BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE Watchtower
Watchtower
BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE
Français
  • BIBLE
  • PUBLICATIONS
  • RÉUNIONS
  • Défenseurs des libertés de parole et du culte
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 25

      Défenseurs des libertés de parole et du culte

      LOÏS: Depuis que Marie et vous êtes venus dimanche dernier, Jean, je n’ai cessé de penser aux terribles traitements infligés aux témoins de Jéhovah du monde entier. Toute ma vie j’ai fréquenté l’Église, ma mère étant très pieuse comme vous le savez, et nous avons souvent discuté du pouvoir de la foi, mais je commence à me demander si j’ai jamais su ce que signifie avoir la foi. S’il m’avait fallu affronter des difficultés semblables à celles que vous nous avez décrites, je ne sais si je les aurais supportées.

      JEAN: Nous ne voulons pas honorer des hommes, même s’ils ont manifesté une foi inébranlable. Évidemment, nous nous réjouissons avec eux; toutefois, j’aimerais vous rappeler une chose qui a été l’objet de la première discussion que nous avons eue ici, un soir. Voilà: Jéhovah a suscité un peuple à notre époque, pour que ceux qui en font partie soient ses témoins et servent ses desseins. Jésus n’a-​t-​il pas dit à ses disciples: “Vous serez des objets de haine pour tous à cause de mon noma.” Ces serviteurs de Dieu, dont nous avons parlé, savaient que cette prophétie s’accomplirait, aussi ne se fièrent-​ils pas en leur propre force pour survivre, mais ils ne cessèrent de louer Jéhovah qui les délivrerait.

      LOÏS: J’ai en effet remarqué cela dans les récits que vous nous avez lus. Il n’en reste pas moins vrai que je puise un encouragement dans le fait que ces fidèles chrétiens, qui n’étaient que des gens ordinaires sous tous les rapports, sauf pour ce qui est de la sincérité, ont persévéré dans la foi.

      THOMAS: C’est parce qu’ils formaient un peuple entièrement voué à Dieu, Loïs. Mais que s’est-​il passé aux États-Unis, Jean? Vous nous avez laissé entendre tout à l’heure que les témoins avaient également connu des tribulations dans ce pays.

      JEAN: Certainement, bien que l’œuvre n’ait pas été interdite. L’opposition manifestée par le gouvernement ne se faisait ressentir que localement, sur le plan des municipalités, quoique de nombreux tribunaux aient failli à leur devoir de protéger nos droits et que beaucoup de juges aient montré une grande animosité à l’égard de notre œuvre.

      Comme je vous l’ai déjà dit, de 1928 à 1933 on n’a pas enregistré les arrestations. Mais en 1933, il y en a eu 269, et cela n’a fait que croître d’année en année. Rien qu’en 1936, on compta 1 149 arrestations, et pourtant le chiffre maximum n’était pas encore atteint. Ces cas mettaient en cause un certain nombre de lois et d’ordonnances que les autorités locales s’efforçaient d’appliquer contre les témoins de Jéhovah. Il s’agissait de lois relatives aux démarcheurs, aux quêteurs, à la vente de publications sans permis, licence ou paiement d’une taxe, ou encore de lois interdisant la diffusion d’écrits dans les rues, de décrets comme celui appelé “Green River”, selon lequel on ne pouvait visiter un foyer qu’après y avoir été invité, ou encore celui du nom de “Blue Law”, défendant de se livrer à certaines activités le dimanche, sans compter les ordonnances ayant trait à la violation de l’ordre public ou à la conduite désordonnée, et de nombreuses autres lois.

      La mise en application de ces lois avait pour but d’entraver l’œuvre des témoins de Jéhovah ou d’y mettre un terme. Ces lois concernaient en premier lieu l’activité déployée par les témoins et consistant à prêcher de maison en maison et à diffuser leurs publications; toutefois, outre celles intéressant directement notre œuvre, on se servit d’autres lois contre les témoins de Jéhovah. Citons, entre autres, le salut au drapeau obligatoire, les lois relatives à la délinquance juvénile et à la tutelle, à la sédition, à la diffamation, etc. Transgresser certaines de ces lois constituait un crime, aussi les témoins étaient-​ils représentés comme des criminels de la pire espèce.

      Les témoins de Jéhovah ne s’avouèrent pas vaincus. Nos cas ont été portés en justice, où nous avons plaidé non coupables. Nous n’avons pas abandonné la lutte quand les magistrats, tous les tribunaux inférieurs, voire même les Cours suprêmes des différents États, se prononcèrent contre nous. Non, nous nous sommes alors adressés à la plus haute cour du pays, en vue de faire reconnaître nos droits. Notre politique consistant à faire appel a été décrite dans les termes suivants:

      APPEL SYSTÉMATIQUE

      La réputation que les témoins de Jéhovah se sont faite aux États-Unis prouve combien il est important d’en appeler aux tribunaux supérieurs chaque fois qu’un jugement est défavorable. Si nous n’avions pas interjeté appel au sujet des milliers de condamnations prononcées par les juges, les tribunaux de simple police et autres, les précédents se seraient accumulés, devenant ainsi un obstacle gigantesque pour notre culte. Grâce aux pourvois en appel, nous avons empêché la formation d’un tel obstacle. Notre mode d’adoration a été consigné par écrit dans le code de lois des États-Unis et d’autres pays, en raison de notre insistance à faire appel quand la décision des tribunaux ne nous était pas favorableb.

      LOÏS: Excusez-​moi, Jean, mais j’aimerais que vous me donniez une explication à ce sujet. Depuis que vous nous avez entretenus de la “bataille du New Jersey” et des difficultés rencontrées par les témoins dans cet État, j’ai souvent pensé à la liberté accordée à chaque individu. J’ai eu quelques cours d’instruction civique en classe, mais comme la plupart des Américains, je n’ai pratiquement aucune notion du droit. J’ai toujours considéré les libertés dont nous jouissons comme un dû. Je pense que vous êtes parfaitement en droit d’aller de maison en maison et de vendre des Bibles et des manuels bibliques. Qui pourrait vous en empêcher? Ne sommes-​nous pas dans un pays libre?

      JEAN: Certes, vous avez raison, mais notre liberté a été considérée comme une chose établie. La Constitution des États-Unis a toujours été regardée comme la charpente ou le squelette des nombreuses lois promulguées par les législateurs rattachés aux municipalités ou à l’État. Toutefois, la façon dont ces lois ont été mises à l’épreuve dans les controverses débattues devant les tribunaux du pays a revêtu de chair ce squelette, en ce sens qu’elle a défini et éclairci ce code de lois, tout en déterminant lesquelles de ces nombreuses lois sont valides et comment elles doivent être appliquées.

      LIBERTÉS APPORTÉES PAR LES PREMIER ET QUATORZIÈME AMENDEMENTS

      Pour bien discerner les principes impliqués dans les cas défendus et gagnés par les témoins de Jéhovah, il faut savoir que la Constitution originelle des États-Unis ne garantissait pas les libertés individuelles. Cela ne fut inclus que plus tard dans les dix amendements rédigés par James Madison et adoptés par tous les États qui avaient accepté la première constitution. Ces amendements sont appelés le Bill of Rights (Déclaration de droits). Le Premier Amendement est bref; il a trait à la liberté religieuse et est ainsi libellé: “Le Congrès ne fera aucune loi relative à la création d’une religion, ni n’interdira le libre exercice du culte, pas plus qu’il ne portera atteinte à la liberté d’expression ou de la presse, à la liberté de s’assembler paisiblement et au droit de faire appel au gouvernement pour redresser les torts.”

      Cette constitution étant fédérale, le Premier Amendement n’imposait de contrainte qu’au gouvernement national des États-Unis. Les différents États inclurent des réserves semblables dans leur propre constitution, et à cette époque il n’avait pas été jugé utile d’appliquer des restrictions contre les États, pour autant qu’il s’agissait de la Constitution fédérale. Toutefois, après la guerre de Sécession, quand les Américains comprirent qu’il était indispensable de préserver les libertés civiles des esclaves affranchis, le Congrès proposa d’insérer le Quatorzième Amendement à la Constitution des États-Unis. Celui-ci ne concerne en rien la liberté religieuse; il stipule simplement, entre autres choses: “Aucun État (...) ne privera quelqu’un de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure judiciaire dans les règles.” C’était là une restriction imposée aux États, et selon cet amendement toute personne qui avait été privée de ses droits par l’État pouvait en appeler à la Constitution fédérale. Pendant de nombreuses années, très peu de cas impliquant ces précieuses libertés d’expression, de la presse et du culte, furent présentés devant les cours.

      Les témoins de Jéhovah arguèrent que les termes liberté et procédure judiciaire dans les règles mentionnés dans le Quatorzième Amendement impliquaient toutes les libertés garanties par les dix premiers amendements, et que les libertés du culte, d’expression et de la presse assurées par le Premier Amendement et imposées comme restrictions au gouvernement fédéral seraient en revanche appliquées contre tous les États.

      Avant 1940, une seule affaire relative à la liberté du culte avait été portée devant la Cour suprême. Il s’agissait des cas David contre Beason (1890) et Reynolds contre États-Unis (1878)c, ayant trait au droit revendiqué par les Mormons de pratiquer la polygamie; les décisions relevaient du Premier Amendement. Les Mormons perdirent leur procès, car la constitution protège uniquement l’exercice du culte et non l’abus de cet exercice dans une pratique qui serait regardée comme une violation des lois morales.

      EXERCICE DES LIBERTÉS GARANTIES DANS LE PREMIER AMENDEMENT

      La position adoptée par les témoins de Jéhovah concernait leur mission de prêcher. Nous n’avons accepté aucun compromis, affirmant que nous considérions qu’en dépit du point de vue personnel d’un juge quelconque, notre activité consistant à aller de maison en maison pour diffuser les publications et présenter des sermons oraux, en bref la prédication, était notre façon d’adorer Dieu. Nous avons également pris le parti qu’il n’appartenait à aucun juge, fût-​il de la Cour suprême ou d’une autre cour du pays, de contester ou de nier que tel était notre mode d’adoration. Nous avons fait valoir que la décision prise par l’autorité ecclésiastique d’une organisation religieuse, quant à la qualification de ses ministres et au mode de prédication à observer par cette Église, était définitive et valable pour le monde entier. En conséquence, l’œuvre dans laquelle nous étions engagés n’était pas un abus de l’exercice du droit que garantit le Premier Amendement, mais constituait plutôt l’exercice de ce droit et ne devait donc pas être entravé. Les témoins de Jéhovah s’en tinrent strictement à ce principe fondamental pour défendre leur cause devant les tribunaux.

      Nous étions également d’avis que les lois appliquées contre les témoins n’étaient pas de simples ordonnances, mais des restrictions, et que, bien que certaines lois puissent réglementer à juste titre la vente ou la prospection, il n’en reste pas moins vrai que lorsqu’elles sont dirigées contre la prédication des témoins de Jéhovah, elles portent atteinte à la liberté religieuse qui est garantie intégralement, ce qui équivaut à une interdiction.

      Il importe de noter que les témoins de Jéhovah prirent aussi parti pour le principe juridique suivant lequel toutes les lois sont présumées constitutionnelles. En ce cas, les témoins déclarèrent que pour toutes les affaires dans lesquelles était impliqué le Premier Amendement, une loi employée pour restreindre la liberté religieuse devait être considérée comme invalide, c’est-à-dire anticonstitutionnelle.

      En 1938, le cas Lovell contre la ville de Griffin fut présenté devant la Cour suprême des États-Unis. Dans l’affaire Lovell, l’accusé, un témoin de Jéhovah, avait été condamné sur la base d’une ordonnance de la ville de Griffin, en Géorgie, interdisant “la diffusion (...) des publications de toutes sortes (...) sans l’autorisation écrite du maire de la ville de Griffin”. Défendant leur position de ministres, les témoins de Jéhovah refusèrent de demander cette autorisation. Les cours ayant statué que les décrets municipaux adoptés sous l’autorité fédérale constituaient une action de l’État et touchaient par conséquent aux droits accordés par le Quatorzième Amendement, la Cour suprême accepta d’examiner l’affaire et ses membres décidèrent d’un commun accord que l’ordonnance en question était manifestement nulle et non avenue. Toutefois, l’argumentation des témoins de Jéhovah n’était pas essentiellement fondée sur la liberté religieuse, mais également sur la liberté de la presse. Cette décision favorable de la Cour était ainsi exprimée:

      Nous pensons que l’ordonnance est nulle et non avenue. Quel que soit le motif qui a présidé à son adoption, par son caractère elle sape à sa base la liberté de la presse, en soumettant cette dernière à la censure et en la faisant dépendre d’un permis officiel. (...)

      On ne peut défendre cette ordonnance en faisant valoir qu’elle concerne la diffusion et non la publication. “La liberté de diffusion est tout aussi essentielle à la liberté de la presse que la liberté de publier; en fait, si elle ne pouvait être diffusée, une publication n’aurait guère d’utilité.” Ex parte Jackson, 96 U.S. 727, 733d.

      L’année suivante, en 1939, lors de la session du mois d’octobre, la Cour suprême des États-Unis disculpa un autre témoin de Jéhovah accusé d’avoir diffusé des publications de porte en porte sans autorisation à Irvington, dans le New Jersey. L’ordonnance en cause interdisait à “quiconque, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance, de colporter, de solliciter, de diffuser des circulaires et autres choses ou d’aller de maison en maison”. Suivant ce décret, il fallait se faire délivrer un permis par le chef de la police, qui procédait d’abord à une enquête, exigeait une photographie et relevait les empreintes digitales. Évidemment, les témoins refusèrent de soumettre à la censure leur œuvre venant de Dieu, et déployèrent leur activité de prédication sans demander d’autorisation. Ici encore il s’agissait d’une question de licence ou de permis, aussi la Cour décréta-​t-​elle:

      Cette cour a caractérisé les libertés d’expression et de la presse comme étant des libertés et des droits individuels fondamentaux. Cette déclaration n’est pas vide de sens et n’a pas été faite à la légère. Elle reflète la conviction des auteurs de la constitution qui croyaient que l’exercice de ces libertés est le fondement même du droit des hommes libres de se gouverner. Elle souligne, comme le font de nombreux arrêts de cette cour, l’importance d’empêcher la limitation de la jouissance de ces libertés. (...)

      Imposer une censure par le moyen de licences qui rendent impossible la libre diffusion d’imprimés porte atteinte au cœur même des garanties constitutionnellese.

      Le troisième cas intéressant les témoins de Jéhovah et présenté à la Cour suprême est celui dont nous avons discuté il y a quelque temps; il s’agissait de faire passer le disque “Ennemis” sur un phonographe et de diffuser le livre portant le même titre. Ce fut l’affaire Cantwell contre Connecticut. Le décret du Connecticut invoqué dans ce cas interdisait les quêtes faites au profit d’œuvres religieuses ou de bienfaisance, sans autorisation accordée par le secrétaire du comité de défense des intérêts des citoyens du comté. En outre, une condamnation de droit civil était également prononcée pour délit contre l’ordre public, quand on faisait jouer sur un phonographe des disques attaquant les doctrines de l’Église catholique romaine. Défendant et justifiant la position des témoins de Jéhovah devant ces deux chefs d’accusation, voici, en partie, ce que décida la Cour suprême:

      Nous déclarons que l’ordonnance, telle qu’elle est interprétée et appliquée contre les appelants, les prive de leur liberté sans procédure judiciaire dans les règles, ce qui est contraire au Quatorzième Amendement. La conception fondamentale de la liberté renfermée dans cet amendement embrasse toutes les libertés garanties par le Premier Amendement. Le Premier Amendement déclare que le Congrès ne promulguera pas de loi relative à la création d’une religion ni n’interdira le libre exercice du culte. Le Quatorzième Amendement a établi que le corps législatif des États était tout aussi incompétent que le Congrès pour décréter de telles lois. (...)

      (...) Il ne fait pas de doute qu’un État peut protéger ses citoyens contre le colportage frauduleux. (...) Un État est également autorisé à réglementer la prospection en général pour ce qui est du moment et de la manière d’exercer cette activité, et cela dans l’intérêt de l’ordre, de la sécurité et de la convenance du public. Toutefois, faire dépendre d’un permis la prospection visant à perpétuer les idées ou systèmes religieux, permis qui est délivré suivant la décision prise par l’État qui détermine ce qui est une cause religieuse, revient à freiner illicitement l’exercice de la liberté assurée par la constitutionf.

      Pour la première fois et à l’unanimité, la Cour suprême des États-Unis décida que les poursuites contre les témoins de Jéhovah constituaient une violation de la liberté religieuse garantie par la clause du Quatorzième Amendement contre l’ingérence de l’État.

      Assisté du service légal de la Société, le juge Rutherford, lui-​même avocat autorisé à plaider devant la Cour suprême, déposa des dossiers sur ces affaires.

      UN CHANGEMENT DÉCHAÎNE UNE VAGUE DE VIOLENCE

      En juin 1940, l’affaire Gobitis a marqué un “recul dans les décisions libéralesg”.

      THOMAS: Ne s’agit-​il pas du cas impliquant le salut au drapeau dont nous avons déjà parlé et à propos duquel la Cour d’appel des États-Unis s’était prononcée en faveur des témoins de Jéhovah?

      JEAN: En effet. Mais quand cette affaire fut portée devant la Cour suprême des États-Unis en 1940, celle-ci annula le jugement établi en faveur des témoins par huit voix contre une. Le juge Harlan F. Stone fut le seul qui s’opposa à cette décision cruciale. Certains aspects du cas Gobitis ainsi que les conséquences de la décision de la Cour ont été exposés dans la biographie du juge Stone (qui fut par la suite nommé président de la Cour suprême). Voyons cela ensemble.

      Par intervalles et sur une période de vingt ans, le juge Stone avait lutté sincèrement pour concilier la liberté et l’autorité à ce niveau délicat. (...) Jusqu’en 1940, à l’instar de la Cour elle-​même, il semblait hésiter entre deux points de vue. L’épreuve de force se produisit au printemps de cette année-​là. Alors, en parfaite contradiction avec la position que le juge Stone et d’autres avaient prise pour la liberté de pensée et de croyance, tous ses collègues approuvèrent la décision rendant le salut au drapeau obligatoire pour les témoins de Jéhovah. Le moment était décisif. Enfin, le juge Stone prit ouvertement position, seul.

      En 1936, les enfants Gobitis, âgés de douze et dix ans, avaient refusé de se joindre aux autres élèves pour saluer le drapeau conformément à l’ordre donné par la direction de l’école de Minersville, en Pennsylvanie. Ils furent par suite renvoyés du lycée de la ville. Leur refus ne signifiait pas qu’ils étaient antipatriotes et n’aimaient pas leur pays. Cela indiquait simplement, selon leur compréhension des Écritures, que le salut au drapeau constituait une violation de l’ordre biblique interdisant de se prosterner devant une image. La requête du père pour leur réadmission parvint à la Cour suprême juste au moment où la Seconde Guerre mondiale allait être déclarée. La nation était en pleine effervescence, se préparant activement. Influencés, semble-​t-​il, par les temps et les circonstances, huit juges, ayant pour porte-parole le juge [Félix] Frankfurter, exprimèrent l’avis que la direction de l’école avait organisé une cérémonie tout à fait conforme au but consistant à protéger l’unité nationale — “le fondement de la sécurité nationale”, et “un intérêt qui occupe une place importante dans la hiérarchie des valeurs légales”.

      La question fondamentale n’était nouvelle ni pour Stone ni pour Frankfurter. Dans le mémorandum qu’il avait adressé le 18 septembre 1918 au secrétaire de la guerre, Newton Baker, Frankfurter avait déclaré que les “objecteurs de conscience, qu’ils appartiennent à une secte ou non, (...) qui s’opposent d’une manière inflexible [que ce soit au service combattant ou non combattant] devraient être condamnés et emprisonnés”. “Je suggère, écrit Frankfurter, que ces absolutistes soient envoyés aux autorités du fort Leavenworth pour recevoir le traitement qu’ils méritent.” En revanche, Stone déclarait que “toutes les expériences faites par les hommes nous ont enseigné qu’il est impossible de supprimer ou de résoudre une question d’ordre moral, en faisant des martyrs de ceux qui défendent cette cause”. Le juge Stone s’en tint à cette conviction dans les cas des témoins de Jéhovahh.

      L’avis contraire exprimé par Stone fut favorablement accueilli; on déclara qu’il était “non seulement raisonnable mais courageux”, ainsi que “l’un des avis contraires les plus remarquables de l’histoire américaine”. Les commentaires de la presse étaient tout aussi favorables. Il y eut 171 journaux importants qui condamnèrent la décision de la Cour, tandis qu’une poignée seulement l’approuva. Cependant,

      en certains endroits, la hardiesse de Stone provoqua de violentes réactions. Une organisation d’anciens combattants de Boston réclama sa démission, au moyen d’une résolution qui disait: “En vous opposant à cette décision, vous avez donné le mauvais exemple et encouragé un plus grand nombre d’élèves à refuser de saluer le drapeau. Il ressort également de votre attitude que vous êtes soit un révolutionnaire ou un disciple de cette prétendue religion.”

