BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE Watchtower
Watchtower
BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE
Français
  • BIBLE
  • PUBLICATIONS
  • RÉUNIONS
  • Allemagne (2e partie)
    Annuaire 1974 des Témoins de Jéhovah
    • le nombre des frères encore libres, il y en avait toujours d’autres qui comprenaient la nécessité d’approvisionner les frères en nourriture spirituelle. Ils ont accompli cette tâche au péril de leur vie. Ludwig Cyranek était l’un des frères qui réorganisa le système de distribution de La Tour de Garde parmi les frères, tandis que Müller poursuivait sa sale besogne à Dresde. Au bout d’un certain temps, frère Cyranek fut arrêté et condamné à deux ans de prison. Mais, dès qu’il en fut sorti, il se remit au travail.

      Bien des sœurs ont été heureuses de remplir les vides laissés par l’arrestation des frères, tout en sachant qu’en vertu des lois plus sévères promulguées depuis le début de la guerre, elles risquaient de payer cela de leur vie. Parmi les sœurs ayant participé à la diffusion de La Tour de Garde, citons par exemple sœur Neuffert, de Holzgerlingen, sœur Pfisterer, de Stuttgart, et sœur Franke, de Mayence. Frère Cyranek envoyait à ces sœurs des lettres contenant des phrases banales. Les sœurs repassaient ces lettres pour faire apparaître les messages secrets écrits avec du jus de citron, leur indiquant où il fallait apporter les Tours de Garde, et en combien d’exemplaires.

      De temps à autre, frère Cyranek se rendait à Stuttgart, où Maria Hombach travaillait pour lui comme secrétaire. Il lui dictait des rapports sur l’œuvre en Allemagne, puis il les envoyait à Arthur Winkler, aux Pays-Bas, qui s’occupait de l’Allemagne et de l’Autriche. Sœur Hombach écrivait ces lettres avec du jus de citron, pour éviter que ces renseignements importants ne tombent entre les mains de l’ennemi.

      C’est uniquement grâce à la direction de Jéhovah que cette activité clandestine a pu se poursuivre pendant au moins une année. Souvent il a conduit son peuple d’une manière étrange, pour lui donner la nourriture spirituelle en temps voulu. Bientôt, Müller a considéré que le moment opportun était venu pour livrer toute notre organisation clandestine à la Gestapo. En l’espace de quelques jours, tous les intéressés furent arrêtés. Lors du procès à Dresde, frère Cyranek fut condamné à mort, et les autres, à de longues peines de prison. Le 3 juillet 1941, quelques heures avant son exécution, frère Cyranek écrivit à ses parents la lettre suivante :

      “Mes chers frère, belle-sœur, parents et tous les autres frères,

      “Craignez Dieu et attribuez-​lui l’honneur ! Je me vois obligé de vous donner la nouvelle douloureuse que lorsque vous recevrez cette lettre, je ne serai plus en vie. Ne vous attristez pas outre mesure. N’oubliez pas que le Dieu Tout-Puissant pourra facilement me ressusciter d’entre les morts. Oui, il peut tout, et s’il me permet de boire cette coupe amère, c’est sûrement pour une raison valable. Sachez que je me suis efforcé de le servir dans ma faiblesse et que je suis tout à fait convaincu qu’il a été avec moi jusqu’à la fin. Je me remets entre ses mains. Pendant les quelques heures qui me restent, mes pensées vont vers vous, mes chers. Que vos cœurs ne soient pas consternés mais plutôt sereins, car il est de loin préférable de savoir que je suis mort plutôt que de penser que je souffre en prison, ce qui aurait été une source continuelle de soucis pour vous. Et maintenant, ma chère mère et mon cher père, je vous remercie tous deux de toutes les bonnes choses que vous avez faites pour moi. Je ne peux que balbutier un faible merci. Puisse Jéhovah vous récompenser de tous vos efforts ! Ma prière est qu’il vous protège et vous bénisse, car seule sa bénédiction enrichit. Cher Toni, je veux bien croire que tu aurais fait l’impossible pour me sauver de la fosse aux ‘lions’, mais cela aurait été vain. J’ai été avisé ce soir que l’appel à la clémence a été rejeté et que je serai exécuté demain matin. Personnellement, je n’ai fait aucun appel à la clémence des hommes. Cependant, j’apprécie ta bonne volonté, et je te remercie du fond du cœur, ainsi que Luise, pour toutes les bonnes choses que vous m’avez données. Vos lignes compatissantes m’ont fait du bien. Recevez tous mes salutations, et qu’il me soit permis de vous embrasser tous. Je garde une place spéciale dans mon cœur pour Karl. Que Dieu soit avec vous jusqu’à ce que nous nous retrouvions ! Je vous étreins avant de partir. [Signé] Ludwig Cyranek.”

