de l’esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu”. (Éph. 6:17.) Sous ce rapport le programme de formation fut d’un grand secours. Par la suite parurent dans l’Informateur, puis dans Notre ministère du Royaume, des plans de sermons de trois à huit minutes pour l’activité de maison en maison et des plans de sermons de dix à quinze minutes pour les nouvelles visites. Plus tard, certains témoins constatèrent qu’il leur était plus facile ou plus commode d’utiliser des sermons basés sur un seul verset, tel que Ésaïe 2:4 ou Jean 17:3.

      Pour Walter Wissman, ces sermons pour l’activité de maison en maison et les nouvelles visites “marquèrent une étape dans nos progrès théocratiques”. De plus en plus le public identifiait le peuple de Dieu avec la Bible. Voici ce qu’écrit frère Cantwell : “Il ne fallut pas longtemps pour que de moins en moins on entende dire aux portes que les témoins de Jéhovah étaient des vendeurs de livres.”

      “Quels progrès nous avons faits dans notre service de maison en maison ! s’exclame Myrtle Strain. Plus besoin de tendre une carte à lire, plus besoin de faire tourner un disque ou d’entrer pour parler pendant une heure sur tout le dessein de Dieu. Nous avons tous appris à faire un bref sermon aux portes, un sermon basé sur un sujet bien précis, appuyé par deux ou trois versets appropriés. Nous pouvons utiliser beaucoup de sermons de courte durée, tous fondés sur des versets importants. De plus, nous essayons de dialoguer avec la personne.” Qu’ils acceptent ou non le message, les gens reçoivent ainsi le témoignage.

      UNE FAUSSE LUMIÈRE EST DÉMASQUÉE

      Tandis que les témoins de Jéhovah apprenaient à bien manier les Écritures aux portes, ils gardaient l’enthousiasme qui avait caractérisé leurs activités dans les années passées. C’est ainsi qu’en 1955 ils proclamèrent sans crainte un message qui démasquait une fausse lumière spirituelle.

      Le dimanche 3 avril 1955, un puissant message de jugement fut proclamé contre la chrétienté et, en fait, contre tout le système de la fausse religion. Par toute la terre, les orateurs chrétiens firent ce jour-​là un même discours public qui avait pour sujet “Qui est ‘La lumière du monde’, la chrétienté ou le christianisme ?” Des millions de personnes entendirent cet exposé.

      Les témoins de Jéhovah tenaient à ce que les hommes sachent que la chrétienté est une fausse lumière. Avec le temps, la Société Watch Tower imprima sous forme de brochure 22 000 000 d’exemplaires de ce message, en trente langues. Désireux de participer à la diffusion du message, des milliers de nouveaux proclamateurs prirent part au service pour la première fois en avril 1955. Ce mois-​là on dénombra dans le monde un maximum de 625 256 proclamateurs. Dans la seconde moitié de juillet 1955, on envoya des lettres et ces brochures aux ecclésiastiques et aux directeurs de journaux.

      “LA PAROLE” — QUI EST-​CE ?

      Les membres du clergé en général n’ont pas apprécié que l’on accuse la chrétienté de ne pas être la vraie lumière ; qu’à cela ne tienne, les témoins avaient encore d’autres messages à leur adresser. De nombreux ecclésiastiques niaient l’inspiration divine des Saintes Écritures. D’autres, tout en prétendant accepter la Bible, enseignaient des doctrines déshonorantes pour Dieu. Au nombre de ces faux enseignements figure la trinité. À ce propos, à la fin de 1962, les témoins de Jéhovah adressèrent un message aux membres du clergé. Qu’il fût à leur convenance importait peu.

      Ce message fut présenté sous la forme d’une brochure de 64 pages intitulée “‘La Parole’ — Qui est-​ce, selon Jean ?” Il condamnait la trinité comme étant une fausse doctrine. Cette brochure fit l’objet d’une diffusion spéciale en novembre 1962. Les proclamateurs du Royaume la présentèrent de maison en maison, mais ils en envoyèrent également un exemplaire par la poste aux membres du clergé catholique et protestant, accompagné d’une lettre rédigée par la Société Watchtower. Ainsi, un très grand témoignage fut donné, et on expliqua que la “Parole” selon Jean 1:1 n’est pas Dieu, mais Jésus Christ, le Fils de Dieu, durant son existence préhumaine.

      UNE CHAÎNE D’ASSEMBLÉES

      Les assemblées organisées régulièrement par le peuple de Dieu lui ont donné dans une grande mesure le courage de prêcher. Certaines assemblées se sont différenciées des autres, en ce sens qu’elles formaient une chaîne, parfois même autour du monde, et que des délégués se déplaçaient d’un congrès à l’autre. Ces rassemblements ont vraiment eu un pouvoir unificateur. Certes, les chrétiens lisent bien des rapports sur la prédication et les activités de leurs compagnons de service d’autres pays, mais les rencontrer et passer un moment avec eux, — même s’ils parlent une langue différente, — est sans aucun doute une expérience très enrichissante. Même si les serviteurs de Dieu ne peuvent communiquer entre eux à cause de la barrière qu’est la langue, lorsqu’ils se rassemblent ils parlent en fait une seule et même langue, la “langue pure” de la vérité que Dieu a généreusement donnée à tous les hommes qui l’aiment. — Soph. 3:9.

      En 1955, une chaîne d’assemblées ayant pour thème “Le Royaume triomphant” a été organisée. Ce fut une réussite. En l’espace de dix semaines, treize assemblées se sont tenues aux États-Unis et ailleurs ; à cette occasion, de nombreux délégués se sont déplacés d’un congrès à l’autre. Un journal a dit que c’était “probablement le plus important mouvement en masse d’Américains à travers l’Europe depuis l’invasion des alliés durant la Seconde Guerre mondiale”.

      La Société Watch Tower avait affrété quarante-deux avions et deux paquebots (l’Arosa Kulm et l’Arosa Star). Ces bateaux étaient en fait des salles d’assemblée flottantes, où des programmes édifiants sur le plan spirituel étaient présentés chaque jour aux passagers.

      En Europe, une assemblée tenue au stade Zeppelin, à Nuremberg, a réuni 107 423 personnes. James Woodworth dit : “Ici, en Amérique, nous étions heureux d’apprendre que là même où Hitler avait juré ‘d’anéantir’ les témoins de Jéhovah, ces chrétiens avaient organisé la plus grande de leurs assemblées ‘Le Royaume triomphant’. Quant à Hitler, où était-​il ?”

      DES ASSEMBLÉES AUTOUR DU MONDE

      Du 30 juin au 8 septembre 1963, les témoins de Jéhovah ont tenu vingt-quatre assemblées autour du monde ; la première eut lieu à Milwaukee, dans le Wisconsin, et la dernière à Pasadena, en Californie. Ces assemblées marquantes avaient pour thème “La bonne nouvelle éternelle”. En tout, 583 délégués ont fait le tour de la terre. Empruntant des chemins quelque peu différents, les voyageurs se sont assemblés avec leurs nombreux compagnons de service à Londres, Stockholm, Munich, Jérusalem, New Delhi, Rangoon, Bangkok, Singapour, Melbourne, Hong-Kong, Manille, Séoul et Honolulu.

      Les nombreux délégués venus à l’assemblée de Londres ont visité le British Museum. Entre autres choses, ils ont vu la chronique de Nabonide, qui permet de fixer à 539 avant notre ère la date de la chute de Babylone. Un foie en argile, utilisé dans la religion babylonienne en rapport avec l’art divinatoire, a également retenu leur attention. — Ézéch. 21:21.

      Les congressistes qui se sont rendus dans les pays bibliques ont visité de nombreux sites mentionnés dans les Écritures. Les célèbres cèdres du Liban, les plaines de Moab et la vallée de Hinnom leur ont fait mieux apprécier la Parole de Dieu.

      Lorsque les délégués sont arrivés en Extrême-Orient, ils ont constaté, là comme ailleurs, les effets de l’influence de la religion babylonienne. Au Wat Po de Bangkok, en Thaïlande, ils ont vu un emblème phallique devant lequel les femmes stériles prient dans l’espoir d’avoir des enfants. Les fresques murales du sanctuaire bouddhiste Wat Sakhet, également à Bangkok, représentent le nirvana et les tourments de l’enfer. Les similitudes qui existent entre l’enfer de Dante et ces représentations prouvent incontestablement l’origine commune des deux conceptions religieuses.

      Ces aspects du faux culte ont donné plus de poids encore au discours “L’exécution du jugement divin sur la fausse religion”, qui a transporté les congressistes par la pensée dans l’ancienne Babel (Babylone). Lorsque Dieu a confondu le langage des bâtisseurs de la tour de Babel, ces derniers se sont dispersés dans d’autres pays, emportant avec eux leur religion impure qu’ils pratiquèrent alors en utilisant diverses langues ; c’est ainsi qu’un empire mondial de la fausse religion vit le jour. Comme cet empire a pris naissance à Babylone, le livre biblique de la Révélation (18:2) l’appelle “Babylone la Grande”. À la fin de ce discours stimulant, les congressistes ont reçu un nouveau livre en langue anglaise de 704 pages intitulé “Babylone la Grande est tombée !” Le Royaume de Dieu a commencé son règne ! Il s’agissait en fait de deux livres réunis en un seul ; la première partie décrit les relations entre le peuple de Jéhovah et l’antique Babylone, et la seconde comprend une analyse verset par verset des chapitres 14 à 22 du livre de la Révélation Rév 14-22.

      DES FILMS AIDENT À FAIRE DES DISCIPLES

      Quelques mois après l’assemblée, la Société a sorti un film qui incitait à la réflexion. Après la projection de ce film de deux heures intitulé “La proclamation de ‘la bonne nouvelle’ autour du monde”, on entendait des réflexions du genre de celles-ci : “Ce film est puissant”, “Il donne à réfléchir”, “Il est révélateur”, ou encore : “C’est renversant.” Ce film présente les assemblées de “La bonne nouvelle éternelle” organisées autour du monde en 1963, à l’occasion desquelles 580 509 personnes sont venues écouter la conférence publique intitulée “Quand Dieu sera Roi sur toute la terre”. Il ne s’agit toutefois pas d’une projection décrivant un voyage ; ce film montre plutôt comment une ville maintenant en ruines affecte encore la vie de millions de gens. De la Babylone antique sont sortis des symboles et des cérémonies qui ont influencé le mode de vie de presque tous les habitants de la terre, d’où la nécessité d’abandonner Babylone la Grande. Ce film donne également une idée de l’amour chaleureux manifesté par les chrétiens dans leurs assemblées. Les spectateurs se rendent ainsi compte qu’il existe une organisation à laquelle se rattacher une fois que l’on est sorti de Babylone la Grande. Par conséquent, les amis de la justice sont encouragés à quitter l’empire mondial de la fausse religion et à fréquenter les adorateurs de Jéhovah. — Rév. 18:4, 5.