      Après que la Cour eut approuvé la décision rendant le salut au drapeau obligatoire, le sectarisme et le fanatisme religieux ainsi que le patriotisme irréfléchi se déchaînèrent. On disait des témoins de Jéhovah qu’ils “ne croient pas à la religion, que pour eux la religion est une supercherie consistant à amasser de l’argent en vendant les livres du Juge Rutherford”. Des comités pleins de zèle prirent sur eux d’imposer le respect du drapeau au moyen de la violence. Entre le 12 et le 20 juin 1940, des centaines d’attaques dirigées contre les témoins furent enregistrées au ministère de la Justice pour qu’éventuellement le FBI puisse y donner suite. À Kennebunkport, dans le Maine, la Salle du Royaume fut brûlée. À Rockville, dans le Maryland, à environ trente mètres de l’imposant bâtiment de la Cour suprême, la police se joignit aux émeutiers, perturbant une réunion biblique. À Litchfield, dans l’Illinois, un millier d’habitants encerclèrent soixante témoins qui allaient de porte en porte, brûlant leurs tracts et renversant leurs voitures. À Connersville, dans l’Indiana, l’avocat des témoins fut battu et conduit hors de la ville. À Jackson, dans le Mississippi, une organisation d’anciens combattants expulsa de la ville les témoins et leurs caravanes. Des incidents semblables eurent lieu au Texas, en Californie, dans l’Arkansas et dans le Wyoming. Le ministère de la Justice fit remonter l’origine de cette vague de violence à la décision prise par la Cour dans la première affaire du salut au drapeaui.

      DES ACTES CONTRAIRES AUX PRINCIPES DES AMÉRICAINS

      Cette vague de violence sans précédent fut accompagnée d’arrestations dont le nombre allait sans cesse croissant. Au cours des années 1940, 1941 et 1942, on a enregistré une moyenne annuelle de plus de 3 000 arrestations. Dans de nombreux cas, les autorités locales et les représentants de l’ordre public prirent part à cette activité illégale. Voici un autre rapport révélant les effets néfastes que produisit sur le public la décision relative à l’affaire Gobitis.

      THOMAS [Il l’interrompt]: Je commence à croire de plus en plus que le juge Rutherford savait de quoi il parlait quand il mit en garde les Américains en 1938 contre la menace sans cesse croissante du fascisme aux États-Unis.

      JEAN: Eh bien, voici quelques-uns des actes illégaux et contraires aux principes des Américains commis contre les témoins de Jéhovah au cours de cette période.

      Les centaines de poursuites judiciaires n’ayant pas réussi à empêcher le peuple du Seigneur de chanter des louanges à Jéhovah de porte en porte et dans les rues, l’ennemi, agissant sous l’influence des démons, suscita une violente opposition, sous la forme d’émeutes dirigées contre les proclamateurs du Royaume. Ce genre de persécution se renouvela de nombreuses années plus tard, en commençant dans certains endroits de Pennsylvanie et de l’Ohio, en automne de 1939. La violence des émeutes atteignit son paroxysme en mai 1940, les troubles ayant débuté à Del Rio, au Texas, pour s’étendre immédiatement à d’autres villes de cet État et à de nombreux autres États.

      Le 3 juin 1940, la Cour suprême décréta que la direction des écoles publiques pouvait exiger que les enfants saluent le drapeau et les renvoyer en cas de refus. Sous l’influence de la Hiérarchie catholique romaine, la presse américaine présenta cette conception sous un faux jour, disant que chaque individu devait saluer le drapeau. Après cette déformation des faits, la Légion [anti]américaine, qui subissait l’influence des démons, ainsi que la Hiérarchie catholique romaine excitèrent la violence qui avait déjà pris naissance au Texas et dans les environs, si bien que ces violentes émeutes se répandirent rapidement dans tous les États de l’Union américaine.

      Depuis le mois de mai 1940, la Hiérarchie et la Légion américaine, passant outre à la loi, saccageaient tout au moyen de ces émeutes, causant des ravages indescriptibles. Les témoins de Jéhovah ont été attaqués, battus, enlevés, chassés des villes, des comtés et des États, enduits de goudron et garnis de plumes; on les a obligés à boire de l’huile de ricin, on les a attachés ensemble et chassés comme des bêtes dans les rues. Certains ont été castrés et autrement mutilés, ridiculisés et injuriés par des foules démonisées. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnés sans raison et se sont vu refuser le droit de communiquer avec leurs parents, amis ou avocats. Des centaines d’autres ont été jetés en prison et tenus “en lieu sûr”; on a tiré sur certains pendant la nuit; d’autres, menacés d’être pendus, ont été battus jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance. Des émeutes très variées ont été organisées. Un grand nombre de témoins ont été déshabillés, leurs vêtements ont été arrachés, on s’est saisi de leurs Bibles et d’autres publications pour les brûler publiquement. Leurs voitures, leurs caravanes, leurs maisons et leurs lieux de réunion ont été mis à sac et incendiés; les dommages s’élevèrent à de nombreux milliers de dollars.

      Cette violence d’origine démoniaque s’est totalement emparée des foules et des autorités et cela dans des centaines de villes d’Amérique, à tel point que ces gens ont faussement accusé les témoins de sédition et d’autres crimes, comme celui d’être “contre le gouvernement”. Cette sorte de persécution embrasa le Kentucky, le Missouri et l’Indiana. Dans le Kentucky, dix frères sont en instance de jugement pour sédition, crime qui leur fait encourir une peine maximale de vingt et un ans de réclusion dans un pénitencier. Dans l’Indiana, deux pauvres femmes ont été condamnées à dix ans de pénitencier pour “sédition”, parce qu’elles possédaient des publications que la Légion américaine déclare être “contre le gouvernement”.

      Dans de nombreux cas, où les jugements ont eu lieu dans des villes menées par des bandes d’émeutiers, les avocats comme les témoins de Jéhovah ont été malmenés et battus dans le tribunal même.

      Dans presque tous les cas d’émeutes violentes, les représentants de l’ordre ne sont pas intervenus et ont refusé d’accorder leur protection; de plus, de nombreuses fois, ils ont pris part aux émeutes et certains d’entre eux sont allés jusqu’à en prendre la têtej.

      Cette persécution devint si cruelle que le Procureur général des États-Unis, Francis Biddle, ainsi que Madame Éléonore Roosevelt, épouse du président des États-Unis d’alors, se sentirent dans l’obligation de faire une déclaration publique pour faire cesser de telles pratiques. Le Procureur général déclara, le 16 juin 1940, dans une émission radiodiffusée dans l’ensemble des États-Unis par le réseau de la N.B.C. (Compagnie nationale de radiodiffusion):

      Les témoins de Jéhovah ont été attaqués et battus à maintes reprises. Ils n’avaient commis aucun délit; mais la foule les en a jugés coupables et leur a infligé des châtiments populaciers. Le Procureur général a ordonné une enquête immédiate sur ces actes de violence.

      Les citoyens doivent être vigilants et se tenir sur leurs gardes et, par-dessus tout, faire preuve de calme et de bon sens. Étant donné que les violences perpétrées par la populace rendent la tâche du gouvernement infiniment plus difficile, celles-ci ne seront pas tolérées. Nous ne vaincrons pas le mal nazi en imitant ses méthodesk.

      Ensuite, un groupe de personnes qui s’intéressent aux libertés civiles a publié une brochure dans laquelle elles décrivaient ces excès. En voici un court extrait:

      Depuis la persécution des Mormons, qui remonte à de nombreuses années, aucune minorité religieuse n’a été aussi cruellement et généralement attaquée que les membres des témoins de Jéhovah, surtout au printemps et en été 1940. Ces attaques, qui ont alors atteint leur point culminant, sont le résultat de l’hostilité et de la discrimination qui règnent contre eux depuis plusieurs années.

      Des documents, déposés au ministère de la Justice par les avocats des témoins de Jéhovah et par l’Union pour les libertés civiles américaines, faisaient état en 1940 de plus de 335 cas où, dans 44 États, la populace avait commis des actes de violence contre 1 488 hommes, femmes et enfants.

      Les causes de cet extraordinaire déchaînement de violence étaient la crainte “patriotique” née du succès des armées nazies en Europe et la panique qui s’empara du pays à la pensée de l’invasion des États-Unis. De la Californie au Maine, cette angoisse se manifesta par la recherche de “membres de la Cinquième colonne” et de “Chevaux de Troie”, termes qui devinrent presque immédiatement populaires pour caractériser ceux que l’on pensait être opposés à la défense nationale.

      Les témoins de Jéhovah furent l’objet d’une attaque immédiate et générale, principalement à cause de leur attitude à l’égard du salut au drapeau, attitude qu’ils avaient fait connaître en diffusant partout l’édition du 29 mai 1940 de leur périodique Consolation (angl.), qui relatait les détails sur l’audience, devant la Cour suprême des États-Unis, de l’affaire Gobitis relative au salut au drapeau. En raison de la décision du 3 juin 1940, reconnaissant à la direction scolaire le droit d’expulser de l’école les enfants de cette secte qui refusaient de saluer le drapeau, cette propagande fut considérée par quelques-uns comme séditieusel.

      LE CONGRÈS DE 1940 EST UNE SOURCE D’ENCOURAGEMENT

      Au cœur des batailles légales et tandis que la persécution des témoins atteignait son point culminant, la Société décida d’organiser un congrès. Vous pensez peut-être que le moment était mal choisi pour cela, mais vous verrez qu’il en fut tout autrement. Les témoins de Jéhovah étaient déterminés à persévérer en dépit de l’opposition, et les congrès ont toujours été une source d’unité et de force pour le peuple de Dieu, grâce à la nourriture spirituelle qui y est dispensée et à la compagnie fraternelle.

      Ainsi, on procéda aux préparatifs de ce congrès qui devait avoir lieu à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio, du 24 au 28 août 1940. Au même moment, des assemblées étaient organisées dans plus de trente autres villes des États-Unis. Elles devaient être reliées entre elles par téléphone pour ne former qu’un seul congrès. Cependant, suite aux pressions exercées par la Hiérarchie catholique romaine, les dirigeants de l’État de l’Ohio annulèrent le contrat et interdirent aux témoins d’employer la foire commerciale.

      Immédiatement une pétition circula dans tout le pays, et en quelques jours seulement, 2 042 136 signataires demandaient au gouverneur Bricker et à l’Association de la foire commerciale de l’Ohio d’autoriser les témoins de Jéhovah à tenir leur assemblée chrétienne à la foire commerciale. Le gouverneur Bricker refusa d’accéder à la requête des pétitionnaires, aussi les témoins se trouvèrent-​ils dans l’obligation de chercher une autre ville clé.

      Suite aux pressions exercées, nombre d’autres villes annulèrent les contrats, si bien que lorsque le moment vint de se réunir en assemblée, dix-huit villes seulement acceptèrent de recevoir les témoins. Quand la Société acquit la certitude qu’il ne fallait pas compter obtenir la foire commerciale de Columbus, la ville clé choisie fut Detroit, dans le Michigan, et en dépit de l’opposition, une assemblée eut lieu dans une série de grands garages reliés entre eux; elle remporta un vif succès. Le juge Rutherford, dont les forces déclinaient, put néanmoins se présenter trois fois devant l’auditoire. L’un des discours principaux était intitulé “Les temps et les saisons”. L’assistance à Detroit s’éleva à 35 000 témoins. À la fin de ce discours, on publia le livre Religion; les congressistes venus de toutes les parties du pays en emportèrent immédiatement 30 000 exemplaires. Le clou de l’assemblée fut le discours “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?”. Il dénonçait particulièrement la fausse religion et la corruption des systèmes mauvais fonctionnant au nom de Jésus-Christ. Cette conférence fut gravée sur disques, ainsi qu’imprimée, et largement diffusée après le congrès.

      Ce discours public du dimanche 28 juillet fut prononcé à Detroit devant un auditoire de 45 000 personnes, qui se pressaient sur les lieux mêmes du congrès et à la salle Eastern Star Temple; des milliers d’auditeurs se trouvant dans les rues et aux sorties des salles écoutaient le message retransmis par les haut-parleurs. Des lignes privées diffusèrent également la conférence dans le camp de caravanes, où 12 000 personnes s’étaient réunies. Les chrétiens rassemblés dans les dix-sept autres villes vinrent s’ajouter à ceux de Detroit, ce qui fait qu’au total 80 000 personnes écoutèrent cet exposé sur la religion. Les deux discours “Les temps et les saisons” et “La religion est-​elle le remède aux maux du monde?” ont été publiés dans la brochure intitulée Conspiration contre la démocratie.

      D’autres points saillants du congrès furent la réunion avec les pionniers, la réunion de service modèle, l’étude de La Tour de Garde et la mise en service d’un phonographe à platine verticale, qu’on faisait fonctionner simplement en tournant un bouton, sans avoir à soulever le couvercle. Ce type de phonographe avait été conçu et fabriqué par les frères du Béthel de Brooklyn, et il était beaucoup plus adapté à l’activité de porte en porte. En outre, le no 6 de la feuille intitulée Nouvelles du Royaume fut publié lors de ce congrès et les frères en emportèrent plus de 2 000 000 d’exemplaires, afin de les diffuser immédiatement.

      Même cette assemblée de Detroit s’était déroulée au sein d’une grande opposition. La Légion américaine et la Hiérarchie catholique de Detroit exercèrent de violentes pressions en vue d’interrompre la réunion et de faire annuler le contrat de location dont le prix avait été payé d’avance. Les témoins se trouvèrent dans l’obligation de faire garder les lieux vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par de nombreux frères, et cela avant et pendant l’assemblée.

      Des journalistes, des photographes et des représentants de presque tous les magazines étaient présents, en raison de l’intense persécution dont les témoins de Jéhovah avaient fait l’objet dans tout le pays; ainsi la presse donna aux témoins la plus grande publicité jamais vue jusque-​làa.

      Nombre d’articles rédigés en cette période n’étaient pas favorables à ces chrétiens, toutefois certains le furent, témoin cet éditorial du Michigan Christian Advocate du 8 août 1940:

      Voilà un groupe qui, en cette année 1940 de notre Seigneur, n’a pas honte de témoigner ouvertement pour Jésus-Christ. Il croit en Jésus et le fait connaître. À une époque où la religion a adopté une attitude fausse et compromettante, où certains membres des Églises considèrent leur adhérence comme une fin au lieu d’un commencement dans l’œuvre de témoignage sur le Christ et où un trop grand nombre d’entre nous hésitent à rendre témoignage par crainte d’être embarrassés, ces témoins se présentent sur la scène contemporaine comme un défi lancé contre notre contentement païen. (...)

      En outre, chose qui importe certainement plus aujourd’hui que tout ce qui précède, c’est l’attention que cette secte a attirée sur le problème de la liberté religieuse, dans un pays qui se convertit rapidement au fascisme. Que ce groupe ne représente qu’une faible minorité ne change absolument rien aux principes de la liberté religieuse qui ont été transgressés par suite de la persécution qu’on lui a infligéeb.

      De nombreuses personnes bien disposées furent éclairées par cette publicité et répondirent favorablement à notre œuvre de prédication.

      LA POLICE ADOPTE DEUX ATTITUDES OPPOSÉES

      Un peu plus d’un mois avant cette assemblée, le 14 juin 1940, jour anniversaire de l’adoption du drapeau, la ferme du Royaume située à South Lansing, dans l’État de New York, et appartenant à la Société, fut menacée par la foule. Le responsable de la ferme avait été averti par un homme âgé qui, la nuit précédente, avait surpris une conversation dans un café de South Lansing, selon laquelle la Légion américaine de l’ouest de l’État de New York convergerait le lendemain vers la propriété de la Société, pour incendier les bâtiments.

      Le serviteur de la ferme prit immédiatement ce rapport en considération et avertit le shérif du comté de Tompkins, lequel prit également la nouvelle au sérieux. Ce shérif était désireux de faire respecter les lois, et bien qu’il ne disposât lui-​même que de quelques hommes, il décida d’empêcher toute violence. Il avait aussi eu vent de cette émeute dirigée contre la ferme et appela la police d’État en renfort.

      Le 14 juin, à 6 heures exactement, des centaines de voitures firent leur apparition et se dirigèrent vers les bâtiments de la Société situés sur la Route 34. Dans chaque voiture il y avait quatre ou cinq hommes, mais la police était prête. La troupe de l’État et les shérifs adjoints protégeaient tous les bâtiments de la Société. En outre, la police de l’État avait promulgué une ordonnance spéciale, interdisant à tout véhicule de ralentir ou de stationner sur une longueur d’environ huit cents mètres, c’est-à-dire d’une extrémité de la propriété de la Société à l’autre. Des policiers étaient postés sur cette distance, afin de faire circuler les voitures; aucune n’était autorisée à s’arrêter, pour que ses occupants n’en descendent pas et ne mettent pas le feu aux bâtiments. La police resta sur les lieux jusqu’à plus de minuit, obligeant tous les véhicules à circuler. C’est ainsi que fut déjouée l’attaque de la ferme du Royaume. On estima le nombre des voitures à 1 000 et celui des manifestants à environ 4 000, venus de toutes les parties de l’ouest de l’État de New York, dans l’intention de détruire la ferme de la Société.

      LOÏS: C’est encourageant de constater qu’il y eut quand même des autorités désireuses de faire leur devoir.

      JEAN: Oui, et le fait qu’elles réussirent à enrayer de violentes émeutes met davantage en évidence la grande négligence de celles qui refusèrent d’accorder la protection de la police aux témoins de Jéhovah.

      Mais tous les chefs de police ne furent pas aussi désireux de faire respecter la loi que le shérif du comté de Tompkins. En effet, un incident révoltant, illustrant la brutalité de la police, se produisit en Virginie occidentale. Le 29 juin 1941, sept témoins masculins se rendaient à Richwood, afin d’y prêcher. Trois d’entre eux passèrent à la mairie pour remettre au maire une lettre demandant la protection de la police au cours de leur prédication. Les quatre autres restèrent dans la voiture. Cette requête avait été jugée nécessaire, car un an auparavant, deux de ces témoins avaient reçu l’ordre de quitter la ville, parce qu’ils diffusaient des publications et faisaient circuler la pétition relative à l’assemblée nationale devant se tenir à la foire commerciale de Columbus, dans l’Ohio.

      Le maire étant absent, on amena les témoins devant Bert Stewart, chef de la police de Richwood, et Martin L. Catlette, shérif adjoint du comté de Nicholas et membre de la Légion américaine. Catlette était l’un des six membres de la Légion américaine de Richwood qui avaient, l’année précédente, intimé l’ordre de quitter la ville aux témoins. La lettre sollicitant la protection de la police fut donc remise à Stewart, chef de la police, mais il n’y donna pas suite. Au contraire, les trois témoins furent poussés dans le bureau du maire que Catlette partageait en qualité de shérif adjoint et percepteur d’impôts, et on les retint alors que Catlette portait son insigne officiel et que le chef de la police gardait la porte.

      Catlette appela au téléphone d’autres membres de la Légion américaine, disant entre autres choses: “Nous tenons ici trois de ces crétins et nous allons cueillir les autres!” Pendant qu’une foule d’environ 1 500 personnes se rassemblait, on amena les quatre autres témoins dans le bureau. Alors Catlette ôta son insigne de shérif adjoint et déclara: “Ce qui se fera à partir de maintenant ne sera pas fait au nom de la loi.” On força trois des témoins à ingurgiter un quart de litre d’huile de ricin, et à un autre qui protestait on ordonna d’en boire un demi-litre, après qu’un docteur l’eut menacé avec une pompe stomacale.

      Les sept témoins furent ensuite attachés ensemble avec une longue corde, à environ un mètre les uns des autres, et on les fit marcher jusque devant le bureau de poste de Richwood, sur le toit duquel flottait le drapeau américain. Catlette lut les préliminaires de la constitution de la Légion américaine, et toutes les personnes présentes saluèrent le drapeau, à l’exception des témoins. On les conduisit ensuite, toujours liés, à travers les rues de Richwood et au-delà de ses limites. On les relâcha hors de la ville en leur enjoignant de ne plus reparaître, et on leur rendit leur voiture, qui avait été endommagée, enduite d’huile de ricin et décorée d’inscriptions peu flatteuses.

      À partir du moment où ils avaient pénétré dans le bureau du shérif adjoint, c’est-à-dire à 9h.30 du matin, jusqu’à trois ou quatre heures de l’après-midi, quand ils furent libérés, les témoins n’avaient ni mangé ni bu, à l’exception de l’huile de ricin, et on leur avait interdit d’aller aux toilettes.

      Catlette et Stewart furent condamnés pour avoir transgressé la loi sur les droits civiques, en conspirant dans le but d’enlever aux témoins de Jéhovah leurs droits de prêcher l’évangile et d’expliquer leur refus de saluer le drapeau américain par motif de conscience. Condamné par le tribunal de district des États-Unis, pour le district sud de la Virginie occidentale, Catlette interjeta appel, mais la Cour d’appel de la quatrième circonscription des États-Unis confirma la décision prise par le tribunal inférieur et déclara entre autres:

      L’argument de Catlette n’a conséquemment pas plus de valeur que l’idée selon laquelle un officier peut se dissocier lui-​même de ses devoirs officiels simplement en ôtant son insigne avant d’adopter une ligne de conduite illégale et, ce faisant, s’absolvant avec insouciance de toute culpabilité pour avoir commis des actes répréhensibles. Nous devons condamner cette suggestion insidieuse selon laquelle un officier peut se défaire avec légèreté de son rôle officiel. Accepter un tel dualisme juridique équivaudrait à détruire les protections constitutionnelles et à rendre dérisoire l’application de la loic.

      Catlette fut condamné à une amende de 1 000 dollars et à un an de détention à la prison fédérale de Mill Point, en Virginie occidentale.

      LOÏS: Quand je pense à toute cette opposition et aux violentes émeutes, je me demande comment vous êtes parvenus à poursuivre votre œuvre.

      JEAN: Il est de fait que ce fut une période d’épreuve même pour les États-Unis, mais dans ce pays au moins l’œuvre n’a pas été considérée comme illégale, si bien que nous n’avons pas été forcés d’entrer dans la clandestinité. Ainsi, en ces jours de batailles légales et de combat contre les foules démonisées, les témoins de Jéhovah jouirent d’une liberté relative, leur permettant d’accomplir la volonté divine, affermissant la structure théocratique de l’organisation et augmentant ainsi sa maturité.