      Julius Engelhardt, qui polycopiait La Tour de Garde avec sœur Frey à Bruchsal, avait collaboré étroitement avec frère Cyranek au sud de l’Allemagne. Il était prévu que si frère Cyranek était arrêté, frère Engelhardt poursuivrait son travail. Malheureusement, Müller l’a trahi également à la Gestapo, qui n’a pas tardé à trouver l’endroit où il se cachait dans sa ville natale de Karlsruhe. Mais frère Engelhardt avait toujours encouragé les sœurs en leur disant : “Cela ne peut nous coûter que notre tête”, et il était bien décidé à vendre sa liberté au prix le plus élevé possible. Arrêté par un agent de la Gestapo, il réussit à lui fausser compagnie en descendant l’escalier quatre à quatre et en disparaissant dans la foule. Il est intéressant de lire, dans le livre Widerstand und Verfolgung in Essen 1933-​1945 (Opposition et persécutions à Essen 1933-​1945), ce qu’un historien déclare à propos de l’activité de frère Engelhardt, telle qu’elle ressort des dossiers de la Gestapo. On peut y lire :

      “L’arrestation de Cyranek, de Noernheim et d’autres, n’arrêta nullement la diffusion des imprimés interdits, car Engelhardt, qui avait d’abord été actif dans le sud-ouest, avait été obligé de se réfugier dans la Ruhr en 1940, lorsqu’il faillit être arrêté à Karlsruhe. Après un bref séjour à Essen, il trouva une cachette à Oberhausen-Sterkrade, où, du début de 1941 jusqu’en avril 1943, il produisit 27 numéros de La Tour de Garde, tirés d’abord à 240, et plus tard à 360 exemplaires. De sa cachette dans la Ruhr, il organisa des bases à Munich, à Mannheim, à Speyer, à Dresde et à Freiberg, en Saxe. En outre, il était le trésorier pour tout le pays. (...) Le 18 septembre 1944, la cour supérieure de Hamm prononça des peines de prison élevées contre les membres du groupe d’Essen qui avait tenu des réunions et diffusé régulièrement La Tour de Garde, grâce à l’activité d’Engelhardt. (...) Bon nombre d’entre eux furent exécutés.”

      Christine Hetkamp fait elle aussi un rapport encourageant concernant l’activité de frère Engelhardt. Elle dit : “Mon mari, qui était baptisé, est devenu un ennemi méchant. (...) Je n’avais manqué aucune des réunions, qui avaient été tenues à tour de rôle dans la maison de ma mère, chez moi et chez mon frère. J’ai pu les tenir chez moi, car mon mari s’en allait tous les lundis et logeait chez sa sœur jusqu’au samedi. Elle habitait juste à l’extérieur de la ville. Mon mari se réfugiait dans cette famille de nazis fanatiques, car il ne pouvait plus supporter notre état d’esprit, ce qui était compréhensible. Ainsi, pendant presque trois années, La Tour de Garde a pu être polycopiée chez nous, pendant l’absence de mon mari. Un frère (Engelhardt), qui a vécu trois ans chez nous, tapait d’abord les stencils, puis il polycopiait les exemplaires de La Tour de Garde. Après, il se rendait avec ma mère à Berlin, à Mayence, à Mannheim, etc., où ils livraient les périodiques à des personnes dignes de confiance, qui devaient les distribuer. Frère Engelhardt et ma mère étaient responsables de tout ce travail, et moi, je m’occupais de la cuisine et de la lessive. Lorsque ma mère a été mise en prison, j’ai accepté de transporter La Tour de Garde à Mayence et à Mannheim. (...) En avril 1943, ma mère a de nouveau été arrêtée, cette fois-​ci définitivement. Peu de temps après, frère Engelhardt, qui dirigeait l’œuvre clandestine depuis si longtemps, était arrêté à son tour.”

      Plus tard, la fille, le beau-frère, la sœur, la belle-sœur et la tante de sœur Hetkamp furent arrêtés. Ils passèrent tous en jugement le 2 juin 1944. Frère Engelhardt et sept autres accusés, y compris la mère de sœur Hetkamp, furent condamnés à mort. Ils furent tous décapités peu de temps après.

      À partir de ce moment-​là, les conditions en Allemagne ne cessèrent de devenir plus confuses. Il n’était plus possible de savoir avec certitude où les exemplaires de La Tour de Garde avaient été polycopiés. L’essentiel était qu’ils existaient.

