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Les Philippines en miniatureRéveillez-vous ! 1976 | 8 décembre
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encore qu’elle est souvent conduite n’importe comment.
Faciles à repérer, ces voitures transformées en bus sont peintes de dessins aux couleurs vives et personnalisées. Elles portent aussi sur le capot, les ailes et les pare-chocs des marques également en couleur, telles que “À toi pour toujours”, “Mon amour”, ou “Chéri”. À l’intérieur un texte biblique, par exemple “Prépare-toi à rencontrer ton Dieu”, décore parfois le tableau de bord. Ajoutez à cela une bonne demi-douzaine de rétroviseurs et d’avertisseurs aux chromes rutilants, et vous obtenez la jeepney, où l’on trouve ensemble la commodité, la solidité et l’art populaire.
Les régions des Tagals et des Ilocans
Ici, à Ang Nayong Pilipino, notre jeepney nous conduit d’un trait à une réplique de la région des Tagals, située dans le centre et le sud de Luçon, île qui est le grenier à riz des Philippines. Cette terre plate, bien arrosée et fertile produit, lorsque l’année est bonne, trois magnifiques récoltes de riz.
Nous nous extrayons de notre jeepney et tout de suite nous sommes attirés par des maisons pittoresques au toit de chaume, édifiées sur pilotis à près de deux mètres du sol. S’il est vrai que de fortes pluies sont bonnes pour la croissance du riz, les inondations sont fréquentes. Aussi les maisons surélevées maintiennent-elles la famille et ses biens à l’abri et au sec. Des murs et un sol à claire-voie ainsi que de larges baies offrent le maximum de circulation d’air, mais certainement pas le maximum d’intimité.
Nous grimpons les escaliers et pénétrons chez un fermier. Le plancher s’affaisse à chaque pas. Après quelques instants d’inquiétude, nous finissons malgré tout par comprendre que le plancher en lattis de bambou ne cédera pas. Nous découvrons à l’intérieur de la maison que les cultivateurs de riz font bon usage du temps dont ils disposent entre leurs trois semailles et moissons annuelles. Nous voyons exposé un très beau tissu presque diaphane, appelé piña et fait à partir des feuilles de l’ananas, ainsi que du jussi, tissu en fibre de banane, des broderies compliquées, des céramiques et des ouvrages de cuir en peau de carabao ou buffle. De belles tables et d’admirables coffres faits d’un bois indigène appelé narra (l’acajou philippin) sont délicatement incrustés d’os de carabao. Ces meubles agrémentent souvent les magasins d’ameublement du monde entier. L’artisanat est si répandu qu’il est devenu l’une des principales “industries” de ces îles.
En passant près d’un petit lac, les canards qui cancanent nous rappellent que la principale industrie de la ville de Pateros est le balut. Il s’agit d’un œuf de cane qu’on fait incuber environ deux semaines et qu’on fait cuire juste avant qu’il n’éclose. Les vendeurs ambulants font des affaires en vendant du balut aux passants qui ont faim et dont le régal est d’avaler tout le poussin d’une bouchée, plumes comprises. Les Philippins dans leur ensemble considèrent le balut comme une friandise de choix, mais rares sont les étrangers qui arrivent à y prendre goût.
Tout en nous rendant dans la région des Ilocans, nous passons devant quelques-unes des 300 variétés de bananes que l’on trouve aux Philippines, ainsi que devant l’abaca, plante très voisine dont on produit le célèbre chanvre de Manille. Les Ilocans, habiles et prospères, peuplent l’étroite vallée qui est juste au nord de Manille. Ils ont gardé l’architecture vigoureuse et conventionnelle du temps des Espagnols. La grande maison que nous voyons ici à Nayon a été transportée brique par brique depuis la région des Ilocans, son site d’origine.