      Il conviendrait maintenant de considérer les différentes modifications apportées dans les méthodes de prédication, car les années à venir devaient voir des changements décisifs dans le programme d’instruction suivi par la Société.

  • La prédication est étendue pour trouver et nourrir la “grande foule”
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 26

      La prédication est étendue pour trouver et nourrir la “grande foule”

      JEAN: Lorsqu’en 1938 l’organisation des témoins de Jéhovah était devenue complètement théocratique, sa structure était en réalité bien simple. Vous vous souvenez que cette organisation avait pour but de rassembler et de nourrir le reste oint; elle s’était d’ailleurs développée dans ce sens. Mais après 1931, et plus spécialement à partir de 1935, les oints reconnurent la nécessité de rechercher les “autres brebis” et de se préparer en vue d’un sérieux accroissement. Le début de cette campagne intensive mit en lumière de nombreux facteurs importants concernant l’organisation et le travail lui-​même. Fondamentalement, les formes variées de prédication avaient toutes commencé à l’époque où le pasteur Russell administrait les affaires de la Société, mais maintenant les conditions ayant changé à l’intérieur comme à l’extérieur, il devenait indispensable de modifier les différentes techniques employées.

      Par exemple, l’une des premières activités déployées par les membres de la Société avait été le service volontaire. Vous vous rappelez que ce service était assumé par de nombreux oints, et consistait à distribuer gratuitement des tracts à la sortie des églises ou de maison en maison le dimanche matin. Cette activité fut poursuivie jusqu’à la cessation du programme de prédication en 1918; mais quand on reprit les autres formes de service en 1919 et par la suite, le service volontaire, tel qu’il était effectué, ne fut pas relancé, et finalement on l’abandonna.

      Puis, en février 1940, on adopta une nouvelle forme d’activité dans les rues. On ne se contentait plus d’offrir des publications aux gens qui se rendaient à l’église; désormais les témoins de Jéhovah se postaient au coin des rues mouvementées, dans les quartiers d’affaires, et offraient aux passants les deux périodiques La Tour de Garde et Consolation pour une contribution volontaire de 5 cents le numéro. Pour ce faire, ils portaient un sac en bandoulière spécialement conçu pour contenir les périodiques et sur lequel étaient inscrits les noms des deux périodiques ainsi que la contribution demandée. Des millions de personnes prirent ainsi l’habitude de voir ces témoins se tenir chaque semaine au coin des rues et annoncer hardiment le gouvernement théocratiquea. En outre, commencé en plein cœur d’une persécution à l’échelle nationale, ce travail dans les rues devait constituer une cible parfaite pour ceux qui font le mal dans les formes légales et s’opposent violemment à ces pacifiques messagers remplis de bonne volonté.

      L’activité des nouvelles visites fut une autre forme de service qui commença à occuper une place prépondérante dans le programme de prédication. Il s’agissait de visiter spécialement ceux qui avaient manifesté de l’intérêt et de les encourager à étudier la Bible. La nécessité de l’étude biblique, particulièrement en groupe, avait été reconnue à partir du moment où le pasteur Russell avait organisé le premier groupe de ses associés en 1872, à Allegheny-Pittsburgh, en Pennsylvanie. À dater de ce moment-​là, l’étude biblique était devenue une partie essentielle du programme de développement spirituel pour tous les membres des “ecclésias” ou congrégations. Ainsi, il était tout à fait normal de diriger les personnes nouvellement intéressées à la vérité vers ces groupes d’étude, et si les colporteurs les rencontraient dans des territoires isolés, on s’attendait à ce qu’ils les encouragent à accepter une telle étude dans leur foyer. Voici ce que déclarait l’édition anglaise de La Tour de Garde en 1907:

      Un rapport récent émanant d’un groupe de colporteurs révèle qu’après avoir prospecté dans une petite ville, ils ont noté que nombre de chrétiens étaient sincèrement intéressés par le message; certains d’entre eux ont fait l’acquisition auprès des témoins de l’ouvrage AURORE DU MILLÉNIUM alors que d’autres le possédaient déjà. Les témoins réunirent ces personnes dans un foyer. Un colporteur leur parla du Divin plan des âges pendant un dimanche entier, et le dimanche suivant, il les pressa de tenir régulièrement des réunions. Vingt personnes votèrent l’adoption de cette résolution et l’une d’entre elles, qui non seulement manifestait un attachement profond à la vérité mais une connaissance exacte de celle-ci, fut désignée pour être leur aîné ou conducteur, en vue de coopérer dans l’étude en commun du Divin planb.

      Bientôt cette méthode consistant à étendre l’activité des études conduites par les témoins fut suivie par les congrégations elles-​mêmes. Vous vous rappelez certainement qu’il s’agissait de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias, qui a fait l’objet d’une discussion détaillée. Suite à une série de conférences, des études de livre furent régulièrement organisées au sein des congrégations, et quand l’intérêt était manifeste et l’assistance suffisante, on formait de nouvelles ecclésias ou congrégations. Cette œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias vit le jour en 1911c. Vous vous souvenez également qu’avec la parution du nouveau livre La Harpe de Dieu en 1921, un cours spécial d’étude de la Bible était offert à l’acquéreur de cet ouvrage.

      Il n’est donc pas surprenant qu’avec un tel développement de l’œuvre, le phonographe portatif, mis en service en 1933, fût principalement consacré à l’activité des nouvelles visitesd. En 1936, la Société mettait l’accent sur cette forme de service et encourageait les frères à revisiter les personnes intéressées par le message. Cet encouragement stipulait entre autres:

      dans toutes vos visites emportez le phonographe. Si vous savez que vous devez revenir dans le territoire le lendemain, vous pouvez le confier aux personnes intéressées à la vérité et dignes de confiance, afin qu’elles l’écoutent dans la soirée, et le reprendre le lendemain matin pour l’employer dans le service du champe.

      La Société avait conseillé aux proclamateurs d’inviter les personnes bien disposées, au cours de ces nouvelles visites, à fréquenter régulièrement les études de livre de la congrégation où l’on examinait le livre Richesses.

      En 1937, quand la Société se retira des émissions radiophoniques commerciales, elle fit paraître un nouvel instrument, afin de rendre plus efficace encore l’activité des nouvelles visites. Il s’agissait du No 1 de la brochure Étude modèle, qui devait accompagner la brochure Dévoilées, éditée par la Société, et être employée conjointement avec la série de disques “Démasqué”. La brochure Dévoilées, ainsi que la série de disques, avaient été produites par la Société suite à une pétition adressée à la station de radio WIP.

      LOÏS: Je m’en souviens. C’était une pétition réclamant un débat entre le juge Rutherford et une autorité catholique romaine. Si mes souvenirs sont exacts, vous nous avez dit que la station WIP ne donna pas suite à la pétition, et qu’aucun dignitaire catholique n’a accepté le débat.

      JEAN: C’est bien cela. Ainsi la Société publia la brochure Dévoilées et la série de disques “Démasqué”, qui présentaient les doctrines fondamentales de la Bible, principalement dans le but de réfuter les faux enseignements de l’Église catholique romainef.

      Cette phase du programme d’instruction visant à aider la “grande foule” qui se manifestait maintenant permettait au proclamateur du Royaume de s’asseoir dans le foyer d’une personne bien disposée et de conduire avec elle une étude de la Bible. Au cours de la nouvelle visite, le témoin faisait d’abord jouer le phonographe tandis que le maître de maison suivait dans la brochure Dévoilées. Ensuite les questions étaient considérées à l’aide du questionnaire Étude modèle, et la personne répondait à l’aide de la Bible et des passages bibliques cités dans la brochure. De cette façon, le maître de maison apprenait à connaître la Parole de Dieu et recevait la réponse à ses questions directement de la Bible. Toutefois, ce ne fut pas avant 1938 qu’on enregistra ces nouvelles visites pour les rapporter à la Société. La première année, le rapport indiqua 298 489 nouvelles visites aux États-Unisg.

      En 1940, on se servit du No 2 de la brochure Étude modèle et des disques “Gouvernement et paix” et “Victoire”. Une intéressante variante de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias fut expérimentée en Angleterre et décrite en ces termes dans le rapport annuel du président de la Société:

      Ces instruments appropriés se sont avérés très efficaces pour enseigner aux personnes bien disposées le message de la Théocratie et renforcer un tel intérêt. Avec l’accord de frère Rutherford, une campagne d’études publiques modèles a été entreprise à l’échelle nationale. (...) L’extension du service comprenait une série de quatre réunions hebdomadaires, tenues dans une salle publique adéquate. Les gens étaient conviés à y assister au moyen de feuilles d’invitation courantes ou de lettres personnelles adressées à ceux que l’on savait intéressés au message. Le public britannique apprécia la réponse donnée à ses questions directement d’après la Bible. La brochure Étude modèle No 2 servait de base à ces questions et réponses. Nos rapports montrent que 4 176 réunions publiques ont été tenues au cours de l’année, lesquelles ont réuni une assistance de 157 663 personnes, dont 31 111 venues pour la première fois. Cette œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias aida à l’organisation de près de 40 nouvelles unités de service et contribua grandement à l’apport de 3 000 nouveaux proclamateurs pour cette annéeh.

      EXTENSION DU PROGRAMME DES VISITES

      La Société a toujours jugé qu’il était nécessaire d’édifier et d’affermir les congrégations en les faisant visiter directement par un représentant du siège de l’œuvre. C’est pourquoi frère Russell lui-​même visita personnellement les congrégations et, à mesure que leur nombre croissait, il désignait d’autres frères capables pour l’aider dans cette tâche importante.

      THOMAS: Selon ce que vous nous avez dit, je pense qu’il s’agit des frères pèlerins.

      JEAN: En effet, et vous vous souvenez que cette activité débuta en 1894i. On fit un effort pour rendre visite au moins deux fois l’an aux congrégations des États-Unis et du Canada. Puis, en 1928, le nom désignant ces serviteurs fut changé en celui de “directeur de service régional”, et leurs privilèges de service furent élargis en ce sens qu’ils devaient “visiter les ecclésias, leur enseigner à s’organiser pour travailler efficacement dans le champ, tout en les servant en prononçant des discours renfermant les vérités présentesj”.

      En 1929, cette forme de service s’était développée au point que treize frères parlant l’anglais, un Ukrainien et deux Polonais prenaient part à ce service régional. D’ailleurs, voici ce que l’Annuaire rapportait à ce sujet:

      Les frères anglais ont visité et servi 902 ecclésias, passant trois jours ou plus avec chacune d’elles, et ils ont instruit 17 589 frères dans le service. Ils ont parcouru au total 178 687 kilomètres aux frais du siège de la Société. L’accroissement des activités déployées au sein des ecclésias est dû en grande partie aux efforts de ces directeurs de service régionaux. Ils ont aidé les ecclésias à étudier et à surmonter les conditions adverses dans leur territoire, ce qui leur a permis d’élaborer plus complètement leurs plans en vue d’assumer leur tâchek.

      Reconnaissant la bénédiction de Jéhovah sur cette façon mieux centralisée d’organiser le service, en 1932 la Société s’intéressa plus directement aux activités des congrégations sur le plan local. Vous rappelez-​vous quelle étape a marqué la marche vers une organisation plus théocratique?

      LOÏS: N’est-​ce pas lorsqu’il a été montré que l’élection à la fonction d’“aîné” n’était pas biblique?

      JEAN: Très exactement. En même temps, La Tour de Garde expliqua dans un de ses articles que, selon la Bible, la Société avait autorité pour nommer un frère dont la tâche consisterait à servir la congrégation locale en tant que directeur de servicel. Au début, seuls les frères appartenant au reste oint furent choisis pour occuper de tels postesa, mais en 1937, quand il fut révélé que la “grande foule” était identifiée aux “compagnons” du reste, certains hommes d’entre elle furent également désignés pour assumer cette chargeb.

      Graduellement, les membres de la société du monde nouveau s’affermissaient et s’unissaient pour former une association solide et unie. Le succès de cette société du monde nouveau était assuré du fait qu’elle mettait l’accent sur l’enseignement des principes divins renfermés dans la Bible. L’organisation théocratique s’étant mise à suivre plus étroitement l’exemple de la congrégation primitive du premier siècle, tous les proclamateurs du Royaume du monde entier recevaient des instructions du siège central et de l’aide grâce aux frères nommés par la Société.

      En 1936, les rapports existant entre ces serviteurs nommés et les frères au sein des congrégations furent soulignés quand, au mois de juillet, la Société annonça que le nom “directeur” ne servirait plus à désigner les fonctions de “directeur de groupe” et de “directeur de service régional”. On appellerait plutôt les frères occupant ces charges “serviteur de groupe” et “serviteur régional”. Ce fut aussi à ce moment-​là que le bulletin de service mensuel “Directeur” fut changé en “Informateurc”.

      Les expériences faites au cours des campagnes divisionnaires, qui s’échelonnèrent de 1933 à 1935, nous avaient appris que les congrégations, quand elles étaient réunies dans le témoignage, étaient capables de résister à la persécution et à l’opposition, et manifestaient une unité et une force peu ordinaires. C’est ce qui incita la Société à créer le service de zone.

      Une “zone” était formée d’une vingtaine de congrégations situées dans une certaine partie du territoire. La Société désigna un “serviteur de zone”, à qui incombait le devoir de passer une semaine dans chaque congrégation, afin de veiller à la bonne organisation de celle-ci et d’aider ses membres dans le service du champ. De temps à autre, une “assemblée de zone” était tenue, rassemblant les vingt congrégations ou davantage, qui profitaient alors des instructions données et d’une édification spirituelle. Le siège de la Société désignait des serviteurs spéciaux pour desservir de telles assemblées. Le 1er octobre 1938, la Société désigna 148 serviteurs de zone et onze serviteurs régionaux, qui parcouraient régulièrement le territoired. En 1939, suite à une nouvelle répartition du territoire, il y eut 153 zones et 6 régions, chacune visitée par son propre serviteure.

      RÉORGANISATION DU SERVICE DE COLPORTAGE

      On procéda ensuite à des changements dans une autre forme de service, afin d’en augmenter l’efficacité. Il s’agit du service des colporteurs, appelés plus tard pionniers. Le rapport de la Société pour 1932 atteste qu’un remarquable travail a été accompli par les pionniers, nombre d’entre eux travaillant dans des territoires isolés à travers tous les États-Unis. En outre, des pionniers déployaient leur activité en dehors des États-Unis, sous la direction du siège de Brooklyn; leur champ d’action s’étendait jusqu’à la zone du canal de Panama, la Colombie, Costa Rica, Cuba, la Guyane néerlandaise, Hawaii, le Honduras, El Salvador et les îles Philippines. Les pionniers étaient particulièrement actifs parmi les étrangers des États-Unis, car ce groupe de fidèles prédicateurs comptait des témoins originaires de trente pays différents, en dehors des États-Unis, qui avaient immigré en Amérique et visitaient leurs compatriotesf.

      À la veille d’une organisation entièrement théocratique, une étape importante fut franchie dans le cadre du service de pionnier. Elle est décrite dans le rapport que la Société publia pour l’année 1937.

      À la conclusion de l’exercice écoulé, la Société a organisé une troupe de “pionniers spéciaux”, en les équipant pour l’œuvre de témoignage et en les chargeant d’une mission particulière. Ils sont tous munis d’un gramophone et de disques qu’ils utiliseront chaque jour dans la proclamation du message du Royaume. Recevant l’aide nécessaire de la Société, ils consacreront tout leur temps à visiter des particuliers pour leur faire connaître personnellement, tant par le disque que par le livre et la brochure, le message du Royaume. Nous avons la ferme confiance que cette méthode de prêcher l’évangile sera plus efficace que les émissions radiophoniques. L’argent qui jusqu’à présent a servi à payer au tarif commercial des programmes radiophoniques sera maintenant employé à développer l’œuvre de témoignage par le moyen du gramophoneg.

      ILS PRENNENT LA TÊTE, MUNIS DE PHONOGRAPHES

      Ces pionniers spéciaux prirent la tête dans l’activité avec le phonographe quand la Société décida de ne plus recourir aux services des stations commerciales de radio.

      Afin de nous convaincre de l’efficacité de ce nouveau programme, lisons cet extrait de l’Annuaire (angl.) de 1940, qui publie le rapport de l’année de service 1939.

      Le service de pionnier spécial fut inauguré au congrès de Columbus, en septembre 1937, et il se poursuit depuis deux ans maintenant, produisant de bons résultats. Quand ce service débuta, les proclamateurs de groupe n’étaient pas convaincus de l’utilité de faire des visites et d’employer régulièrement chaque jour le phonographe.

      Environ 200 pionniers spéciaux, choisis dans tout le pays, endossèrent la responsabilité de se servir du phonographe. Ils furent envoyés dans les grandes villes, où il y avait des groupes, et il n’y eut plus aucun doute que le phonographe occupait une place importante dans la proclamation du Royaume. Au cours des deux années passées, les proclamateurs du Royaume étant devenus conscients de son importance, Brooklyn dut fournir 20 000 phonographes et fut incapable de satisfaire toutes les commandes. L’année dernière, le nombre des pionniers spéciaux est passé d’un seul coup à 300, et les statistiques prouvent qu’en moyenne 256 pionniers spéciaux ont travaillé régulièrement chaque mois.

      Au cours de cette même année, les pionniers spéciaux ont fait 516 982 auditions. L’assistance aux conférences s’est élevée à plus d’un million de personnes, et ces quelques frères firent 124 206 visites. Le service de pionnier spécial, tel qu’il a été mis en évidence au congrès de Columbus, a atteint son but en ce sens que tous les proclamateurs du monde entier reconnaissent que le phonographe est une grande aide pour faire avancer les intérêts du Royaume.

      Afin d’aider ces pionniers spéciaux à accomplir l’œuvre à laquelle ils se sont consacrés, la Société a dépensé 41 123,98 dollars au cours de l’année écoulée.

      Le service de pionnier spécial englobe maintenant d’autres tâches. Ceux que la Société a nommés comme pionniers spéciaux aideront désormais les serviteurs de zone, là où ils ont reçu leur assignation. Leur travail principal consistera à aider le serviteur de zone dans l’organisation de nouveaux groupes; quant aux groupes qui font progresser lentement les intérêts du Royaume, la Société leur enverra un pionnier spécial comme serviteur de groupe, afin que l’œuvre avance à un rythme plus accéléré. Ces pionniers spéciaux consacrant tout leur temps au service du Royaume, ils aideront grandement les proclamateurs dans le territoire qui leur est attribuéh.

      Ainsi, non seulement la Société pourvoyait à une nouvelle disposition théocratique grâce à laquelle les intérêts du Royaume progresseraient dans l’unité à travers le monde, mais également elle désignait des serviteurs qualifiés pour aider les frères à assumer les responsabilités qui incombent à chaque proclamateur du Royaume.

      L’UNITÉ ET UNE AUTRE TÂCHE NOUVELLE

      Toutefois, en 1941, frère Rutherford rédigea une lettre à l’adresse des frères, lettre qui fut publiée dans l’Informateur du mois de novembre. Sa lettre était datée du 24 octobre 1941 et portait l’en-tête “À TOUS LES PROCLAMATEURS POUR LA THÉOCRATIE”.

      À partir du 1er décembre 1941, il n’y aura plus de serviteurs régionaux et de serviteurs de zone; ils accompliront le travail décrit ci-dessous:

      UNITÉ: Depuis un certain temps déjà l’organisation THÉOCRATIQUE fonctionne, aussi les congrégations ont-​elles eu amplement l’occasion de travailler dans l’unité pour être désormais en mesure de poursuivre leur tâche sans l’aide d’un serviteur régional ou d’un serviteur de zone. L’Église, comprenant les membres oints encore sur la terre, est entièrement unie et chacun devrait être à même d’assumer sa propre responsabilité sans l’aide d’aucun homme. Les serviteurs de groupe ainsi que tous les autres serviteurs connaissent leurs charges respectives et chacun veillera diligemment à remplir sa tâche complètement et fidèlement. Chaque membre de l’organisation, y compris le reste oint et ses compagnons, doit accomplir une œuvre, aussi chacun se tournera-​t-​il vers le Seigneur pour recevoir conseil et instruction, tout en observant attentivement ce qui est dit dans Proverbes 3:5, 6. (...)

      L’ŒUVRE: “L’œuvre étrange” du Seigneur tire à sa fin; il faut donc se hâter, veiller, être sobre et prier. Puisque l’organisation terrestre du peuple de Dieu est en excellente condition, tous les proclamateurs ou ouvriers doivent être unis dans l’action, car ils sont tous engagés dans la même œuvre, à savoir proclamer ou annoncer le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE. Fermement décidés à obéir au Seigneur, laissons-​nous diriger par les paroles de l’apôtre “Je ne fais qu’une chose”, c’est-à-dire annoncer la THÉOCRATIE. (...)

      À partir du 1er décembre 1941, tous les proclamateurs observeront la méthode de travail suivante: Le phonographe, le livre Enfants ainsi que la brochure Consolez les affligés constitueront les principaux instruments de travail. Chaque proclamateur se verra attribuer un territoire qu’il visitera entièrement, l’objectif primordial étant d’organiser des classes d’étude où l’on étudiera systématiquement le livre Enfants jusqu’à ce que l’on juge utile d’employer une autre publication.

      La lettre du président poursuivait en expliquant en détail la façon dont ce travail devait être fait. Il fallait visiter chaque maison du territoire sans en passer aucune. Le phonographe et le disque “Enfants” servaient d’introduction au proclamateur qui devait placer le livre Enfants chaque fois que cela était possible, prendre des dispositions pour revisiter la personne et commencer une étude. Quand plusieurs personnes du voisinage acceptaient le livre et manifestaient de l’intérêt, on s’efforçait de les réunir en une seule étude.