      En 1963, cela faisait déjà dix ans que la Société Watch Tower utilisait la technique moderne du cinéma pour faire des disciples. En effet, après l’assemblée internationale de 1953, elle avait sorti le film instructif “La Société du Monde Nouveau en action”. C’était son premier film depuis le “Photo-Drame”, créé quarante ans auparavant. Ce film d’une heure vingt minutes se révéla être un puissant instrument pour faire connaître aux spectateurs la remarquable organisation terrestre de Dieu, entre autres choses tout le travail accompli par la famille du Béthel de Brooklyn, l’activité déployée par les témoins de Jéhovah en général, leurs grands congrès et la façon harmonieuse et efficace dont la société du monde nouveau fonctionne. Frère Cantwell dit : “Ce fut un instrument remarquable pour aider les personnes bien disposées à se rendre compte de l’importance de l’organisation.”

      Les films “Le bonheur de la société du Monde Nouveau” et “L’assemblée internationale des témoins de Jéhovah — La volonté divine” ont été montés et projetés par la Société après les grands congrès de 1955 et de 1958. Les serviteurs de Jéhovah se sont également servis du cinéma pour lutter contre la philosophie selon laquelle “Dieu est mort”. En 1966, la Société Watch Tower a sorti le film en couleurs parsemé de vues fixes “Dieu ne peut mentir”. Il affermissait la foi, prouvant que Dieu est vivant et qu’il accomplit son dessein à l’égard de l’homme et de la terre. Il aidait également les assistants à se faire une idée des principaux événements cités dans la Bible et à en connaître la signification pour notre temps. Un spectateur a fait ce commentaire après la projection : “J’ai apprécié ce film particulièrement parce qu’il prouve, au moyen d’événements historiques qui sont la réalisation de prophéties bibliques, que ‘Dieu ne peut mentir’. Par exemple, les ruines de différents sites de l’antiquité subsistent pour attester que Dieu n’a pas menti. En les voyant, j’ai acquis la ferme conviction que Dieu ne mentira pas à propos des événements qu’il a annoncés pour notre époque et pour les temps à venir.”

      Le film “Héritage”, également produit par la Société Watch Tower en 1966, mettait l’accent sur les tentations subies par les jeunes gens aujourd’hui. Selon Angelo Manera junior, il montrait “les activités auxquelles se livrent les jeunes gens de la société du monde nouveau et la façon dont ils surmontent ces tentations pour se conduire en chrétiens”. Contrairement aux autres films produits par la Société, celui-ci était parlant, et de nombreuses chaînes de télévision l’ont inclus dans leur programme. Ainsi, des milliers de gens l’ont vu dans leur foyer. Le film “Héritage” a aussi été présenté dans les assemblées de circonscription et à l’occasion d’autres réunions publiques.

      Depuis quelques années, les surveillants de circonscription présentent une projection de diapositives lorsqu’ils visitent les congrégations du peuple de Dieu. La première de ces projections eut lieu en septembre 1970 et avait pour thème “Une visite au siège mondial des témoins de Jéhovah”. Son but était de faire connaître l’organisation de Dieu en vue d’inciter les spectateurs à l’action. Une autre projection était intitulée “Examinons de plus près les Églises” ; elle montrait que les Églises de la chrétienté ne sont pas pour les personnes qui aiment la vérité et la justice. Ces diapositives suscitaient non seulement le désir de se retirer de l’empire mondial de la fausse religion, mais encore celui d’aider d’autres personnes à fuir de Babylone la Grande. Ce sont là quelques-unes des projections présentées par les surveillants de circonscription dans le but de répandre l’enseignement de la Bible.

      DU NOUVEAU DANS LES ASSEMBLÉES DE DISTRICT

      “Écoutez les paroles de Daniel pour notre époque.” Vous souvenez-​vous de cette partie du programme des assemblées de district de 1966 dont le thème était “Fils de Dieu, fils de la liberté” ? Tandis que les assistants écoutaient attentivement le discours, les “voix” de Daniel, des trois fidèles Hébreux et même des anges se sont tout à coup fait entendre. Puis, il y a eu de la musique, et on a demandé pour la dernière fois aux trois Hébreux de se prosterner devant l’image d’or dressée par Nébucadnezzar dans la plaine de Dura. Mais ces hommes sont demeurés intègres et ont refusé de se prosterner, et Jéhovah les a délivrés. — Dan. Chap. 3.

      C’était là une façon nouvelle d’enseigner la Bible. Les assistants étaient transportés dans l’antique Babylonie. Un frisson les a encore parcourus lorsqu’ils ont assisté à la représentation intitulée “L’endurance de Jérémie est nécessaire à notre époque”. Vraiment, les congressistes ont “vu” l’endurance de Jérémie ; par le truchement des acteurs en costume d’époque et au moyen d’effets sonores, ils ont vécu le drame de ce prophète hébreu de l’antiquité. Tous ont davantage pris conscience des épreuves endurées par Jérémie — lorsqu’il s’est tenu seul devant une foule déchaînée qui réclamait sa mort — et de sa fidélité. Cela ne soulignait-​il pas l’importance pour les adorateurs de Jéhovah de se confier entièrement en leur Dieu ? Grâce à cette représentation, les assistants ont mieux compris la nécessité de persévérer dans le service de Dieu, même face à la mort.

      Ainsi, l’année 1966 a inauguré une nouvelle méthode d’enseignement dans les assemblées du peuple de Dieu. Depuis cette date, les scènes bibliques qui ont été interprétées au fil des années ont marqué les grandes assemblées organisées par les témoins. La plupart du temps, ces représentations avaient été interprétées au préalable par les élèves de l’École de Galaad, à l’occasion de la remise des diplômes.

      Parlant des bienfaits de ces programmes, James Filson dit : “Je pense que les représentations dramatiques nous ont beaucoup aidés à comprendre les leçons et les conseils renfermés dans les Écritures.” En fait, ces scènes bibliques ont incité certains chrétiens à confesser une faute et à demander de l’aide sur le plan spirituel. — Prov. 28:13 ; Jacq. 5:13-20.

      LES TÉMOINS SOUTIENNENT EXCLUSIVEMENT LE ROYAUME DE DIEU

      Les témoins chrétiens de Jéhovah ont promis fidélité au Royaume de Dieu et ils n’ont jamais manqué à leur promesse. Si vous le voulez bien, revenons vingt-cinq années en arrière, à la “Journée de l’attachement théocratique”, le 1er août 1950, lors de “L’assemblée pour l’accroissement de la théocratie”. Dans son discours intitulé “L’accroissement de son gouvernement”, frère Knorr a présenté de nombreuses preuves réfutant les accusations des chefs religieux qui prétendaient que les témoins de Jéhovah soutenaient le communisme. En fait, non seulement le gouvernement des États-Unis s’est refusé à les inscrire sur la liste des éléments subversifs et des sympathisants communistes, mais les écrits publiés par la Société Watch Tower depuis 1879 prouvent sans conteste que les serviteurs de Jéhovah sont contre le communisme. Frère Knorr a nettement montré que ce n’est pas le vrai christianisme, mais la chrétienté hypocrite qui prépare la voie au communisme athée et favorise son expansion. Après ce discours, le président de la Société a proposé l’adoption d’une résolution contre le communisme qui a été accueillie favorablement et avec enthousiasme par 84 950 congressistes.

      Quelques années plus tard, de juin 1956 à février 1957, les témoins de Jéhovah ont tenu 199 assemblées, à l’occasion desquelles une pétition a été adoptée à l’unanimité par 462 936 personnes. Les responsables de chaque assemblée ont adressé cette réclamation écrite à Nikolaï Boulganine, alors premier ministre de la Russie soviétique. La pétition décrivait les mauvais traitements infligés aux témoins de Jéhovah en Russie et en Sibérie ; elle demandait que soient libérés les témoins emprisonnés, qu’on leur permette d’entretenir des rapports normaux avec leur collège central et de publier et d’importer des imprimés bibliques. La pétition décrivait ensuite l’œuvre de prédication du Royaume qu’effectuent les témoins et déclarait que ceux-ci n’avaient ni intérêt ni attache politique. Pour conclure, elle proposait une discussion entre certains représentants de la Société Watch Tower et ceux du gouvernement soviétique. Elle suggérait qu’une délégation de témoins de Jéhovah soit autorisée à se rendre à Moscou dans ce but et pour visiter les divers camps où des témoins étaient incarcérés.

      Le 1er mars 1957, les sept directeurs de la Société Watch Tower ont signé en commun cette pétition et l’ont envoyée au gouvernement soviétique. Les communistes n’y ont jamais répondu et n’en ont même pas accusé réception. Néanmoins, les témoins de Jéhovah en Russie continuent de prêcher avec zèle la Parole de Dieu, car ils soutiennent le Royaume de Jéhovah et aucun autre gouvernement.

      Mais les témoins de Jéhovah ne se sont pas contentés d’annoncer courageusement le Royaume de Dieu, ils ont aussi attiré l’attention sur l’échec du clergé de la chrétienté sous ce rapport. C’est pourquoi ils ont adopté une très importante résolution le vendredi 1er août 1958, à l’occasion de l’assemblée internationale de “La volonté divine”. Les congressistes avaient été invités à ne pas manquer la session de l’après-midi, si bien que 194 418 y étaient présents. Ils ont écouté attentivement le discours intitulé “Pourquoi cette assemblée a adopté une résolution”, prononcé par frère Franz, vice-président de la Société. Frère Knorr a pris ensuite la parole pour présenter avec enthousiasme une résolution qui condamnait le clergé de la chrétienté comme étant la classe la plus répréhensible de la terre. Cette résolution réaffirmait également les principes théocratiques du peuple de Jéhovah, proclamant sans honte que le Royaume de Dieu et de Christ est le seul moyen de salut et que les témoins sont déterminés à prêcher sans relâche ce Royaume dans l’amour, la paix et l’unité, jusqu’à ce que Jéhovah mette fin à l’œuvre de témoignage à Har-Maguédon. Frère Knorr proposa que la résolution soit adoptée intégralement ; on appuya sa motion et, lorsqu’il posa la question au vaste auditoire, tous crièrent Oui ! unanimement.

