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Page de titre/Page des éditeursComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Page de titre/Page des éditeurs
Comment le sang peut-il vous sauver la vie?
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PréfaceComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Préface
TOUS les jours, dans le domaine de la santé, des gens ont à prendre des décisions d’ordre moral qui se rapportent soit aux transplantations d’organes, soit à l’avortement, soit au “droit à la mort”. Nous espérons que vous n’aurez jamais à prendre de telles décisions.
Toutefois, une question mérite votre attention: Quelle utilisation du sang peut sauver des vies?
Aujourd’hui, beaucoup de personnes se demandent, à juste titre, si les transfusions de sang sont vraiment sans danger. Mais il y a là un débat qui dépasse le cadre de la médecine et dans lequel les Témoins de Jéhovah font quelque peu parler d’eux. Savez-vous pourquoi ces gens, qui ont une éthique et qui reconnaissent la valeur de la médecine, refusent qu’on leur administre du sang?
Comme vous allez le voir, de l’utilisation que vous faites du sang, envisagée sous l’aspect médical et moral, dépend directement la préservation de votre bien le plus précieux: LA VIE.
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Le sang: essentiel à la vieComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Le sang: essentiel à la vie
Comment le sang peut-il vous sauver la vie? Cette question vous intéresse, sans doute, car le sang est lié à la vie: à votre vie. C’est lui, en effet, qui transporte l’oxygène à l’intérieur de votre organisme et en évacue le gaz carbonique, vous permet de vous adapter aux changements de température et de lutter contre la maladie.
Bien avant 1628, date à laquelle William Harvey décrivit le fonctionnement de l’appareil circulatoire, le lien qui existe entre la vie et le sang était connu. Les principes moraux de certaines grandes religions ont pour fondement la croyance en un Créateur, lequel s’est exprimé sur la vie et le sang. Un juriste judéo-chrétien a dit de ce Créateur: “C’est lui qui donne à toutes les personnes la vie et le souffle et toutes choses. C’est par lui, en effet, que nous avons la vie, et que nous nous mouvons, et que nous existonsa.”
Les personnes qui croient en ce Créateur sont convaincues que les instructions qu’il donne sont pour notre bonheur éternel. Un prophète hébreu l’appelle “Celui qui t’enseigne pour que tu en tires profit, Celui qui te fait cheminer sur le chemin où tu dois marcher”.
On trouve ces paroles dans la Bible, en Ésaïe 48:17. La Bible est un livre respecté pour les principes éthiques qu’elle contient, et qui peuvent être profitables à chacun de nous. Que dit-elle de l’utilisation du sang par les humains? Explique-t-elle comment des vies peuvent être sauvées grâce au sang? La Bible montre clairement que le sang est plus qu’un liquide biologique complexe. Plus de 400 fois elle emploie le mot, et dans quelques cas il est question de sauver des vies.
L’une des premières fois où l’on rencontre ce mot, le Créateur déclare: “Tout ce qui remue et qui vit pourra vous servir de nourriture (...). Cependant vous ne devez pas manger la viande qui contient encore la vie, c’est-à-dire le sang.” Il ajoute: “Votre sang aussi, qui est votre vie, j’en demanderai compte”, puis il condamne le meurtre (Genèse 9:3-6, Français courant). Ces paroles étaient adressées à un ancêtre commun des Juifs, des musulmans et des chrétiens, qui tous le tiennent en haute estime: Noé. Ainsi, l’humanité entière s’entendait dire qu’aux yeux du Créateur le sang représente la vie. Il ne s’agissait pas là d’une simple prescription alimentaire. À l’évidence, un principe moral était en jeu. Le sang humain a une grande importance, et on ne doit pas en faire un mauvais usage. Le Créateur ajouta plus tard à ce commandement d’autres éléments qui nous donnent une idée claire des questions morales attachées au sang, porteur de vie.
Le Créateur parla de nouveau du sang lorsqu’il donna la Loi à l’antique Israël. Alors que nombre de personnes respectent la sagesse et les principes éthiques qui émanent de ce code, peu d’entre elles savent qu’il renferme des lois importantes sur le sang. En voici un aperçu: “Quiconque aussi, dans la maison d’Israël ou parmi les étrangers établis au milieu d’eux, mangera de quelque sang, je dirigerai mon regard sur la personne qui aura mangé ce sang, et je la retrancherai du milieu de son peuple. Car le principe vital de la chair gît dans le sang.” (Lévitique 17:10, 11, Rabbinat français). Dieu explique ensuite qu’un chasseur qui tue un animal “devra en répandre le sang et le couvrir de terre”. Il ajoute: “Ne mangez le sang d’aucune créature. Car la vie de toute créature c’est son sang: quiconque en mangera sera retranché.” — Lévitique 17:13, 14, Rabbinat français.