      FIDÈLES JUSQU’À LA MORT

      Les nombreuses exécutions qui eurent lieu pendant le règne du Troisième Reich occupent une place spéciale dans l’histoire des persécutions. Selon des rapports incomplets, au moins 203 frères et sœurs furent décapités ou fusillés. Ce chiffre n’inclut pas ceux qui moururent de faim, de maladie ou des brutalités qu’ils subirent.

      À propos d’un frère qui fut condamné à mort, frère Bär écrit : “Il a étonné tous les prisonniers et aussi les gardiens de la prison. Serrurier de métier, il travaillait d’un bout à l’autre de la prison. Il vaquait à ses tâches quotidiennes sans donner aucun signe d’abattement ou de tristesse ; au contraire, tout en travaillant, il chantait des cantiques de louanges à Jéhovah.” Un jour, vers midi, on vint le chercher à l’atelier, et il fut exécuté le même soir.

      Frère Bär poursuit son rapport en disant : “Une fois, ma femme a vu dans la prison de Potsdam une sœur qu’elle ne connaissait pas. Elle l’a croisée dans la cour de la prison. Lorsque la sœur a vu ma femme, elle a levé ses bras liés par des menottes et lui a fait un signe de salutation joyeuse. Le regard de cette sœur condamnée à mort ne reflétait aucune douleur, aucune tristesse.” Ce calme et cette paix qui se dégageaient de nos frères et sœurs condamnés à mort revêtent une valeur plus grande encore lorsqu’on se souvient de tout ce qu’ils ont dû subir dans leurs cellules.

      Alors que nos frères et nos sœurs furent résolus et résignés, voire parfois joyeux malgré les difficultés qu’ils devaient affronter, d’autres, qui n’étaient pas témoins, se sont souvent effondrés ou, craignant intensément la mort, ont hurlé jusqu’à ce que les gardiens les maîtrisent de force.

      Quant à Jonathan Stark, d’Ulm, il ne céda pas à la peur. Certes, il n’avait que dix-sept ans lorsqu’il fut arrêté par la Gestapo qui, sans autres formalités juridiques, l’envoya à Sachsenhausen, où il fut incarcéré au bloc de la mort. Son crime ? Refuser de faire un travail prémilitaire. Emil Hartmann, de Berlin, apprit que Jonathan était détenu dans ce bloc et, au risque de se faire sévèrement punir, il parvint à y entrer pour parler à ce jeune frère et le fortifier. Ces courtes visites s’avéraient très encourageantes pour les deux. Jonathan était toujours très heureux. Bien que condamné à mort, il réconforta sa mère en parlant de la merveilleuse espérance de la résurrection. Lorsque le commandant du camp l’amena jusqu’au lieu de l’exécution deux semaines seulement après son arrivée, les dernières paroles de Jonathan furent : “Pour Jéhovah et pour Gédéon !” (Gédéon était un fidèle serviteur de Jéhovah et préfigurait Jésus Christ.) — Juges 7:18.

      Elise Harms, de Wilhelmshaven, se souvient qu’après que son mari eut été jugé, on lui demanda sept fois de renier sa foi, et qu’après son refus, elle reçut l’autorisation de le visiter, à condition qu’elle fasse le maximum pour le persuader de changer d’avis. Mais elle s’interdit de le faire. Lorsque son mari fut décapité, elle se réjouit à la pensée qu’il était resté fidèle à Jéhovah et qu’on ne l’incitait plus à l’infidélité. Entre-temps, son père, Martin Harms, avait été arrêté pour la troisième fois et incarcéré à Sachsenhausen. Son fils lui écrivit cette lettre émouvante peu avant son exécution le 9 novembre 1940:

