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  • Près de 30 ans dans l’enfer du Viêt Nam
    Réveillez-vous ! 1985 | 22 octobre
    • Près de 30 ans dans l’enfer du Viêt Nam

      Par Nguyen Thi Huong

      Viêt Nam, 18 septembre 1950. L’armée d’occupation française déclenche une attaque contre notre troupe composée d’une centaine de résistants. À peine sortis d’une bataille, nous nous étions arrêtés dans le petit village de Hoa Binh pour nous y reposer quelques jours.

      NÉE en janvier 1923, j’avais grandi dans un pays qui était dominé par la France depuis près d’un siècle. Nous étions maintenant prêts à nous sacrifier pour libérer notre mère patrie. La guerre d’indépendance que nous menions contre la France avait éclaté peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Sans front ni champ de bataille bien défini, elle se livrait dans tout le pays. Les combattants trouvaient refuge chez les villageois, qui leur témoignaient de la bonté en les prenant en charge.

      Pour l’heure, les avions de combat tournoyaient au-dessus du village sur lequel ils faisaient pleuvoir un déluge de feu. Quelques-uns des habitants s’enfuyaient dans les rizières, d’autres sautaient dans la rivière ou dans les trous que les combattants avaient creusés. Les avions vrombissaient, les balles sifflaient, la mort était partout.

      Quand les avions sont repartis, les chaloupes canonnières françaises sont apparues sur les rivières et ont ouvert le feu, couvrant les soldats qui arrivaient pour piller les maisons et découvrir les innombrables cachettes des combattants. Des coups de feu partaient de toutes les directions. Les villageois tombaient dans les champs, les canaux et les jardins. Leur sang se répandait sur le sol de leur mère patrie et fertilisait les rizières piétinées par l’armée ennemie.

      Pendant la nuit, les membres de notre troupe ont creusé des trous dans les berges des rivières, puis ils s’y sont cachés pour attendre les bateaux ennemis. Tôt le lendemain matin, ceux-ci ont recommencé à patrouiller. Ils balayaient les rives à la mitrailleuse en se rapprochant toujours plus de l’embuscade. Soudain, toutes sortes d’armes se sont mises à crépiter, et les soldats français se sont effondrés sur leurs chaloupes. Les combattants ont aussitôt récupéré leurs armes et leurs munitions, puis ils se sont enfuis en toute hâte à travers les jardins et entre les maisons pour se protéger des représailles qui n’allaient pas manquer de s’ensuivre. Notre tactique était toujours la même: fuir devant nos ennemis mais sans trop nous éloigner d’eux afin de rester prêts à frapper pour les chasser de notre pays.

      Un vœu

      Après avoir joué à cache-cache avec l’ennemi pendant six jours, nous avons reçu l’ordre de nous disperser. Avec mon mari et ses deux frères, nous avons discuté de la situation. Comme j’étais enceinte de cinq mois, il n’était pas question que je suive les combattants dans leur fuite longue et périlleuse. Nous avons donc décidé de nous cacher isolément le lendemain. Celui qui survivrait s’occuperait des enfants.

      Cette nuit-​là a sans doute été la plus longue et la plus angoissante de ma vie. À la faveur de l’obscurité, les habitants de Hoa Binh sont retournés dans leurs maisons pour rassembler leurs biens qu’ils ont ensuite entassés dans des embarcations appelées sampans. Les cris de la volaille et des porcs se mêlaient à ceux des enfants. Finalement, le convoi de sampans s’est ébranlé, se déroulant sous mes yeux comme un long serpent. Poussé par le courant rapide, il n’a pas tardé à disparaître. Alors, dans le silence menaçant, je me suis mise à penser à mes trois enfants qui se trouvaient au loin avec leurs grands-parents. J’ai posé une main sur mon ventre et j’ai senti remuer celui que je portais. Je n’ai pu m’empêcher de frémir à la pensée que ma mort devait être imminente. Mon cœur se serrait à cette idée.