Les scientifiques savent maintenant que la Loi donnée aux Israélites favorisait la santé. Cette Loi prescrivait, par exemple, que les individus sortent du camp pour satisfaire leurs besoins naturels et qu’ils recouvrent leurs excréments; en outre, ils ne devaient manger d’aucune viande présentant un risque important de maladie (Lévitique 11:4-8, 13; 17:15; Deutéronome 23:12, 13). Quoique la loi relative au sang eût une incidence sur la santé, elle allait bien au-delà. Le sang avait une signification symbolique. Il représentait la vie donnée par le Créateur. En accordant au sang un statut particulier, les Israélites montraient que leur vie dépendait de Dieu. Ainsi, la raison principale pour laquelle ils ne devaient pas absorber de sang était qu’il revêtait pour Dieu une signification particulière, et non qu’il était mauvais pour la santé.
De nombreuses fois, la Loi a repris les paroles du Créateur interdisant d’entretenir la vie par l’absorption de sang. “Tiens fort à ne pas manger du sang (...); répands-le sur la terre comme de l’eau. Ne le mange point, afin que tu prospères, toi et tes enfants après toi, lorsque tu feras ce qui est droit.” — Deutéronome 12:23-25, Cahen; 15:23; Lévitique 7:26, 27; Ézéchiel 33:25b.
Contrairement à ce que pensent certains à notre époque, la loi de Dieu relative au sang devait être respectée, même en cas d’urgence. Après une bataille, des soldats israélites tuèrent des animaux et se mirent à les “manger avec le sang”. Étant donné la nécessité pressante, était-il permis à ces Israélites de se maintenir en vie en absorbant du sang? Non. Du reste, leur chef déclara qu’ils avaient commis une faute grave (1 Samuel 14:31-35). Par conséquent, aussi précieuse que soit la vie, Celui qui nous l’a donnée n’a jamais dit qu’en cas d’urgence nous pouvions faire fi de ses commandements.
LE SANG ET LES VRAIS CHRÉTIENS
Selon la pensée chrétienne, est-il permis de sauver des vies humaines à l’aide de sang?
Jésus fut un homme intègre, ce qui lui vaut d’être tenu en haute considération. Il connaissait la loi divine condamnant l’absorption de sang et il savait que cette loi était toujours en vigueur. Nous avons donc de bonnes raisons de croire que, quelles que soient les circonstances, Jésus a respecté la loi sur le sang. En effet, il “n’a point commis de péché”, et dans sa bouche “il ne s’est point trouvé de fraude”. (1 Pierre 2:22, Maredsous.) C’est là un exemple qu’il a donné à ses disciples, notamment un exemple de respect pour la vie et le sang. (Nous examinerons plus tard le rôle du sang de Jésus dans cette question capitale qui a une incidence sur votre vie.)
Remarquez ce qui arriva lorsque, des années après la mort de Jésus, la question se posa de savoir si quelqu’un qui devenait chrétien devait observer toutes les lois données à Israël. Cette question fut débattue lors d’un concile du collège central des chrétiens, auquel appartenaient les apôtres. Jacques, demi-frère de Jésus, cita des écrits contenant les commandements relatifs au sang qui avaient été donnés à Noé et à la nation d’Israël. Les chrétiens étaient-ils tenus d’obéir à ces commandements? — Actes 15:1-21.
Ce concile fit part de sa décision à toutes les congrégations: les chrétiens n’étaient plus sous la Loi mosaïque, mais ils devaient observer certaines restrictions “nécessaires: s’abstenir des choses sacrifiées aux idoles, et du sang, et de ce qui est étouffé [de la viande non saignée], et de la fornication”. (Actes 15:22-29.) Le commandement des apôtres ne relevait pas du simple rituel ou de la prescription alimentaire. Il fixait des normes éthiques fondamentales auxquelles les premiers chrétiens se soumirent. Une dizaine d’années plus tard, les apôtres confirmèrent leur décision: les chrétiens devaient “se garder de ce qui est sacrifié aux idoles, ainsi que du sang (...), et de la fornication”. — Actes 21:25.
La chrétienté compte des millions de pratiquants, dont la plupart reconnaîtraient probablement que l’idolâtrie et l’immoralité sexuelle sont incompatibles avec l’éthique chrétienne. Cependant, il nous faut remarquer que, d’un point de vue moral, les apôtres accordaient à la prescription relative au sang la même importance qu’à ces autres interdits. Le décret s’achevait de cette manière: “Si vous vous gardez avec soin de ces choses, vous prospérerez. Portez-vous bien!” — Actes 15:29.
Le décret des apôtres a été observé pendant longtemps. Eusèbe raconte que, vers la fin du IIe siècle, une jeune femme, au moment de mourir sous la torture, déclara à propos des chrétiens: “Il ne leur est même pas permis de manger le sang des animaux.” Cette femme ne revendiquait pas un quelconque “droit à la mort”. Elle voulait vivre, mais sans transiger avec ses principes. N’éprouvez-vous pas du respect pour ceux qui placent leurs principes au-dessus de leur intérêt personnel?