La région des Bicols
Tout comme le volcan, Mayon, haut de 2 438 mètres, domine la région des Bicols, de même une réplique à son échelle surplombe l’endroit que nous visitons. On dit que le Mayon a le cône le plus parfait du monde. L’explosion qui eut lieu en 1814 fut si forte que toute la ville de Cagsawa disparut sous six mètres de pierre et de lave. Plusieurs autres villes furent détruites et des milliers de gens périrent. Seul un clocher perce la lave durcie, témoin silencieux de ce cataclysme. “Oui, le volcan est toujours actif”, nous dit-on. Sa dernière éruption remonte à 1968, et comme la plupart des cinquante autres volcans philippins, il crache toujours sa part de fumée.
En plein milieu de la région des typhons, le vent qui hurle fait tellement partie de la vie des Bicols qu’ils se plaisent à faire remarquer qu’un orage n’est pas un typhon tant qu’il ne peut pas retourner une moitié de coque de noix de coco. Les vents sont encore plus redoutables que les inondations, au point qu’il faut fermement ancrer les maisons au sol pour qu’elles puissent tenir debout face à des vents qui soufflent jusqu’à 200 kilomètres à l’heure. Bien que les orages détruisent tout, à l’exception des maisons les plus solides, les Philippins, avec leur naturel enjoué, se contentent de rassembler les matériaux de construction qu’ils ont sous la main et ils recommencent tout.
Tout en marchant, nous pouvons presque nous imaginer dans l’une des magnifiques plantations de la région des Bicols, où domine le roi des arbres tropicaux : le cocotier. Encore plus estimé que l’argent, le palmier cocotier est la corne d’abondance d’une famille philippine. Avec la nervure centrale des feuilles on fait d’excellents balais ; le tronc peut devenir un pont résistant ou une adduction d’eau bon marché ; les racines constituent une abondante source de combustible. Avec la moitié du coir d’une noix de coco, qu’elles placent sous un pied, les ménagères philippines frottent même leur plancher, ce qui le rend particulièrement brillant. Les coques de noix servent à faire des ustensiles de cuisine, des guitares, des sculptures et du charbon de bois. Avec le coprah, on fait du beurre, du savon et de l’huile.
Lorsqu’un enfant naît dans la famille, beaucoup de fermiers plantent six cocotiers. Quand l’enfant aura atteint l’âge scolaire, les arbres commenceront à donner du fruit, et cela paiera ses études. Quand l’arbre aura grandi, sa productivité aidera le jeune homme ou la jeune fille à prendre un bon départ dans la vie.
Les Visayas
Au cœur de l’archipel se trouvent les charmantes îles Visayas, qui jouissent d’une grande prospérité grâce à l’industrie sucrière en pleine expansion. Soixante-quinze pour cent de tout le sucre des Philippines est produit ici, en particulier sur l’île de Negros. Des demeures de style espagnol, avec des allées à tonnelles, donnent au visiteur un petit goût de ce que pouvait être la vie ici autrefois.
Cebu, l’île la plus peuplée, est le siège d’un passé vivace. En 1521, l’explorateur portugais Ferdinand Magellan fut le premier à mettre le pied sur l’île voisine de Homonhon. Il a commencé par recevoir un accueil chaleureux, mais le fort tribut qu’il leva sur les indigènes lui valut bientôt leur hostilité. Une bataille entre le roi Lapu-Lapu, chef de Cebu, et l’armée de Magellan, s’acheva par la mort de Magellan.
Par la suite, les colons espagnols érigèrent à Cebu une grande croix pour commémorer le fait que Magellan avait importé la religion occidentale aux Philippines. Avec le temps des gens superstitieux en sont venus à croire que la croix possédait des propriétés curatives. Il fallut même la placer dans un sanctuaire pour la protéger des fanatiques religieux qui voulaient emporter un morceau de la croix “miraculeuse”. Jusqu’à ce jour, ceux qui croient en son pouvoir paient des danseurs professionnels pour allumer des cierges et danser devant le sanctuaire. Une réplique de ce célèbre symbole des Visayas est exposée ici à Nayong Pilipino.