      “Mon cher père,

      “Dans trois semaines ce sera le 3 décembre, le jour où, il y a deux ans, nous nous sommes vus pour la dernière fois. Je vois encore ton cher sourire pendant que tu travaillais au sous-sol de la prison et que je marchais dans la cour. De si bonne heure le matin, nous ne pouvions penser que ma chère Lieschen (sa femme) et moi serions libérés cet après-midi-​là, ni que toi, mon cher père, à notre plus grand chagrin, tu serais emmené le même jour à Vechta, puis à Sachsenhausen. Les derniers moments que nous avons passés ensemble seuls dans la salle de visite de la prison d’Oldenbourg restent ineffaçables dans ma mémoire. Je me souviens que j’ai mis mon bras sur tes épaules et que je t’ai promis de prendre soin de maman et de toi autant que je le pourrais. Mes dernières paroles étaient les suivantes : ‘Reste fidèle, mon cher père !’ Pendant les vingt et un mois écoulés, où j’ai été ‘un esclave en liberté’, j’ai gardé ma promesse. Lorsque j’ai été arrêté le 3 septembre, j’ai confié mes responsabilités à tes autres enfants. Pendant cette période, j’ai été fier de toi et étonné de voir avec quelle fidélité envers le Seigneur tu portes ton fardeau. À présent, moi aussi j’ai reçu l’occasion de prouver ma fidélité au Seigneur jusqu’à la mort ; oui ! non seulement jusqu’à la mort, mais même dans la mort. Ma condamnation à mort a déjà été prononcée et je suis enchaîné jour et nuit, — les marques (sur le papier) viennent des menottes, — pourtant, je n’ai pas encore vaincu jusqu’au bout. On ne rend pas facile la tâche du témoin de Jéhovah qui veut rester fidèle. J’ai encore la possibilité de sauver ma vie terrestre, mais en faisant cela, je perdrais la vie réelle. Oui, jusqu’au pied du gibet, on donne au témoin de Jéhovah l’occasion de violer son alliance. Je suis donc encore en plein milieu du combat, et j’ai encore de nombreuses victoires à remporter avant de pouvoir dire : ‘J’ai combattu le bon combat, j’ai gardé la foi. Désormais m’est réservée la couronne de justice que Dieu, le juste juge me donnera.’ Le combat est sans doute difficile, mais je remercie le Seigneur de tout cœur de m’avoir donné non seulement la force nécessaire pour me tenir debout jusqu’à maintenant en face de la mort, mais encore une joie que j’aimerais partager avec tous mes bien-aimés.

      “Mon cher père, toi aussi tu es toujours prisonnier, et j’ignore si cette lettre te parviendra. Cependant, si un jour tu es libéré, reste tout aussi fidèle que maintenant, car tu sais que quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne du Royaume de Dieu. (...)

      “Cher père, lorsque tu rentreras chez toi, veille surtout à t’occuper de ma Lieschen bien-aimée, car pour elle ce sera particulièrement difficile de savoir que son mari ne reviendra pas. Je suis confiant que tu le feras, et je t’en remercie d’avance. Mon cher père, je te supplie par l’esprit de rester fidèle, tout comme j’ai essayé de rester fidèle, car alors nous nous reverrons. Je penserai à toi jusqu’au dernier instant.

      “Ton fils Johannes

      “Auf Wiedersehen !”

      PAROLES D’ENCOURAGEMENT POUR CEUX DU DEHORS

      Certes, les frères condamnés à mort étaient encouragés par ceux qui étaient encore en liberté, mais bien souvent ces derniers l’étaient encore plus par leurs frères emprisonnés. Ce fait est attesté par sœur Auschner, de Kempten. Le 28 février 1941, elle reçut une lettre de son fils âgé de vingt et un ans, contenant les quelques lignes suivantes adressées à son autre fils âgé de dix-huit ans et demi : “Mon cher frère. Dans ma dernière lettre j’ai attiré ton attention sur un certain livre, et j’espère que tu as pris à cœur ce que j’ai dit, car cela ne pourra t’apporter que des bienfaits.” Deux ans et demi plus tard, sœur Auschner reçut de son fils cadet une lettre d’adieu. Il avait effectivement pris à cœur ce que son frère aîné lui avait écrit, et maintenant il allait le suivre fidèlement dans la mort.

      Les deux frères Ernst et Hans Rehwald, de Stuhm, en Prusse-Orientale, se sont également aidés. Après qu’Ernst eut comparu devant un tribunal militaire, et eut été condamné à mort, il écrivit dans sa cellule une lettre à son frère Hans, incarcéré à Stuhm. Il lui dit : “Cher Hans, au cas où la même chose t’arriverait, souviens-​toi du pouvoir de la prière. Je n’éprouve aucune crainte, car la paix de Dieu est dans mon cœur.” Peu de temps après, son frère se trouvait dans la même situation et, bien qu’âgé de dix-neuf ans seulement, il fut exécuté.

      LA FIDÉLITÉ DES CONJOINTS MISE À L’ÉPREUVE

      Il était émouvant de voir de proches parents s’encourager à ne pas renoncer à leur intégrité. Sœur Höhne, de Francfort-sur-l’Oder, accompagna son mari à la gare lorsqu’il fut appelé sous les drapeaux, et elle ne devait plus le revoir. Les dernières paroles qu’elle lui adressa furent : “Reste fidèle.” Frère Höhne s’en souvint jusqu’à sa mort.