L’homme de science Joseph Priestley a écrit: “La défense d’absorber le sang, qui a été faite à Noé, semble bien s’appliquer à toute sa descendance (...). Si nous interprétons cette interdiction apostolique à la lumière de l’application que les premiers chrétiens en ont faite, eux qu’on ne saurait guère soupçonner d’en avoir mal compris la nature ou la portée, nous nous verrons dans l’obligation de conclure qu’il s’agit d’une règle absolue et perpétuelle; car, pendant de nombreux siècles, nul chrétien n’a mangé de sang.”
L’USAGE MÉDICAL DU SANG
Des thérapeutiques telles que les transfusions, qui, bien entendu, n’étaient pas connues à l’époque de Noé, de Moïse ou des apôtres, tombent-elles sous le coup de l’interdit biblique relatif au sang?
En ce temps-là, il est vrai, les thérapeutiques modernes à base de sang n’existaient pas; mais l’usage médical du sang n’en est pas nouveau pour autant. Pendant près de 2 000 ans, en Égypte et dans d’autres pays, “le sang [humain] a été considéré comme le remède souverain de la lèpre”. Un médecin a révélé quel traitement il administrait au fils du roi Ésar-Haddon, à une époque où l’Assyrie était à la pointe de la technique: “[Le prince] va beaucoup mieux; le roi, mon seigneur, peut être heureux. À partir du 22e jour, je (lui) donne à boire du sang, et il (en) boira pendant 3 jours. Durant 3 autres jours je (lui) donnerai (du sang) comme remède interne.” Les Israélites avaient des rapports avec Ésar-Haddon. Toutefois, possédant la Loi de Dieu, ils n’auraient jamais bu de sang dans le but de se soigner.
Utilisait-on le sang à des fins médicales à l’époque romaine? Le naturaliste Pline, contemporain des apôtres, et le médecin Aretê, qui vivait au IIe siècle, précisent qu’on employait le sang humain pour soigner l’épilepsie. Tertullien parlera par la suite de “ceux qui, lors d’un combat de gladiateurs, ont sucé avec une soif avide, pour guérir la maladie comitiale [l’épilepsie], le sang tout chaud, coulant de la gorge des criminels”. Il opposera ces gens aux chrétiens, qui ne regardent “pas même le sang des animaux comme un des mets qu’il est permis de manger”. Il ajoutera un peu plus loin: “Pour mettre les chrétiens à l’épreuve, vous leur présentez des boudins gonflés de sang, bien convaincus que ce mets est défendu chez eux.” Par conséquent, les premiers chrétiens étaient prêts à affronter la mort plutôt que d’absorber du sang.
On peut lire dans Chair et sang (angl.): “Le sang dans sa forme la plus quotidienne n’a pas (...) cessé d’être utilisé en médecine et dans la magie.” Et encore: “En 1483, par exemple, Louis XI, roi de France, était mourant. ‘Son état empirait de jour en jour, et les remèdes qu’il prenait, quoique étranges, ne le soulageaient pas; pourtant, il s’acharnait à croire qu’il guérirait en absorbant du sang prélevé sur des enfants.’”
En ce qui concerne la transfusion sanguine, on a commencé à en expérimenter l’usage vers le début du XVIe siècle. Thomas Bartholin (1616-1680), professeur d’anatomie à l’université de Copenhague, manifesta en ces termes son désaccord à l’encontre de cette thérapeutique: ‘Il apparaît que ceux qui tiennent à utiliser le sang humain comme remède interne en font un mauvais usage et commettent un péché grave. Nous condamnons bien les cannibales. Pourquoi n’avons-nous pas en horreur ceux qui souillent leur gosier de sang humain? Cela revient au même de recevoir, soit par la bouche, soit par des instruments de transfusion, du sang étranger tiré d’une veine tranchée. Ceux qui se rendent coupables d’un tel acte peuvent redouter la loi divine qui condamne l’absorption du sang.’
Ainsi, au cours des siècles passés, des personnes réfléchies ont compris que la loi biblique interdisait d’absorber du sang aussi bien par les veines que par la bouche. Bartholin apporte cette conclusion: “Quel que soit le mode d’absorption [du sang], le but est toujours le même: nourrir ou rétablir un organisme malade.”
Ce survol de la question vous a peut-être aidé à comprendre pourquoi les Témoins de Jéhovah adoptent une position religieuse aussi ferme. Ils accordent un grand prix à la vie et ils recherchent des soins de qualité; mais ils sont résolus à ne pas violer les principes divins, qui sont immuables: Ceux qui respectent la vie et voient en elle un don du Créateur n’essaient pas de la prolonger en absorbant du sang.
Néanmoins, on affirme depuis des années que le sang sauve des vies. Des médecins peuvent citer des cas de personnes ayant perdu beaucoup de sang et qui se sont rapidement remises grâce à la transfusion. Par conséquent, vous vous demandez peut-être quelle est la valeur médicale de cette thérapeutique. Des arguments scientifiques sont fournis en faveur de la transfusion. En conséquence, vous vous devez de vous informer, afin de pouvoir opérer un choix en connaissance de cause.