      Cette résolution a paru sous la forme d’un tract qui a été diffusé en 72 348 403 exemplaires et en 53 langues durant le mois de décembre 1958. Elle a également été reproduite dans La Tour de Garde du 1er novembre 1958 (édition française du 1er décembre 1958).

      Les résultats ont-​ils été positifs ? Certainement ; par exemple, Peter D’Mura écrit : “Au printemps de 1959, j’ai rencontré un jeune homme qui a accepté la vérité grâce à la résolution. Il s’est voué à Dieu et a entrepris par la suite le service de pionnier.” James Woodworth dit : “Quelques-uns de ceux qui sont aujourd’hui des témoins de Jéhovah baptisés et actifs au sein des congrégations de Cleveland, dans l’Ohio, ont fait leurs premiers pas hors de Babylone la Grande après avoir lu cette résolution et accepté d’étudier la Bible.” — Rév. 18:4.

      En 1963, à l’occasion de la chaîne d’assemblées “La bonne nouvelle éternelle” organisées autour du monde, les serviteurs de Jéhovah ont eu une excellente occasion de montrer qu’ils soutiennent exclusivement le Royaume de Dieu. Ils ont adopté avec enthousiasme une résolution par laquelle ils reconnaissaient Jéhovah comme le Souverain éternel de l’univers et refusaient de rendre un culte idolâtrique à l’image politique constituée par l’Organisation des Nations unies. Ils entendaient ainsi se conduire différemment des nations qui se laissent rassembler par les esprits méchants invisibles en vue d’Har-Maguédon (Rév. 13:11-18 ; 16:14, 16). En outre, grâce à l’aide des anges conduits par Christ, de l’esprit et de la Parole de Dieu, les témoins de Jéhovah sont résolus à proclamer partout “la bonne nouvelle éternelle” relative au Royaume messianique et aux jugements de Dieu (Rév. 14:6). Après avoir été adoptée par les 454 977 personnes qui ont assisté aux assemblées de “La bonne nouvelle éternelle” organisées autour du monde, cette résolution a été présentée et accueillie favorablement lors d’assemblées nationales. Elle a aussi été publiée dans La Tour de Garde du 15 novembre 1963 (édition française du 15 mars 1964), diffusée à l’époque en 66 langues.

      Le discours d’introduction intitulé “Pourquoi il convient que nous adoptions tous une résolution” rappelait les sept fléaux mentionnés au chapitre seize du livre de la Révélation Rév 16. Cette résolution renfermait donc les messages de jugement proclamés au moyen des sept résolutions prises successivement par le peuple de Dieu de 1922 à 1928. Ainsi, grâce à cette résolution qui résumait toutes les autres, des centaines de milliers de personnes qui n’avaient pas adopté les précédentes ont déclaré publiquement qu’elles approuvaient et soutenaient l’action engagée par Jéhovah, à savoir répandre les plaies prophétiquement annoncées dans le chapitre seize de la Révélation. Cette fois encore, les serviteurs de Jéhovah ont montré on ne peut plus nettement qu’ils servent exclusivement le Royaume de Dieu.

      Lors des assemblées “Paix sur la terre” organisées en 1969, le discours intitulé “Ultimes malheurs pour les ennemis qui s’opposent à la paix avec Dieu” a fait allusion aux sonneries de trompettes mentionnées dans le livre de la Révélation (chapitres 8 à 10). À la suite de ce discours, une puissante Déclaration a été proposée à l’auditoire. Elle montrait avec force que la paix avec le Créateur ne se fera que par le moyen de son Royaume messianique. En adoptant cette résolution, les témoins de Jéhovah affirmaient que Dieu a condamné la chrétienté ; ils proclamaient leur neutralité absolue vis-à-vis de toutes les controverses politiques et leur entière confiance dans le Royaume de Dieu, et ils faisaient savoir qu’ils ne cesseraient pas de prêcher ce Royaume à toutes les nations avant que vienne la fin.

      Au cours des assemblées internationales “La victoire divine”, organisées dans le monde entier de la fin juin 1973 à janvier 1974, les témoins de Jéhovah ont également montré leur fidélité au Royaume de Dieu. Le discours intitulé “Des richesses acquises pour le nouveau Roi de la terre” (Luc 19:11-27) a fait la lumière sur la parabole énigmatique des mines ; puis l’orateur a proposé une Déclaration et une Résolution qui ont été acceptées à l’unanimité par les congressistes. Entre autres choses, cette Déclaration soulignait que les 2 520 années des temps des Gentils ont commencé en 607 avant notre ère lors de la désolation de la Jérusalem terrestre, et qu’elles ont trouvé leur accomplissement total sur la “Jérusalem céleste” où Jésus a été intronisé Roi messianique en 1914 (Héb. 12:22). Elle montrait aussi que le monde des hommes doit encore être averti de l’imminence de la “grande tribulation”. (Mat. 24:21.) Quant aux témoins de Jéhovah, ils ont pris la résolution de garder confiance dans la victoire divine, de faire retentir cet avertissement et de proclamer le Royaume messianique de Dieu, le seul remède à tous les maux de l’humanité en détresse.

      Ainsi, il est bien établi que les serviteurs de Jéhovah soutiennent exclusivement le Royaume de Dieu. C’est la bonne nouvelle de ce Royaume qu’ils prêchent dans le monde entier. À maintes reprises ils ont renouvelé leur vœu de fidélité au Royaume messianique de Dieu, et ils ne cesseront de le faire d’un bout à l’autre de la terre.

      DE LA NOURRITURE SPIRITUELLE EN TEMPS VOULU

      Qu’est-​ce qui a permis aux témoins de Jéhovah de demeurer fermement attachés au Royaume de Dieu ? Comment ont-​ils fait pour ‘tenir ferme dans la foi’ alors que d’autres perdaient cette confiance (I Cor. 16:13) ? C’est grâce à la nourriture spirituelle gracieusement dispensée par Jéhovah Dieu en temps voulu au moyen de la classe de “l’esclave fidèle et avisé”. — Mat. 24:45-47.

      Tenez, revenons aux années 60, par exemple. À ce moment-​là, il a soufflé sur les États-Unis un vent de réformes sur les plans religieux et social. Un nombre croissant d’ecclésiastiques ont émis l’idée que certaines parties de la Bible ne sont que des mythes ; ils ont également prétendu que son code moral est tombé en désuétude. Et pour combler la mesure, il en est qui sont allés jusqu’à dire que “Dieu est mort”.

      Au fil des années 60, des facteurs sociaux, psychologiques, politiques et économiques ont provoqué l’agitation raciale et même la violence. Par exemple, au cours de ce que l’on a appelé “l’été long et chaud” de 1964, trois défenseurs des droits civiques ont été assassinés dans le Mississippi et des troubles ont ébranlé le Sud. Les villes du Nord n’ont pas davantage été épargnées ; certaines ont été secouées par des émeutes. Rien qu’à Los Angeles, les combats, les saccages et les incendies dus aux émeutes des 11 au 16 août 1965 ont provoqué la mort de 35 personnes et causé des dommages estimés à 200 000 000 de dollars.

      Au sein de cette tempête religieuse et sociale, les témoins de Jéhovah des États-Unis et d’autres pays ont gardé confiance en Jéhovah et observé fidèlement sa Parole. En retour, celui-ci les a convenablement guidés. Par exemple, les discours “Soyez ‘soumis’ — mais à qui ?” et “Pourquoi se soumettre aux ‘autorités supérieures’ ?”, présentés aux assemblées de district de 1962 qui avaient pour thème “Les ministres courageux”, leur ont été très profitables. Quelques mois plus tard, des renseignements vitaux ont été publiés dans La Tour de Garde des 1er et 15 novembre et du 1er décembre (éditions françaises du 15 février et des 1er et 15 mars 1963).

      Il fut clairement expliqué que les “autorités supérieures” mentionnées dans Romains chapitre 13 sont les gouvernements qui occupent actuellement une position de responsabilité avec la permission de Jéhovah. Tous les serviteurs de Dieu ont donc été encouragés à se soumettre d’une manière relative aux autorités supérieures ou gouvernements terrestres et à observer leurs lois, aussi longtemps qu’elles ne sont pas en contradiction avec celles de Dieu. — Rom. 13:1-7 ; Actes 5:29.

      Frère Reusch exprime sa pensée à ce sujet en ces termes : “Avec quelle sagesse Jéhovah nous a guidés dans nos relations avec les chefs politiques du monde ! Qui de nous pouvait prévoir qu’en 1964 les droits civiques seraient bafoués, que des émeutes éclateraient et que la désobéissance se manifesterait sous toutes ses formes, violentes ou non ? (...) Nous aurions très bien pu tenir le même raisonnement que les membres du clergé qui ont participé aux manifestations, élevé des protestations et appuyé les revendications sociales de l’époque. Mais juste au bon moment, aux assemblées de l’été 1962, nous avons reçu ‘la nourriture en temps voulu’. [Mat. 24:45.] (...) La question de la soumission relative a été éclaircie et nous avons ainsi pu préserver nos relations avec Jéhovah et avec les autorités politiques qu’il tolérera jusqu’à ce que le Royaume du Christ les chasse de leur position.”

      Sans aucun doute, Jéhovah a pourvu à une nourriture spirituelle abondante. La Société Watch Tower n’a-​t-​elle pas publié de nombreux livres au cours des dernières années ? Par exemple, en 1958 est sorti le livre “Que ta volonté soit faite sur la terre”, qui expliquait la prophétie de Daniel. Les livres “Alors sera consommé le mystère de Dieu” et “Babylone la Grande est tombée !” Le Royaume de Dieu a commencé son règne ! analysent verset par verset la Révélation donnée à Jean. Quant à la prophétie d’Ézéchiel, elle est éclaircie grâce au livre “Les nations sauront que je suis Jéhovah” — Comment ? paru en 1971 (édition anglaise). Dans le livre “Le paradis rétabli parmi les hommes — par la Théocratie” (angl.) les prophéties d’Aggée et de Zacharie relatives à la restauration sont examinées à la lumière des connaissances acquises au vingtième siècle.