      Souvent il s’agissait de couples qui venaient de se marier. Si leur amour pour Jéhovah et pour Jésus Christ n’avait pas été si fort, ces frères et sœurs n’auraient jamais pu supporter d’être séparés de leur conjoint bien-aimé. Deux sœurs, qui sont maintenant veuves depuis plus de trente-deux ans, se souviennent de ces temps difficiles avec reconnaissance envers Jéhovah pour l’aide qu’il leur a donnée. Il s’agit des sœurs Bühler et Ballreich, de Neulosheim, près de Speyer, qui se marièrent toutes deux vers le début de l’interdiction de l’œuvre et apprirent la vérité à peu près à la même époque. En 1940, leurs maris furent appelés au service militaire et, ayant refusé de revêtir l’uniforme, ils furent arrêtés.

      Sœur Ballreich se rendit au bureau de recrutement de Mannheim, où elle apprit que les deux frères avaient été envoyés à Wiesbaden, pour comparaître devant un tribunal militaire. Sœur Ballreich reçut l’autorisation de visiter son mari, à condition d’essayer de le persuader de changer d’avis. Sœur Bühler reçut la même autorisation, à la même condition. Les deux sœurs se rendirent immédiatement à Wiesbaden. Sœur Bühler écrit :

      “J’ai du mal à décrire la tristesse de notre rencontre. Il (son mari) m’a demandé : ‘Pourquoi es-​tu venue ?’ J’ai répondu que je devais essayer de l’influencer. Mais il m’a réconfortée, en me donnant des conseils bibliques et en me disant de ne pas m’attrister comme ceux qui n’ont pas d’espérance, mais de compter entièrement sur notre grand Dieu, Jéhovah. (...) Un jeune greffier, qui nous avait accompagnées jusqu’à la prison, nous a conseillé de rester à Wiesbaden jusqu’à mardi, jour où le procès devait avoir lieu. Il nous a dit que nous aurions certainement l’autorisation d’y assister. Nous sommes donc restées jusqu’à mardi. Nous avons attendu dans la rue jusqu’à l’arrivée de nos maris, accompagnés de deux soldats armés qui les promenaient dans la rue comme s’ils étaient des criminels professionnels. Ils étaient vraiment exhibés en spectacle aux hommes et aux anges. Sœur Ballreich et moi les avons suivis. Nous avons pu assister au procès, qui a duré moins d’une heure et qui s’est soldé par la condamnation à mort de deux hommes innocents et courageux. Nous avons pu passer environ deux heures avec eux dans une pièce au rez-de-chaussée. Après avoir quitté le tribunal, nous avons erré dans les rues de Wiesbaden comme deux brebis perdues.”

      Peu après, les deux jeunes sœurs furent informées que leurs maris avaient été fusillés le 25 juin 1940, leurs dernières paroles ayant été : “Pour Jéhovah, à jamais !”

      PARENTS ET ENFANTS METTENT JÉHOVAH À LA PREMIÈRE PLACE

      Un autre procès qui éveilla l’intérêt non seulement des juges, des procureurs et des avocats, mais également du public, concernait les deux frères Kusserow, de Paderborn. Grâce à la bonne instruction dans les voies de Jéhovah qu’ils avaient reçue chez eux, ils étaient prêts à donner leur vie sans crainte. Quant à leur mère, elle se servit de leur mort comme d’une occasion supplémentaire d’expliquer aux habitants de sa ville l’espérance de la résurrection. Un troisième fils, Karl, fut arrêté trois mois plus tard et jeté dans un camp de concentration. Il mourut quatre semaines après sa libération. De cette famille comptant treize membres, douze furent incarcérés, ayant été condamnés à un total de soixante-cinq années de prison, dont quarante-six passées effectivement en détention.

      Comme les Kusserow, la famille Appel, de Süderbrarup, fournit un autre exemple où non seulement les parents, mais aussi les enfants ont mis les intérêts du Royaume au-dessus des leurs. Cette famille était propriétaire d’une petite imprimerie. Lisons le récit de sœur Appel :

      “En 1937, tandis qu’une vague d’arrestations déferlait sur l’Allemagne, mon mari et moi avons été arrachés à nos quatre enfants tard dans la nuit du 15 octobre. Huit hommes (agents de la Gestapo et de la police) sont entrés chez nous et ont fouillé toute la maison depuis le sous-sol jusqu’au grenier. Puis ils nous ont emmenés. (...) Après avoir été jugés, mon mari a été incarcéré à Neumünster, et moi, à la prison de femmes à Kiel. (...) En 1938, grâce à une série d’amnisties, nous avons été libérés. (...) Cependant, lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, nous savions ce qui nous attendait, car mon mari était bien décidé à garder sa neutralité. Nous avons parlé de tout cela à nos enfants et attiré leur attention sur ce que la Bible dit au sujet des persécutions.