      Tôt le lendemain matin, mon mari est sorti en me disant qu’il allait revenir. Mais plusieurs heures après, il n’était toujours pas de retour. Le soleil était déjà haut dans le ciel et les balles claquaient contre les briques de la maison. Nous nous sommes enfuis dans les rizières les plus proches. Craignant d’être capturés, mes beaux-frères m’ont laissée loin derrière eux. Les balles sifflaient tout autour de moi. J’étais effrayée à la pensée de ce qui m’arriverait si je tombais aux mains de ces soldats impitoyables.

      “Mon Dieu, aie pitié de moi! me suis-​je alors écriée. Je suis enceinte et j’ai perdu mon mari. Montre-​moi comment sortir de cet enfer!” Tandis que je priais, des larmes amères roulaient jusque sur mes lèvres. Quand j’ai relevé les yeux, j’ai aperçu une cabane dans le lointain. “Je t’en supplie, ai-​je repris, donne-​moi la force de marcher, car je suis épuisée.”

      Je me suis traînée à grand-peine jusqu’à la cabane. Une fois entrée, je me suis affalée par terre. Puis, les mains jointes sur le cœur, la tête basse, j’ai fait un vœu: “Ô Dieu, ai-​je dit, si tu me sauves de cet enfer pour que je puisse revoir mon mari et mes enfants, je consacrerai ma vie à ton service.”

      Sauvée!

      Dans l’après-midi, alors que les coups de feu claquaient de plus en plus régulièrement, d’autres personnes ont accouru à la cabane. Nous nous y sommes bientôt retrouvés à sept. Nous pouvions déjà voir la fumée s’élever des maisons en flammes. Les Français n’étaient pas loin.

      Tard dans l’après-midi, comme les coups de canon et les rafales de mitrailleuses se faisaient de plus en plus assourdissants, mes compagnons d’infortune sont sortis pour se disperser dans les rizières. C’est alors que j’ai aperçu un homme qui courait vers la cabane. Qui était-​ce? Malgré les balles qui sifflaient je me suis mise à l’entrée pour essayer de l’identifier. C’était mon mari! “Dieu, comment te remercier?” me suis-​je aussitôt exclamée.

      Dès que mon mari est arrivé, je lui ai demandé: “Pourquoi m’as-​tu abandonnée?” Il m’a répondu qu’il avait trouvé un homme grièvement blessé, et qu’il avait cherché un endroit pour le cacher et le soigner. Les balles continuaient à siffler autour de nous, mais nous savions que les Français allaient bientôt cesser leur attaque, car la nuit commençait à tomber.

      À la lueur de la lune, nous avons alors fui à travers les rizières en pataugeant dans l’eau et dans la boue; vers deux heures du matin, nous sommes arrivés au village. Les maisons avaient été brûlées et pillées. Deux mois après cette série d’attaques, nous avons lu le rapport suivant: “Les Français ont capturé plus d’une centaine de femmes et de jeunes filles et les ont emmenées sur leurs chaloupes canonnières. Sur ce nombre, plus d’une vingtaine se sont retrouvées enceintes.”

      Deux ans plus tard, mon mari a été tué par les Français. Notre fille avait 20 mois. Après cette perte cruelle, j’ai quitté notre village natal de Binh Phuoc pour m’établir à Vinhlong, une ville toute proche. J’ai cherché du travail pour nourrir mes quatre enfants, car je les avais tous de nouveau avec moi (l’aîné avait neuf ans à l’époque). Je suis donc devenue institutrice. Peu après, en mai 1954, l’indépendance était proclamée.