La région musulmane
En voyant le village extraordinaire qui se présente à nous, nous oublions notre fatigue et descendons le sentier sinueux qui y mène. Contrastant fortement avec les maisons plus sobres des autres régions, le village semble ne vivre que de couleur. Les maisons, dont certaines sont bâties sur pilotis juste au-dessus du niveau de l’eau, sont décorées de sculptures stylisées et peintes sur bois en couleurs vives. Elles forment un cercle autour d’une mosquée blanche qui comporte cinq minarets rouges, Selon les croyances musulmanes, le minaret central représente Allah, le dieu de l’islam, et les petits à chaque angle, ses quatre assistants. À l’intérieur de la mosquée centrale de chaque village, un grand gong de bronze résonne à intervalles réguliers chaque jour. Tous les villageois répondent en se tournant vers la mosquée et en priant.
Des années avant l’arrivée des Espagnols aux Philippines, des missionnaires arabes s’étaient rendus aux îles de Mindanao, Palawan et Sulu, et y avaient fait de nombreux convertis. Aujourd’hui ces gens ne représentent que quatre pour cent de la population philippine, mais leurs coutumes ajoutent assurément une touche de couleur à ce pays. Les petites coiffes en velours des hommes, appelées kopia, et les grands pantalons bouffants des femmes, ou kantio, attirent l’œil dans ce tableau plein de vie.
Certains musulmans passent toute leur vie dans l’eau, à la pêche ou à la recherche des perles ; ils vivent sur l’eau dans des maisons sur pilotis et achètent les denrées dont ils ont besoin sur des bateaux qui passent régulièrement et qu’on appelle bancas. Les Tatayas, sorte de passerelles en planche, relient les maisons entre elles et rendent les visites plus commodes.
Mais tous les villages de Mindanao ne sont pas édifiés sur l’eau. Beaucoup de maisons sont bâties en dur sur la terre ferme, comme cette maison décorée de sculptures, ici à Nayon. Les musulmans prétendent que ces sculptures recherchées qui garnissent les avant-toits éloignent les “mauvais esprits”. Mais que représentent ces autres sculptures en couleur qui sortent des côtés de la maison comme d’immenses ailes de papillon ? Ces Olir affirment publiquement la supériorité du Datu, le chef de la communauté musulmane, qui vit là avec ses fils comme “sultans”. Les deux maisons plus petites sur le côté sont la demeure des femmes du Datu. Les croyances musulmanes autorisent le Datu à posséder quatre femmes légales et quatre concubines, s’il peut pourvoir à leurs besoins. Les huit femmes doivent vivre dans ce qu’on appelle une “rivalité amicale”.
Il est également frappant de voir une tombe musulmane. On y dépose des objets qui rappellent la vie du défunt. C’est ainsi que sur la tombe d’un pêcheur on trouvera peut-être un bateau. Il est fréquent que la tombe d’une femme soit décorée d’un miroir, comme symbole de la vanité !
La Province montagneuse
De la grande île méridionale de Mindanao, nous nous rendons jusque dans la Province montagneuse au nord de l’île de Luçon. Cela ne nous demande que quelques pas, ici à Nayong Pilipino. Dans les hautes montagnes de cette province vit un groupe rude qui, malgré les froides températures de la montagne et les pentes escarpées, a créé l’une des merveilles du monde : les célèbres rizières en terrasse de Banawe. Il y a des centaines d’années, des outils rudimentaires, un dur labeur et de la patience ont permis de creuser, l’une après l’autre, des rizières en terrasse à partir de flancs de montagne presque verticaux, chacune étant alimentée par un système complexe de cascades qui coulent de l’une à l’autre. Si on les mettait bout à bout, ces rizières seraient dix fois plus longues que la grande muraille de Chine et atteindraient plus de la moitié de la circonférence terrestre, soit plus de 22 000 kilomètres !