      Les enfants ont également eu leur part de bienfaits spirituels. En 1958, le livre Du paradis perdu au paradis reconquis a été publié ; il a été rédigé dans un langage simple et contient de nombreuses illustrations. Paru en 1972 (édition anglaise), le manuel de 192 pages intitulé Écoutez le grand Enseignant s’est révélé utile pour consolider les liens entre les générations. Par ailleurs, le texte de ce livre est simple et les illustrations appropriées, si bien que les enfants se rendent compte qu’il a été conçu pour eux, pour qu’ils le lisent avec leurs parents.

      ON SOULIGNE L’IMPORTANCE DE FAIRE DES DISCIPLES

      Les serviteurs de Jéhovah disposent de certains livres pour les aider à prêcher la bonne nouvelle et à faire des disciples, tâche que Dieu leur a confiée (Mat. 24:14 ; 28:19, 20). Par exemple, le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai !”, paru en 1946 (édition anglaise), expose les doctrines bibliques fondamentales, tandis que “C’est ici la vie éternelle”, paru en 1950 (édition anglaise), développe des sujets bibliques plus profonds et décrit le mode de vie chrétien. Enfin, le livre de 416 pages intitulé “Choses dans lesquelles il est impossible à Dieu de mentir”, publié en 1965 (en anglais), est un manuel biblique de base très utile pour les proclamateurs du Royaume.

      Les serviteurs de Jéhovah reçoivent les instructions nécessaires pour effectuer leur œuvre de prédication et faire des disciples. Se souvenant des assemblées de district de 1967, frère Barber parle de ce qui a été pour lui une “nouveauté”. Il dit : “L’organisation de Jéhovah nous apporte sans cesse des joies nouvelles. Cette fois, il s’agissait d’une campagne à l’aide d’un livre de petit format intitulé ‘L’homme est-​il le produit de l’évolution ou de la création ?’ (...). La lecture des tout premiers paragraphes nous a convaincus que les personnes réfléchies apprécieraient ce manuel.”

      Les proclamateurs du Royaume ont placé des millions de livres ‘Évolution’ dans le service du champ. En mai 1968, ils ont déployé des efforts spéciaux pour en remettre un exemplaire aux membres du corps enseignant. D’excellents résultats ont ainsi été obtenus. Marie Gibbard dit : “Un professeur de White Plains, New York, est aujourd’hui un témoin baptisé parce que l’un de ses élèves, âgé de douze ans, lui a remis un exemplaire du livre ‘Évolution’ et l’a fait visiter.”

      UN INSTRUMENT POUR DONNER UN NOUVEL ESSOR À L’ŒUVRE

      En 1968, La Tour de Garde annonçait ce qui suit à propos des assemblées de district “La ‘bonne nouvelle’ pour toutes les nations” : “Une surprise vous attend vendredi ; sans aucun doute celle-ci vous réjouira, car elle aura une portée considérable sur l’activité que nous déploierons dans les années à venir.”

      Les serviteurs de Jéhovah attendaient donc avec impatience. Quelle était cette surprise ? Il s’agissait d’un nouveau manuel de 192 pages intitulé La vérité qui conduit à la vie éternelle, qui fut présenté après le discours “La ‘bonne nouvelle’ d’un monde qui pratique le culte pur”. Avec quelle joie les congressistes ont accueilli ce nouvel instrument ! Voici quelques titres de chapitres : “Qui est Dieu ?”, “Où sont les morts ?”, “Pourquoi Dieu a-​t-​il permis le mal jusqu’à nos jours ?”, “Les derniers jours du présent système de choses mauvais”, “Comment s’assurer une vie de famille heureuse” et “Le vrai culte est un mode de vie”. Celui qui étudie ce livre se sent concerné.

      Mais ce n’était pas tout ! Le livre Vérité allait servir de manuel de base dans un programme d’étude de la Bible en six mois. Lorsque l’étudiant a achevé l’examen de ce livre dont l’enseignement le concerne directement, il prend généralement position, soit pour, soit contre la vérité. Ainsi, les témoins de Jéhovah n’étudient plus la Parole de Dieu pendant des années avec des gens qui ne font pas de progrès spirituels évidents, en ne mettant pas en pratique ce qu’ils apprennent.

      UNE DISPOSITION OPPORTUNE

      De 1960 à 1965, la moyenne annuelle des baptêmes s’élevait à 60 000 environ. Mais en 1966, il n’y en a eu que 58 904. L’œuvre se ralentissait-​elle donc ? Les faits ont prouvé le contraire.

      Durant l’année de service 1967, il y a eu 74 981 nouveaux baptisés. Ce chiffre de pointe donna un regain d’optimisme aux témoins. Puis, en 1968 parut le livre Vérité et le programme d’étude biblique en six mois fut inauguré. Edgar Kennedy fait ce commentaire : “Beaucoup ont établi un rapprochement avec ce qui avait été annoncé deux années auparavant, à savoir que les 6 000 ans [de l’existence de l’homme sur la terre] prendraient fin en 1975.” Frère Barber exprime sensiblement la même pensée lorsqu’il parle du “peu de temps qui reste, de notre époque critique et de 1968 comme d’une date marquante”, puis il ajoute : “Partout les frères se sont sentis stimulés et ont adopté cette méthode ‘plus facile’ pour répandre la bonne nouvelle avec hardiesse. Depuis lors, le nombre des proclamateurs n’a cessé de s’accroître sur toute la terre. Les auditeurs se sont transformés en pratiquants de l’œuvre. (...) Sans conteste, c’est Jéhovah qui a produit cet instrument petit mais puissant pour faire des disciples.”

      Le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle a été très largement diffusé. Savez-​vous qu’il paraît maintenant en 91 langues ? De plus, depuis sa parution en langue anglaise il y a six ans, il a été imprimé en 74 000 000 d’exemplaires. Ce manuel pour l’étude de la Bible a aidé des centaines de milliers de personnes à acquérir une connaissance exacte des Écritures et à ‘se cramponner à la parole de vie’. (Phil. 2:16.) Évidemment, les témoins de Jéhovah étudient la Bible au moyen de manuels autres que le livre Vérité, toutefois la majorité des 1 351 404 études bibliques conduites dans le monde entier ont pour base cet ouvrage remarquable.

      UN FLOT DE PUBLICATIONS QUI ANNONCENT LE ROYAUME DE DIEU

      Aujourd’hui, la bonne nouvelle du Royaume messianique se répand sur toute la terre grâce à la prédication et au flot de publications qui annoncent le Royaume. Prenons La Tour de Garde pour exemple. Autrefois appelée le “Phare de la Tour de Sion”, son premier numéro (juillet 1879) tira à 6 000 exemplaires seulement. Aujourd’hui, en 1975, nous en imprimons en moyenne chaque mois 8 700 000 exemplaires en 79 langues.

      Depuis 1879, La Tour de Garde a changé de nom et de format. À l’origine, elle s’appelait le “Phare de la Tour de Sion, Messager de la présence de Christ” ; mais aujourd’hui, on peut lire sur la page de couverture : La Tour de Garde annonce le Royaume de Jéhovah. C’est avec le numéro du 1er janvier 1939 qu’on a mis en couleur la couverture. À cette époque-​là, le format du périodique était plus grand et ses pages moins nombreuses que maintenant. Avec le numéro du 15 août 1950, paru à l’Assemblée pour l’accroissement de la Théocratie, la couverture a changé, le nombre de pages est passé de 16 à 32 et des illustrations en couleurs ont émaillé le texte. La Tour de Garde a-​t-​elle contribué à l’accroissement de la théocratie ? Sans aucun doute ! Savez-​vous que de 1942 à 1974 on en a publié 2 836 041 443 exemplaires ?

      Le périodique Réveillez-vous !, qui est souvent présenté avec La Tour de Garde, a succédé à L’Âge d’Or et à Consolation. Dès le premier numéro, paru le 22 août 1946, Réveillez-vous ! a mis en évidence l’espérance certaine de l’ordre nouveau et juste que Dieu établira dans notre génération. Ainsi, il est l’un des nombreux imprimés qui annoncent le Royaume. De 1942 à 1974, 2 600 751 501 exemplaires de Réveillez-vous ! (et de Consolation) ont été imprimés !

      Mais n’oublions pas tous les livres qui font connaître le Royaume de Jéhovah, y compris celui qui est paru en 1973 sous le titre Le Royaume millénaire de Dieu s’est approché. Vous serez certainement surpris d’apprendre que de 1943 à 1974, 352 513 470 livres ont été imprimés au siège de la Société Watchtower et dans ses autres imprimeries du monde entier.

      EXPANSION DE L’IMPRIMERIE

      La production de ces nombreux imprimés bibliques a obligé la Société Watch Tower à agrandir sans cesse son imprimerie de Brooklyn et aussi celles des autres pays. C’est en 1927 qu’elle a pris possession du nouveau bâtiment ignifugé en béton armé situé au 117 Adams Street à Brooklyn. D’une superficie de 900 mètres carrés, il semblait très spacieux ; toutefois, en raison de l’expansion de la prédication et de l’œuvre consistant à faire des disciples, il a fallu agrandir la surface de travail.

      Le 8 août 1946, à l’occasion de l’Assemblée théocratique des nations joyeuses, frère Knorr a informé les congressistes que la Société allait agrandir l’imprimerie et le Béthel de Brooklyn. On acheta donc la propriété attenante au premier bâtiment que l’on démolit après l’avoir fait évacuer. Les travaux de terrassement commencèrent le 6 décembre 1948 et la construction proprement dite en janvier 1949. Une fois terminé, ce bâtiment en béton de 8 étages est venu s’ajouter à l’ancien, doublant ainsi la surface de travail. En 1950, l’imprimerie de la Société située au 117 Adams Street occupait tout un pâté de maisons.

      En 1954, la Société Watch Tower acheva la construction d’un nouveau bâtiment situé au 4100 Bigelow Boulevard à Pittsburgh, en Pennsylvanie. À ce propos Grant Suiter dit : “Ce bâtiment abrite non seulement les bureaux du siège social et une Salle du Royaume utilisée par plusieurs congrégations, mais c’est également là que se tiennent les réunions générales annuelles de la Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania.” Une École du ministère du Royaume a également fonctionné dans ces locaux pendant plusieurs années, jusqu’au 4 mai 1974.