      Je n’ai pas oublié

      Je me souvenais toujours de la dette que j’avais envers Dieu, et je le recherchais. Dans mon enfance, je m’étais fréquemment rendue dans une pagode, un temple qui se situait non loin de chez nous. Ma petite sœur et moi nous nous amusions du gros ventre du Bouddha représenté en position assise, en train de rire la bouche grande ouverte. Il m’est souvent arrivé de mettre le doigt dans sa bouche, puis de le retirer vivement pour entendre ma sœur s’écrier: “Il mord!”

      Maintenant que je retournais dans cette pagode, j’étais une femme malheureuse et redevable à Dieu. J’espérais y découvrir quelque chose de noble, de sacré, de puissant, quelque chose qui m’avait peut-être échappé pendant ma jeunesse. Des fidèles étaient prosternés devant la statue de Bouddha, tandis que des prêtres et des prêtresses récitaient des prières incompréhensibles sur un ton monocorde. J’étais tout à fait déçue. Toutefois, je m’y suis de nouveau rendue pour discuter avec une prêtresse. Celle-ci m’a parlé du bouddhisme et de la vie sobre qu’elle menait dans la pagode, mais ses paroles ne m’ont pas réconfortée, et les livres qu’elle m’a donnés avaient une résonance hindoue qui m’échappait totalement.

      Le catholicisme qui, au XVIIe siècle, avait été introduit en Indochine par des missionnaires français était aussi très répandu dans le pays. Mais cette religion-​là ne m’attirait pas du tout. La conduite honteuse des représentants de l’Église, leur immixtion dans la politique et leur soif de pouvoir et de richesse, tout cela me repoussait.

      Durant mes insomnies, je priais Dieu de me montrer comment parvenir à le connaître. Je me rappelais ce que mes parents m’avaient enseigné à propos du Créateur. Pour montrer tout le respect et la crainte qu’ils lui vouaient, ils avaient installé devant notre maison un autel surmonté d’un plateau de bois assez grand pour qu’on puisse y poser un pot de riz, un pot de sel et un bol dans lequel on faisait brûler de l’encens le matin et le soir. Dès qu’ils avaient de la bonne nourriture, ils l’offraient à Dieu et le priaient de bien vouloir l’accepter.

      Nous appelions le Créateur Troï, nom qui signifie “Tout-Puissant”. Pour faire peur aux enfants désobéissants, on leur disait: “Troï va te tuer.” Nous n’avions aucun livre parlant du Créateur, mais nous le craignions et nous nous efforcions d’avoir une bonne conduite. Nous lui demandions de nous secourir dans les moments difficiles et nous lui rendions grâce lorsque nous avions le sentiment qu’il nous avait aidés. Pas de doute: le Dieu que je recherchais était le Créateur! Mais comment le trouver? Oui, comment? Cette question me tracassait. Un sentiment de culpabilité m’envahissait à la pensée que je n’étais pas capable de trouver le vrai Dieu et de le servir pour régler la dette que j’avais envers lui.

      La guerre civile

      Après avoir obtenu son indépendance, notre pays s’est retrouvé divisé une fois de plus. Cela a donné aux super-grands une nouvelle occasion d’intervenir et une guerre a éclaté entre le Nord et le Sud du pays. Ce conflit devait durer près de 20 ans, jusqu’en avril 1975. Avec le matériel de guerre perfectionné des superpuissances, il a provoqué une destruction qui dépasse l’entendement humain.

      Presque chaque jour, des milliers de soldats et de civils étaient fauchés dans les rizières, au travail, au marché, à l’école ou dans leur lit. Des enfants sont morts de faim dans les bras de leur mère qui se cachait. Quelque deux millions de combattants vietnamiens sont tombés aux côtés d’un nombre incalculable de civils. S’ils avaient été entassés, leurs cadavres auraient atteint le sommet des montagnes. Des millions d’autres personnes ont été blessées et mutilées. Par ailleurs, cette guerre a fait une dizaine de millions de réfugiés, soit la moitié de la population sud-vietnamienne.