      THOMAS: Cela ressemble presque à une variante de l’œuvre pour la formation de nouvelles ecclésias.

      JEAN: En un certain sens, c’est vrai, bien qu’aucune conférence publique n’ait été donnée en rapport avec ce programme. Les études avaient lieu une fois par semaine et, après avoir complètement visité une partie du territoire, quand les études étaient conduites régulièrement, le proclamateur entreprenait une autre portion de territoire en répétant la même opération. Les proclamateurs spéciaux (pionniers spéciaux) étaient envoyés presque exclusivement dans des territoires isolés où il n’y avait pas de groupe. Là, ils devaient travailler suivant la méthode décrite précédemment, jusqu’à ce que le territoire ait été entièrement couvert au moins quatre fois. Ils étaient maintenus dans ce territoire au-delà de ce délai uniquement dans le cas où suffisamment d’intérêt était manifesté.

      Un an environ après le commencement de cette nouvelle activité pour les pionniers spéciaux, le rapport suivant parut dans l’Annuaire (angl.) de 1943:

      Au début de l’exercice écoulé, la Société avait organisé une nouvelle activité. Elle portait le titre de “proclamateur pionnier spécial”, et quand elle débuta il y avait 784 frères dans cette forme de service. Elle s’est si bien développée que maintenant un total de 1 578 proclamateurs pionniers spéciaux rendent chaque mois un rapport. Ces frères ont accompli un excellent travail dans le service du champ, en dépit de la grande opposition qui leur a été manifestée dans de nombreuses parties du pays. En tant que groupe, ils ont été très réguliers dans leur activité, passant en moyenne 175 heures par mois dans le service du champ, comme cela est requis, atteignant plus de 50 visites et prenant des dispositions pour organiser des études à l’aide des publications de la Société.

      Il est intéressant de noter qu’aux États-Unis ils ne représentent que 2 pour cent des proclamateurs, et pourtant ils font plus de 12 pour cent des heures, 17 pour cent des visites et placent 13 pour cent des publications. (...)

      Au cours de l’année passée, 259 villes ont été entièrement visitées, ce qui veut dire que les proclamateurs spéciaux ont couvert ce territoire au moins quatre fois. Ces proclamateurs pionniers ont formé dans cette même année 244 nouveaux groupes. (...)

      Dans 35 villes des États-Unis, il leur a été impossible de terminer leur œuvre de prédication en raison des violentes émeutes. L’État du Mississippi se distingue particulièrement pour ce qui est de violer la loi en supprimant les privilèges accordés par la constitution. Rien que dans cet État, neuf villes ont dû être abandonnées en raison des violentes émeutes. Vient ensuite le Texas, où six villes chassèrent les témoins de Jéhovah. (...) Il se peut que dans quelque temps d’autres proclamateurs puissent y retourner et contacter les personnes bien disposéesi.

      N’oublions pas que pendant ces années de développement commençant en 1938, la persécution était intense aux États-Unis. Au cours des années 1940, 1941 et 1942, il y eut annuellement plus de 3 000 arrestations, et on enregistra environ 600 émeutes en 1940 et à peu près 300 en 1941. Néanmoins, les témoins de Jéhovah étaient résolus à exécuter le dessein divin à leur égard, aussi à leurs yeux n’y avait-​il qu’une seule voie: aller de l’avant.

      LA DERNIÈRE ASSEMBLÉE DE J. F. RUTHERFORD

      LOÏS: Vous avez parlé d’un livre intitulé “Enfants” en rapport avec la nouvelle activité qui débuta en décembre 1941. Était-​ce une nouvelle publication éditée par la Société?

      JEAN: Oui, elle avait été publiée au cours de l’été, à l’occasion d’une assemblée tenue à Saint Louis, dans le Missouri, État où naquit le juge Rutherford. Ce congrès, organisé du 6 au 10 août 1941, devait être le dernier auquel assista Joseph Rutherford, second président de la Société. Ce fut à cette assemblée que, pour la première fois, on expliqua clairement au peuple de Dieu la grande question de la domination universelle, impliquant la souveraineté suprême de Jéhovah.

      Une grande opposition fut manifestée contre l’organisation de ce congrès. Bien que l’Action catholique et les vétérans des guerres d’outre-mer aient fait pression sur les directeurs responsables du terrain où devait se tenir l’assemblée, ceux-ci refusèrent d’annuler le contrat. Immédiatement après, dans les églises catholiques, on incita les ménagères à annuler les réservations de chambres faites par les témoins de Jéhovah pour les congressistes. Les journaux se dressèrent contre nous, et même certains syndicalistes s’opposèrent aux projets d’installation jusqu’au moment où ils reconnurent que l’œuvre des témoins de Jéhovah était vraiment chrétienne. Alors, favorablement impressionnés par le bon esprit des volontaires travaillant à la préparation du congrès, ces hommes coopérèrent pleinement et les préparatifs progressèrent. Afin de faciliter le logement, une Cité de caravanes fut aménagée, et en trois jours sa population s’éleva à 15 000 personnes.

      Le premier jour de l’assemblée, le président de la Société prononça un discours intitulé “Intégrité”, qui fut reproduit dans La Tour de Garde (angl.) du 15 août 1941. C’est dans ce discours que fut discutée la question de la souveraineté universelle. Analysant le drame de Job, l’orateur déclara:

      Ce n’est pas du temps de Job que le litige entre Satan et Jéhovah s’éleva pour la première fois, mais des siècles auparavant. Or le drame prophétique de Job dévoile ce que Jéhovah exige de toutes les créatures qui sont appelées à recevoir ses infinies bénédictions. Quoique la question à trancher, soulevée par le drame prophétique, fût et soit encore de savoir si “Jéhovah peut avoir sur la terre des hommes qui lui resteront fidèles et intègres malgré les épreuves les plus sévères”, cette grande question implique pourtant bien davantage que cela. Il ressort du récit biblique (...) que bien avant ce moment-​là Satan avait contesté la suprématie de JÉHOVAH en soulevant le grand litige. Nombreux sont les passages bibliques qui appuient cette pensée. Satan ayant porté son accusation en présence des anges des cieux, celle-ci était connue de toute l’armée des cieux. Quant aux hommes, ils ne la connaissaient ni n’en saisissaient le sens profond jusqu’à ce jour. Maintenant est arrivé le temps marqué par Dieu où ceux qui lui sont dévoués reçoivent la compréhension du véritable litige. Or le premier litige soulevé par le défi infâme de Satan concernait et concerne toujours la DOMINATION UNIVERSELLEj. (...)

      L’un des points saillants de l’assemblée fut le programme du dimanche matin 10 août, qui avait été préalablement annoncé comme étant “Le jour des enfants”. On procéda à l’inscription des enfants dès leur arrivée à l’assemblée, et le dimanche matin on les fit asseoir dans la moitié du stade spécialement réservée pour eux; au camp des caravanes on fit de même. En tout 15 000 enfants, âgés de cinq à dix-huit ans, étaient assemblés. Voici comment le rapport du congrès décrit la réaction de tous les autres assistants:

      Les mots sont trop pauvres pour décrire le spectacle qui s’offrit à nos yeux. Grâce à cette partie du programme nous avons ressenti, comme jamais auparavant, la joie de connaître le Seigneur. Il est impossible d’exprimer les sentiments qui nous animaient à la vue de ces enfants dont les visages reflétaient la joie de leur cœur; nous nous sommes alors souvenus de ces paroles: ‘De la bouche des tout-petits Jéhovah a produit la louangek.’

      Frère Rutherford prononça alors un discours plein d’espoir pour la grande foule qui s’était réunie en ce lieu. Puis, après s’être adressé aux auditeurs en général, il dirigea ses remarques vers les 15 000 enfants assis au centre, devant lui. Le rapport poursuit en ces termes:

      Une chose que les congressistes garderont toujours présente à l’esprit, (...) c’est l’image de ces enfants se levant pour répondre à l’invitation suivante de l’orateur: “Vous tous, enfants, qui avez accepté de faire la volonté de Dieu, qui avez pris position pour le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE dirigé par Christ Jésus et qui êtes désireux d’obéir à Dieu et à son Roi, je vous prie de bien vouloir vous lever!” D’un seul mouvement, ils se levèrent, et frère Rutherford s’exclama: “Voyez, plus de 15 000 nouveaux témoins pour le Royaume!” Tout le stade résonnait des applaudissements et des cris de joie des assistants. Personne n’oubliera jamais cette scènel.

      Atteignant l’apogée de ce discours stimulant adressé aux enfants, frère Rutherford présenta le nouveau livre Enfants, que les assistants reçurent aussi avec des cris de joie et de chaleureux applaudissements.

      La réunion publique annoncée pour le samedi avait pour thème “Consolez les affligés”. En raison de la grande publicité qui avait été faite au sujet des préparatifs du congrès, des foules nombreuses vinrent écouter ce discours le samedi après-midi. Celui-ci, basé sur Daniel chapitre 11, avait pour but de montrer la fin des puissances de l’Axe, et de suite après ce discours, des milliers de frères partirent diffuser cette conférence sous forme imprimée. Les frères se procurèrent sur les lieux de l’assemblée 450 000 exemplaires de la brochure renfermant le discours “Consolez les affligés”, dont le plus grand nombre fut remis au public le jour mêmea.

      MORT DE JOSEPH F. RUTHERFORD

      À l’époque de ce congrès, frère Rutherford était âgé de soixante-douze ans; après cela sa santé continua de décliner rapidement jusqu’à ce que finalement il scelle son ministère dans la mort, le 8 janvier 1942. Pendant vingt-cinq ans et deux jours, il avait servi en qualité de second président de la Watch Tower Bible and Tract Society. L’annonce officielle de sa mort parut dans La Tour de Garde:

      À TOUS LES AMIS DE LA THÉOCRATIE: Le 8 janvier 1942, notre bien-aimé frère J. F. Rutherford a achevé fidèlement sa course terrestre en qualité de guerrier pour le GOUVERNEMENT THÉOCRATIQUE et de ministre de la Parole de Dieu. Connaissant votre profonde anxiété à son sujet et les prières que vous avez adressées à Dieu en sa faveur depuis qu’il était tombé sérieusement malade avant l’assemblée de Detroit, en juillet 1940, nous nous empressons de vous en informer.

      Le désir de frère Rutherford était de “mourir debout en combattant”; son désir s’est réalisé. Le Seigneur, dans sa grâce, lui permit d’achever le rapport destiné à l’Annuaire des témoins de Jéhovah de 1942, rapport montrant que le plus grand témoignage qui eût jamais lieu avait été rendu et que la distribution de livres et de brochures, au cours de l’année, avait atteint le chiffre total et considérable de 36 030 595 exemplaires. Il avait toujours eu à cœur de FAIRE UNE SEULE CHOSE: proclamer le nom de Jéhovah et son royaume, garder son alliance avec lui, et veiller sur les intérêts de ses frères. — I Jean 3:16.

      Il éprouvait de la joie et du réconfort à savoir que les témoins du Seigneur ne suivent pas un homme, mais le Roi Jésus-Christ, leur Chef, et qu’ils iront de l’avant dans l’œuvre, observant une complète unité d’action comme ils l’ont exprimé d’un commun accord lors de l’assemblée théocratique des témoins de Jéhovah à Saint Louis.

      Ceux qui ont pris fermement position pour la THÉOCRATIE ne seront pas troublés, affligés ou dans la crainte, mais ils se réjouiront plutôt de ce que leur fidèle compagnon et frère a maintenu son intégrité envers le Seigneur, en pleine santé comme dans la maladie, quand les rapports étaient bons comme lorsqu’ils étaient mauvais; il est entré maintenant et pour toujours dans un service beaucoup plus élevé, avec le Seigneur. — II Tim. 4:7, 8.

      L’activité fidèle et constante de frère Rutherford, ainsi que son dévouement indéfectible pour la THÉOCRATIE, particulièrement depuis qu’il était devenu président de la Société, le 6 janvier 1917, ont été et continuent d’être pour nous tous l’exemple béni et véritable d’un homme qui a ‘combattu l’excellent combat et observé la foi’, se montrant digne d’avoir part à la justification du nom de Jéhovah au moyen de Jésus-Christ, et nous en sommes reconnaissants à Dieu.

      Nous sommes unis à vous pour continuer de travailler, et déterminés, par la grâce du Seigneur, à ce que rien ne nous arrête jusqu’à ce que l’“œuvre étrange” du Seigneur soit terminée. Vos frères et compagnons, WATCHTOWER BIBLE AND TRACT SOCIETY, INC.b

      DÉBUT DE LA TROISIÈME ADMINISTRATION

      THOMAS: Est-​ce que la mort de J. F. Rutherford engendra une ère d’indécision comme l’avait fait celle de C. T. Russell, le premier président de la Société?

      JEAN: Non, au contraire; écoutez le rapport sur la succession, tel qu’il apparaît dans La Tour de Garde:

      L’œuvre du Seigneur ne reste jamais stationnaire, elle progresse toujours. Elle avance selon le temps fixé. Le Seigneur change souvent le personnel de son organisation terrestre visible, mais l’œuvre de témoignage rendu à sa Théocratie dirigée par Christ Jésus avance rapidement. L’opposition créée par le grand adversaire ne peut entraver les dispositions théocratiques que Jéhovah a prises en vue d’accomplir son “œuvre étrange”.

      En 1916, le Seigneur Dieu accorda le repos à un homme dont il s’était éminemment servi sur la terre pour son œuvre, et l’adversaire en profita pour essayer de faire entièrement cesser notre activité. (...) Mais cela n’affecta en rien la réalisation du dessein du Seigneur par l’intermédiaire de son organisation.

      En temps voulu Jéhovah suscita un autre serviteur, et par la suite l’œuvre progressa par bonds; ceux qui aujourd’hui sont rattachés à l’organisation et coopèrent avec elle sont témoins des privilèges accordés dans cette grande œuvre. Le Seigneur Jéhovah a maintenant appelé à lui ce fidèle serviteur dont il s’est grandement servi dans la proclamation de son nom et de son Royaume, afin qu’il reçoive sa récompense. Mais l’œuvre du Seigneur est si bien organisée sous la direction du Seigneur lui-​même, qu’une unité et une harmonie parfaites existent dans le champ, au sein de la famille du Béthel et parmi les directeurs des deux sociétés, celle de Pennsylvanie et celle de New York. Nulle part des membres de la “cinquième colonne”, appartenant à l’adversaire, ne se sont manifestés, comme cela fut le cas lors des années 1916 à 1918. Ce fait en lui-​même constitue une preuve convaincante que Jéhovah agit sur le cœur de son peuple dévoué, le guidant et dirigeant le travail accompli par l’organisation au moyen de laquelle il poursuit présentement son œuvre sur la terre. (...)

      Le 13 janvier 1942, dans l’après-midi, tous les membres des deux conseils d’administration [des deux sociétés] se réunirent dans le salon du Béthel à Brooklyn. Plusieurs jours auparavant, Nathan H. Knorr, qui, lors de la dernière élection générale à Pittsburgh, avait été élu vice-président, avait demandé que les membres des conseils d’administration se fassent un devoir de rechercher instamment la sagesse divine par la prière et la méditation, afin d’être bien guidés; ce qu’ils firent. La réunion mixte s’ouvrit par la prière. On demanda surtout à Jéhovah d’accorder sa sagesse dans le choix de ces serviteurs par lesquels il désire se faire représenter d’une manière légale sous la direction des organisations.

      Après mûre réflexion, les frères suivants furent respectivement présentés comme candidats et élus à l’unanimité: Nathan H. Knorr comme président, et Hayden C. Covington comme vice-président des deux sociétés. Plus tard, dans la même journée, lorsque la famille du Béthel de Brooklyn fut réunie, les résultats des élections furent annoncés par le secrétaire du conseil d’administration et accueillis par des applaudissements enthousiastesc.

      D’un peu partout dans le monde, la Société reçut des lettres et des câblogrammes exprimant la joie que procurait la nomination du président. Tous manifestèrent leur désir de l’aider et de coopérer avec lui dans sa nouvelle position de responsabilité.

      Maintenant, la troisième administration de la Société commençait à fonctionner; comme cela avait été le cas pour la seconde administration, le changement intervenait au beau milieu d’un conflit mondial. Sur la scène européenne, la Seconde Guerre mondiale battait déjà son plein, et le 7 décembre 1941, soit un mois avant la mort du juge Rutherford, l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais avait précipité l’entrée des États-Unis dans le conflit. Toutes les grandes nations du monde se trouvaient dans l’obligation de se ranger d’un côté ou de l’autre dans leur lutte pour la suprématie. Quant à la Société du monde nouveau, La Tour de Garde (angl.) du 15 février 1942, dont nous venons de lire des extraits, faisait cette déclaration pleine de sens:

      Plusieurs faits indiquent que le Seigneur a encore un grand travail à accomplir avant la bataille finale d’Harmaguédon. En conséquence, il est nécessaire que son peuple soit en excellente condition pour combattre dans l’unité.

      Leurs armes n’étaient pas celles des guerriers du présent monde, toutefois leur efficacité n’était plus à prouver. Les progrès et l’unité réalisés par frère Rutherford au sein de l’organisation, lesquels avaient été décrits dans sa lettre du 24 octobre 1941, juste avant sa mort, n’étaient qu’un merveilleux avant-goût des bonnes choses à venir, grâce au programme d’enseignement ministériel personnel qui allait entrer en vigueur.

      [Notes]

      a a Informateur (angl.), janv. 1940.

      b b w 1907, p. 372.

      c c w 1911, pp. 453, 454.

      d d Annuaire (angl.) 1935, pp. 39, 40.

      e e Informateur (angl.), déc. 1936.

      f f Informateur (angl.), oct. 1937.

      g g Annuaire 1939, p. 47.

      h h Annuaire (angl.) 1941, pp. 109, 110.

      i i w 1894, p. 287.

      j j Annuaire (angl.) 1929, pp. 56, 57; w 1929, p. 143.

      k k Annuaire (angl.) 1930, pp. 49-51.

      l l Annuaire (angl.) 1933, p. 19; voir aussi Annuaire (angl.) 1935, p. 47.

      a m wF 1932, pp. 182, 183.

      b n wF 1937, p. 311.

      c o Informateur (angl.), juillet 1936.

      d p Annuaire 1939, pp. 40, 65.

      e q Annuaire (angl.) 1940, p. 72.

      f r Annuaire (angl.) 1932, pp. 56-63.

      g s Annuaire 1938, pp. 42, 43.

      h t Annuaire (angl.) 1940, pp. 66, 67.

      i u Annuaire (angl.) 1943, pp. 42, 43.

      j v w 1941, p. 245.

      k w Annuaire (angl.) 1942, p. 69.

      l x Ibid., pp. 69, 70.

      a y Annuaire (angl.) 1942, pp. 67, 68; voir aussi w 1941, pp. 283-288.

      b z w 1942, p. 45.

      c aa w 1942, pp. 61-63.

      [Illustration, page 187]

      DIFFUSION DU PÉRIODIQUE DANS LES RUES, SAINT LOUIS, 1940.

      [Illustration, page 191]

      AUDITION À UNE PORTE, TILLINGHAM DANS L’ESSEX, ANGLETERRE, 1940.

  • On bâtit et on plante en vue de l’expansion mondiale
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 27

      On bâtit et on plante en vue de l’expansion mondiale

      JEAN: Au cours des jours sombres de la Seconde Guerre mondiale et avec l’entrée en fonction de la troisième administration de la Société, s’ouvrit une période d’instruction intensive telle qu’on n’en avait jamais vue dans l’histoire moderne des témoins de Jéhovah. On mit sans cesse l’accent sur l’activité ministérielle de chaque chrétien. Cela avait déjà commencé en 1938, mais désormais le “programme mondial de construction” allait être sérieusement suivi. C’est au cours des années 1942 à 1945 que le fondement de ce programme a été fermement établi, grâce à l’intérêt porté à la maturité individuelle et au développement théocratique de chaque membre de la société du monde nouveau.

      Cela devint particulièrement notoire lors de l’assemblée théocratique du monde nouveau organisée du 18 au 20 septembre 1942 à Cleveland (Ohio, États-Unis). C’est à cette occasion que l’on présenta aux témoins de Jéhovah le nouveau président de la Société. L’assemblée principale de Cleveland fut reliée à cinquante et un autres congrès, qui profitèrent des discours essentiels dont le principal était intitulé “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?”. Mais cette retentissante assemblée tenue au beau milieu de la guerre ne se limita pas seulement aux États-Unis, car à la même époque, les témoins de Jéhovah se réunirent dans trente-trois autres pays.

      THOMAS: Avant que vous ne “présentiez” le nouveau président aux témoins de Jéhovah réunis à cette assemblée, ne pensez-​vous pas qu’il serait approprié de nous donner quelques renseignements à son sujet? Pourriez-​vous nous dire, par exemple, où et quand le président est né, depuis combien de temps il était au Béthel au moment de sa nomination, etc.?