      Vers le milieu des années 50, l’œuvre de prédication du Royaume s’intensifia à un rythme accéléré. En 1944, la Société avait imprimé 17 897 998 exemplaires de La Tour de Garde et de Consolation (aujourd’hui Réveillez-vous !), mais en 1954, 57 396 810 périodiques sont sortis de ses presses. Il était donc indispensable d’agrandir les locaux de Brooklyn. Ainsi, au printemps de 1955, on commença les travaux de terrassement d’une nouvelle imprimerie de douze étages qui fut achevée en 1956. Situé au 77 Sands Street, “Le bâtiment de la Watchtower”, comme on l’appelait alors, occupe une superficie de 17 800 mètres carrés. Il est donc plus vaste que l’immeuble du 117 Adams Street, auquel il est relié par une passerelle. En 1958, la Société a acheté un autre immeuble contigu de huit étages, qui sert presque uniquement d’entrepôt.

      Vers le milieu des années 60, il y avait plus d’un million de proclamateurs du Royaume dans le monde. L’imprimerie s’est de nouveau révélée trop petite. En 1966 on commença donc la construction d’une autre imprimerie contiguë de dix étages, couvrant une superficie de 20 000 mètres carrés. Elle fut inaugurée le 31 janvier 1968. Ainsi, les bâtiments qui abritent l’imprimerie de Brooklyn occupent à eux seuls quatre pâtés de maisons.

      Vers la fin de 1969, l’expansion prit des proportions gigantesques. Le 25 novembre 1969, la Watchtower Bible and Tract Society of New York fit l’acquisition du groupe de dix bâtiments appartenant à la Société de produits pharmaceutiques Squibb de Brooklyn, ajoutant ainsi 60 000 mètres carrés de surface disponible à ce qu’elle possédait déjà. Il y a des années de cela, frère Barber a suivi la construction des bâtiments Squibb. L’organisation de Jéhovah s’était portée acquéreur de ce terrain, mais c’est la Société Squibb qui a enlevé l’affaire. Frère Barber ajoute : “Squibb a également rencontré de nombreuses difficultés pour asseoir les fondations de la construction, car le terrain est très sableux en cet endroit. (...) Finalement, un bel ensemble de dix bâtiments a été construit ; j’aurais aimé que la Société Watchtower en soit propriétaire. Et voilà que mon vœu a été exaucé !”

      LE BÉTHEL S’ÉLARGIT AU MÊME RYTHME QUE L’IMPRIMERIE

      À mesure que s’étendait l’imprimerie de Brooklyn, le Béthel s’élargissait. En 1950, un immeuble de onze étages venait s’ajouter à l’ancien. Toutefois, le personnel employé au Béthel ne cessait d’augmenter ; le 8 décembre 1958 on commença donc à démolir des vieux immeubles qui occupaient l’emplacement de la future annexe du Béthel rue Columbia Heights. Les travaux de construction débutèrent en 1959 et bientôt un immeuble de onze étages s’élevait. L’inauguration eut lieu le lundi soir 10 octobre 1960 dans la magnifique Salle du Royaume de ce nouveau bâtiment. Les membres de la famille du Béthel et les frères qui avaient travaillé à la construction y assistèrent, ce qui représentait au total 630 personnes. Le personnel travaillant au siège de l’organisation était passé de 355 en 1950 à 607 en 1960.

      En 1965, le quartier de Brooklyn Heights où se trouve l’immeuble qui abrite le Béthel fut classé “historique”. Bien que la Société ait eu l’intention d’ériger un autre immeuble de onze étages, elle coopéra avec la Commission d’urbanisme et se conforma aux instructions reçues. On démolit trois vieux immeubles à l’exception de leur façade qui fut conservée, et on bâtit derrière un immeuble de six étages. Le nouvel immeuble du 119 Columbia Heights fut inauguré le 2 mai 1969. Les témoins de Jéhovah sont également propriétaires d’un grand bâtiment attenant à celui du 119 dont la plus grande partie abrite des frères qui travaillent au siège de l’organisation. Soit dit en passant, à la fin de l’année de service 1970, la famille du Béthel (comprenant ceux qui travaillent régulièrement et temporairement à Brooklyn et dans les fermes de la Société) comptait 1 449 membres. Ajoutons à cela soixante-dix élèves de l’École de Galaad et nous aurons un total de 1 519 personnes. Afin de loger tout le monde, la Société a loué trois étages de l’hôtel Towers, à proximité.

      L’EXPANSION SE POURSUIT

      Mais nous n’allions pas nous arrêter en si bon chemin ! Grant Suiter rapporte : “En 1964, la Société a envisagé de mettre en vente une partie des terrains attenants à la ferme du Royaume, y compris les bâtiments dans lesquels fonctionnait autrefois l’École de Galaad [près de South Lansing, dans l’État de New York].” Quelques années plus tard, la vente a été réalisée. L’exploitation agricole a donc été réduite d’autant.

      Entre-temps, le comité directeur de la Watchtower Bible and Tract Society of New York a acheté des terres du côté de Pine Bush, dans l’État de New York. La ferme de la Watchtower, comme on l’appelle, a été achetée en 1963 ; elle couvrait une superficie de 328 hectares. En 1968, on a achevé la construction d’un bel immeuble sur le terrain de cette ferme, et des dépendances ont également été bâties. Puis la Société a fait l’acquisition d’une autre ferme située dans les environs. Aujourd’hui, les deux fermes de la Watchtower couvrent une superficie de 687 hectares.

      Les fermes fournissent des légumes, des fruits, de la viande et des produits laitiers pour le personnel qui travaille au siège de l’organisation. Sur le terrain de la ferme No 1, on a également construit deux imprimeries. La première comprend quatre presses rotatives, chacune d’elles pouvant imprimer 12 500 périodiques à l’heure. Dans la seconde, il y a suffisamment de place pour installer quatorze presses rotatives ainsi que beaucoup d’autres machines, et pour entreposer du papier. Actuellement, six presses fonctionnent, ce qui fait au total dix presses pour les deux imprimeries. Lorsque ces bâtiments seront entièrement achevés, ils couvriront une surface de 37 000 mètres carrés. En octobre 1974, 460 personnes étaient employées régulièrement et temporairement dans les fermes de la Watchtower.

      Mais la Société Watch Tower a également agrandi les autres imprimeries qu’elle possède un peu partout dans le monde : en Afrique du Sud, en Allemagne, en Angleterre, en Australie, au Brésil, au Canada, en Finlande, en France, au Ghana, au Japon, au Nigeria, aux Philippines, en Suède et en Suisse. En fait, les témoins de Jéhovah possèdent trente-sept imprimeries dans le monde. De 1955 jusqu’à maintenant, ils n’ont cessé d’augmenter le nombre de leurs presses rotatives qui est passé de 9 à 64. Sans aucun doute, nos imprimeries peuvent faire face à la demande croissante d’imprimés bibliques.

      Pourquoi ce programme d’expansion mondial ? Parce que les témoins qui sont à la tête de l’organisation de Jéhovah désirent aider leurs semblables à connaître les Écritures. Est-​ce aussi votre objectif ? Certainement, puisque vous êtes témoin de Jéhovah. Tout le personnel du siège de l’organisation est également animé de ce désir ; cela explique pourquoi il travaille sérieusement à la production d’imprimés bibliques. Grâce aux efforts de ces hommes courageux, les imprimeries des États-Unis ont produit à elles seules 268 509 382 périodiques La Tour de Garde et Réveillez-vous !, 13 874 957 brochures, 45 189 920 livres et Bibles et 261 387 772 tracts.

      À qui faut-​il attribuer cette expansion théocratique ? Elle n’est pas due aux efforts de simples hommes. C’est Jéhovah Dieu qui fait croître. C’est lui qui a béni les efforts que son peuple déploie dans la prédication de la bonne nouvelle du Royaume. — I Cor. 3:5-7.

      UN SIÈCLE DE DIRECTION DIVINE

      Il y a plus d’un siècle, en 1870, Charles Russell et quelques autres ont commencé à se réunir pour étudier diligemment et dans la prière les Écritures. Depuis lors, Jéhovah a toujours guidé et éclairé ses serviteurs. Edith Brenisen, qui est octogénaire maintenant, fréquente l’organisation de Jéhovah depuis de nombreuses années ; pourtant l’assemblée de district “Les hommes de bonne volonté”, à laquelle elle a assisté en 1970, l’a profondément émue. Sœur Brenisen écrit à ce sujet : “En voyant la grande foule réunie au Fenway Park de Boston, à l’occasion de l’assemblée de district de 1970, j’ai pensé au congrès d’une journée organisé en 1902 à Park Square, également à Boston. Nous n’étions guère plus d’une poignée au discours de frère Russell. À propos, c’est là que j’ai fait la connaissance de frère Macmillan. Et voilà que soixante-huit ans après j’étais de nouveau à Boston, au milieu d’une grande foule de témoins ; il n’y a pas de mots pour décrire ce que j’ai alors ressenti. Comme au temps où nous n’étions que quelques-uns, notre cœur était rempli d’esprit saint, de zèle et d’amour pour Jéhovah.”

      Cette année-​là, le président de l’assemblée prononça le discours “Un siècle de direction divine”. Margaret Green s’est alors souvenue de “ce qui avait été écrit au sujet de l’organisation dans les années 1870 ; partant d’une poignée d’hommes, en cent ans elle avait connu un accroissement incroyable”. — Voir Zacharie 4:10.

      NOUS NOUS SOUMETTONS À LA DIRECTION DIVINE

      Les serviteurs de Jéhovah sont déterminés à toujours se soumettre à la direction divine. Ils le montrèrent en 1971 lors des assemblées de district “Le nom divin”, qui durèrent cinq jours. Celles-ci exaltaient le nom de Jéhovah et soulignaient l’importance d’obéir aux principes divins représentés par ce nom. Entre autres choses, il a été dit que certains changements seraient apportés au sein de la congrégation chrétienne des temps modernes, afin qu’elle soit plus conforme encore au modèle théocratique.

      Toutefois, avant de considérer ces modifications proposées aux assemblées de 1971, nous ferons un retour d’une trentaine d’années en arrière. Quel fait important se produisit vers la fin des années 30 et au début des années 40?