      Mes enfants étant devenus adultes, ils ont été obligés à prendre les armes contre leurs frères du Nord. Au cours de mes nuits blanches j’entendais les échos des coups de canon. Mon cœur se serrait, et je priais pour la paix de mon pays et pour la vie de mes enfants.

      En 1974, alors que la guerre touchait à sa fin, l’un de mes fils et sa troupe, composée d’une centaine d’hommes, ont été encerclés. Ils ont dû rester cachés pendant trois mois. Seuls cinq d’entre eux en sont sortis. Mon fils était du nombre. Après cinq ans de combat, mes trois fils sont revenus à la maison vivants et en bonne santé. Ma fille avait également survécu aux massacres. Quand la guerre s’est arrêtée, les troupes communistes du Nord avaient complètement soumis le Sud.

      Sous la férule communiste

      L’heure de la vengeance sonnait pour les communistes. Selon eux, tous ceux qui avaient servi le gouvernement du Sud étaient responsables de la guerre qui avait déchiré le pays pendant près de 20 ans. Un million d’hommes ont été jetés dans des prisons qu’ils devaient au préalable construire eux-​mêmes dans la forêt. Ils étaient soumis au plus dur des traitements. Beaucoup sont morts par manque de nourriture, de médicaments et surtout de repos. On ne leur donnait qu’un peu de riz avec un tout petit bout de viande une fois par semaine, et ils devaient fournir un travail qui était au-dessus de leurs forces.

      Les prisonniers ne pouvaient reprendre haleine tant que leur tâche n’était pas terminée. Comme ils travaillaient quelquefois jusqu’à huit kilomètres de leur camp, il était souvent très tard quand ils rentraient. Ils n’avaient que quelques heures pour dormir, après quoi ils devaient reprendre le travail. Avec le temps, leur santé déclinait. Beaucoup mouraient ou se suicidaient. Mes fils ont connu toutes ces souffrances.

      Le gouvernement communiste ne pouvant pas nourrir un million de prisonniers, avec un faux-semblant d’humanité il autorisait leurs familles à les visiter une fois par mois pour leur apporter de la nourriture. Nous autres parents, femmes et enfants, nous faisions ce que ce gouvernement escomptait, trop contents d’avoir la permission de les nourrir, de prolonger leur vie. Un million d’hommes étant incarcérés, cette mesure touchait directement quelque cinq millions de personnes.

      J’avais abandonné mon travail pour m’occuper de mes fils avec l’aide de ma fille. Ils étaient constamment transférés d’un camp à un autre, de plus en plus loin. J’ai utilisé tous les moyens de transport. À pied, en automobile ou en sampan, je me rendais chaque mois dans ces camps avec une quinzaine de kilos de denrées non périssables. Il me fallait souvent faire le voyage à pied, dans la boue ou sur des routes glissantes.

      Arrivée au camp, je ne pouvais voir mes fils que pendant deux petites heures. Nous ne parlions pas beaucoup. Notre détresse était telle que nous avions du mal à articuler des mots. Nous retenions nos larmes. L’état physique déplorable dans lequel ils se trouvaient montrait à quel point leurs conditions de vie étaient difficiles. Malgré nos efforts, ils étaient toujours affamés, car ils partageaient leurs vivres avec ceux dont les proches étaient décédés, exilés ou trop pauvres pour leur donner quoi que ce soit.

      Pendant plus de 30 mois j’ai apporté de la nourriture à mes fils. Beaucoup d’autres en faisaient autant pour les leurs. Nous ressemblions à une grande foule de mendiants, vêtus d’habits sales, un gros ballot dans les bras et le visage presque entièrement caché derrière de grands chapeaux faits de feuilles de palmiers. Dans la chaleur et sous la pluie, nous attendions aux arrêts d’autobus ou sur les embarcadères. Pour acheter de la nourriture, j’ai vendu tout ce que je possédais, y compris notre maison. Réduite à l’indigence la plus complète, j’implorais Dieu de sauver mes enfants de l’enfer où ils se trouvaient. Au bout d’environ trois ans, ils ont été libérés.