[Notes]
a Il s’agit de Paul, en Actes 17:25, 28, Les Saintes Écritures — Traduction du monde nouveau.
b De semblables interdictions ont plus tard été consignées dans le Coran.
[Encadré, page 4]
“Les préceptes énoncés ici [en Actes 15] d’une manière plus précise et plus méthodique sont qualifiés d’indispensables, ce qui prouve avec la dernière évidence que dans la pensée des apôtres il ne s’agissait pas là d’une accommodation temporaire, d’une mesure provisoire.” — Professeur Édouard Reuss, université de Strasbourg.
[Encadré/Illustration page 5]
Martin Luther a tiré les conséquences du décret apostolique, disant: “Si donc nous voulons une Église qui soit soumise à ce concile (...) il nous faut enseigner et exiger que désormais ni prince, ni seigneur, ni bourgeois, ni paysan ne mangent de l’oie, du daim, du cerf ou du porc cuit dans le sang (...). Bourgeois et paysans doivent surtout s’abstenir de saucisse noire et de boudin.”
[Crédit photographique]
Gravure sur bois, Lucas Cranach.
[Encadré, page 6]
“Dieu et les hommes voient les choses de façon très différente. Ce qui a beaucoup de prix à nos yeux est très souvent de peu d’intérêt à la lumière de la sagesse infinie; et ce qui nous semble insignifiant est souvent pour Dieu d’une très grande importance. Il en est ainsi depuis le commencement.” — An Enquiry Into the Lawfulness of Eating Blood, Alexander Pirie, 1787.
[Illustrations, page 3]
Medicine and the Artist, Carl Zigrosser (Dover Publications)
[Illustration, page 4]
Lors d’un concile historique, le collège central des chrétiens confirma que la loi de Dieu sur le sang était toujours en vigueur.
[Illustration, page 7]
Quelles qu’en soient les conséquences, les premiers chrétiens refusaient de violer la loi de Dieu relative au sang.
[Crédit photographique]
Toile de Gérôme, 1883, Walters Art Gallery, Baltimore.
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Les transfusions sont-elles sans danger?Comment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Les transfusions sont-elles sans danger?
Avant d’accepter un traitement médical de quelque importance, une personne sensée se renseigne sur ses avantages et ses inconvénients. Or, les transfusions sont aujourd’hui un instrument médical de première importance. De nombreux médecins qui veulent sincèrement le bien de leurs malades n’hésitent pas à leur administrer du sang. Ne dit-on pas que le sang, c’est la vie?
Des millions de personnes donnent et reçoivent du sang. Durant la période 1986-1987, 1 300 000 Canadiens, sur une population de 25 millions, ont donné leur sang. “En ce qui concerne les États-Unis, [au cours de] la dernière année pour laquelle nous ayons des chiffres, on a transfusé entre 12 et 14 millions d’unités.” — The New York Times, 18 février 1990.
“On a toujours prêté au sang des pouvoirs ‘miraculeux’, fait remarquer le docteur Louise Keating. Pendant ces 46 premières années d’utilisation, les réserves de sang ont été perçues, à la fois par les médecins et par le public, comme plus saines qu’elles n’étaient.” (Cleveland Clinic Journal of Medicine, mai 1989). Quelle était la situation autrefois, et quelle est-elle aujourd’hui?
Il y a de cela 30 ans, les pathologistes et le personnel des banques de sang ont reçu cet avertissement: “Le sang est de la dynamite! Il peut faire beaucoup de bien ou beaucoup de mal. La mortalité provoquée par la transfusion sanguine équivaut à celle due à l’anesthésie par l’éther ou à l’appendicectomie. Il y aurait approximativement un décès pour 1 000 à 3 000, ou peut-être 5 000 transfusions. Dans la région de Londres, on compte un décès pour 13 000 flacons de sang transfusés.” — New York State Journal of Medicine, 15 janvier 1960.
Les dangers liés aux transfusions ont-ils depuis lors été éliminés, si bien que cette thérapeutique serait maintenant sans risques? Il faut reconnaître que, chaque année, les transfusions provoquent des réactions indésirables, et parfois mortelles, chez des centaines de milliers de personnes. Nous pensons, certes, aux maladies transmises par voie sanguine; mais avant d’en venir à ces affections, examinons quelques risques moins bien connus.
LE SANG ET VOTRE IMMUNITÉ
Au début du siècle, notre compréhension de la merveilleuse complexité du sang a progressé de façon spectaculaire. Des scientifiques ont découvert qu’il y a différents types de sang. Pour la transfusion, il est essentiel que le sang du donneur soit compatible avec celui du receveur. Si le possesseur d’un sang de groupe A reçoit un sang de groupe B, il peut se produire une grave réaction hémolytique susceptible de détruire en masse ses globules rouges et de causer sa mort en peu de temps. Aujourd’hui, la détermination du groupe sanguin et les études de compatibilités sont devenues courantes; il n’en demeure pas moins que des erreurs se produisent. Chaque année, des gens meurent des suites d’une réaction hémolytique.