      “LA THÉOCRATIE EST D’UN ÂGE AVANCÉ”

      Les journées du 30 septembre au 2 octobre 1944 ont été très importantes pour le peuple de Dieu. Des milliers de personnes s’étaient réunies à Pittsburgh, en Pennsylvanie, à l’occasion du Congrès théocratique des témoins de Jéhovah et de la réunion annuelle de la Watch Tower Bible and Tract Society. Les discours suivants ont retenu leur attention : “Organisés théocratiquement pour l’œuvre finale” par frère Sullivan, “L’organisation théocratique en fonction” par frère Franz et “L’ordre théocratique à notre époque” par frère Knorr. Le thème de ces discours soulignait l’importance des décisions qui allaient être prises à la réunion annuelle du lundi 2 octobre 1944, à laquelle des milliers de congressistes ont tenu à assister.

      Frère Pelle dit : “Ce jour-​là, j’ai bavardé pour la dernière fois avec frère Van Amburgh. En me voyant il fit cette remarque : ‘Frère Pelle, la Théocratie est d’un âge avancé.’” Pourquoi le secrétaire-trésorier de la Société, un homme âgé, s’exprimait-​il ainsi ? En raison de ce qui allait se passer lors de cette réunion.

      Fait d’une importance capitale, on allait adopter six résolutions proposant des amendements à la charte de la Société Watch Tower. La première résolution proposait l’élargissement des buts de la Société pour qu’elle puisse accomplir convenablement l’immense œuvre mondiale qui restait à effectuer. Cet amendement introduisit aussi le nom divin “Jéhovah” dans les statuts. L’amendement numéro trois annula l’article des statuts originaux selon lesquels la qualité de membre de la Société dépendait des contributions pécuniaires que ce membre lui faisait. Désormais, le nombre maximum de ses membres serait limité à 500 hommes, tous choisis en fonction de leur activité dans le service de Dieu. Dans son rapport, La Tour de Garde anglaise du 1er novembre 1944 déclara : “Cet amendement aura pour conséquence de conformer les statuts à l’organisation théocratique aussi étroitement que le permet la loi du pays.” Les six amendements (aux articles 2, 3, 5, 7, 8 et 10) présentés sous la forme de résolutions furent tous acceptés.

      Bien que le peuple de Jéhovah n’en fût pas conscient à l’époque, ces changements apportés en 1944 avaient une signification sur le plan biblique. La prophétie de Daniel avait annoncé que pendant 2 300 “soirs et matins” ou jours, la ‘petite corne’ symbolique (la Puissance anglo-américaine) piétinerait le “lieu saint” théocratique de Jéhovah, représenté par les disciples oints de Jésus sur la terre (Dan. 8:9-14). Cette prophétie se réalisa durant la Seconde Guerre mondiale.

      Au commencement des 2 300 jours annoncés, La Tour de Garde des 1er et 15 juin 1938 (éditions françaises des 1er et 15 août 1938) publia un article en deux parties intitulé “Organisation”. La première partie disait : “L’organisation de Jéhovah n’est nullement démocratique. Jéhovah est le Très-Haut, et son gouvernement, son organisation est absolument théocratique.” La deuxième partie présentait une résolution proposant que tous les serviteurs, sans exception, soient nommés théocratiquement. Toutes les congrégations de témoins de Jéhovah adoptèrent cette résolution.

      Comptés à partir du 1er juin 1938, les 2 300 jours devaient s’achever le 8 octobre 1944 ; ou, si nous prenons la date du 15 juin 1938 comme point de départ, ils se terminent le 22 octobre 1944. Au terme de cette période, l’accent a de nouveau été mis sur l’organisation théocratique tant dans les discours qu’au congrès et à la réunion annuelle qui s’est tenue du 30 septembre au 2 octobre 1944 à Pittsburgh, ainsi que dans les articles sur l’organisation théocratique publiés dans La Tour de Garde du 15 octobre et du 1er novembre 1944 (éditions françaises de novembre 1945) et intitulés “Organisés pour l’œuvre finale”, “L’organisation théocratique en fonction” et “L’organisation théocratique à notre époque”. Ainsi, à la fin de cette période d’épreuve qui dura 2 300 jours, les serviteurs de Dieu se sont montrés plus attachés que jamais au gouvernement théocratique de Jéhovah confié au Christ. Conformément à la prophétie, le “lieu saint” avait été “établi dans sa vraie condition”. — Dan. 8:14 ; wF 1/4/72, p. 199-216.

      STRUCTURE APOSTOLIQUE DES CONGRÉGATIONS

      Revenons à présent aux assemblées de district “Le nom divin”, tenues en 1971. Les parties du programme qui traitaient du gouvernement des congrégations des premiers chrétiens étaient particulièrement importantes.

      Peu de temps auparavant, le collège central des témoins de Jéhovah avait étudié dans la Bible la structure apostolique des congrégations. Ces recherches avaient révélé le besoin d’apporter des modifications à l’organisation moderne. Depuis des années, un seul chrétien mûr avait été serviteur de congrégation ou surveillant-président, assisté de plusieurs “serviteurs” désignés à cet effet. En revanche, la méthode apostolique est que chaque congrégation soit gouvernée par un collège d’aînés (Actes 20:17-28 ; I Tim. 4:14). D’autre part, au premier siècle de notre ère, il y avait apparemment une rotation des charges parmi le collège des aînés de chaque congrégation. C’est pourquoi il a été décidé que là où il y a plus d’un aîné dans une congrégation, il convient que le président du collège des aînés change chaque année.

      LE CHOIX DES AÎNÉS ET DES SERVITEURS MINISTÉRIELS

      Le collège central des témoins de Jéhovah envoya à chaque congrégation une lettre d’instructions au sujet du choix des membres du “collège des aînés” et des serviteurs ministériels. D’après cette lettre, datée du 1er décembre 1971, tous les hommes baptisés âgés d’au moins vingt ans pouvaient être pris en considération pour ces charges (voir Esdras 3:8). Les frères qui participèrent aux discussions concernant la recommandation d’aînés et de serviteurs ministériels se préparèrent bien. Ils étudièrent auparavant les articles intitulés “L’organisation théocratique au milieu de systèmes démocratiques et communistes”, “Chargés de fonctions dans l’organisation théocratique” et “Un ‘groupe des aînés’ avec des présidents se succédant par roulement”, imprimés dans La Tour de Garde, édition anglaise du 15 novembre 1971. Ils examinèrent attentivement aussi les articles ayant pour titres “Qui d’entre vous est sage et intelligent ?” et “Des aînés établis pour paître le troupeau de Dieu”, qui parurent dans La Tour de Garde anglaise du 1er janvier 1972. D’autre part, dans les pays de langue anglaise, les frères étaient encouragés à lire autant que possible les articles sur les sujets “Aîné”, “Surveillant” et “Ministre”, publiés dans le livre Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible.

      Lorsque les membres du comité de chaque congrégation et d’autres frères qualifiés se réunirent, après une prière ils lurent et examinèrent les qualités requises des aînés et des serviteurs ministériels telles qu’elles sont exposées dans la Parole de Dieu en I Timothée 3:1-10, 12, 13 ; Tite 1:5-9 et I Pierre 5:1-5. Frère Cantwell écrit à ce sujet : “Bien des frères s’examinèrent vraiment pour la première fois, et nous sentions tous l’obligation devant Jéhovah d’être honnêtes vis-à-vis des autres et de nous-​mêmes. Quelques-uns durent se retirer. Cette disposition a fait ressortir un degré d’honnêteté et d’humilité qu’il aurait été impossible d’atteindre sans une meilleure compréhension des principes bibliques d’organisation.” (Cependant, même précédemment les conditions bibliques requises constituaient le critère pour déterminer qui pouvait assumer des responsabilités au sein de chaque congrégation. Voir les brochures Conseils aux Témoins de Jéhovah sur l’organisation théocratique, p. 19, et Pour rester unis dans la prédication, p. 26).

      Finalement, après que les qualités de chaque frère dans la congrégation eurent été examinées, des recommandations furent soumises au collège central. À partir du 1er août 1972, les congrégations commencèrent à recevoir des lettres de nomination de surveillants et de serviteurs ministériels.

      RECONNAISSANCE DU GOUVERNEMENT DIVIN

      Pendant que le peuple de Jéhovah attendait avec impatience la pleine application de ces dispositions au sein des congrégations, les frères des États-Unis, du Canada et des îles Britanniques assistèrent aux assemblées de district “Le gouvernement divin”, tenues de fin juin à fin août 1972. La question du gouvernement divin occupait une place de choix dans le programme de ces réunions.

      La parution d’un nouveau livre de 192 pages intitulé Une organisation pour prêcher le Royaume et faire des disciples a été annoncée aux assistants. Entre autres, ce livre expliquait les améliorations apportées à la structure de la congrégation chrétienne. Le livre Organisation et le programme de ces assemblées expliquaient l’un et l’autre les aspects pratiques de cette réorganisation, et démontraient comment les appliquer.

      À ces assemblées de district, l’accent a été mis sur l’importance de reconnaître le gouvernement divin. Par exemple, le discours public était intitulé “Le gouvernement divin — seul espoir pour tous les hommes”. Les délégués se rendaient compte que pour obtenir la vie éternelle, ils devaient reconnaître personnellement le gouvernement de Jéhovah. Par ailleurs, le nouveau livre Organisation et plusieurs parties du programme soulignaient combien il était important que les congrégations reconnaissent le gouvernement divin.

      LE COLLÈGE CENTRAL MONTRE LE BON EXEMPLE

      Imaginons maintenant que nous sommes le lundi matin 13 septembre 1971. Il est sept heures, et les membres du personnel du siège de la Société Watch Tower sont assis à leurs places dans les différentes salles à manger du Béthel de Brooklyn. Ils sont prêts pour la discussion habituelle du texte biblique du jour, avant le petit déjeuner. D’ordinaire, le président de la Société préside ces discussions lorsqu’il est présent. Aujourd’hui, frère Knorr est au Béthel, mais il ne s’assoit pas à la tête de la table. À sa place se trouve frère Franz, le vice-président de la Société, et c’est lui qui préside la discussion du texte du jour. Pourquoi ? C’est que le collège central des témoins de Jéhovah a institué parmi ses membres une rotation hebdomadaire pour ce qui est de présider la discussion du texte du jour et l’étude de La Tour de Garde tenue le lundi soir au sein de la famille du Béthel.