      “Autant que possible, nous nous sommes efforcés de réunir assez de vêtements pour les enfants, afin qu’il ne leur en manque pas. Après avoir expliqué au bureau de recrutement les raisons bibliques pour lesquelles il ne pouvait participer à la guerre, mon mari a mis en ordre le reste de ses affaires. Chaque jour, nous présentions tous nos problèmes à Jéhovah par la prière. Le 9 mars 1941, à 8 heures du matin, la sonnette a retenti et deux soldats se sont présentés pour emmener mon mari. Ils ont attendu dehors pendant quinze minutes, pour lui permettre de nous dire au revoir. Notre fils Walter était déjà parti à l’école. Mon mari a demandé aux trois autres enfants et à sœur Helene Green, qui travaillait dans notre imprimerie, de venir immédiatement à l’appartement. Sa dernière requête était que nous chantions le cantique qui dit : ‘Celui qui est fidèle n’a pas peur des coups de l’adversité.’ Les mots nous sont restés dans la gorge, mais nous avons chanté quand même. Après une prière, les soldats sont entrés et ont emmené mon mari. C’était la dernière fois que les enfants ont vu leur père. Il a été conduit à Lübeck, où un haut fonctionnaire lui a parlé longuement d’un ton paternel, en essayant de le persuader de revêtir l’uniforme. Mais les lois immuables de Jéhovah étaient bien ancrées dans le cœur de mon mari, si bien qu’il a tenu bon. (...)

      “De bonne heure le matin du 1er juillet 1941, un policier m’a présenté une lettre (...) m’informant que notre voiture était confisquée comme bien communiste et que notre imprimerie allait être fermée. Puis il m’a remis une autre lettre qui disait : ‘Vous êtes convoquée avec vos enfants à l’Hôtel de ville le matin du 3 juillet 1941. Vous y apporterez des vêtements et des chaussures.’ C’était là un coup dur.

      “Ainsi, le matin du 3 juillet, des surveillants de deux maisons de jeunes sont venus emmener nos enfants. La femme qui a pris en charge Christa et Waltraud, âgées respectivement de quinze et de dix ans, m’a dit : ‘Je savais depuis plusieurs semaines que je devais vous enlever vos enfants, et cela m’a empêchée de dormir, car je sais que vous êtes une famille bien organisée. Mais je suis obligée de le faire.’

      “Certains des voisins n’ont pas manqué de manifester leur désapprobation de cette mesure, mais les autorités n’ont pas tardé à leur faire savoir que ‘quiconque parle de l’affaire Appel se rend coupable de sédition contre la nation’. Pour plus de sûreté, trois policiers ont été envoyés pour veiller à ce que les enfants soient emmenés. (...) Naturellement, mon mari a été informé par les autorités des mesures prises à l’égard de notre imprimerie et de nos enfants. Elles espéraient ainsi le ramollir. Elles l’ont accusé d’être malhonnête et sans scrupules, puisqu’il avait abandonné sa famille. Mon mari m’a écrit une lettre très affectueuse me disant que très tôt le lendemain matin il s’était levé et s’était mis à genoux pour prier Jéhovah et lui confier sa famille. (...)

      “Le jour même où les enfants m’ont été enlevés, j’ai dû comparaître devant le tribunal militaire de Berlin-Charlottenbourg. J’ai été conduite devant le procureur du Reich, qui m’a demandé d’influencer mon mari, pour qu’il accepte de revêtir l’uniforme. Lorsque je lui ai donné les raisons bibliques qui m’empêchaient d’agir de la sorte, il s’est mis en colère, en criant : ‘Alors il perdra sa tête !’ Je lui ai néanmoins demandé l’autorisation de parler à mon mari. Sans me répondre, il a appuyé sur le bouton d’une sonnette et un soldat est venu me conduire au sous-sol, où plusieurs officiers m’ont accueillie avec un regard glacial et accusateur. Pendant que je repartais, l’un d’eux m’a suivie, m’a pris la main et m’a dit : ‘Madame Appel, restez toujours aussi ferme. Ce que vous faites est juste.’ J’étais vraiment étonnée. Ce qui m’importait le plus, cependant, était d’avoir pu parler à mon mari.

      “Pendant mon séjour à Berlin, les nazis avaient déjà vendu notre imprimerie. J’ai été obligée de signer l’acte de vente, sinon, — d’après ce qu’on m’a dit, — je serais jetée dans un camp de concentration.

      “J’ai pu visiter plusieurs fois mon mari à Berlin, avant qu’il ne soit condamné à mort. L’avocat qui le ‘défendait’ a déclaré : ‘Votre mari a eu une occasion magnifique de s’en sortir, mais il a refusé de la saisir.’ Mon mari lui a répondu : ‘J’ai décidé de servir Jéhovah et son Royaume. Je n’ai plus rien à dire.’