La réalité montre que la question de l’incompatibilité ne se limite pas aux quelques groupes sanguins que les hôpitaux essaient d’associer. En effet, dans l’article “Les transfusions sanguines: usage, abus et risques” (angl.), le docteur Douglas Posey écrit: “Il y a environ 30 ans, Sampson considérait la transfusion sanguine comme une thérapeutique relativement dangereuse (...). [Depuis lors,] au moins 400 autres antigènes des hématies ont été identifiés et caractérisés. Il ne fait aucun doute que ce chiffre va augmenter, car la membrane des hématies est d’une grande complexité.” — Journal of the National Medical Association, juillet 1989.
Les scientifiques étudient maintenant les effets du sang transfusé sur le système immunitaire de l’organisme, c’est-à-dire son système de défense. Quelle importance ce facteur a-t-il pour vous ou pour un membre de votre famille qui doit se faire opérer?
Lorsqu’on transplante un cœur, un foie, ou tout autre organe, il se peut que le système immunitaire du receveur détecte le tissu étranger et qu’un phénomène de rejet se produise. Or, il faut savoir que la transfusion est une transplantation de tissu à part entière. Même un sang dont la compatibilité a été “correctement” étudiée peut détruire le système immunitaire du receveur. Il est ressorti d’une conférence réunissant des pathologistes que des centaines d’articles médicaux “font état de réactions immunitaires occasionnées par des transfusions sanguines”. — “Les preuves contre les transfusions s’accumulent”, Medical World News, 11 décembre 1989.
L’une des tâches principales du système immunitaire est de détecter et de détruire les cellules malignes (cancéreuses). Une carence immunitaire pourrait-elle provoquer un cancer et entraîner la mort? Considérons les deux cas suivants.
La revue Cancer (angl.) du 15 février 1987 donnait les résultats d’une étude menée aux Pays-Bas: “Chez les malades atteints du cancer du côlon, on a observé d’importants effets négatifs sur la durée de vie à long terme des transfusés. Dans ce groupe, 48 % des transfusés et 74 % des non-transfusés ont atteint le seuil de survie des 5 ans.” Des médecins de l’université de Californie du Sud ont effectué un suivi sur cent opérés du cancer. “Le taux de récurrence des cancers du larynx s’est élevé à 14 % chez ceux qui n’avaient pas reçu de sang et à 65 % chez ceux qui en avaient reçu. En ce qui concerne le cancer de la cavité buccale, du pharynx, du nez ou des sinus, le taux de récurrence était de 31 % chez les non-transfusés contre 71 % chez les transfusés.” — Annals of Otology, Rhinology & Laryngology, mars 1989.
Quelle conclusion ces études appellent-elles? Dans un article intitulé “Les transfusions sanguines et la chirurgie carcinologique”, le docteur John Spratt déclare: “Le chirurgien cancérologue devra peut-être se passer du sang.” — The American Journal of Surgery, septembre 1986.
Une autre tâche importante du système immunitaire est la défense contre les infections. Aussi, chose compréhensible, certaines études montrent que les malades ayant reçu du sang sont davantage sujets aux infections. Le docteur Tartter s’est livré à une étude en chirurgie colo-rectale. Vingt-cinq pour cent des malades transfusés ont été contaminés, contre 4 % chez ceux qui n’avaient pas reçu de transfusion. Selon ses observations, “des transfusions de sang administrées en pré-, per- et postopératoire étaient associées à des complications infectieuses (...). Le risque d’infection postopératoire augmentait progressivement avec le nombre d’unités de sang administrées”. (The British Journal of Surgery, août 1988.) Voici ce qu’ont appris, en 1989, les personnes présentes à la réunion de l’Association américaine des banques de sang: Alors que 23 % des malades qui avaient bénéficié d’une prothèse de hanche et avaient reçu du sang ont souffert de complications infectieuses, aucun de ceux à qui on n’avait pas donné de sang n’a eu d’infection.
À propos de ce fâcheux effet des transfusions sanguines, le docteur John Collins a écrit: “Il serait vraiment ironique qu’un ‘traitement’ dont on a du mal à prouver les effets bénéfiques s’avère en fin de compte aggraver l’une des principales difficultés que connaît ce genre de malades.” — World Journal of Surgery, février 1987.
LES RISQUES DE MALADIE
La maladie que transmet le sang inquiète les médecins consciencieux et de nombreux patients. De quelle maladie s’agit-il? Honnêtement, on ne peut parler d’une seule maladie, car elles sont pléthore.
Après avoir examiné les maladies les mieux connues, Techniques of Blood Transfusion (1982) traite d’“autres maladies infectieuses associées à la transfusion”, telles que la syphilis, l’infection à cytomégalovirus et le paludisme. Cet ouvrage ajoute: “On a découvert que plusieurs autres maladies étaient transmises par la transfusion sanguine, au nombre desquelles figurent les infections au virus herpétique, la mononucléose infectieuse (virus d’Epstein-Barr), la toxoplasmose, la trypanosomiase [maladie africaine du sommeil et maladie de Chagas], la leishmaniose, la brucellose [fièvre ondulante], le typhus, la filariose, la rougeole, la salmonellose et la fièvre à tiques du Colorado.”