      JEAN: Volontiers. Voici donc une brève biographie du troisième président, telle qu’elle a été publiée par la Société:

      Nathan Homer Knorr naquit à Bethléhem, Pennsylvanie, en 1905, de parents américains. Il termina, en juin 1923, son instruction scolaire à l’École supérieure d’Allentown (Pennsylvanie). À 16 ans, il s’associa au groupe des témoins de Jéhovah d’Allentown, après avoir donné sa démission de membre de l’Église réformée. En 1923, à 18 ans, il devint ministre à plein temps, ayant été invité à devenir membre du personnel du bureau de la Société au Béthel de Brooklyn. Là, il fit de rapides progrès dans sa formation comme ministre, et plus tard, au cours de week-ends, il voyagea pour faire des conférences bibliques dans des groupes situés dans un rayon de 300 kilomètres de Brooklyn. Avec le temps, on lui attribua la tâche de coordonnateur de tous les travaux d’impression à l’imprimerie de la Société, et, en 1932, il fut chargé de la direction du bureau d’édition et de l’imprimerie. En 1934, il fut élu comme un des administrateurs de la société légale new-yorkaise (...). En 1940, il devint administrateur et fut élu vice-président de la société légale de Pennsylvanie, la Watch Tower Bible and Tract Society. En janvier 1942, eut lieu son élection à la présidence des deux sociétés américaines et de l’association légale britannique des Étudiants de la Biblea.

      Vous voyez donc qu’avec de tels antécédents, il n’était pas nécessaire de le présenter personnellement aux témoins de Jéhovah, mais tous les congressistes savaient que sur lui reposerait désormais une responsabilité nouvelle et grave, aussi attendaient-​ils avec impatience de le voir se mettre au travail et priaient-​ils pour que Jéhovah bénisse ses efforts.

      THOMAS: Je pense que vous nous avez également dit la semaine dernière que Hayden C. Covington avait été élu vice-président.

      JEAN: C’est exact. Il travaillait dans le service juridique, et succéda au juge Rutherford en tant que responsable de ce service et comme avocat de la Société. Il est né à Nelta, Hopkins County, au Texas, en 1911, a été diplômé de l’École de Droit de San Antonio en 1933, et a commencé à prêcher comme témoin de Jéhovah l’année suivante. Le 21 août 1939 il est entré dans le service juridique de la Société, et en novembre 1941 il est devenu membre du barreau de New York. Il assuma la fonction de vice-président de la Société de Pennsylvanie jusqu’au 1er octobre 1945, date à laquelle les membres du Conseil acceptèrent la requête qu’il avait formulée dans sa lettre du 24 septembre 1945 demandant à être relevé de ses fonctions de membre du Conseil d’administration et de vice-président. Il offrit sa démission non pour se soustraire aux responsabilités, mais pour se soumettre à ce qui paraissait être la volonté du Seigneur, c’est-à-dire que tous les membres du Conseil soient des oints, puisque son espérance était celle des “autres brebis” qui ont la perspective de vivre sur la terre. Il a continué de servir en qualité d’avocat de la Société, et l’un des membres du reste fut élu vice-président à sa placeb.

      UN ESPRIT RÉSOLU ANIME LA NOUVELLE ADMINISTRATION

      En dépit des conditions mondiales critiques, des arrestations, des émeutes et de la persécution intense subie par les témoins de Jéhovah dans le monde entier, la nouvelle administration ne manquait pas d’expérience et n’était pas indécise quant à la bonne ligne de conduite à observer. La situation a bien été décrite dans le rapport annuel publié par la Société et relatif à la première année de service qui suivit la mort du juge Rutherford. Lisons ce que rapporte l’Annuaire (angl.) de 1943.

      L’année 1942 se révéla être une année décisive pour le peuple de Dieu, et il semble aussi que celui-ci fut particulièrement mis à l’épreuve cette année-​là. La guerre se poursuivait sur toute la terre et elle servit d’excuse aux ecclésiastiques pour faire interdire presque partout l’activité des témoins de Jéhovah; dans tel pays, dans telle île, et même dans des villes des États-Unis, des publications furent confisquées et des frères emprisonnés; il y eut des émeutes et on détruisit les biens appartenant au peuple du Seigneur. D’une extrémité de la terre à l’autre, les témoins de Jéhovah durent défendre leur vie, et c’est ce qu’ils firent par la grâce du Seigneur.

      Au début de 1942, quand notre bien-aimé frère Rutherford acheva sa course terrestre et reçut la récompense pour ses nombreuses années de service fidèle, nos ennemis pensaient que c’était la ruine définitive de l’organisation connue sous le nom de “témoins de Jéhovah”. Aux yeux de nos adversaires, cela semblait une victoire. Les ecclésiastiques qui font le mal sous le couvert de la loi acculaient les témoins de Jéhovah, et maintenant que le “chef agressif” de ces derniers avait quitté la scène, pour eux l’organisation allait certainement se désagréger.

      Une journaliste avait déclaré en 1931, lorsque les membres de la Watchtower ont adopté le nouveau nom, à savoir témoins de Jéhovah, que ce nom ne tiendrait pas. Cette même journaliste reconnut dans un autre article qu’elle avait fait erreur, car le nom de témoins de Jéhovah avait tenu. Maintenant que le juge Rutherford n’était plus avec l’organisation terrestre, la journaliste en question déclarait: “Je ne ferai plus de prophéties concernant la Société Watch Tower des témoins de Jéhovah. Bien que nombre de personnes aient dit que l’organisation tomberait, je ne me risquerai pas à soutenir cette thèse; je préfère attendre pour voir ce qui va se passer.” Il semble que cette femme ait suivi le conseil de Gamaliel qui déclara: ‘Si cette œuvre ne vient pas de Dieu, elle sera certainement détruite, mais si elle vient de Dieu il serait dangereux d’être trouvés comme combattants contre Dieu!’ Cependant, c’était là une opinion exceptionnelle de la part de la pressec.

      Les denrées alimentaires et l’essence étaient rationnées, mais en dépit de ce qui, aux yeux du monde, semblait être des revers essuyés par la Société Watch Tower, dès le début du mois de mars 1942 celle-ci commençait les préparatifs de l’Assemblée théocratique du monde nouveau. La ville de Cleveland fut choisie comme centre principal et des dispositions furent prises pour la relier à cinquante et une autres villes des États-Unis, où des congrès étaient organisés. De plus,

      toutes les filiales du monde furent informées de l’organisation de ce congrès et on leur demanda de s’y joindre, bien que les communications téléphoniques directes fussent impossibles en raison de la guerre. De telles mesures furent prises en Grande-Bretagne, au Mexique, à Cuba, au Brésil, à la Trinité, en Afrique occidentale et au Cap, en Suède, en Suisse, à Hawaii, à Terre-Neuve et, grâce au Seigneur, il fut possible de transmettre en maints endroits les messages donnés à l’assemblée principale de Cleveland. En vérité, c’était bien une assemblée mondiale dirigée par le Grand Théocrate et le Roi Jésus-Christd.

      Le vendredi matin 18 septembre, premier jour de l’assemblée, les frères s’assemblèrent dans les différents auditoriums du pays, pour recevoir les instructions relatives au service du champ, ainsi qu’un territoire afin d’y annoncer la conférence publique intitulée “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” Tous les services du congrès étaient bien organisés; on avait prévu le logement des congressistes, des territoires pour le service du champ, des stands de publications, une cafétéria, un service de volontaires, l’enregistrement des pionniers, un parc à voitures; bref, tout avait été mis en œuvre pour satisfaire aux besoins des frères.

      ALLONS DE L’AVANT AVEC “L’ÉPÉE DE L’ESPRIT”

      Édifiés par cette journée de service consacrée à rendre témoignage à la Théocratie, le vendredi soir les congressistes se réunirent dans leurs salles respectives pour la session d’ouverture du congrès.

      Dès les premières paroles du président du congrès, les congressistes comprirent que cette assemblée n’avait pas été tenue en mémoire d’un compagnon de service. Une chose était clairement définie dans l’esprit de chacun: notre organisation n’est pas d’origine humaine, mais c’est celle de Dieu et elle continuera de fonctionner comme telle. Les paroles de bienvenue étaient brèves, mais très appropriées.

      Puis il y eut le discours clé intitulé “La seule lumière”; il fut entièrement publié dans La Tour de Gardee. Il n’y avait aucun doute dans l’esprit des assistants; le discours pouvait se résumer ainsi: “Allez de l’avant!” Quand l’orateur acheva d’expliquer les prophéties renfermées dans Ésaïe, chapitres 59 et 60, les frères étaient prêts. Allons-​nous ralentir notre activité pendant un certain temps? Non! Allons-​nous nous relâcher? Non! Allons-​nous nous reposer? Certainement pas! Allons plutôt de l’avant! Telle était la réponse. Les témoins de Jéhovah reçurent ce qu’ils attendaient: une preuve supplémentaire attestant que la ligne de conduite qu’ils avaient prise était la bonne.

      Les quinze dernières minutes de cette heure furent réservées au président de la Société qui présenta ‘l’épée de l’esprit’. Cet instrument fut accueilli avec joie, et les expressions qui se lisaient sur les visages reflétaient la gratitude et une satisfaction complète. Reconnaissants envers le Seigneur pour ce don, à savoir la nouvelle Bible de la WATCHTOWER, les frères étaient plus que jamais déterminés à “aller de l’avant” jusqu’à la fin, et rien ne les empêcherait de chanter les louanges du Très-Hautf.

      La publication de cette nouvelle Bible Watchtower constituait en réalité un pas en avant historique. Ce n’était pas la première Bible publiée par l’organisation en tant que Société biblique, mais pour la première fois, la Société avait imprimé sur ses propres presses un exemplaire complet de la sainte Bible. Une autre fois nous nous étendrons davantage sur ce sujet.

      Le samedi matin 19 septembre, le programme prévoyait la prédication de porte en porte, la marche publicitaire, la distribution de feuilles d’invitation et l’activité avec les voitures munies de haut-parleurs. Tous ceux qui n’étaient pas désignés pour remplir une tâche bien définie, soit à la cafétéria, au stand des publications, au service du logement ou à tout autre service utile au bon fonctionnement de l’assemblée, participaient au service du champ. À ce congrès, chacun avait de quoi s’occuper.

      Les congressistes attendaient avec impatience le discours intitulé “Combattants pour le monde nouveau” prévu pour le samedi après-midi. Cela est attesté par le fait que dans les cinquante-deux villes où se tenaient les assemblées, 80 000 personnes s’étaient réunies.

      Ce discours renfermait deux points saillants: La victoire de Jephté sur ses ennemis et l’offrande de sa fille pour le service à plein temps au temple, en sacrifice à Jéhovah. La description de la bataille menée sous la direction du Grand Jephté émut les frères. Ils comprirent clairement que le Grand Jephté se sert de l’organisation de Jéhovah, la Société, que la règle théocratique est la seule que le Seigneur désire que son peuple suive, et que le peuple du Seigneur combattra pour adorer librement Dieu et fera tout ce qu’il peut pour se maintenir dans sa position actuelle, en ne permettant pas aux puissances totalitaires ou aux Ammonites modernes de le vaincre. Il était clair pour chacun qu’il ne pouvait être question de se relâcher. Dieu avait accordé aux témoins de Jéhovah le droit de l’adorer conformément à sa Parole. Ils ne manqueraient pas de lui obéir. Quiconque s’aviserait de contester ce droit serait refoulé dans les limites de son domaine. Il fut nettement établi que cet évangile du Royaume sera prêché. Le signal incitant à “aller de l’avant” avait été donné et, par la grâce et l’aide du Seigneur, tous les serviteurs du Tout-Puissant iraient de l’avant jusqu’à la victoire finale. Ces paroles réjouirent le cœur de tous et apportèrent un grand réconfort aux fidèles disciples du grand Théocrate et de Jésus-Christ.

      Le second point saillant du discours, expliquant l’offrande de la fille de Jephté, fut si vivant et émouvant que nombre d’assistants furent touchés jusqu’aux larmes. Ils comprenaient pleinement que le drame de Jephté démontre que tous les fruits produits par notre témoignage et notre service pour le Royaume doivent être offerts au Seigneur, tout comme Jephté offrit sa fille unique. L’assistance nombreuse reconnaissait que l’accroissement de l’œuvre de rassemblement des “autres brebis” dans la bergerie vient du Seigneur, et elle était prête à lui offrir toutes ces “autres brebis”, pour qu’elles soient complètement employées à son service.

      À la fin de ce discours, une résolution fut proposée et acceptée à l’unanimité. Puis, dans les 52 congrès, on présenta simultanément aux combattants pour le monde nouveau le manuel intitulé Le monde nouveaug.

      Cet ouvrage renfermait une étude biblique de la prophétie de Job; il approfondissait et développait le thème du discours “Intégrité”, que frère Rutherford avait prononcé l’année précédente lors de l’ouverture de sa dernière assemblée. Un questionnaire fut publié ensuite, afin de faciliter la conduite des études bibliques à domicile; on procédait de la même manière qu’avec les brochures Étude modèleh.

      Le samedi soir 19 septembre, on présenta une nouvelle brochure renfermant des instructions sur l’organisation. Elle démontrait que la règle théocratique est la seule qui convient à l’organisation du Seigneur. Ces nouvelles instructions furent examinées dans le discours “Servons la Théocratie”. Les congrégations et les pionniers reçurent cette brochure par la suite, si bien que tous les serviteurs en possédaient un exemplaire; ces instructions devinrent effectives le 1er octobre 1942i.

      NOUVELLES DISPOSITIONS POUR LE SERVICE

      THOMAS: A-​t-​on inauguré de nouvelles formes de service à cette époque?

      JEAN: En effet. Je voudrais maintenant mentionner une chose importante; il s’agit de la reprise du programme de visite des congrégations par des représentants de la Société. Suite à cette réorganisation, les représentants itinérants de la Société furent désignés sous le nom de “serviteur des frères”, et leur tâche consistait à visiter les congrégations ou groupes au moins une fois tous les six mois. Ils devaient vérifier les fiches des proclamateurs, les fichiers des nouvelles visites, les territoires, les comptes, les publications, les périodiques et les autres choses mentionnées à leur intention dans la brochure Instructions sur l’organisation. Tous les frères furent encouragés à participer avec le serviteur des frères au service du champ pendant sa visite, étant donné que sa principale responsabilité au sein de la congrégation était de les aider à faire “progresser les intérêts du Royaume de la manière la plus efficacej”.

      À propos du programme de l’assemblée de 1942, il faut préciser qu’après le discours “Servons la Théocratie”, une autre allocution fut prononcée sur le thème “Victoire”. Elle soulignait que les combattants pour le monde nouveau avaient remporté de nombreuses victoires devant les tribunaux du pays au cours de l’année écoulée. L’orateur montra également qu’il restait beaucoup de combats à mener, mais que, par la grâce du Seigneur, pas un pouce de terrain ne serait lâché. À la fin de son discours, il présenta la brochure Nouvelles du Royaume (No 11). Le soir même et le lendemain, les congressistes en distribuèrent des centaines de milliers d’exemplaires.

      “LA PAIX DE DEMAIN SERA-​T-​ELLE DE LONGUE DURÉE?”

      Le dimanche matin 20 septembre, des dispositions furent prises en vue de baptiser ceux qui avaient voué leur vie au service de Jéhovah. Le rapport global pour les cinquante-deux assemblées tenues aux États-Unis révéla que 3 548 chrétiens symbolisèrent l’offrande de leur personne à Dieu par le baptême d’eau. Si nous ajoutons à ce chiffre le rapport parvenu des autres pays, il apparaît qu’en un jour presque 5 000 personnes attestèrent devant témoins qu’à partir de ce jour elles serviraient Dieu plutôt que les hommes.

      Le monde étant en guerre, le thème de la conférence publique convenait parfaitement; en outre, l’intérêt manifesté à l’avance laissait prévoir qu’il y aurait une bonne assistance. Les prévisions s’avérèrent exactes.

      Le dimanche 20 septembre, à 16 heures, le moment était venu de prononcer la conférence qui avait fait l’objet d’une si importante publicité. Le rapport indique que 129 699 personnes écoutèrent le discours public dans les 52 villes des États-Unis, lesquelles étaient directement reliées entre elles par téléphone. Une réponse biblique satisfaisante fut donnée à la question “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” Tous les assistants étaient sincèrement étonnés de la réalisation des prophéties bibliques, et la compréhension du dix-septième chapitre de la Révélation causa une grande joie; de plus, elle fit la lumière sur les événements futurs, ce qui prouve nettement que les témoins de Jéhovah ont encore beaucoup à faire avant qu’on ne crie “Paix et sécuriték!”

      On comprenait bien maintenant que selon Révélation 17:8 la “bête” ou organisme de la sécurité internationale, anciennement la Société des Nations, réapparaîtrait après la Seconde Guerre mondiale, et que suivrait une période durant laquelle la bonne nouvelle serait prêchée avant la fin à Harmaguédon. Un exemplaire de la brochure “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?” fut remis gracieusement à chaque assistant. On offrit aussi à quiconque le désirait dix exemplaires de cette brochure, afin qu’il les remette à ses amis. Plus de 500 000 brochures furent emportées par les congressistes, pour eux-​mêmes et pour leurs connaissances. On présenta également l’édition courante du livre Le monde nouveau et les assistants s’en procurèrent par milliersl.

      LA VIOLENCE DÉCHAÎNÉE DANS LE PAYS NE RÉUSSIT PAS À INTERROMPRE LES ASSEMBLÉES

      LOÏS: Ce congrès national a-​t-​il rencontré de l’opposition?

      JEAN: Certainement; écoutez ceci:

      Le dernier jour de cette Assemblée théocratique du monde nouveau fut de loin le plus critique de ce congrès national. Des foules démonisées et menées par des ecclésiastiques fomentèrent des émeutes dans maints endroits des États-Unis, et déchaînèrent leur furie religieuse sur les fidèles témoins de Jéhovah qui désiraient se réunir en paix pour adorer le Dieu tout-puissant. Les villes de Little Rock, dans l’Arkansas, de Springfield, dans l’Illinois et de Klamath Falls, dans l’Oregon, commençaient à se faire une réputation d’un bout à l’autre du pays comme étant antiaméricaines; ainsi les émeutes se formaient librement, et pratiquement rien n’était fait pour défendre les droits des citoyens. On a battu et emprisonné les frères, on leur a tiré dessus, arraché leurs vêtements, on a brûlé leurs publications, renversé et détruit leurs voitures, saccagé leurs maisons; tout cela alors que les officiers, censés pourtant “faire respecter la loi”, permettaient à ces fous furieux de donner libre cours à leur violence, en dépit des preuves incontestables attestant la culpabilité de ces assaillants haineux. Les émeutiers allèrent même jusqu’à confisquer des Bibles pour les brûler publiquement. Seul le Diable pouvait inciter des hommes à se conduire de la sorte.

      Face à cette vague de violence et pleinement confiants en Jéhovah, les frères tinrent ferme et un bon témoignage fut rendu à ceux qui avaient vu ces actes de violence. Les témoins observèrent certaines tactiques de Néhémie et de ses compagnons fidèles dans le service de Jéhovah, et combattirent pour les intérêts du Royaume et de leurs frères. Par la grâce de Jéhovah, les témoins furent à même de se réunir dans toutes les villes où un congrès avait été organisé, et ils reçurent ainsi les vérités précieuses renfermées dans Révélation chapitre 17 et annoncées dans le discours public “La paix de demain sera-​t-​elle de longue durée?”, vérités que Jéhovah avait gardées à leur intention. Rien d’étonnant à ce que le Diable intervînt pour que les hommes ne reçoivent pas un tel message! Toutefois, il est incapable d’empêcher le message du Dieu tout-puissant d’atteindre ceux à qui il est adressé. Ces tentatives infructueuses visant à décourager les témoins de Jéhovah et leurs compagnons au moyen d’émeutes et de harcèlements ont eu pour effet de resserrer les liens du peuple du Seigneur et d’ouvrir les yeux de nombreuses personnes bien disposées quant à la méchanceté des hommes d’Église et de leurs acolytes politiques. Jéhovah manœuvra toutes choses de sorte qu’il fût glorifié et la Théocratie magnifiée par l’Assemblée théocratique du monde nouveaua.

      DES ÉTUDES POUR TOUS

      Grâce aux nouvelles dispositions prises par la Société et annoncées à l’assemblée, ayant en vue d’améliorer le ministère de chacun dans les congrégations par des visites régulières de représentants de la Société, le fondement d’un programme consistant à “bâtir” et à “planter” était posé. Ainsi, dès le commencement de la nouvelle administration de la Société, on mit l’accent sur l’enseignement de tous les témoins de Jéhovah. Notez en outre ces autres mesures destinées à former les témoins, mesures exposées dans le premier Annuaire publié sous la nouvelle administration.

      Tous les ministres de l’évangile ordonnés doivent étudier pour se montrer approuvés de Dieu, aussi doivent-​ils être formés dans la Parole du Seigneur. Des dispositions ont été prises par la Société afin de donner cet enseignement à ceux qui se sont engagés à faire la volonté du Seigneur. Dans toutes les villes où il y a des témoins de Jéhovah, un groupe est organisé. Ce groupe de témoins de Jéhovah se réunit régulièrement plusieurs fois par semaine et étudie avec application les Écritures. La Société Watchtower envoie à ces groupes des publications en vue de l’étude de la Bible. Non seulement elle leur fournit des livres et des périodiques pour qu’ils les étudient sérieusement, mais encore elle imprime des questionnaires afin de faciliter la tâche des étudiants. La Société pourvoit également à de nombreux manuels bibliques pour aider ces groupes dans leurs études sur le plan local. Chaque étude commence par la prière et un conducteur compétent nommé par la Société dirige la réunion d’une manière ordonnée. Ceux qui y assistent sont réellement des étudiants des Écritures, et ils suivent le conseil de l’apôtre, qui déclara: “Toi donc, mon enfant, ne cesse d’acquérir de la puissance dans la bonté imméritée qui est relative à Christ Jésus, et les choses que tu as entendues de moi avec l’appui de beaucoup de témoins, ces choses, confie-​les à des hommes fidèles, qui, de leur côté, sont suffisamment qualifiés pour en enseigner d’autres.” (II Tim. 2:1, 2). Ces étudiants comprennent qu’ils ont la responsabilité d’acquérir la connaissance, afin d’être à même d’enseigner leurs semblables, qui, à leur tour, prendront position pour le Royaume. Ces études sont ouvertes à toutes les personnes bien disposées qui sont désireuses d’en connaître davantage sur les Écritures et les enseignements de notre Père céleste.