      “Le 11 octobre 1941, mon mari fut décapité. Dans la dernière lettre qu’on l’a autorisé à écrire, à peine quelques heures avant son exécution, il a dit : ‘Quand vous recevrez cette lettre, mes bien-aimés, Maria et mes quatre enfants, Christa, Walter, Waltraud et Wolfgang, tout sera déjà consommé, j’aurai remporté la victoire par Jésus Christ, et j’espère que je me serai comporté en vainqueur. De tout cœur, je vous souhaite une entrée bénie dans le Royaume de Jéhovah. Restez fidèles ! Trois jeunes frères, qui prendront le même chemin que moi demain matin, sont à côté de moi. Leurs yeux rayonnent !’

      “Peu après, j’ai été obligée de quitter ma maison à Süderbrarup. Les meubles ont été entreposés à cinq endroits différents. Je me suis trouvée sans ressources chez ma mère.

      “Mon fils Walter a été retiré de l’école par les responsables de la maison des jeunes, qui l’ont envoyé à Hambourg, où il a commencé son apprentissage dans une imprimerie. En 1944, il a été appelé sous les drapeaux, bien qu’âgé de dix-sept ans seulement. Auparavant et d’une manière vraiment merveilleuse, il était entré en possession du livre La Harpe de Dieu. Il y avait appris beaucoup de choses dans sa petite chambre mansardée pendant les bombardements nocturnes de Hambourg. Bientôt, il désirait se vouer à Jéhovah. À la Saint-Sylvestre de 1943-​1944, après avoir surmonté de nombreuses difficultés, il a pu se rendre à Malente, où, dans une buanderie obscure, un frère l’a baptisé clandestinement. (...)

      “Il a réussi à se mettre secrètement en rapport avec moi et je l’ai attendu plusieurs heures dans les rues de Hambourg. En effet, il m’était interdit de voir mes enfants sous quelque prétexte que ce soit.

      “Pour l’encourager, j’ai pu lui dire que j’avais reçu une lettre des frères de Sachsenhausen, qui avait eu vent de notre épreuve. Frère Ernst Seliger avait écrit qu’une fois que le camp était tranquille la nuit, plusieurs centaines de frères de différentes nations s’agenouillaient devant Jéhovah et le priaient en notre faveur. Par la suite, mon fils a été emmené de force en Prusse-Orientale, pour rejoindre le groupe militaire auquel il avait été affecté. Dans un froid glacial, on lui a enlevé ses vêtements et on a étendu devant lui l’uniforme. Il a refusé de le revêtir. Il a dû attendre deux jours avant de recevoir quelque chose de chaud à manger. Mais il est resté ferme.

      “Nous nous étions dit adieu à Hambourg. Il m’avait dit qu’il allait suivre l’exemple de son père. Quelque sept mois plus tard, après que ses papiers eurent été falsifiés pour augmenter son âge, il a été décapité, sans jamais passer en jugement. Juridiquement, il était encore mineur et aurait dû être jugé par un tribunal pour enfants.

      “Un agent de police de Silderbrarup m’a visitée et m’a lu le rapport de la police de Prusse-Orientale. Personnellement, je n’ai rien reçu. Certes, j’avais osé espérer que, vu son jeune âge et la proximité de la fin de la guerre, mon fils n’aurait pas à supporter la même épreuve que son père. Néanmoins, malgré ma grande douleur, j’ai pu prier Jéhovah en lui disant : ‘Merci, Jéhovah, de ce qu’il soit tombé sur le champ de bataille pour toi.’

      “Puis est arrivé le bouleversement de 1945. J’ai accueilli joyeusement dans mes bras mes trois enfants qui me restaient. Depuis trois ans, mes deux filles les plus jeunes n’habitaient plus dans une maison de jeunes, mais chez le directeur d’un bureau de placement, où elles devaient être élevées selon les principes du national-socialisme. Je n’avais été autorisée à les voir que pendant quelques heures, une fois tous les quatorze mois, et même alors, toujours devant quelqu’un. Malgré cela, une fois mes deux filles ont pu me chuchoter à l’oreille qu’elles possédaient une petite bible qu’elles avaient soigneusement cachée. Quand elles se trouvaient seules, l’une d’elles écoutait à la porte pour s’assurer que personne ne venait, et l’autre lisait des versets. Comme j’étais heureuse de l’apprendre !

      “En 1945, les frères fidèles ont commencé à être libérés. Un navire est arrivé à Flensburg, transportant de nombreux frères et sœurs, principalement venus de l’Est. Une période d’activité intense a commencé. C’est dans cette ville que j’ai fait connaissance avec frère Josef Scharner, qui est devenu mon mari. Lui aussi avait été privé de sa liberté pendant neuf ans. Nous avions tous deux vraiment connu des moments difficiles et nous partagions le désir de passer nos dernières années à servir Jéhovah de toute notre force.”