      Ainsi, une rotation des charges commença au Béthel de Brooklyn un an avant qu’un système analogue ne fût institué dans les congrégations du peuple de Dieu. Mais cette disposition ne s’arrêta pas là. Conformément à une résolution adoptée le 6 septembre 1971 par le collège central des témoins de Jéhovah, les membres de ce collège devaient présider pendant une année à tour de rôle et par ordre alphabétique. Voilà qui explique pourquoi frère Franz devint président du collège central pour une année à partir du 1er octobre 1971. Il convenait, en effet, que le collège central montre le bon exemple dans le domaine de ce nouveau système d’organisation.

      “CELA VIENT DE DIEU”

      Au sujet de cette nouvelle disposition d’aînés et de serviteurs ministériels au sein des congrégations, Roger Morgan a déclaré : “Cela vient de Dieu.” Sans aucun doute, bien d’autres frères sont d’accord avec lui, lorsqu’ils considèrent les bienfaits qui en ont résulté. Le premier transfert de responsabilités commença en septembre 1972, si bien que le 1er octobre, la plupart des congrégations avaient opéré le changement. Souvent, l’ancien adjoint au serviteur de congrégation est devenu le surveillant-président, l’ancien serviteur de congrégation est devenu surveillant à l’École du ministère théocratique, et ainsi de suite. C’était là une preuve que ces chrétiens reconnaissaient le gouvernement de Jéhovah et sa façon d’agir parmi les congrégations de son peuple. Chaque année, les aînés d’une congrégation devaient se succéder les uns aux autres dans les différentes charges et collaborer ensemble en tant que collège, pour le plus grand bien spirituel de la congrégation et afin de paître le troupeau de Dieu qui est sous leur garde. — I Pierre 5:2.

      Cette nouvelle disposition a procuré de nombreux bienfaits aux congrégations. Par exemple, Edgar Kennedy est d’avis qu’elle “favorise la solidarité au cas où la congrégation serait séparée du collège central pendant un certain temps”. Sœur Grace Estep a écrit de son côté : “Cette disposition marque sans aucun doute un pas en avant extraordinaire pour l’organisation de Jéhovah, et elle montre comment celui-ci prépare bien son peuple pour la période qui suivra la fin du présent système de choses.” Ce ne fut pas sans raison que dans son rapport sur les assemblées de district de 1972, La Tour de Garde déclarait : “Il ne fait aucun doute que Jéhovah est en train de modeler pour son peuple rassemblé une organisation qui lui permettra de traverser Harmaguédon et d’entrer dans l’ordre nouveau qui sera dirigé par le gouvernement de Dieu.”

      L’ASSEMBLÉE INTERNATIONALE “LA VICTOIRE DIVINE”

      Les témoins chrétiens de Jéhovah ont abondamment prouvé qu’ils se soumettent volontairement à la direction et au gouvernement de Dieu. Depuis fin juin 1973 jusqu’à janvier 1974, ils ont tenu dans le monde entier une série de congrès internationaux qui montraient clairement qu’ils attendent impatiemment la victoire divine. Ces nombreux congrès, en général de cinq jours, se sont tenus aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Asie, en Amérique centrale, en Amérique du Sud, dans le Pacifique Sud et en Afrique. Bon nombre de serviteurs de Dieu se sont rendus dans des pays lointains, pour partager avec leurs frères dans la foi le programme spirituellement édifiant de ces assemblées. Le plus souvent les sessions se tenaient dans la journée, ce qui permettait aux délégués de rentrer avant la tombée de la nuit là où ils étaient hébergés. Ils pouvaient ainsi passer leurs soirées à revoir les points importants du programme.

      L’un des discours les plus intéressants de cette assemblée s’intitulait “Gardez près de votre pensée la présence du jour de Jéhovah”, qui montrait puissamment que les chrétiens ne devraient pas permettre à leur esprit de remettre à plus tard le jour de Jéhovah. Les conditions mondiales qui empirent, les nouvelles méthodes d’organisation théocratique, avec la nomination d’aînés et de serviteurs ministériels, et la venue rapide de ceux qui composeront la “grande foule” indiquent que le jour de Jéhovah est proche (II Pierre 3:11-13 ; Rév. 7:9). À la fin de ce discours qui faisait réfléchir, le nouveau livre de 192 pages intitulé La paix et la sécurité véritables — d’où viendront-​elles ? a été présenté aux auditeurs.

      Les assistants à cette assemblée ont également eu la primeur de la Concordance complète des Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau et du livre de 416 pages intitulé Le Royaume millénaire de Dieu s’est approché, tous deux en anglais. Le discours public sur le sujet “La victoire divine — ses conséquences pour l’humanité affligée” était vraiment très encourageant. L’attention des auditeurs a été attirée sur la guerre universelle d’Har-Maguédon, où Jéhovah se justifiera en remportant la victoire divine. L’orateur a expliqué que sous l’impulsion de paroles inspirées impures, les “rois de la terre habitée tout entière” sont en train d’être rassemblés pour faire la guerre à Dieu à propos de la domination de la terre (Rév. 16:13-16). Chacun est donc obligé de prendre position sur cette question. Seuls ceux qui se rangent du côté de Jésus Christ, le Roi des rois, seront épargnés, verront la victoire divine et participeront à la fête qui suivra.

      Aux dix-neuf assemblées internationales “La victoire divine” organisées en juin et en juillet 1973 aux États-Unis, 15 851 personnes ont symbolisé par le baptême l’offrande de leur personne à Jéhovah Dieu. Au total, 665 945 personnes se sont réunies à ces assemblées pour goûter aux abondantes bénédictions spirituelles que Jéhovah a déversées sur son peuple. Aux 140 congrès semblables organisés dans le monde entier, 81 830 personnes ont été baptisées, et il y a eu une assistance totale de 2 594 305 personnes. Quel motif pour exprimer notre gratitude au Vainqueur divin !

      UNE ACTIVITÉ SPÉCIALE FAVORISE L’ACCROISSEMENT

      Les assemblées internationales “La victoire divine” comportaient cependant une autre partie très importante. Des mois à l’avance, La Tour de Garde avait informé les frères que le programme attirerait beaucoup leur attention sur l’œuvre consistant à prêcher le Royaume et à faire des disciples. Elle ajoutait : “Une œuvre spéciale sera expliquée et il y aura des démonstrations. Toutes les congrégations des témoins de Jéhovah du monde entier participeront à cette activité après l’assemblée, aux dates indiquées.” De quelle activité s’agissait-​il ?

      La réponse a été donnée après le discours clé intitulé “La victoire sur le monde, sans conflit armé”. Le tract Nouvelles du Royaume No 16, intitulé “Le temps se fait-​il court pour l’humanité ?” a été présenté à l’assistance. Chaque auditeur âgé de plus de douze ans et qui désirait les distribuer a reçu gratuitement un paquet de huit tracts de quatre pages. L’orateur a expliqué que pendant dix jours, — du 21 au 30 septembre, — ce tract ferait l’objet d’une large diffusion. Il devait être remis personnellement aux gens en allant de maison en maison, et un exemplaire pouvait être glissé sous les portes chez les absents. La Société Watch Tower allait envoyer une certaine quantité de tracts à chaque congrégation, à raison de cent par proclamateur. Chaque habitation devait recevoir son exemplaire, si bien que des millions de tracts devaient être distribués. Le peuple de Jéhovah s’est réjoui à la perspective de participer à cette activité spéciale liée à la proclamation du Royaume.

      Ainsi, pendant les dix derniers jours de septembre 1973, les témoins de Jéhovah des États-Unis et d’autres pays ont distribué des millions d’exemplaires des Nouvelles du Royaume No 16. Du 22 au 31 décembre 1973, ils ont diffusé les Nouvelles du Royaume No 17, tract intitulé “La religion a-​t-​elle trahi Dieu et l’homme ?” Du 3 au 12 mai, ils ont parcouru leurs territoires avec les Nouvelles du Royaume No 18, qui posaient cette question importante : “Le gouvernement de Dieu : êtes-​vous pour ou contre ?”

      Beaucoup de personnes qui connaissent la vérité de la Parole de Dieu se sont senties poussées à partager la bonne nouvelle en distribuant des exemplaires des Nouvelles du Royaume. En effet, en septembre 1973, 512 738 proclamateurs du Royaume ont pris part à cette activité aux États-Unis (sans compter l’Alaska et les îles Hawaii). Les rapports ont révélé qu’ils ont diffusé 43 320 048 exemplaires des Nouvelles du Royaume No 16. En décembre de la même année, pas moins de 525 007 proclamateurs ont participé à la distribution des Nouvelles du Royaume No 17, soit 103 112 de plus que l’année précédente. Et en mai 1974, 539 262 témoins ont pris part au service du champ.

      Les rapports indiquent que la diffusion des Nouvelles du Royaume a donné un nouvel élan à l’œuvre consistant à faire des disciples. Par exemple, deux proclamateurs ont laissé un tract à un monsieur et ont poursuivi leur chemin. Un peu plus tard, l’homme les a appelés. Ils sont donc revenus chez lui, où ils ont rencontré sa femme. Elle avait trouvé le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle dans une boîte à ordures. Elle avait perdu le sommeil parce qu’elle se rendait compte que les choses annoncées dans ce livre s’accomplissaient. Les proclamateurs ont commencé avec elle une étude biblique, et bientôt elle s’est mise à assister régulièrement aux réunions chrétiennes. Elle a tellement progressé qu’elle a participé à la diffusion du numéro suivant des Nouvelles du Royaume et qu’elle se prépare pour le baptême.

      Un exemplaire des Nouvelles du Royaume est tombé entre les mains de deux frères charnels, des musiciens aux cheveux longs, qui fumaient, se droguaient et jouaient dans un orchestre de rock’n’roll. Bientôt, ils ont étudié la Bible avec le témoin qui les avait contactés. Ils se sont fait couper les cheveux, ils ont arrêté de fumer et de se droguer et ils ont fait de rapides progrès spirituels. Trois mois à peine après avoir reçu l’exemplaire des Nouvelles du Royaume, ils prenaient part au service du champ, si bien qu’ils ont pu participer à la diffusion du tract suivant. Tous deux ont été baptisés en décembre 1973, et peu après ils ont eu la joie d’être pionniers temporaires.