  • Le prix de la liberté
    Réveillez-vous ! 1985 | 22 octobre
    • Le prix de la liberté

      BIEN que sortis des camps de concentration, mes fils étaient toujours en résidence surveillée dans un village. Nous n’avions aucun avenir au Viêt Nam. Au bout de quelques mois, en mai 1978, deux de mes fils, ma fille et moi nous sommes donc enfuis. Comme nous habitions assez loin de la côte, nous avons descendu la rivière sur un petit bateau, tenaillés par la peur qu’une patrouille communiste nous arrête et nous jette en prison.

      De nuit, nous avons fini par atteindre la mer. Nous étions 53, pour la plupart des femmes et des enfants, entassés sur cette embarcation destinée à la navigation fluviale. Elle avait un moteur, mais elle ne se pilotait qu’à vue. Nous avons mis le cap sur la Malaisie, pays situé à plus de 600 kilomètres au sud. Un petit vent frais ridait la surface de la mer, tandis que la pleine lune éclairait notre route. Fous de joie d’avoir réussi à nous enfuir, nous chantions.

      Les deux jours suivants, la mer était relativement paisible et nous avons parcouru une bonne distance. Le troisième jour a été le plus magnifique. La mer était parfaitement calme, semblable à un gigantesque miroir. Nous avons jeté l’ancre et nous avons pris le temps de nous laver, mais cela a attiré un grand nombre de requins. Comme notre bateau était tout petit, ils risquaient de l’endommager. Nous avons donc levé l’ancre et nous sommes repartis.

      Nous espérions rencontrer un bâtiment étranger sur la ligne maritime internationale. Peut-être nous inviterait-​on à bord ou du moins nous donnerait-​on à manger et à boire. Vers 10 heures, les hommes ont aperçu un navire. Nos cœurs battaient, car nous espérions recevoir de l’aide, peut-être même être sauvés. Mais comme il se rapprochait, nous nous sommes rendu compte que nous avions affaire à ce que nous redoutions le plus: un bateau de pirates thaïlandais. Nous avions entendu dire que ces gens s’attaquaient aux réfugiés vietnamiens sans défense et qu’ils n’hésitaient pas à violer sauvagement les femmes.

      Aux mains des pirates

      Les pirates se tenaient sur le pont, des couteaux à la main, le visage peint de telle façon qu’ils ressemblaient à des animaux grotesques. Terrifiés, nous avons rapidement fait entrer les jeunes femmes dans la cabine de proue que nous avons fermée juste avant qu’ils ne sautent sur notre bateau. Tel un ouragan, ils nous ont arraché tout ce qu’ils désiraient: chaînettes, bracelets, boucles d’oreilles en or. Ils ont volé nos bagages et fouillé nos porte-monnaie dans l’espoir d’y trouver de l’or et de l’argent. Tout ce qui ne les intéressait pas, y compris les habits, le lait et la farine des enfants, ils l’ont jeté à la mer. Puis ils ont quitté le bateau aussi soudainement qu’ils étaient venus, nous laissant abasourdis.

      Leur chef, un homme d’une carrure impressionnante, complètement chauve, portait autour du cou une chaînette à laquelle était suspendue une tête de mort qui lui tombait sur le ventre. Il riait aux éclats en regardant vers le ciel, content de lui. Puis il a fait un signe de la main et leur bateau s’est éloigné.

      Nous avons poursuivi notre route, mais à peine une heure plus tard une tempête s’est levée. Les vagues devenaient énormes, plus hautes que notre embarcation. Nous étions sans arrêt ballotés de droite et de gauche, et la plupart d’entre nous n’ont bientôt pas pu s’empêcher de vomir dans le bateau à cause du mal de mer. Tout à coup, je me suis mise à hurler: ma petite nièce, que je tenais dans mes bras, avait cessé de respirer. Mais j’ai réussi à la ranimer en lui faisant du bouche à bouche.