      Les étudiants des Écritures qui assistent aux réunions tenues régulièrement par la Société dans les différentes villes, non seulement étudient pour augmenter leur connaissance concernant la Parole du Seigneur, mais conduisent également des études dans les foyers des personnes bien disposées habitant les villes et les villages. L’importance de ces études ainsi que le bon travail effectué grâce à elles seront exposés un peu plus loin dans ce rapportb.

      COURS SUPÉRIEUR DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE

      Au Béthel, situé au 124 Columbia Heights, à Brooklyn, New York, où il y a plus de 200 étudiants de la Bible, on a organisé, en plus de nombreuses études suivies par les groupes à travers les États-Unis, un cours supérieur du ministère théocratique. Les jeunes hommes inscrits à cette école reçoivent une formation complète dans l’art oratoire; tous les discours publics sont basés sur la Bible. Le cours comprend une étude des différentes traductions de la Bible, l’emploi de concordances et de dictionnaires bibliques, un examen approfondi de l’histoire et des personnages bibliques, des leçons de diction et de prononciation, et la façon de préparer un discours. De nombreux autres sujets sont considérés dans ces classes d’étude. Tous les étudiants ont l’occasion de prononcer des allocutions et de rédiger des traités sur différents sujets, lesquels sont soumis à l’examen des instructeurs de l’école. Ce cours supérieur du ministère théocratique s’est avéré des plus profitable et utile pour les étudiants. Ces derniers sont tous des ministres ordonnés qui conduisent régulièrement des études bibliques à domicile, et un grand nombre visitent régulièrement les congrégations dans différentes villes et régions du pays, en partant de New Yorkc.

      THOMAS: Cette école était une nouvelle disposition, n’est-​ce pas?

      JEAN: Oui, en effet, quoique peu de temps après que l’œuvre de prédication eut repris en 1919, quelques tentatives aient été faites en vue de pourvoir à un cours de perfectionnement dans l’art oratoire, car beaucoup en ressentaient la nécessité. Des groupes disséminés dans tout le pays avaient organisé ce qu’on appelait les “Écoles des prophètes”, et même au Béthel une telle école fonctionna pendant un certain temps; toutefois, la Société n’était pas à l’origine d’une telle entreprise, et ces écoles cessèrent leur activité.

      LOÏS: Pourquoi les appelait-​on “Écoles des prophètes”?

      JEAN: Ce nom venait sans doute d’un groupe d’étude qui avait été formé à l’époque d’Élie et d’Élisée. La Tour de Garde fit un commentaire dans le passé à propos de cette école qui fonctionnait du temps des prophètes. Veux-​tu nous le lire, Marie?

      MARIE [Elle lit]:

      [Élisée] ramassa le manteau d’Élie, qui était tombé, et en arrivant au Jourdain, il en frappa les eaux, comme Élie avait fait, en disant: “Où est l’Éternel, le Dieu d’Élie?” Cela voulait dire: L’Éternel, le Dieu d’Élie, est-​il avec moi? Si oui, alors j’exercerai la même puissance divine qu’Élie a exercée. Sa foi fut récompensée, car le Jourdain se divisa, comme du temps d’Élie. Élisée devenait ainsi le principal enseignant des écoles établies par Élie, et il était reconnu comme teld.

      THOMAS: Comment fonctionnait la nouvelle école créée par la Société? Les cours étaient-​ils donnés régulièrement?

      JEAN: Le programme commença le lundi 16 février 1942, et seuls les membres du sexe masculin du siège principal de la Société purent s’inscriree. L’école se tenait une fois par semaine, le lundi soir. Pour la première partie on s’assemblait dans la grande salle, où un discours était prononcé devant tous les membres inscrits à l’école. Les autres frères de la famille qui n’étaient pas inscrits, ainsi que les sœurs, furent aussi invités à y assister. Ensuite, il y avait une courte pause, qui permettait aux assistants de se séparer en plusieurs classes. Pendant la seconde partie, des allocutions d’élèves étaient présentées sur des sujets difficiles sous la direction de conseillers qualifiés.

      Grâce au programme progressif suivi à cette école, des cours d’éloquence et différentes études de la Bible étaient donnés. Au moyen des toutes dernières techniques de l’art de prononcer des discours improvisés, les élèves firent immédiatement des progrès considérables. Les membres du Béthel améliorèrent ainsi non seulement leurs qualités oratoires, mais également leur façon de prêcher de porte en porte. Ce nouveau programme d’enseignement profita à ceux qui étaient inscrits à l’école, et aussi aux sœurs de la famille du Béthel. Le succès de ces cours fut tel que cette école devint une partie du programme d’enseignement suivi régulièrement au siège principal de la Société.

      L’ÉCOLE DE GALAAD OUVRE SES PORTES EN 1943

      L’étape suivante du nouveau programme d’enseignement établi par la Société avait pour but d’étendre le programme de construction jusqu’aux confins de la terre, au moyen d’une activité de prédication élargie. Cela comprenait la fondation d’une école supérieure pour la formation de missionnaires et de représentants ministériels devant accomplir un service spécial à l’étranger. En raison du manque de place, le siège principal du Béthel de Brooklyn ne convenait pas pour cette institution, aussi chercha-​t-​on d’autres locaux.

      On reconnut immédiatement que l’endroit idéal pour dispenser cette nouvelle formation théocratique était la grande ferme s’étendant sur 320 hectares, dont la Société se servait depuis 1935 pour fournir la nourriture aux membres de la famille du Béthel de Brooklyn. Connue sous le nom de “Ferme du Royaume”, elle était située à 400 kilomètres au nord-ouest de New York, dans la région des Finger Lakes (Lacs des Cinq Doigts), dans l’État de New York, près de la ville d’Ithaca, où se trouve la célèbre Université Cornell. Il s’agit de la ferme dont nous avons déjà parlé à propos de l’émeute et du complot visant à détruire tous les biens de la Société, complot qui échoua grâce à l’intervention rapide du shérif.

      Au cours des années, un certain nombre de bâtiments avaient été construits sur les terres, et en 1941, après la menace, un grand bâtiment en briques fut achevé, auquel on donna le nom de “Galaad”, ce qui signifie “monceau de témoignage”. Ce bâtiment fut choisi comme édifice administratif quand le conseil d’administration approuva la fondation de l’école biblique en septembre 1942. On la désigna alors sous le nom de Galaad, l’École biblique de la Watchtower.

      Immédiatement, une faculté de quatre ministres ordonnés faisant partie du personnel du Béthel fut désignée pour procéder à la préparation d’un plan d’étude, élaborer des leçons, rechercher des manuels appropriés, rassembler une petite bibliothèque de 1 400 volumes, ouvrages de références essentiellement bibliques, et établir un plan de classes. Chaque cours devait durer cinq mois et compter une centaine d’étudiants inscrits, logés et nourris par la Société. Des modifications furent apportées aux bâtiments existants pour former des salles d’étude, une salle de conférences, une salle à manger et des chambres à coucherf.

      Attendu que la guerre durait encore et que la Société était interdite au Canada, seuls les pionniers américains furent invités à participer à la première classe. Le 31 janvier 1943, tous les étudiants étaient arrivés, avaient été enregistrés et se préparaient en vue de l’inauguration de l’école, qui devait avoir lieu le lendemain.

      En cette occasion, une centaine d’étudiants de la première classe, cinquante et un hommes et quarante-neuf femmes, certains étant mariés et d’autres célibataires, s’assemblèrent dans la grande salle de Galaad. Leurs parents et amis étaient venus de toutes les parties du pays, ainsi que les membres de la ferme du Royaume et les gens du voisinage. Voici ce que déclara le président de la Société, qui était aussi président de l’école, dans son discours d’inauguration:

      En plein cœur de la guerre mondiale qui ravage de nombreuses parties de la terre, beaucoup de collèges se sont vus obligés de fermer leurs portes. Aujourd’hui, 1er février 1943, nous qui sommes assemblés ici, nous avons le privilège d’assister à l’ouverture de Galaad, le Collège biblique de la Watchtower, situé dans cette magnifique région de l’État de New York. La gloire n’en revient à aucun homme, car c’est Jéhovah Dieu qui a pourvu à cet endroit et à cet édifice appelé “Galaad”, et cela pour la réalisation de son dessein. C’est vers lui que montent nos remerciements et nos louanges. Il apparaît que ses témoins ont encore un grand travail à accomplir, afin que se réalise le dessein de Dieu suivant lequel son nom doit être déclaré sur toute la terre avant qu’il ne manifeste sa puissance à son ennemi (Ex. 9:16). Ce collège est une disposition bienveillante de la part de Jéhovah pour que ce dessein s’accomplisse, car il formera des ministres de l’Évangile ordonnés en vue d’un service spécial. Nous prions pour que cet édifice serve toujours à la gloire et à la justification de son nom.

      BUT DE L’ÉCOLE DE GALAAD

      L’orateur expliqua ensuite que cette école de la Société Watchtower avait été fondée “uniquement dans le but de former des hommes et des femmes, afin qu’ils soient des serviteurs plus efficaces en leur qualité de ministres du Seigneur dans certains pays”, ce qui était parfaitement en harmonie avec la Charte de la Watchtower Bible and Tract Society, Inc. L’orateur poursuivit, disant:

      Il y a de nombreux endroits où le témoignage du Royaume n’a pas été très répandu. Les gens habitant ces territoires vivent dans les ténèbres de la fausse religion. Dans certains de ces pays où il n’y a que peu de témoins, on a remarqué que les personnes bien disposées écoutent attentivement le message et se joindraient à l’organisation du Seigneur si elles étaient convenablement enseignées. S’il y avait plus de travailleurs dans le champ, il serait possible de toucher des centaines, voire même des milliers de ces gens honnêtes. Mais par la grâce du Seigneur, il y aura davantage d’ouvriers.

      Ce collège NE FERA PAS de vous des ministres ordonnés, car vous êtes déjà des ministres actifs depuis des années, ce qui est d’ailleurs une condition requise pour être admis dans ce collège. Vous avez été ordonnés par Jéhovah Dieu. Par vos œuvres, par votre activité fidèle et par le combat que vous menez en tant que soldats, vous avez prouvé que vous êtes ordonnés, aussi la Société vous reconnaît-​elle comme ministres ordonnés. Le programme d’étude établi par le collège a uniquement pour but de vous préparer à devenir des ministres plus capables dans les territoires où vous serez envoyés. Vos études, dirigées par des instructeurs compétents, comprendront un cours d’arithmétique, des instructions sur l’expédition et l’emploi des formules et rapports de la Société, ainsi que sur la façon de traiter avec les autorités gouvernementales, un cours de droit international, et un cours d’anglais et de grammaire, afin d’améliorer vos connaissances de la langue en vue de présenter convenablement l’évangile du Royaume. On vous enseignera également les premiers rudiments d’une langue étrangère; vous pourrez ainsi apprendre plus rapidement la langue du pays où vous serez envoyés. En tant qu’étudiants, vous retirerez le plus grand profit du cours, à la condition que vous fassiez tout ce que vous pouvez. Vous devriez travailler de votre mieux, avec le désir d’être bien équipés pour le ministère théocratique et le service missionnaire dans lequel vous vous engagez.

      Vous étudierez attentivement tous les sujets que je viens de citer, mais votre principale formation sera axée sur la recherche biblique et l’art de parler de la Bible en public, et les instructions de l’organisation théocratique vous seront expliquées. Vous ne serez pas formés pour être “serviteurs de filiale” ou pour diriger l’œuvre dans certains pays en tant que représentants spéciaux de la Société; toutefois, si c’est la volonté du Seigneur et que les progrès de l’œuvre le justifient, il se peut qu’avec le temps vous soyez nommés à une telle fonction.

      Votre tâche principale consiste à prêcher l’évangile du Royaume de maison en maison à l’exemple de Jésus et de ses apôtres. Quand vous trouvez une oreille attentive, prenez des dispositions pour faire une visite, commencez une étude biblique à domicile et organisez dans la ville un groupe qui sera composé de ces personnes bien disposées. Non seulement il vous appartient de former un groupe, mais vous devez encore aider ceux qui en sont membres à comprendre la Parole, les affermir, leur parler personnellement de temps à autre, les aider au cours des réunions de service et sur le plan de l’organisation. Quand ils seront forts et pourront se diriger seuls et s’occuper du territoire, vous pourrez alors vous rendre dans une autre ville, afin d’y proclamer le Royaumeg.

      Plusieurs membres du conseil d’administration s’adressèrent ensuite aux étudiants, et le programme de l’école commença plus tard ce jour-​làh.

      CONDITIONS D’ADMISSION ET PROGRAMME

      THOMAS: Quelles étaient les conditions d’admission à l’école? Il est évident que les étudiants devaient être témoins de Jéhovah et, selon le discours d’ouverture du président, les élèves de la première classe étaient déjà dans le ministère depuis un certain nombre d’années. Mais n’avez-​vous pas dit que tous les étudiants de la première classe étaient pionniers?

      JEAN: Oui; en fait, deux années d’expérience dans le service de pionnier étaient une des conditions requises. Cela sous-entendait aussi qu’il fallait être voué et entièrement attaché au Seigneur. En outre, les candidats devaient posséder une bonne instruction de base, dispensée par les écoles du monde, être des étudiants de la Bible et bien connaître son contenu.

      Évidemment les cours n’étaient pas payants, car la Société Watchtower offrait gratuitement cet enseignement à chacun. De plus, la Société remboursait les frais de voyage aller-retour, elle nourrissait et logeait les étudiants pendant leurs cours, et leur accordait mensuellement une allocation pour leurs autres frais. Il était entendu que les étudiants accepteraient leur affectation de service, quel que soit l’endroit où la Société déciderait de les envoyer.

      LOÏS: C’était certainement une merveilleuse disposition. Comment fallait-​il s’y prendre pour être admis?

      JEAN: Le candidat devait remplir un questionnaire, et l’invitation était envoyée par l’intermédiaire du bureau du président; après quoi le candidat était immatriculé sur les registres de l’École de Galaad.

      Aucun autre collège n’offrait un cours comparable à celui que dispensait la Société au moyen de l’École de Galaad. On ne pouvait pas choisir les sujets, les étudiants devant tous suivre le même cours. La majeure partie des sujets traités étaient bibliques et comprenaient un cours supérieur sur le ministère théocratique et le service missionnaire. Dès le début, le programme d’études comportait: écritures théocratiques, service missionnaire, ministère théocratique, vérité biblique, art oratoire, recherches bibliques, faits bibliques, histoire de l’adoration, prophéties du Royaume, loi suprême, thèmes bibliques et une langue étrangèrei. La Bible était le principal manuel employé, et dans cette première classe on enseigna l’espagnol comme langue étrangère.

      LOÏS: Quel était le programme de la classe?

      JEAN: Cinq heures et demie d’école étaient prévues pour chacun des cinq jours de la semaine, de 8 heures du matin à 2 h 30 de l’après-midi, avec une heure d’interruption pour le déjeuner. Le samedi matin il y avait une conférence qui durait 1 h 30, et la fin de la matinée était consacrée à l’étude ou aux leçons particulières données par les instructeurs. Chaque soirée de la semaine était réservée à l’étude, de 19 heures à 22 heures.

      En plus de la conférence et de l’étude, chaque après-midi les étudiants passaient trois heures à s’occuper de travaux domestiques dans l’école et la ferme. Cette activité était non seulement salutaire pour détendre les nerfs entre les cours et les heures d’étude le soir, mais elle permettait également d’entretenir les cinq dortoirs réservés aux étudiants et d’assumer les nombreux travaux de la ferme. Grâce aux efforts d’un grand nombre d’étudiants, il a été possible de construire et d’améliorer de nombreux bâtiments autour des locaux réservés aux élèves; citons entre autres la construction d’une piscine, le pavement des routes, la construction d’un bâtiment devant servir de bibliothèque et l’aménagement des jardins.

      Pour apporter une diversion à la routine scolaire, les fins de semaine étaient réservées au service du champ. Des groupes d’étudiants rendaient témoignage dans les villes et les villages situés dans un rayon de quarante kilomètres, et par la suite le territoire s’étendit à quatre-vingts kilomètres, ce qui suscita un très grand intérêt pour le Royaume. Les étudiants revisitaient les personnes bien disposées et conduisaient avec elles des études bibliques. Les instructeurs, étant eux-​mêmes des ministres ordonnés, se joignaient aux étudiants dans le service de maison en maison, les visites et la prédication dans les rues. L’unité qui régnait entre les élèves et les instructeurs ajoutait à la qualité théocratique du système scolaire tout entierj.

      Le programme en vue de l’expansion mondiale était maintenant en bonne voie. Ayant reçu une formation complète dans l’œuvre de prédication mondiale des témoins de Jéhovah grâce à son travail au siège principal de la Société, et ayant fait un certain nombre de voyages en compagnie du second président de la Société, le nouveau président avait compris la nécessité de donner une meilleure formation à tous les ministres de la Société. En collaboration avec les membres de son bureau, le président avait immédiatement élaboré un programme d’enseignement théocratique. Les fondements étaient maintenant posés.

      [Notes]

      a a wF 1956, p. 75.

      b b Annuaire (angl.) 1946, pp. 221-224.

      c c Annuaire (angl.) 1943, pp. 60, 61.

      d d Annuaire (angl.) 1943, p. 62.

      e e w 1942, pp. 291-300.

      f f Annuaire (angl.) 1943, pp. 63, 64.

      g g Annuaire (angl.) 1943, pp. 65-67.

      h h Informateur (angl.), nov. 1942, p. 1.

      i i Informateur (angl.), oct. 1942, p. 2.

      j j Informateur (angl.), nov. 1942, p. 1.

      k k Annuaire (angl.) 1943, pp. 68, 69.

      l l Ibid., pp. 60-70.

      a m Annuaire (angl.) 1943, pp. 73-75.

      b n Ibid., pp. 24, 25.

      c o Annuaire (angl.) 1943, p. 25.

      d p w 1898, p. 223, par. 1.

      e q Bulletin (angl.), No 1, école du Béthel.

      f r Annuaire (angl.) 1943, pp. 25-27.

      g s w 1943, pp. 61-63.

      h t Voir Consolation (angl.), Vol. XXIV, 17 mars 1943, pp. 3-16, pour le récit complet de l’inauguration et des photos.

      i u Annuaire (angl.) 1944, pp. 39-43.

      j v Le Messager (angl.), 12 août 1946, p. 46.

  • La bonne nouvelle crée des précédents juridiques
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 28

      La bonne nouvelle crée des précédents juridiques

      THOMAS: La situation des témoins de Jéhovah ne s’est-​elle pas développée sur le plan juridique au cours de l’année 1942 aux États-Unis?

      JEAN: Si, certainement, mais cela se produisit plus particulièrement en 1943. Toutefois, avant d’en parler, je pense qu’il serait bien que nous passions en revue les cas ayant déjà fait l’objet de notre discussion. Marie, as-​tu les notes que tu as prises à propos de ces différentes affaires?

      MARIE: Oui, et j’ai même quelques indications supplémentaires. Au printemps de l’année 1938, le 28 mars, la Cour suprême des États-Unis promulgua le principe légal suivant lequel une ordonnance de Griffin, en Géorgie, était nulle et non avenue. “La liberté de la presse, déclara le président de la Cour, accordait à l’origine le droit de publier ‘sans autorisation ce qui auparavant ne pouvait être publié qu’avec une autorisationa’.” Il s’agissait du cas Lovellb.

      En automne 1939, le 22 novembre, la Cour suprême décréta, à propos du cas Schneiderc, qu’une ordonnance prescrivant aux colporteurs de fournir certains renseignements aux autorités et de demander un permis au chef de la police constituait une atteinte à la liberté de la presse, contrairement au Premier Amendement de la constitution.

      Le cas Cantwelld, examiné le 20 mai 1940, concernait une condamnation suite à la violation d’une ordonnance interdisant de solliciter de l’argent pour une cause religieuse sans l’autorisation de l’officier de police de la localité. La Cour suprême décida à l’unanimité que le statut appliqué dans ce cas constituait une violation de la liberté religieuse garantie par la clause du Quatorzième Amendement contre l’ingérence de l’Étate.

      THOMAS: N’est-​ce pas en 1940 que vous avez perdu le procès relatif au salut au drapeau?

      MARIE: En effet, cette décision a été prise dans le cas Gobitisf, qui fut jugé en juin 1940, n’est-​ce pas, Jean?

      JEAN: Oui, le 3 juin exactement. C’est ce verdict qui déclencha une vague de persécutions. En 1942, nous avons également perdu une autre cause importante. Il s’agit de l’affaire Jones contre Opelikag, jugée par la Cour suprême des États-Unis le 8 juin 1942. Ce procès portait sur la prédication dans les rues qui, à cette époque, était devenue une importante forme de service déployée par les témoins de Jéhovah. La Cour suprême jugea cette affaire ainsi que deux autres, l’une de l’Arkansas et l’autre de l’Arizona. Le cas Jones souleva la question de savoir si ce témoin de Jéhovah était vraiment coupable d’avoir transgressé une loi de la ville d’Opelika, dans l’Alabama, en “vendant des livres” sans licence ni paiement d’une taxe.