Qui plus est, la liste de ces maladies ne cesse d’augmenter. Peut-être avez-vous déjà lu des titres tels que celui-ci: “Maladie de Lyme post-transfusionnelle? C’est peu probable, mais les spécialistes sont inquiets.” Quelle sécurité offre le sang d’une personne dont le test pour la maladie de Lyme est positif? On a demandé à un groupe de responsables médicaux s’ils accepteraient ce sang. “Tous ont répondu par la négative, et ce bien qu’aucun d’entre eux n’ait demandé que le sang de ces donneurs soit refusé.” Que doivent penser les gens d’un sang dont les spécialistes ne voudraient pas pour eux-mêmes? — The New York Times, 18 juillet 1989.
Une deuxième raison de s’inquiéter est due au fait que le sang recueilli dans un pays où une certaine maladie est courante peut être utilisé très loin de là, dans un autre pays: ni les malades ni les médecins n’étant conscients du danger. Aujourd’hui, on voyage davantage, sans oublier les déplacements des réfugiés et des immigrants; aussi le risque augmente-t-il qu’un produit sanguin soit porteur d’une maladie inconnue.
En outre, un spécialiste des maladies infectieuses donne cet avertissement: “Il faudra peut-être analyser les réserves de sang, afin d’empêcher la transmission de plusieurs maladies qui n’étaient pas autrefois considérées comme infectieuses, telles que la leucémie, le lymphome malin et la démence [ou maladie d’Alzheimer].” — Transfusion Medicine Reviews, janvier 1989.
Aussi effrayants que soient ces risques, d’autres suscitent une peur encore plus grande.
LE SIDA: UNE PANDÉMIE
“Le SIDA a changé pour toujours la conception que médecins et malades se faisaient du sang. Et ce n’est pas un mal, ont déclaré des praticiens réunis à l’Institut américain de la santé à l’occasion d’un colloque sur la transfusion sanguine.” — Washington Post, 5 juillet 1988.
La pandémie de SIDA (syndrome d’immunodéficience acquise) qui a frappé le monde a, de façon foudroyante, éveillé les humains à un danger: celui de contracter une maladie infectieuse par l’intermédiaire du sang. Des millions de personnes en sont atteintes. Ce syndrome se répand sans que l’on puisse enrayer sa progression. Quant à son taux de mortalité, il est virtuellement de 100 %.
Le SIDA est provoqué par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), qui peut se propager par voie sanguine. On a découvert ce fléau des temps modernes en 1981. Dès l’année suivante, les spécialistes de la santé en sont venus à penser que le virus pouvait se transmettre par l’intermédiaire des produits sanguins. On reconnaît aujourd’hui que l’industrie du sang a été lente à réagir, même après que l’on eut mis au point des tests de détection des anticorps du VIH dans le sang. Ce n’est qu’en 1985 que l’on a commencé à analyser le sang prélevéa, sans toutefois étendre la mesure aux produits sanguins déjà en stock.
Par la suite, on a dit au public d’un ton rassurant: ‘Les réserves de sang ne présentent maintenant aucun danger.’ Après cela, cependant, on a dévoilé l’existence d’une dangereuse “période de latence”. C’est-à-dire qu’entre le moment où une personne est contaminée et le moment où elle produit des anticorps détectables, des mois peuvent s’écouler. Il est possible que, ne sachant pas qu’elle abrite le virus, cette personne séronégative donne son sang. Voilà une chose qui se produit. Et c’est ainsi que des gens contractent le SIDA après avoir reçu un tel sang.
Avec le temps, la situation s’est encore aggravée. The New England Journal of Medicine (1er juin 1989) s’est mis à parler de “contaminations inapparentes par le VIH”. On a établi que des gens pouvaient être porteurs du virus du SIDA pendant des années sans que cela puisse être détecté par les tests indirects pratiqués de nos jours. Certains voudraient minimiser le fait et parlent de cas plutôt rares; toutefois, ces cas prouvent “que le risque de transmettre le SIDA par l’intermédiaire du sang et de ses composants ne peut être entièrement éliminé”. (Patient Care, 30 novembre 1989). La conclusion que l’on en tire est inquiétante: un test négatif ne garantit pas qu’une personne n’a pas le virus. Combien vont encore contracter le SIDA par voie sanguine?
D’AUTRES RISQUES...
Lorsque, dans une affaire d’importance, les premiers éléments de l’enquête sont révélés, ceux-ci ne constituent souvent que la partie émergée de l’iceberg. Il en va de même avec le sang et les risques encore inconnus qu’il fait encourir.
Le virus du SIDA a d’abord été appelé VIH; mais des spécialistes lui donnent maintenant le nom de VIH 1. Pourquoi cela? Parce qu’ils ont découvert un autre virus du type SIDA (VIH 2). Ce virus peut provoquer les symptômes du SIDA, et il est très répandu dans certaines parties du monde. En outre, il “n’est pas toujours repéré par les tests de dépistage du SIDA que nous effectuons ici”, précise le New York Times (27 juin 1989). “Ces nouvelles découvertes (...) font que les banques de sang ont davantage de difficultés à déterminer si le sang d’un donneur est sain.”