      Le bateau roulait moins maintenant. Mon fils avait changé de cap pour se mettre dans le sens du vent et des vagues. Mais cela n’allait-​il pas nous ramener vers le bateau pirate? Effectivement, nous n’avons pas tardé à l’apercevoir. Quand il nous a repérés, il a levé l’ancre et il s’est dirigé droit sur nous. Terrifiés, tous les passagers vociféraient contre mon fils. Cependant, comme il nous l’a expliqué ensuite, “c’était le seul moyen de sauver le bateau et ses occupants”.

      Heureusement, le chef des pirates nous regardait à présent avec une certaine compassion. Il nous a fait signe d’approcher, puis il nous a lancé une corde pour que nous nous amarrions à son bateau. Mais la tempête était si forte que nous n’y tenions plus. L’un des pirates a alors sauté sur notre embarcation et il nous a proposé de monter sur la leur. Nous nous sommes donc hissés un à un sur le bateau pirate, qui était beaucoup plus grand que le nôtre.

      L’après-midi était bien avancée. Avec une autre femme, j’ai fait cuire du riz et du poisson que les pirates nous avaient donnés. Ensuite, je me suis assise dans un coin avec ma petite nièce, qui allait mieux maintenant. La tempête s’était apaisée, mais un vent froid soufflait et je m’étais servi du seul pull-over que j’avais pour envelopper l’enfant. Je grelottais.

      L’un des hommes, que j’ai appelé respectueusement “Monsieur le pêcheur”, m’est venu en aide. Il m’a avoué que je lui faisais penser à sa mère qui avait à peu près le même âge que moi. Il l’aimait beaucoup et regrettait de vivre loin d’elle. Il m’a demandé si j’avais un endroit où passer la nuit et, sans attendre ma réponse, il m’a dit que je pourrais dormir sur le pont supérieur. Il a pris ma nièce dans ses bras, et je l’ai suivi. Malgré tout, je n’étais pas rassurée d’être séparée de mon groupe, qui était toujours en bas. Cet homme avait beau me traiter avec bonté, il n’en restait pas moins un pirate.

      Du pont supérieur, notre bateau semblait tout petit par rapport à celui des pirates. J’ai laissé échapper un soupir. Comment pourrions-​nous, sans l’aide de Dieu, traverser plus de 600 kilomètres d’océan sur un bateau si minuscule? Je me rendais compte que nous étions bien peu de chose en comparaison de l’univers immense et éternel. J’ai formulé cette prière: “Ô Dieu, toi qui as fait en sorte que ce bateau nous sauve de la tempête, s’il te plaît, protège-​nous maintenant de ces pirates!”

      Le pirate m’a conduite dans une grande cabine et a remis ma petite nièce dans mes bras. Toutefois, j’avais peur de rester seule, et dès qu’il m’a quittée je suis redescendue pour demander à sept personnes de mon groupe de venir avec moi dans la cabine. Durant la nuit, j’ai été tirée du sommeil par des cris et des gémissements qui provenaient d’en bas. Effrayée, j’ai réveillé ceux qui étaient avec moi. Il n’était que 2 heures du matin, mais nous avons décidé de descendre voir ce qui se passait.

      Tout le monde était debout. Des femmes pleuraient, les épaules secouées par de profonds sanglots. Les hommes étaient rassemblés à l’arrière du bateau, près de la cuisine. Nous avons appris qu’un pirate s’était battu avec l’un d’entre eux et qu’il avait ensuite violé sa femme. J’ai demandé la permission de préparer un peu de nourriture et nous avons tous mangé quelque chose. Dès l’aurore, le chef des pirates nous a laissés partir, et nous avons repris la direction de la Malaisie.