      MÊME DES CONDAMNÉS À MORT ONT FAIT DES DISCIPLES

      On a du mal à croire qu’un frère condamné à mort puisse faire un disciple, mais frère Massors relata un tel cas dans une lettre qu’il adressa à sa femme le 3 septembre 1943. Il écrivit :

      “En 1928, 1930 et 1932, j’étais pionnier à Prague. Nous avons fait des conférences et inondé la ville d’imprimés. À cette époque-​là, j’ai rencontré un conférencier politique représentant le gouvernement. Il s’appelait Anton Rinker. Je lui ai parlé longuement, et il a fini par accepter une bible et plusieurs livres, tout en expliquant qu’il n’avait pas le temps d’étudier de telles choses, puisqu’il devait subvenir aux besoins de sa famille. Il a précisé cependant que tous ses parents étaient très religieux, mais qu’ils n’assistaient pas aux offices.

      “Vers 1940-​1941, on a changé mon compagnon de cellule, comme cela arrivait assez souvent. L’homme était très déprimé, mais tous les détenus le sont au début. Quand la porte de la cellule se ferme derrière eux, ils se rendent compte soudain où ils sont. Mon nouveau compagnon a dit : ‘Je m’appelle Anton Rinker et je viens de Prague.’ Le reconnaissant aussitôt, je lui ai répondu : ‘Anton, oui, Anton, ne me reconnaissez-​vous pas ?’ ‘Oui, votre visage ne m’est pas inconnu, mais...’ Il s’est vite souvenu que je l’avais visité chez lui en 1930 et 1932, et qu’il avait accepté une bible et plusieurs livres. Il a dit : ‘Quoi ! Vous êtes ici à cause de votre foi ? Je ne comprends pas ; cela n’arrive pas aux autres ministres du culte. Quelles sont en fait vos croyances ?’ Il n’allait pas tarder à les connaître.

      “Après, il m’a dit : ‘Mais pourquoi le clergé ne nous explique-​t-​il pas ces choses ? Ce que vous dites est la vérité. Maintenant je sais pourquoi je devais échouer dans cette prison. Il faut que je vous dise, mon cher Franz, qu’avant d’être transféré dans cette cellule, j’ai prié Dieu pour qu’il m’envoie un croyant. Sinon, je songeais au suicide. (...)’

      “Les semaines et les mois ont passé. Puis, un jour, Anton m’a dit : ‘Avant que je quitte ce monde, puisse Dieu aider ma femme et mes enfants à trouver la vérité ! Alors je pourrai partir en paix.’ (...) Un peu plus tard il a reçu une lettre de sa femme, qui disait :

      “‘(...) Comme tu serais heureux si tu pouvais lire la Bible et les livres que tu as achetés à cet Allemand il y a plusieurs années ! Tout s’est passé exactement comme cela est annoncé dans les livres. C’est ici la vérité que nous n’avons jamais eu le temps d’étudier.’”

  • Allemagne (3e partie)
    Annuaire 1974 des Témoins de Jéhovah
    • Allemagne (3e partie)

      LA NOURRITURE SPIRITUELLE DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION

      Pendant les années où les frères se trouvaient “isolés”, surtout ceux qui étaient dans les camps de concentration, ils pouvaient difficilement se procurer une bible ou un de nos imprimés. C’est pourquoi, lorsqu’ils durent rester debout pendant des heures dans la cour, ou bien le soir, lorsqu’ils retrouvaient un peu de tranquillité dans leurs baraquements, ils fournissaient d’autant plus d’efforts pour se rappeler le contenu des articles les plus importants de La Tour de Garde. Ils étaient particulièrement heureux lorsque, d’une manière ou d’une autre, ils parvenaient à se procurer une bible.

      Parfois Jéhovah se servait de moyens intéressants pour faire parvenir une bible à ses serviteurs. Franz Birk, de Renchen (en Forêt-Noire), se souvient qu’un jour à Buchenwald, un détenu non chrétien lui a demandé s’il aimerait avoir une bible. Il en avait trouvé une dans la papeterie où il travaillait. Naturellement, frère Birk accepta son offre avec reconnaissance.

Publications françaises (1950-2025)
Se déconnecter
Se connecter
  • Français
  • Partager
  • Préférences
  • Copyright © 2025 Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania
  • Conditions d’utilisation
  • Règles de confidentialité
  • Paramètres de confidentialité
  • JW.ORG
  • Se connecter
Partager