      Les témoins de Jéhovah perdirent ce procès par cinq voix contre quatre. La question constitutionnelle à débattre était de savoir si une patente non discriminatoire, d’un montant raisonnable, pouvait être exigée des témoins de Jéhovah pour exercer leur activité. La Cour décréta que cette patente était constitutionnelle. Stone, président de la Cour, conclut l’argumentation de son avis contraire par ces paroles:

      Vu que cette patente exerce une restreinte préliminaire sur le droit de publier, elle équivaut presque à une censure ou à une interdiction. Plus la cause est humble et pauvre, et plus cette patente fait office d’interdiction.

      Le juge Murphy abonda dans le même sens, déclarant entre autres choses:

      Quel que soit leur montant, les licences sont en réalité des taxes sur la propagation des idées religieuses, propagation réalisée grâce à la diffusion de publications religieuses dans un but uniquement religieux, et non pour un profit personnel. Ainsi la question de montant mise à part, ces taxes constituent un fardeau pesant pour la liberté de parole et de la presse, et pour le libre exercice du culte. En fait, sans la liberté de diffusion, il n’y aurait pas la liberté de la presse. (...)

      (...) Si cette Cour doit pécher en jugeant les plaintes déposées parce qu’on a porté atteinte à la liberté de parole, de la presse ou de religion, il est de beaucoup préférable qu’elle pèche pour avoir protégé à l’excès ces précieuses libertésh.

      POINT DE VUE DIFFÉRENT AU SUJET DE LA DÉCISION GOBITIS

      Un fait très intéressant se produisit à propos de la même affaire, à savoir le cas Jones. Après avoir exposé leur opinion, les juges Black, Douglas et Murphy ajoutèrent de leur plein gré cette déclaration significative et sans précédent, revenant sur leur vote de 1940 à propos du salut au drapeau:

      L’opinion de la Cour sanctionne une disposition qui, à notre avis, supprime ou tend à supprimer le libre exercice d’une religion pratiquée par une minorité. Cette action n’est autre qu’un nouvel aspect de l’attitude adoptée dans l’affaire Minersville School District contre Gobitis (...) contre la même minorité religieuse, et c’est une extension logique des principes sur lesquels était fondée cette décision. Puisque nous avons approuvé cette opinion dans le cas Gobitis, nous pensons que le moment est opportun pour déclarer que nous croyons que cette décision n’était pas bonne. Il ne fait aucun doute que notre forme démocratique de gouvernement opérant sur la base des Amendements garantissant les droits des citoyens assume la lourde responsabilité de s’adapter aux conceptions religieuses des minorités, aussi impopulaires et non orthodoxes soient-​elles. Le Premier Amendement n’accorde pas au droit d’exercer librement la religion une place subordonnée, toutefois nous craignons que les décisions adoptées à propos des cas présents et de l’affaire Gobitis ne fassent exactement celai.

      Vous vous souvenez à quel point la situation s’était aggravée dans tous les États-Unis. Les témoins de Jéhovah étaient persécutés de toutes parts, de violentes émeutes se déchaînant partout. De plus, les cérémonies au cours desquelles le salut au drapeau était obligatoire se multipliant dans les écoles, un nombre sans cesse croissant d’enfants se voyaient expulsés des établissements scolaires, ce qui incita la Société à aider les frères à instruire leurs enfants. Dès 1936, des écoles privées furent ouvertes; on les appela “Écoles du Royaume”, et elles fonctionnaient grâce à des enseignants qualifiés, eux-​mêmes témoins de Jéhovah, qui s’étaient offerts bénévolementj. Les cas de toutes sortes se chiffraient par milliers, et le courrier adressé au service juridique du siège principal de la Société était si important que les frères se voyaient dans l’impossibilité de traiter les affaires à mesure qu’elles se présentaient.

      Quand les juges Black, Douglas et Murphy adoptèrent cette position inattendue et encourageante à propos du cas Jones contre Opelika, l’avocat de la Société décida de rouvrir les débats sur la question du salut au drapeau, et de soumettre celle-ci rapidement à la Cour suprême. Il se rendit donc immédiatement dans la ville de Charleston, en Virginie occidentale, et déposa une plainte au tribunal du district Sud de la Virginie contre cet État, réclamant la remise de l’application de la loi exigeant le salut au drapeau. On ne s’attendait pas à ce que le jugement de cette affaire soit nécessairement rendu en faveur des témoins de Jéhovah, du moins en première instance. Ce procès fut présidé par trois juges. Cette cour de trois juges avait été formée afin de permettre aux témoins de Jéhovah de porter l’affaire directement devant la Cour suprême des États-Unis, pour qu’elle soit rapidement tranchée en cas de décision non favorable.

      Après la plaidoirie de l’avocat de la Société, l’avocat général de la Virginie occidentale prit la parole et dit: “Il n’est pas nécessaire que je réponde à M. Covington au sujet du cas nous intéressant. Je m’en tiendrai à la décision, toujours en vigueur, prise à propos de l’affaire Gobitis contre Minersville School District.” Le juge Parker de la Cour d’appel, qui présidait en compagnie des juges Moore et Watkins, déclara: “Si vous vous appuyez sur cette opinion, Monsieur l’avocat général, il serait préférable que vous arguiez le cas.” Totalement pris au dépourvu, l’avocat général présenta une argumentation sans poids, lut la décision de la Cour sur le cas Gobitis et s’assit. Alors, prenant une décision sans précédent, les trois juges refusèrent d’un commun accord de suivre l’arrêt que la Cour suprême des États-Unis avait rendu à propos des mêmes faits. Ils prirent une décision en faveur des témoins de Jéhovah.

      Dans l’intervalle, avant que ce cas ne fût présenté devant la Cour suprême, suite à l’appel interjeté par le Ministère de l’Éducation de la Virginie occidentale, plusieurs autres affaires impliquant des témoins de Jéhovah furent examinées par la Cour, y compris les deux cas suivants: Jamison contre Texask et Largent contre Texasl. Les jugements furent rendus le 8 mars 1943.

      Le premier des deux cas, celui de Jamison, concernait un arrêté de la ville de Dallas, au Texas, interdisant d’éparpiller des feuillets, de faire de la publicité et de lancer des invitations dans les rues. La simple diffusion de feuilles d’invitation faite par un témoin constituait une violation de cette ordonnance. Cependant, la Cour suprême décida que la mise en application de cet arrêté contre le témoin en question portait atteinte à la liberté de la presse, contrairement au Premier Amendement.

      Le second cas, celui de Largent contre Texas, portait sur une ordonnance de la ville de Paris, dans le Texas, qui exigeait un permis délivré par le maire après enquête et autorisant à faire du colportage ou de la vente dans les quartiers résidentiels. La condamnation infligée sur la base de cette ordonnance fut rejetée par la Cour suprême des États-Unis, car elle impliquait une censure préliminaire de la presse, ce qui était en contradiction avec le Premier Amendement.

      UN “JOUR FASTE” POUR LES TÉMOINS DE JÉHOVAH

      Les mois de mai et juin 1943 ont été une époque de joie pour les témoins de Jéhovah, en raison des remparts constitués par les précédents établis par la Cour suprême. Le 3 mai 1943 a été appelé un “jour faste” pour les témoins de Jéhovah, car ces derniers remportèrent douze victoires sur les treize cas jugésa. Le cas Murdock contre Pennsylvanie, portant sur la possession d’une patente, a particulièrement été retentissant; en effet, la décision prise à propos de cette affaire fut contraire à la position adoptée par la Cour suprême dans le cas Jones contre la ville d’Opelika.

      Il est toutefois entendu que le fait qu’une taxe puisse supprimer ou contrôler cette activité est sans importance, si elle ne produit pas ce résultat. Mais en raisonnant de la sorte, on ne tient pas compte de la nature de cette taxe. C’est une taxe, une simple taxe imposée sur l’exercice d’un droit protégé par les Amendements garantissant les droits des citoyens [américains]. Un État ne peut imposer une taxe pour la jouissance d’un droit garanti par la Constitution fédérale. (...) Le pouvoir d’imposer une taxe de patente pour l’exercice de ces libertés a des conséquences aussi sérieuses que le pouvoir de censurer auquel cette Cour a mis fin à maintes reprises. (...)

      Le jugement dans l’affaire Jones contre Opelika a été cassé ce jour. Libérés de ce précédent, nous pouvons rétablir à leur position constitutionnelle et élevée les libertés des évangélistes itinérants qui propagent leurs croyances religieuses et les doctrines de leur foi en distribuant des publications.

      Une déclaration faite par la Cour, quand elle rendit ce jugement, révèle particulièrement l’animosité cachée derrière ces arrestations et condamnations sur la base de telles ordonnances:

      L’accent est surtout mis sur la nature des publications que les requérants distribuent, — publications à caractère provocant, malhonnête et insultant pour les Églises établies et les croyances que nombre d’entre nous chérissent. (...) Toutefois, ces considérations ne justifient nullement l’exigence d’une taxe de patente imposée par l’ordonnance. Franchement, une communauté ne peut interdire ou un État taxer la propagation d’idées, parce qu’elles sont impopulaires, contrariantes ou désagréables. Si ce décret devait être ratifié, il constituerait alors un instrument prêt à supprimer la foi que chérissent ces minorités, quelles qu’elles soient, mais qui ne reçoit pas l’approbation générale. Cela équivaudrait à une répudiation complète de la philosophie des Amendements qui garantissent les droits des citoyensb.

      Une autre affaire jugée le même jour que le cas Murdock portait sur un arrêté interdisant de sonner aux portes pour diffuser de maison en maison des feuilles d’invitation ou des brochures publicitaires. La Cour décréta que cette interdiction portait atteinte à la liberté de la presse. La Cour énonça ce principe:

      Bien que les personnes qui diffusent des publications de porte en porte puissent nuire à la société ou cacher des activités criminelles, il se peut également que leur visite soit profitable, en ce sens que ces personnes répandent des idées valables dans la meilleure tradition des discussions libres. Le fait que ce moyen d’expression soit largement employé par de nombreux groupes défendant des causes diverses atteste son importance capitale. (...)

      La liberté de diffuser des informations auprès de chaque citoyen, que celui-ci le veuille ou non, est si manifestement vitale pour la conservation d’une société libre que, hormis des ordonnances raisonnables de la police et des services d’hygiène réglementant l’heure et la manière de la diffusion, cette liberté doit être pleinement préservéec.

      L’affaire Douglas contre Jeannetted fut un autre cas important réglé ce jour-​là. La Cour a déclaré que les témoins de Jéhovah n’avaient pas le droit de s’opposer à l’application des peines prévues par la loi sur la patente passée par la ville de Jeannette, en Pennsylvanie. La Cour décréta que puisque les témoins de Jéhovah pouvaient prouver, grâce à la décision dans l’affaire Murdock, que les charges retenues contre eux étaient fondées sur une ordonnance anticonstitutionnelle, ils étaient suffisamment protégés.

      Vous voyez qu’avant que la Cour suprême ne prenne des décisions absolues et d’une portée considérable au cours des mois de mai et juin 1943, ce qui eut pour effet de faire cesser les persécutions sur le plan national, les témoins de Jéhovah se servaient judicieusement de la loi sur les droits civiques pour en appeler aux cours fédérales contre les autorités locales, qui restreignaient les droits garantis par le Premier Amendement. Ces arrêts de sursis décrétés par les cours fédérales constituèrent un gigantesque barrage retenant la vague de poursuites judiciaires qui déferlait à cette époque.

      Puis la Cour suprême se prononça dans l’affaire Douglas contre Jeannette, ce qui eut pour effet de “dynamiter” ce barrage. Mais la décision rendue le même jour dans l’affaire Murdock fit disparaître les eaux pour ce qui était des cas concernant l’exigence d’une patente. C’est ainsi que dès le début de l’été 1943, on enregistra une nette diminution dans le nombre de procès intentés contre les témoins de Jéhovah. Simultanément, le nombre des poursuites judiciaires annulées augmenta remarquablement. Les centaines de cas, dont la solution faisait jurisprudence, atteignirent leur point culminant grâce à ces décisions marquantes adoptées par la Cour suprême des États-Unis au cours des mois de mai et juin 1943. Cette année a réellement marqué un tournant sur le plan juridique, en faveur des témoins de Jéhovah.

      LA COUR SUPRÊME RÉFORME DE NOUVEAU SON JUGEMENT

      Le 14 juin 1943, jour anniversaire de l’adoption du drapeau américain, fut à maints égards tout aussi remarquable que le 3 mai, car en cette journée mémorable la Cour suprême réforma de nouveau son jugement, justifiant ainsi la position juridique des témoins de Jéhovah. L’une des affaires jugées en cette journée concernait une autre accusation portée à cette époque contre les témoins de Jéhovah, à savoir l’accusation de sédition. En juin 1942, dans le Mississippi, trois témoins de Jéhovah avaient été arrêtés et faussement accusés d’avoir incité les citoyens à se montrer déloyaux envers le gouvernement des États-Unis et de l’État du Mississippi, et d’avoir diffusé des enseignements et des publications encourageant à l’infidélité à l’égard du gouvernement des États-Unis. Des cours inférieures les condamnèrent pour sédition à une peine d’emprisonnement couvrant toute la durée de la guerre; toutefois la sentence ne devait pas excéder dix ans. C’était un chef d’accusation très grave qui entachait le nom des témoins de Jéhovah. En ce jour anniversaire de l’adoption du drapeau américain, la Cour se décida à l’unanimité en faveur des témoins de Jéhovah. Voici ce qu’elle déclara:

      L’ordonnance, telle qu’elle fut interprétée dans ces cas, qualifie de délit le fait de communiquer à autrui des idées et des opinions sur la politique du gouvernement, ainsi que des prophéties relatives à l’avenir de notre pays et des autres nations. Telle qu’elle est appliquée aux requérants, elle les punit, bien qu’il ne soit pas prétendu ou démontré que ce qu’ils ont communiqué l’a été dans un dessein mauvais ou sinistre, qu’ils ont appuyé une action subversive ou incité à cette action contre la nation ou l’État, ou menacé de dangers évidents et immédiats nos institutions ou notre gouvernement. Ce que ces appelants communiquaient, c’étaient leurs croyances et leurs idées concernant certaines mesures intérieures et tendances dans les affaires nationales et mondiales.

      Conformément à nos décisions, des sanctions criminelles ne peuvent être imposées pour de telles communicationse.

      En ce même jour mémorable, après des années de violence et d’émeutes dirigées contre les témoins de Jéhovah comme conséquence directe du jugement défavorable prononcé à propos de l’affaire Gobitis, la Cour suprême des États-Unis réforma le jugement qu’elle avait rendu concernant cette affaire, par la décision qu’elle prit dans la célèbre cause Ministère de l’Éducation de la Virginie occidentale contre Barnette. La Cour décréta que le ministère n’avait pas le droit d’expulser de l’école et de refuser d’instruire les enfants des témoins de Jéhovah qui ne voulaient pas saluer le drapeau. Voici ce qui fut dit lors de ce jugement:

      (...) Pour soutenir le caractère obligatoire du salut au drapeau, nous sommes obligés de dire que les Amendements garantissant les droits des citoyens et protégeant le droit de l’individu d’exprimer sa pensée laissaient toute latitude aux autorités publiques pour l’obliger à dire ce qu’il ne pense pas. (...)

      Le but des Amendements qui garantissent les droits des citoyens était de soustraire certains sujets aux vicissitudes des controverses politiques, de les mettre hors d’atteinte des majorités et des autorités, et d’en faire des principes juridiques à observer par les tribunaux. Le droit à la vie, à la liberté, à la propriété, aux libertés de parole, de la presse, du culte et de réunion ainsi que d’autres droits fondamentaux, ne peuvent être soumis au vote; ils ne dépendent d’aucune élection. (...)

      S’il est quelque étoile fixe dans la constellation de notre constitution, c’est qu’aucun fonctionnaire, supérieur ou subalterne, n’a le droit de prescrire ce qui sera orthodoxe en matière de politique, de nationalisme, de religion ou dans d’autres questions, ou de contraindre des citoyens à confesser leur foi en ces choses par la parole ou par des actes. (...)

      Nous pensons que l’action des autorités locales consistant à imposer le salut au drapeau et la prestation de serment dépasse les limites constitutionnelles de leur pouvoir et empiète sur le domaine de l’intelligence et de l’esprit, que le Premier Amendement apporté à notre constitution a pour but de mettre à l’abri de tout contrôle officielf.

      Cette décision annula le verdict prononcé par la Cour à propos de l’affaire Gobitis. Désormais, les Écoles du Royaume créées momentanément n’avaient plus leur raison d’être et, pour la première fois depuis huit ans, les enfants des témoins de Jéhovah se voyaient accorder le droit de retourner dans les écoles publiques.

      THOMAS: Le climat dans lequel cette affaire s’est déroulée ainsi que ses conséquences me rappellent une déclaration faite par le célèbre historien moderne Arnold J. Toynbee, qui dit:

      L’une des raisons pour lesquelles nos temps sont périlleux, c’est qu’on nous a enseigné à tous à adorer notre nation, notre drapeau et notre propre passé historique. L’homme ne peut sans danger adorer que Dieug.

      JEAN: En 1944, la Cour renforça la position qu’elle avait adoptée dans les affaires Jones et Murdock, en décrétant que la constitution protège un ministre itinérant tout autant qu’un ministre local dans l’activité de porte en porte et la diffusion de publications; elle ajouta en outre que tirer sa subsistance du ministère ne justifie pas l’imposition sous la forme d’une taxe de patenteh.

      ARTISANS DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE

      Tous ces procès constituent une documentation monumentale que tous les hommes peuvent consulter. C’est d’ailleurs ce que déclara le juge Murphy de la Cour suprême des États-Unis, quand il dit:

      (...) Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, l’ingéniosité de l’homme n’a pas connu de limites dans son habileté à forger des armes pour opprimer ceux qui osent exprimer ou pratiquer des croyances religieuses non orthodoxes. Les témoins de Jéhovah sont la preuve vivante que même dans cette nation, fondée comme elle l’était sur l’idéal de la liberté, le droit de pratiquer la religion de manière non conventionnelle est très précaire. Leur foi est active et impopulaire, et ils l’exercent avec un zèle fanatique. Ils ont été sauvagement battus et leurs biens ont été détruits; à tout moment ils ont été harcelés en ce sens que l’on a ressuscité, pour les mettre en application, de vieilles ordonnances. (...) Sur eux, ainsi que sur les autres minorités religieuses actuelles, repose la responsabilité de mettre à l’épreuve notre attachement aux idéaux et garanties constitutionnels de la liberté religieusei.

      De nombreux experts juridiques et historiens modernes se sont également prononcés à propos des batailles légales livrées par les témoins de Jéhovah au cours de cette période.

      Jamais, ou rarement dans le passé, un individu ou un groupe n’a été à même de façonner, pendant une certaine période, une partie quelconque de notre immense recueil de lois constitutionnelles. Mais cela peut arriver, et cela est arrivé ici. Ce groupement, ce sont les témoins de Jéhovah. À travers des procès presque continus, cette organisation a rendu possible une liste sans cesse croissante de précédents concernant l’application du Quatorzième Amendement à la liberté de parole et de religion. (...)

      (...) Plus récemment, la même épreuve a été appliquée à la législation des États, en vertu du Quatorzième Amendement. Et ainsi s’est développé un recueil de lois fixant les précédents et touchant les limites des empiètements par les États.

      Ce sont les témoins de Jéhovah qui ont contribué le plus à ce développement, à la fois par le nombre et par la portéej.

      (...) Quoi qu’on puisse dire au sujet des témoins de Jéhovah, ils ont le courage des martyrs. Et ils ont de l’argent pour payer des avocats et défendre des causes devant les tribunaux. Il en est résulté, au cours des dernières années, qu’ils ont contribué plus que n’importe quel autre culte ou groupe au développement de la loi constitutionnelle sur la liberté religieuse. Croyez-​moi, ils ne perdent pas de temps. Parfois ils gagnent et parfois ils perdentk.

      Il est clair que les actuelles garanties constitutionnelles de liberté individuelle, telles que la Cour suprême des États-Unis les interprète avec autorité, sont bien plus étendues qu’elles ne l’étaient avant le printemps de 1938, et que l’on doit trouver la raison principale de cette extension dans les trente et un procès des témoins de Jéhovah (seize jugements faisant loi), dont celui de Lovell contre la ville de Griffin fut le premier. Si “le sang des martyrs constitue la semence de l’Église”, quelle est la dette de la loi constitutionnelle envers la persévérance dans l’action — je devrais peut-être dire le dévouement — de ce groupement étrangel?

      Les témoins de Jéhovah ont littéralement couvert la terre de leur témoignage. (...) Il n’y a pas de chrétiens modernes qui aient fait de l’Écriture un emploi plus constant, ou qui en aient appris plus de passages que les témoins. Pour discuter avec eux avec succès sur des questions bibliques, on doit connaître les Écritures mieux que la plupart des membres des Églises fondamentalistes elles-​mêmes. (...)

      Malgré toute sorte d’opposition, ils se frayent un chemin. Ils combattent avec tous les moyens légaux pour leurs droits civiques, le droit de réunion publique, — qui leur est parfois refusé, — le droit de distribuer leurs publications et le droit fondé sur leur conscience, de vouer leur fidélité premièrement à Dieu. Ils ont rendu un service insigne à la démocratie par leur combat pour préserver leurs droits civiques, car par leur lutte ils ont fait beaucoup pour garantir ces droits à tout groupe minoritaire en Amérique. Quand les droits civiques d’un groupe quelconque sont violés, les droits d’aucun autre groupe ne sont en sécurité. C’est pourquoi ils ont contribué sans aucun doute à la préservation de certaines des choses les plus précieuses de notre démocratiea.

      LOÏS: J’aurais presque envie de dire “bravo” en entendant ces déclarations. Ce sont là certainement des hommages dignes d’intérêt rendus aux desseins théocratiques des témoins de Jéhovah.