      En Malaisie

      Lorsque nous avons accosté, des représentants de notre groupe sont allés demander un permis de débarquement, mais celui-ci leur a été refusé. Les autorités menaçaient de nous mettre tous en prison si nous descendions du bateau. Dans l’intervalle, des habitants s’étaient approchés du rivage et nous observaient avec curiosité. Ils étaient étonnés qu’un pareil esquif ait pu traverser l’océan. Ils savaient d’où nous étions, car il y avait déjà des réfugiés vietnamiens dans leur pays. Nous avons sauté dans la mer pour nous laver, ce dont nous avions bien besoin après une semaine de voyage. Nous riions et nous nous amusions devant un nombre croissant de spectateurs.

      Tout à coup, nous avons entendu quelqu’un nous appeler du rivage. C’était un étranger, un homme blond de grande taille. Il nous a promis de la nourriture, de l’eau et des médicaments. “Si les Malais ne vous laissent pas débarquer, nous a-​t-​il crié, sabordez-​vous et nagez jusqu’au rivage.” Cet étranger a tenu parole, car dans l’après-midi un petit bateau est venu nous apporter de la nourriture et de l’eau potable. De plus, une infirmière a emmené les malades pour les soigner à l’hôpital, et elle les a ramenés durant la nuit. Comme nous étions heureux! Au moins nous étions sûrs de ne pas mourir de faim!

      Pour qu’il nous soit impossible de repartir, nous avons discrètement saboté le moteur du bateau. Le lendemain, après l’avoir examiné, les autorités ont décidé de nous remorquer jusqu’à un endroit où nous pourrions le faire réparer. Elles nous ont donc fait remonter une rivière et nous ont laissés sur un grand lac. Trois jours se sont écoulés. Nous n’avions plus de nourriture; l’étranger ne nous avait pas retrouvés. Nous avons alors décidé de faire couler le bateau, contre le gré de son propriétaire qui voulait le garder pour le vendre, et nous avons nagé jusqu’au rivage.

      Un accueil chaleureux nous attendait. Les habitants surveillaient notre bateau, et quand ils ont vu que nous étions tous arrivés sains et saufs, ils ont couru vers nous avec du pain, des biscuits et du riz. Nous sommes restés là une journée, puis nous avons été transférés dans un camp de réfugiés. Nous avons alors appris que l’homme qui s’était aimablement adressé à nous lors de notre arrivée n’était autre que le haut commissaire pour les réfugiés du Sud-Est asiatique.

      Mes trois enfants et moi, nous sommes restés plus de six mois dans la misère des camps de réfugiés en Malaisie. Par la suite, nous avons réussi à émigrer aux États-Unis, où nous vivons à présent. Mais qu’est-​il advenu de mon vœu?

      [Entrefilet, page 21]

      Un pirate s’est battu avec l’un des hommes, puis il a violé sa femme.

      [Illustration, page 21]

      C’est sur un bateau comme celui-ci que nous nous sommes enfuis.

      [Crédit photographique]

      Photo U.S. Navy

  • Je m’acquitte de mon vœu
    Réveillez-vous ! 1985 | 22 octobre
    • Je m’acquitte de mon vœu

      JE N’AVAIS toujours pas oublié qu’une trentaine d’années auparavant j’avais promis à Dieu que, s’il m’aidait, je consacrerais ma vie à son service. Or j’étais persuadée qu’il m’avait secourue maintes et maintes fois, et je me sentais coupable de ne pas m’être acquittée de la dette que j’avais envers lui.

      La vie en Amérique n’avait rien à voir avec celle que j’avais connue au Viêt Nam. Qu’il me semblait agréable d’être libre, de pouvoir aller n’importe où à n’importe quel moment! Pourtant, j’étais déroutée par le mode de vie matérialiste des gens et par leur raisonnement scientifique. Si peu de personnes respectaient les valeurs morales! Tous les jours, les nouvelles étaient effrayantes: des enfants tuaient leurs parents ou vice versa, des femmes se faisaient avorter, des couples divorçaient, la violence écumait les rues. Tout cela me terrifiait. Pourquoi un pays si beau et si riche tombait-​il dans une telle décadence?