      RASSEMBLEMENT “D’UNE GRANDE FOULE”

      L’apôtre Jean vit une “grande foule”, de toutes nations, tribus, peuples et langues, se tenant debout devant le trône de Dieu et servant ce dernier par un service sacré jour et nuit dans son temple (Rév. 7:9, 15). Ces personnes dont l’espérance est terrestre ont soutenu de tout cœur les disciples oints de Jésus Christ dans l’œuvre divine consistant à annoncer la bonne nouvelle du Royaume. Quelle joie de voir, comme conséquence, des milliers et des milliers de gens affluer à la ‘montagne de la maison de Jéhovah’ ! — És. 2:2-4.

      Ces personnes qui se sont assemblées dans les cours de la ‘maison de Jéhovah’ se sont vouées à Jéhovah Dieu, en symbole de quoi elles ont été baptisées. Le 30 juillet 1958, après avoir écouté le discours intitulé “Le baptême conformément à la volonté divine”, 7 136 personnes furent baptisées à New York. Il n’y avait jamais rien eu de pareil depuis la Pentecôte de l’an 33 (Actes 2:41). Ce baptême de 1958 ne passa pas inaperçu pour le monde. En effet, H. L. Philbrick a écrit : “La presse reproduisit d’excellentes photos de cette foule de nouveaux baptisés. (...) Tous les lecteurs des journaux ont dû avoir l’impression qu’ils ne pouvaient plus considérer les témoins de Jéhovah comme une petite ‘secte’. La vérité était en marche !”

      Cependant, le peuple de Jéhovah ne s’intéresse pas simplement à l’accroissement numérique. Il importe surtout que les candidats au baptême comprennent ce qu’ils font. C’est pourquoi ils ont beaucoup apprécié le livre “Ta parole est une lampe pour mon pied”, publié en 1967. En effet, les pages 8 à 37 de ce livre contenaient quatre-vingts questions bibliques que des frères mûrs devaient examiner avec les candidats au baptême. À ce sujet, frère et sœur Newell écrivent : “Après avoir étudié les quatre-vingts questions avec des membres du comité de la congrégation, les gens se rendaient compte que l’offrande personnelle et le baptême constituent un engagement pour la vie, et ils comprenaient que les responsabilités impliquées ne devaient pas être prises à la légère.” Le livre Une organisation pour prêcher le Royaume et faire des disciples (publié en 1972) contient également des questions bibliques à examiner avec ceux qui envisagent le baptême. Lorsque les aînés examinent ces questions avec les candidats au baptême, ces derniers ont l’occasion de s’exprimer sur des sujets bibliques et de méditer sur leurs relations avec Jéhovah Dieu. Cette disposition aide à faire de vrais disciples.

      Considérons brièvement les progrès de l’œuvre consistant à faire et à baptiser des disciples. En 1968, il y a eu 82 842 baptisés, alors que de 1969 à 1973, 792 019 personnes se sont fait baptiser. À mesure que des efforts enthousiastes se poursuivent pour rassembler la “grande foule”, de nombreux milliers de gens sont baptisés chaque année. Rien que durant l’année de service 1974, 297 872 candidats se sont fait baptiser en symbole de l’offrande de leur personne à Jéhovah Dieu ! Quelle joie pour le peuple de Dieu de participer à cette œuvre merveilleuse de rassemblement, à la louange de Jéhovah ! À l’heure actuelle, plus de deux millions de témoins chrétiens de Jéhovah baptisés annoncent la bonne nouvelle du Royaume de Dieu.

      “RESTEZ AUX AGUETS”

      Jésus Christ souligna l’importance pour ses disciples de rester vigilants et de guetter le jour où il viendrait pour exécuter le jugement contre le présent système de choses inique. Il compara le disciple au portier à qui son maître ordonna de guetter son retour d’un voyage à l’étranger. Jésus nous donne ce sage conseil : “Restez aux aguets.” — Marc 13:32-37.

      L’assemblée de district “Le dessein divin” a fait beaucoup pour favoriser une attitude de vigilance spirituelle chez les témoins chrétiens de Jéhovah. De juin à août 1974, plus de quatre-vingt-cinq assemblées de district se sont tenues aux États-Unis, au Canada et dans les îles Britanniques. Ces rassemblements ont certainement aidé le peuple de Dieu à se situer dans le cours du temps.

      Trois représentations bibliques contenaient des leçons puissantes. Pendant que les congressistes voyaient les Israélites errer dans le désert après avoir été délivrés de la captivité en Égypte, ils ont compris qu’il faut se garder du manque de foi. Une autre représentation, basée sur I Rois, chapitre 13, montrait combien il est dangereux de ne pas écouter l’autorité divine. La troisième, très émouvante, reproduisait la vie et les œuvres chrétiennes de l’apôtre Paul. Elle a ranimé le zèle des spectateurs pour le culte et le service de Jéhovah Dieu.

      Comment pouvons-​nous nous protéger des dangers du matérialisme, de l’influence des démons et de la fausse religion ? Le discours intitulé “Sauvegardés par une foi et une espérance qui sont fixées sur Jéhovah” a répondu à cette question. À la fin de ce discours, l’annonce a été faite de la parution d’un nouveau livre en anglais, intitulé “Tout finit-​il avec cette vie ?” Ce livre de 192 pages porte des coups puissants contre Babylone la Grande, l’empire mondial de la fausse religion, tout en donnant au lecteur d’excellentes raisons de croire que cette vie est loin d’être la fin de tout. Ce petit ouvrage fortifie la foi en Jéhovah, en sa promesse de la vie dans un ordre nouveau et juste, et dans la merveilleuse espérance de la résurrection.

      Les disciples oints de Jésus Christ et leurs compagnons à l’espérance terrestre désirent servir à l’accomplissement du dessein divin. Ils savent que ce dessein n’échouera pas, et cette conviction est exprimée dans le titre et le contenu d’un autre nouveau livre paru en anglais, à savoir Le “dessein éternel” de Dieu triomphe pour le plus grand bien de l’homme. Effectivement, nous avons d’excellentes raisons d’avoir confiance que le dessein de Dieu sera accompli. Ces raisons ont été particulièrement soulignées lors du point culminant de l’assemblée, le discours public intitulé “Les projets humains échouent, le dessein de Dieu réussit”. Toutes ces pensées importantes ont réjoui le cœur des 891 819 personnes qui ont assisté aux 69 assemblées de district “Le dessein divin” organisées aux États-Unis. En Amérique comme ailleurs, les témoins de Jéhovah savent que les hommes continueront à faire des efforts pour stabiliser le présent monde qui est branlant. Les projets humains peuvent sembler grandioses, et les hommes peuvent annoncer avec assurance que leurs plans réussiront, mais les serviteurs de Jéhovah savent que seul le dessein divin triomphera et ils remercient leur Dieu du merveilleux privilège qu’ils ont de prêcher sa Parole et son Royaume.

      On remarque avec intérêt que la prophétie d’Ésaïe déclare que “dans la période finale des jours”, la montagne de la maison de Jéhovah serait solidement établie au-dessus du sommet des montagnes et que de nombreux peuples afflueraient vers elle (És. 2:2-4). Or, nous sommes actuellement “dans la période finale des jours” ! L’apparition de la “grande foule” toujours plus nombreuse devrait nous faire comprendre le caractère urgent de notre époque. Pour les serviteurs de Jéhovah, ce n’est pas le moment d’être indifférents, indolents ou inactifs. Ils ont du travail à faire !

      Vous rendez-​vous compte où nous en sommes dans le cours du temps ? Notre attention a été attirée sur cette question en 1966. Cette année-​là, le peuple de Dieu reçut le livre passionnant intitulé La vie éternelle dans la liberté des fils de Dieu. Il n’a pas fallu longtemps pour que la plupart des frères remarquent le tableau chronologique qui indique 1975 comme marquant la “fin du 6e jour de mille ans de l’existence humaine (début de l’automne)”.

      Indiscutablement, cela a soulevé des questions. Fallait-​il entendre qu’en 1975 Babylone la Grande aura disparu, qu’Har-Maguédon aura eu lieu et que Satan sera lié ? ‘Cela se peut’, a admis frère Franz, vice-président de la Société Watch Tower, après avoir posé des questions analogues à l’assemblée de district “Fils de Dieu, fils de la liberté”, tenue en 1966 à Baltimore. Cependant, il a ajouté en substance : ‘Mais nous n’affirmons rien. Tout est possible à Dieu. Mais nous n’affirmons rien. Et que nul d’entre vous ne se montre dogmatique en parlant de ce qui va se passer d’ici à 1975. Chers amis, le point essentiel de cette discussion est celui-ci : Le temps est court. Le temps se fait court, il n’y a pas de doute à ce sujet.’ Entre autres, frère Franz fit cette exhortation : “Employons bien le temps, et tandis que l’occasion nous est offerte, engageons-​nous à fond dans l’œuvre excellente de Jéhovah.”

      Quelques années se sont écoulées depuis lors, mais elles n’ont fait qu’ajouter au caractère urgent de notre prédication. Les serviteurs de Jéhovah savent qu’ils n’ont pas voué leur vie à Dieu jusqu’à une certaine année. Ils constituent son peuple voué pour toujours ! Aujourd’hui, le monde tout entier des hommes constitue le champ de Dieu qu’il faut travailler, et ce travail est urgent. Quel n’est pas le privilège des serviteurs de Jéhovah d’être ses collaborateurs dans ce champ, où ils doivent faire connaître ses desseins et son moyen de salut ! Pleinement reconnaissants envers Jéhovah Dieu de sa faveur imméritée, ces chrétiens voués poursuivront avec détermination leurs activités, “travaillant avec lui”. — I Cor. 3:9 ; II Cor. 5:18 à 6:2.

      Avec l’aide de l’esprit saint de Dieu, les témoins chrétiens de Jéhovah aux États-Unis continueront de servir leur Père céleste, avec leurs frères dans la foi sur toute la terre. Puissions-​nous faire preuve d’une fidélité indéfectible envers Jéhovah ! Puissions-​nous rester éveillés et actifs à mesure que la fin approche ! Nous devons ‘rester aux aguets’. Ce n’est pas le moment de s’endormir spirituellement ! L’heure est à la vigilance, à la diligence et à la fidélité, dans le service du Dieu dont le dessein merveilleux et incomparable ne peut échouer.

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