      [Notes]

      a a Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, “The Debt of Constitutional Law to Jehovah’s Witnesses”, par le juge Edward F. Waite, p. 224.

      b b Lovell contre la ville de Griffin, 303 U.S. 444, 58 S. Ct. 666, 82 L. éd. 949 (1938).

      c c Schneider contre New Jersey, 308 U.S. 147, 60 S. Ct. 146, 84 L. éd. 155 (1939).

      d d Cantwell contre Connecticut, 310 U.S. 296, 60 S. Ct. 900, 84 L. éd. 1213 (1940).

      e e Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, pp. 226, 227.

      f f Minersville School District contre Gobitis, 310 U.S. 586, 60 S. Ct. 1010, 84 L. éd. 1375 (1940).

      g g 316 U.S. 584, 62 S. Ct. 1231, 86 L. éd. 1691 (1942).

      h h 316 U.S. 584, 611, 616, 623, 62 S. Ct. 1231, 1245, 1248, 1251 (1942).

      i i 316 U.S. 584, 623, 624, 62 S. Ct. 1231, 1251, 1252 (1942).

      j j Annuaire 1937, p. 56; Annuaire 1938, p. 57; Annuaire 1939, pp. 74, 75.

      k k 318 U.S. 413, 63 S. Ct. 669, 87 L. éd. 869 (1943).

      l l 318 U.S. 418, 63 S. Ct. 667, 87 L. éd. 873 (1943).

      a m Minnesota Law Review par le juge Edward F. Waite, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 209.

      b n Murdock contre Pennsylvanie, 319 U.S. 105, 112, 113, 115, 116, 117, 63 S. Ct. 870, 875, 876, 877, 87 L. éd. 1292 (1943).

      c o Martin contre la ville de Struthers, 319 U.S. 141, 145, 146, 147, 63 S. Ct. 862, 864, 865, 87 L. éd. 1313 (1943).

      d p 319 U.S. 157, 63 S. Ct. 877, 87 L. éd. 1324 (1943).

      e q Taylor contre Mississippi 319 U.S. 583, 589, 590, 63 S. Ct. 1200, 1204, 87 L. éd. 1600 (1943).

      f r West Virginia State Board of Education contre Barnette, 319 U.S. 624, 634, 642, 63 S. Ct. 1178, 1183, 1187, 87 L. éd. 1628 (1943).

      g s Look, 17 août 1948, cité dans wF 1957, p. 247.

      h t Follett contre McCormick, Caroline du Sud, 321 U.S. 573, 64 S. Ct. 717, 88 L. éd. 938 (1944).

      i u Prince contre Massachusetts, 321 U.S. 158, 175, 176, 64 S. Ct. 438, 447, 448, 88 L. éd. 645 (1944).

      j v American Bar Association’s The Bill of Rights Review, Vol. 2, No 4, été 1942, “Jehovah’s Witnesses Mold Constitutional Law”, par John E. Mulder et Marvin Comisky, p. 262.

      k w The Republic, par Charles A. Beard (New York, 1943; The Viking Press), p. 173.

      l x Minnesota Law Review, Vol. XXVIII, No 4, mars 1944, p. 246.

      a y These Also Believe, par C. S. Braden (New York, 1950; The Macmillan Co.), pp. 370, 380, 382.

  • La porte s’ouvre de nouveau à la prédication
    Les témoins de Jéhovah dans les desseins divins
    • Chapitre 29

      La porte s’ouvre de nouveau à la prédication

      JEAN: À partir de 1943, la porte donnant accès à la prédication de la bonne nouvelle du Royaume aux États-Unis s’ouvrit en fin de compte sur un champ d’activité plus vaste que ce pays. Dans la moitié du monde, les restrictions complètes imposées à la prédication commençaient à être levées, bien que les “gonds” de certaines de ces portes fussent encore rouillés et grinçants.

      L’une de nos premières victoires a été remportée en Australie. Vous vous souvenez certainement qu’une action politique avait été entreprise contre les témoins de Jéhovah à l’instigation des chefs religieux, et que le Béthel avait été saisi par le gouvernement le samedi 18 janvier 1941. Les locaux avaient été finalement occupés par les soldats. Les Salles du Royaume appartenant aux congrégations locales d’Adélaïde et de Perth avaient aussi été saisies par le gouvernementa.

      La congrégation d’Adélaïde ayant constitué une société, afin d’être reconnue propriétaire de la salle, une procédure fut donc entamée. Après une bataille légale qui dura deux ans et demi, l’affaire Adelaide Company of Jehovah’s Witnesses, Inc., contre The Commonwealth fut finalement présentée devant la Cour suprême d’Australie. Le 14 juin 1943, la Cour accorda la victoire aux témoins de Jéhovah par quatre voix contre une, décrétant que l’arrêté ministériel interdisant les témoins de Jéhovah en Australie était illégal. La Cour déclara que ni l’œuvre des témoins ni les publications qu’ils diffusaient ou imprimaient n’étaient séditieuses dans le sens où l’entend le droit criminel australien. En outre la Cour ajouta:

      Dans les questions relatives à la liberté religieuse, on prétend parfois que bien que le gouvernement n’ait pas à intervenir dans les opinions religieuses, il peut néanmoins, sans enfreindre pour cela le principe de la liberté religieuse, agir comme il l’entend à propos des actes, quels qu’ils soient, accomplis conformément aux croyances religieuses. Il nous semble difficile d’établir cette distinction, relevant de l’interprétation de l’article 116. Cette clause se réfère en termes précis à l’exercice de la religion; elle a donc pour but de protéger contre toute loi du Commonwealth des actes qui sont accomplis dans l’exercice de la religion. Cette clause fait bien plus que protéger la liberté d’opinion; elle protège également les actes accomplis conformément aux croyances religieuses comme faisant partie du culteb.

      En conséquence, la Cour décréta que les témoins étaient libres de poursuivre leur activité religieuse, et que leur œuvre n’était pas préjudiciable à la continuité officielle de la guerre.

      Au Canada, pendant près de deux ans, les témoins de Jéhovah souffrirent en silence, étant bâillonnés pour autant qu’il s’agissait de formuler une protestation formelle et de présenter une défense quelconque. En juin 1942, l’occasion leur fut donnée d’adresser une déclaration à une commission de la Chambre des Communes s’occupant des ordonnances relatives à la défense du Canada, dispositions qui avaient été prises le 1er juillet 1940 en raison de la guerre, et qui avaient servi à l’élaboration de l’arrêté ministériel interdisant les témoins de Jéhovah. La commission recommanda à l’unanimité la levée de l’interdiction frappant les sociétés enregistrées des témoins de Jéhovah, mais le nouveau ministre de la justice, L. S. St-Laurent, refusa de révoquer cet arrêtéc.

      L’opposition contre l’interdiction s’accrut non seulement dans la presse libérale, mais encore dans les débats à la Chambre des Communes. Finalement, le 15 octobre 1943, l’interdiction frappant la société non enregistrée des témoins de Jéhovah fut levée, mais non celle qui touchait les sociétés légales. Cette levée partielle de l’interdiction rendait encore impossible la réouverture de la filiale de Torontod; aussi les frères s’employèrent-​ils activement à obtenir la reconnaissance légale de l’œuvre.

      Les frères consacrèrent tout le mois de juin à recueillir des signatures; toutefois, avant que la pétition n’ait pu être terminée et présentée à la Chambre des Communes, le gouvernement avait décidé de lever l’interdiction sur la IBSA du Canada. Cette décision fut publiée le 13 juin 1944 au moyen d’un arrêté ministériel, mais elle ne fut rendue publique que le 16 juin. Cette bonne nouvelle fut rapidement communiquée à toutes les congrégations du pays; on cessa alors de faire circuler la pétition. Bien que soudainement interrompue, cette dernière avait recueilli 223 448 signatures. Certes, ces signatures ne furent pas employées selon ce qui avait été prévu, néanmoins les proclamateurs revisitèrent avec joie ces personnes, afin de leur faire connaître la bonne nouvelle concernant la levée de l’interdiction et de stimuler leur intérêt pour le message théocratique. Ainsi Jéhovah accordait une nouvelle victoire à son peuple choisie.

      Bien que les frères aient été dans l’impossibilité de rouvrir le Béthel de Toronto après la levée de l’interdiction en octobre 1943, ils louèrent des Salles du Royaume et les firent connaître. En 1940, quand l’œuvre fut interdite au Canada, il y avait en moyenne 6 031 proclamateurs, mais quand l’interdiction fut levée trois ans plus tard, le 13 juin 1944, 10 345 ouvriers y participaientf. Incontestablement, c’était là un accroissement encourageant en ces jours de restrictions, et une preuve supplémentaire que les témoins de Jéhovah étaient déterminés à faire la volonté divine.

      L’ÉCOLE DU MINISTÈRE THÉOCRATIQUE OUVRE SES PORTES

      Aux États-Unis, où régnait une plus grande liberté, on ne cessait d’enregistrer des progrès grâce au nouveau programme d’instruction, et d’autres occasions de service se présentaient. La Société était maintenant prête à franchir la troisième étape et la plus complète de cette campagne d’instruction. Le moment était venu d’aider toutes les congrégations des témoins de Jéhovah à dispenser une formation individuelle à tous les ministres de la Société, par l’intermédiaire d’écoles locales fonctionnant d’après le modèle établi par le cours supérieur du ministère théocratique qui s’était avéré si efficace au Béthel de Brooklyn. En vue d’inaugurer cet important programme d’instruction, en 1943 la Société composa son premier manuel d’étude intitulé “Cours pour le ministère théocratique”, comprenant cinquante-deux leçons à examiner, à raison d’une par semaine. Cette brochure de quatre-vingt-seize pages renfermait des instructions complètes sur le fonctionnement de cette école théocratique nouvellement recommandée dans chaque congrégationg. La publication de ce manuel fut une surprise pour les témoins réunis à l’assemblée ayant pour thème “Appel à l’action”, qui se tint les 17 et 18 avril 1943 dans 247 villes des États-Unish.

      Ce projet consistant à ouvrir des Écoles du ministère théocratique dans chaque congrégation reçut un accueil enthousiaste de la part des témoins d’expression anglaise. Dès que les manuels seraient traduits, l’école devait fonctionner pour les témoins de langues étrangères. On suggéra à toutes les congrégations qui désiraient organiser immédiatement une telle école de recommander à la Société un instructeur ou serviteur à l’école localei.

      Une fois les nominations officielles faites par la Société, les écoles furent ouvertes dans les Salles du Royaume et fonctionnèrent une heure par semaine après l’une des autres réunions hebdomadaires de la congrégation, telle que la réunion de service. En l’espace de plusieurs semaines, des Écoles du ministère théocratique se tenaient dans presque toutes les grandes congrégations des pays de langue anglaise. Des frères, jeunes et vieux, se firent inscrire pour apprendre à devenir des orateurs. Les sœurs assistèrent fidèlement aux discours et participèrent aux révisions orales, et, plus tard, aux révisions écrites, afin de tirer profit de l’instruction pratique et utile qu’elles employaient ensuite dans le service de prédication de porte en porte.

      Pour développer ce cours, la Société publia plus tard d’autres ouvrages, tels que Aide théocratique aux proclamateurs du Royaume (angl.) en 1945, et “Équipé pour toute bonne œuvre” en 1946. En 1944, les congrégations furent encouragées à fonder une bibliothèque du ministère théocratique dans leurs Salles du Royaume. Cela permit aux élèves de consulter les publications de la Société et d’autres manuels bibliques qui les aidèrent à préparer leurs discours d’instruction ou leurs allocutions d’élèvesj.

      À ces écoles, les témoins de Jéhovah apprirent à parler sur le ton de la conversation employé à l’époque moderne, et non avec l’affectation qui caractérise le clergé; suite à l’amélioration des qualités oratoires des témoins, l’emploi du phonographe dans la prédication cessa petit à petit, et après 1944, cette campagne de prédication à l’aide de phonographes et de disques, qui avait duré dix ans, commença à être remplacée par des sermons oraux présentés aux portes par les ministres eux-​mêmes, qui étaient maintenant parfaitement qualifiés.

      Après deux années de formation pour le ministère, la Société disposait d’un assez grand nombre d’orateurs bibliques bien instruits. Aussi, en janvier 1945, une campagne mondiale de conférences publiques fut inaugurée à l’aide de ces orateurs, dans le but d’augmenter l’intérêt pour le message du Royaume. Ce programme, très bien conçu et organisé, permettait une présentation uniforme des conférences au moyen d’une série de huit discours opportuns et frappants. Bien que chaque orateur préparât sa conférence, la Société établit un plan d’une page pour chacune de ces conférences d’une heure, afin de s’assurer de l’uniformité de la présentation. Ces plans furent envoyés aux congrégations et employés par tous les orateurs, qui présentèrent, en les soulignant uniformément, certains points bibliques essentiels. “L’homme réussira-​t-​il à édifier un monde nouveau?”, tel fut le titre captivant du premier discours public de cette première série.

      Cette campagne ne fut pas organisée pour que seuls les orateurs publics dans les congrégations aient part à cette importante activité. Sur commande des congrégations, la Société imprima des feuilles d’invitation annonçant chaque discours, si bien que tous les membres des congrégations avaient l’occasion de prendre part à ce programme de conférences publiques en distribuant ces feuilles d’invitation dans l’œuvre de témoignage de maison en maison ainsi que dans les rues. Des pancartes servirent à annoncer les conférences, et des proclamateurs “hommes-sandwichs” parcouraient les principaux quartiers d’affaires de la ville où devait se tenir la conférence, remettant des feuilles d’invitation aux passants. En outre, toutes les personnes rattachées à la congrégation locale étaient encouragées à y assister, à accueillir les nouveaux venus, à discuter avec eux des points essentiels du discours et à répondre à leurs questions.

      THOMAS: Il semble que ce fût là une excellente disposition uniforme. Comment les congrégations réagirent-​elles à l’annonce de ce programme?

      JEAN: En cette première année, aux États-Unis, on fit 18 646 conférences publiques, suivies par 917 352 assistants. Cependant, ces discours ne furent organisés que par 1 558 congrégations sur les 2 871 que les États-Unis comptaient à ce moment-​làk. Toutefois, en 1946, le nombre des conférences s’éleva à 28 703 pour le champ américain, chiffre qui indique l’intérêt croissant accordé à cette nouvelle façon de toucher le public, et dont on reconnaissait l’efficacitél.

      Comme pour la campagne des “Millions”, qui fut organisée après la Première Guerre mondiale, on s’efforça de tenir ces réunions publiques dans les territoires où aucune congrégation n’était établie, aussi bien que dans la Salle du Royaume locale.

      L’Assemblée théocratique des prédicateurs unis eut lieu du 9 au 13 août 1943, à Buffalo, New York, et des dispositions avaient été prises pour la relier à seize autres villes des États-Unis ainsi qu’à deux villes du Canada, où les témoins se réunirent pour la première fois depuis la levée de l’interdiction dans ce pays. Outre les discours instructifs et stimulants, plusieurs nouvelles publications furent présentées pour la première fois, la plus remarquable étant la Version standard américaine, éditée par la Watchtower. Parmi les autres publications figuraient le livre “Le Royaume de Dieu s’est approché” et un questionnaire qui l’accompagnait, ainsi que le nouveau recueil de cantiques intitulé “Recueil de cantiques pour le service du Royaume”. Les frères accueillirent ce recueil avec un grand enthousiasme, qui augmenta encore quand on annonça qu’il serait employé aux réunions de service hebdomadaires, car depuis un certain temps déjà on ne chantait plus aux réunions dans les congrégations. Les frères étaient heureux à la perspective de chanter de nouveau tous ensemble.

      La conférence publique intitulée “Le Royaume de Dieu est proche” fut retransmise simultanément dans les dix-huit autres villes et par les stations de radio WHLD de Niagara Falls, New York, et WBBR, celle de la Société à Brooklyn. L’assistance dans les dix-sept villes des États-Unis s’éleva à 92 723 personnes, et dans tous les pays du monde plus de 140 000 personnes entendirent cet important discours. Une brochure renfermant la conférence fut distribuée à la fin de celle-ci, et par la suite des millions d’exemplaires en furent diffusésa.

      UNE FORMATION MEILLEURE GRÂCE AUX SERVITEURS DES FRÈRES

      En février 1945, mois qui suivit le début de la nouvelle campagne de conférences publiques, il fut reconnu que le programme de la Société relatif à la visite des congrégations par les serviteurs des frères devait encore être rendu plus efficace et assurer la formation personnelle de tous les frères. L’Informateur (angl.) de janvier 1945 en a donné l’explication que voici:

      Afin d’aider les groupes et les autres membres du peuple du Seigneur, l’activité des serviteurs des frères a été réorganisée et augmentée approximativement de cinquante pour cent. Au lieu de ne rester que deux ou trois jours dans un groupe, comme par le passé, et suivant les instructions renfermées dans la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre, à partir du 1er février 1945 les serviteurs des frères consacreront deux jours de service aux groupes de 1 à 18 proclamateurs, trois jours aux groupes de 19 à 50 proclamateurs, 6 jours aux groupes de 51 à 100 proclamateurs et deux semaines aux groupes dépassant 100 proclamateurs.

      L’objet de cette réorganisation est de permettre aux frères de demeurer suffisamment longtemps dans les groupes pour coopérer avec eux et les aider dans les études de livre, les visites et les autres formes d’activité, ainsi que pour instruire les serviteurs sur ces questions. Ces serviteurs accompagneront le plus grand nombre possible de frères dans l’activité des visites et des études, offrant des suggestions sur la façon de préparer de telles visites et de conduire des études avec efficacité.

      Cette réorganisation du travail mit davantage l’accent sur le service du champ et sur la responsabilité qui incombe à ces représentants itinérants de la Société, à savoir aider les frères à devenir plus efficaces dans les différentes formes de la prédication du Royaume. L’accroissement continua d’attester le succès de cette aide apportée par la Société aux congrégations.

      En octobre 1945, la Société envoya à toutes les congrégations un exemplaire revu de la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre dans laquelle quelques instructions avaient été ajoutées. Cette fois, un exemplaire fut remis à chaque ministre du Royaume remplissant les conditions requises mentionnées à la page 2 de la brochure:

      Chaque proclamateur de plus de douze ans qui a démontré son dévouement au Seigneur et au Royaume de Jéhovah en témoignant pour ce Royaume pendant une période de trois mois, ou qui a atteint la norme d’heures du groupe dans son premier ou deuxième mois de témoignage, devrait recevoir un exemplaire de cette brochure. Chaque proclamateur devrait bien se familiariser avec les instructions sur l’organisation de l’œuvre et suivre la Parole du Seigneur en prêchant le message du Royaume.

      Ces instructions sur l’organisation de l’œuvre prirent effet le 1er octobre 1945b.

      Exactement un an plus tard, en octobre 1946, de nouveaux changements furent apportés à la brochure Instructions sur l’organisation de l’œuvre. Ils étaient consignés dans un feuillet de 8 pages à insérer dans la brochure en question. Une nouvelle forme de reconstruction et d’expansion mise en évidence dans ces modifications constitua un pas en avant dans le service accompli par les serviteurs des frères. L’une des particularités de ce programme d’expansion fut l’assemblée semestrielle de circuit, ainsi que la visite du serviteur de districtc. Depuis la suppression des assemblées de zone en 1941, c’était la première fois que les congrès semestriels faisaient partie du programme de service, et leur réapparition suscita l’enthousiasme général.

      RETOUR DES CAMPS

      Des occasions d’étendre la prédication à une échelle toujours plus vaste commencèrent à s’offrir. L’explosion inattendue des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki, ainsi que l’entrée victorieuse des alliés en Europe amenèrent la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, les témoins de Jéhovah sortirent des cendres, et tandis que des milliers d’entre eux revenaient des camps de concentration et des prisons, la porte de la liberté grande ouverte permettait de donner une nouvelle impulsion à l’activité de prédication. En Europe, sans perdre de temps, les témoins commencèrent à prêcher sur le chemin du retour après avoir quitté les prisonsd.

      En Allemagne plus particulièrement, la libération des camps de concentration était, bien souvent, une expérience périlleuse, quoique joyeuse. À mesure que la fin de la guerre approchait, les responsables des camps redoutaient l’avance des Russes et étaient déterminés à se laisser prendre par les Américains, s’ils devaient être faits prisonniers. C’est la raison pour laquelle des camps entiers se déplaçaient d’un endroit à l’autre. Voici un compte rendu poignant de l’évacuation du camp de Sachsenhausen, qui s’effectua du 21 avril au 5 mai 1945. Ce document, rédigé par un témoin oculaire, se trouve dans les fichiers de la Société, et des extraits en ont été publiés dans La Tour de Gardee. Écoutons la lecture d’un passage de ce rapport:

      Quand les armées russes envahirent l’Allemagne, la crainte s’empara des officiers du camp. On procéda alors aux préparatifs en vue de l’évacuation et de la fuite vers les lignes américaines. Bien avant cela, les témoins de Jéhovah avaient décidé qu’ils tenteraient l’impossible pour ne former qu’une seule unité lorsque l’exode commencerait. Ils fixèrent un lieu de ralliement et établirent les plans nécessaires. Bien leur en a pris, car la nuit précédant le départ, le chaos régnait dans le camp. Celui-ci comptait environ 25 à 30 000 prisonniers, qui devinrent pratiquement tous voleurs

Publications françaises (1950-2025)
Se déconnecter
Se connecter
  • Français
  • Partager
  • Préférences
  • Copyright © 2025 Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania
  • Conditions d’utilisation
  • Règles de confidentialité
  • Paramètres de confidentialité
  • JW.ORG
  • Se connecter
Partager