      Les questions que je me posais depuis longtemps me tracassaient plus que jamais: Est-​ce réellement Dieu qui a créé les hommes? Ceux-ci sont-​ils vraiment ses enfants? Si oui, pourquoi est-​il indifférent devant leur méchanceté? Pourquoi ne les punit-​il pas dès maintenant pour les empêcher de commettre des choses plus graves encore? Serait-​il en train d’attendre qu’ils se repentent de leurs péchés? Quant à l’homme, s’il a été créé par Dieu, pourquoi ne lui ressemble-​t-​il pas? Pourquoi ne s’efforce-​t-​il pas de se conduire d’une manière qui lui soit agréable?

      Tout ce par quoi j’étais passée m’avait convaincue que Dieu existe. Toutefois, je me demandais pourquoi il est si peu connu. N’a-​t-​il pas quelque part des enfants qui le comprennent, qui l’aiment, qui le réjouissent en pratiquant la justice? Ce serait logique! Mais où les trouver? Comment faire leur connaissance?

      Toutes ces questions me tracassaient, et j’étais malheureuse de ne pas savoir y répondre. Or, en juin 1981, un vieil homme s’est présenté chez moi, à Pasadena, au Texas, avec son petit-fils. Il m’a dit que Dieu avait un Royaume, un véritable gouvernement au moyen duquel il allait nous combler de bienfaits. Puis il m’a demandé si j’aimerais vivre éternellement sur une terre transformée en paradis.

      “Non”, lui ai-​je répondu. Je désirais ardemment connaître le vrai Dieu, mais vivre dans un paradis, ce n’était pas ce qui m’intéressait à l’époque. Malgré tout, la politesse de cet homme et de son petit-fils commandait le respect et m’incitait à leur faire confiance. Je les ai donc invités à entrer et je leur ai raconté les différentes péripéties au cours desquelles je m’étais sentie l’objet de la protection et de la sollicitude divines. “Je recherche le Dieu qui possède ces qualités exceptionnelles, leur ai-​je dit. Si votre Dieu est Celui-là, alors j’aimerais que vous m’expliquiez comment je peux parvenir à le connaître.”

      Pendant près d’une heure, ce vieil homme m’a lu des versets de la Bible décrivant le grand Dieu qui a pour nom Jéhovah. Il m’a parlé de la sollicitude avec laquelle Dieu a jadis traité son peuple Israël. La semaine suivante, il est revenu m’apporter le livre intitulé Recueil d’histoires bibliques, qu’il a ouvert à la 33e histoire: “Le passage de la mer Rouge.” Rien qu’en voyant l’image, j’ai deviné ce qui s’était passé en la circonstance: Dieu avait délivré miraculeusement son peuple de la main d’oppresseurs.

      J’ai alors compris que c’était bien là le Dieu que je recherchais. La semaine suivante, je commençais à étudier régulièrement la Bible avec les Témoins de Jéhovah. Petit à petit, j’ai reçu une réponse logique à toutes les questions que je me posais. J’avais enfin trouvé le vrai Dieu, et j’allais pouvoir m’acquitter du vœu que je lui avais fait. Afin de démontrer publiquement que je m’étais vouée à lui pour le servir à jamais, je me suis fait baptiser par immersion.

      Maintenant, je me dépense pour aider mes semblables à savoir qui est Jéhovah, pourquoi il a permis le mal jusqu’à présent, et comment il fera bientôt disparaître les malheurs de la terre. Un profond sentiment de paix et de sécurité m’habite tandis que je sers Jéhovah au sein de son organisation terrestre, en compagnie de frères et de sœurs pleins d’amour.

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