Que dire des “cousins éloignés” du virus du SIDA? Aux États-Unis, une commission présidentielle a fait savoir que l’un de ces virus “semble être la cause de la leucémie et du lymphome malin des lymphocytes T, et d’une grave maladie neurologique”. Ce virus a déjà contaminé la population des donneurs et peut se propager par voie sanguine. Les gens sont donc en droit de se demander si les tests de dépistage effectués par les banques de sang sont efficaces contre ces autres virus.
De fait, seul l’avenir peut nous dire combien de virus se cachent ainsi dans les réserves de sang. “Et le pire est peut-être encore à découvrir, écrit le docteur Harold Meryman. Il sera difficile de faire le rapprochement entre les transfusions et ces virus transmissibles, dont la période d’incubation est de plusieurs années, et il sera encore plus difficile de les détecter. Le groupe des HTLV n’est sûrement que le premier de ces virus à apparaître.” (Transfusion Medicine Reviews, juillet 1989). “Comme si l’épidémie de SIDA n’était pas déjà assez grave, (...) au cours des années 80, on a proposé ou décrit un certain nombre d’autres risques dus aux transfusions. Sans faire preuve de beaucoup d’imagination, on peut prédire que d’autres maladies virales graves existent et sont transmises par le moyen des transfusions homologues.” — Limiting Homologous Exposure: Alternative Strategies, 1989.
Tellement de risques ont été évoqués que le Centre américain de dépistage des maladies recommande des “précautions systématiques”. Cela signifie que ‘les personnels médicaux doivent faire comme si tous les malades étaient susceptibles de transmettre le VIH et d’autres agents pathogènes transportés par le sang’. La conception que les personnels médicaux et le public se faisaient du sang est, et pour cause, en train de changer.
[Note]
a On ne peut pas affirmer que tout le sang est aujourd’hui analysé. Ainsi, il apparaît qu’au début de 1989 environ 80 % des banques de sang du Brésil n’étaient pas régies par l’État et n’effectuaient aucun test de dépistage du SIDA.
[Encadré, page 8]
“Malgré les diverses précautions qui sont prises, (...) des réactions se produisent chez 7 % des malades auxquels on administre du sang ou des dérivés sanguins, et ce aussi bien pendant qu’après la transfusion.” — Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde (Revue de médecine des Pays-Bas), 3 novembre 1984.
[Encadré, page 9]
Le scientifique danois Niels Jerne, prix Nobel de médecine en 1984, a déclaré à propos de son refus d’une transfusion sanguine: “Le sang d’une personne est semblable à ses empreintes digitales: il n’existe pas deux types de sang absolument identiques.”
[Encadré, page 10]
LE SANG, LE FOIE RAVAGÉ, ET...
“L’ironie, a-t-on pu lire dans le Washington Post, c’est que le SIDA véhiculé par le sang (...) n’a jamais été aussi dangereux que d’autres maladies, telles que, par exemple, l’hépatite.”
De fait, quantité de personnes contractent cette grave maladie, pour laquelle il n’y a pas de traitement spécifique, et en meurent. Si l’on en croit U.S.News & World Report (1er mai 1989), environ 5 % des Américains qui reçoivent du sang contractent l’hépatite, ce qui représente 175 000 sujets par an. À peu près la moitié deviennent des porteurs chroniques, et un sur cinq au moins est atteint d’une cirrhose ou d’un cancer du foie. On estime à 4 000 le nombre de ceux qui en meurent. Imaginez les titres des journaux si un avion gros porteur s’écrasait en provoquant la mort de tous ses passagers. Eh bien, 4 000 morts, cela représente un avion rempli au maximum de sa capacité qui s’écraserait tous les mois!
Les médecins savaient depuis longtemps qu’une hépatite bénigne (de type A) se propageait au moyen de la nourriture et de l’eau souillées. Puis ils se sont aperçus qu’une forme plus grave se transmettait par le sang, que l’on ne savait pas, à l’époque, tester pour ce virus. Enfin, de brillants scientifiques ont appris à détecter les “empreintes” de ce virus (de type B). Peu après 1970, le sang était testé, mais dans quelques pays seulement. Les réserves de sang paraissaient sans danger, et le sang promis à un bel avenir. Mais était-ce vraiment le cas?
En réalité, il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte que des milliers de personnes auxquelles on avait administré du sang testé étaient atteintes d’une hépatite. Nombre d’entre elles sortaient affaiblies de la maladie pour apprendre que leur foie était perdu. Si le sang avait été analysé, pourquoi cela arrivait-il? Eh bien, le sang contenait une autre forme d’hépatite appelée hépatite non A-non B (NANB). Pendant une décennie, cette maladie a empoisonné les transfusions, frappant entre 8 et 17 % des transfusés en Espagne, aux États-Unis, en Israël, en Italie, au Japon et en Suède.