Les maisons au toit de chaume de cette région sont bâties sur quatre solides piliers pourvus au sommet d’un grand cylindre de bois pour empêcher les rats de grimper. Si l’échelle est à terre, cela veut dire que les visiteurs sont les bienvenus, aussi montons. À l’intérieur, le feu est allumé dans l’âtre, la nourriture cuit et la famille dort. Durant la chaleur du jour, les habitants passent la majeure partie de leur temps à la maison à tisser et à sculpter du bois. Les sculptures les plus courantes sont celles de carabao et d’anciens masques de guerre, témoins des jours où les chasseurs de têtes existaient encore.
La maison est petite parce que les enfants n’y vivent pas longtemps. À la puberté, les jeunes gens sont transférés dans un dortoir pour garçons appelé atos, et les jeunes filles vers un dortoir distinct appelé ulog. Un peu plus tard, on arrange un mariage d’essai, mais si le couple ne s’entend pas ou est stérile, ce mariage n’est pas légalisé. C’est seulement si les choses se passent bien qu’il sera rendu officiel.
Mais voici le soir et il est temps de quitter Nayong Pilipino, où nous avons vu les Philippins en miniature. Notre esprit médite sur la diversité et le caractère insolite de ce que nous avons vu. De la vie agitée de Manille jusqu’aux tribus des montagnes, on ne peut s’empêcher d’être attiré par le charme enchanteur de la vie simple mais étonnante des Philippines.
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Coûte-t-il trop cher de mourir au Japon ?Réveillez-vous ! 1976 | 8 décembre
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Coûte-t-il trop cher de mourir au Japon ?
DE NOTRE CORRESPONDANT AU JAPON
QUE l’on habite au Japon ou ailleurs, la mort ne respecte personne.
Elle n’attend pas non plus que sa victime ait les moyens de mourir. Souvent, elle frappe à l’improviste et la famille affligée n’a guère d’autre choix que de suivre les coutumes locales, sans égard pour la note à payer.
Prenons quelques minutes pour examiner certaines pratiques funéraires qui ont cours au Japon et ce qu’elles coûtent. Si vous n’avez jamais assisté à un enterrement japonais, vous trouverez peut-être intéressant de le comparer avec ce qui se passe chez vous. Mais cela peut également vous aider d’une autre façon. Il est rare, en effet, que quelqu’un pense à son propre enterrement ou à celui des personnes qu’il aime. Cependant, en notant tout ce que comporte nombre de funérailles japonaises, vous pourrez conclure qu’il serait bien de considérer quelles possibilités existent dans votre pays.
Le prix d’un enterrement dépend de la situation de la famille et de la position sociale du défunt. Autrement dit, cela peut aller de moins de quarante mille yens à plusieurs millions de yensa. L’entrepreneur des pompes funèbres évalue généralement la somme à dépenser. Au Japon, les voisins et d’autres gens assistent aux funérailles et en parlent par la suite. La pression sociale est donc très forte quand il s’agit d’organiser une cérémonie d’adieu au défunt.
L’entrepreneur des pompes funèbres
Dans certaines régions du Japon les anciennes coutumes subsistent encore. D’après l’une d’elles, les gens qui habitent le même pâté de maisons que le défunt s’occupent de tous les détails des funérailles. Mais dans les villes il est plus courant de laisser ce soin à l’entrepreneur des pompes funèbres. Il fournit le cercueil et le corbillard, ainsi que l’autel s’il s’agit de bouddhistes. Il s’occupe de trouver un endroit pour la cérémonie, il fournit les fleurs, les voitures pour aller au four crématoire et en revenir, il achète un terrain pour la tombe et il peut également fournir une pierre tombale et un autel familial si la famille n’en possède pas encore.
La plupart des entrepreneurs des pompes funèbres sont inscrits au ministère
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