Puis on a vu dans les journaux des titres tels que “Le mystérieux virus de l’hépatite non A-non B enfin isolé”; “Une maladie de moins dans le sang”. Une fois encore, cela signifiait ‘On a découvert le virus insaisissable’. En avril 1989, on a dit au public qu’un test de l’hépatite non A-non B, désormais appelée hépatite C, venait d’être mis au point.
Peut-être vous demandez-vous si ce sentiment de soulagement n’était pas un peu prématuré. De fait, des chercheurs italiens ont repéré un autre virus, un mutant, qui pourrait être responsable du tiers des hépatites. La Harvard Medical School Health Letter (novembre 1989) fait remarquer que “certaines autorités se demandent avec inquiétude si le virus de l’hépatite ne possède qu’un alphabet à quatre lettres: A, B, C et D, ou si d’autres ne vont pas venir s’y ajouter”. Voici ce qu’on pouvait lire dans le New York Times du 13 février 1990: “Les spécialistes soupçonnent fortement l’existence d’autres virus de l’hépatite; s’ils sont découverts, on les appellera hépatite E, et ainsi de suite.”
Est-ce à dire que les banques de sang vont devoir élaborer d’autres tests pour s’assurer de la pureté du sang? Évoquant le coût de l’opération, un responsable de la Croix-Rouge américaine a fait cette déclaration inquiétante: “Nous ne pouvons pas multiplier ainsi les tests pour chaque agent infectieux qui pourrait être transmis.” — Medical World News, 8 mai 1989.
Même le test de l’hépatite B n’est pas infaillible; nombreuses sont encore les personnes qui contractent cette maladie par l’intermédiaire du sang. En outre, le public sera-t-il satisfait du test de l’hépatite C qui a été annoncé? Le Journal of the American Medical Association (5 janvier 1990) montre qu’une année peut s’écouler avant que les anticorps de cette maladie soient repérables au moyen du test. Dans l’intervalle, des gens auxquels on administre du sang peuvent avoir le foie ravagé, et mourir.
[Encadré/Illustration, page 11]
La maladie de Chagas montre que, par l’intermédiaire du sang, on peut transmettre des maladies à des populations lointaines. Le Medical Post (16 janvier 1990) nous apprend que ‘10 à 12 millions de latino-américains sont des porteurs chroniques’ de cette maladie, qui représenterait “l’un des risques les plus importants de la transfusion en Amérique du Sud”. L’“insecte meurtrier” pique le dormeur au visage, suce le sang et dépose ses excréments dans la plaie. La victime peut être porteuse de la maladie de Chagas pendant des années (et, le cas échéant, donner son sang) avant de souffrir de complications cardiaques mortelles.
Pourquoi les habitants des autres continents devraient-ils s’en émouvoir? Dans le New York Times (23 mai 1989), le docteur Altman cite le cas de personnes atteintes d’une maladie de Chagas post-transfusionnelle, dont l’une est morte. Il ajoute: “D’autres cas sont peut-être passés inaperçus, car [ici, les médecins] ne sont pas familiarisés avec la maladie de Chagas et ils ne se rendent pas compte qu’elle peut se propager par la transfusion.” Oui, le sang peut véhiculer des maladies sur de longues distances.
[Encadré, page 12]
Le docteur Knud Lund-Olesen a écrit: “Étant donné que (...) certaines personnes appartenant à des groupes à risque donnent leur sang parce qu’elles sont automatiquement testées pour le SIDA, je pense qu’il est normal de ne pas être tenté par la transfusion. Les Témoins de Jéhovah la refusent depuis des années: savaient-ils ce qui allait se passer?” — Ugeskrift for Læger, 26 septembre 1988.
[Illustration, page 9]
Le pape a survécu à un attentat. Par la suite, il est retourné deux mois à l’hôpital, “souffrant beaucoup”. Il était atteint d’une infection, qui pouvait lui être fatale, due à un cytomégalovirus transmis par le sang qu’on lui avait administré.
[Crédit photographique]
UPI (Bettmann Newsphotos)
[Illustration, page 12]
Le virus du SIDA.
[Crédit photographique]
CDC, Atlanta, Ga.
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Des substituts de qualitéComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Des substituts de qualité
Peut-être vous demandez-vous: ‘Les transfusions présentent des risques, mais existe-t-il des substituts de qualité?’ Voilà une question qui ne manque pas d’intérêt; en outre, nous insistons sur la notion de “qualité”.
Tous les humains, y compris les Témoins de Jéhovah, désirent recevoir des soins de grande qualité. Le docteur Grant Steffen dégage à ce propos deux éléments fondamentaux. “Un traitement médical de qualité est, dit-il, un traitement qui atteint des buts médicaux et non médicaux légitimes.” (The Journal of the American Medical Association, 1er juillet 1988). Au nombre des buts “non médicaux” figure une exigence: celle de ne pas violer la conscience du malade, conscience éduquée par les Écritures. — Actes 15:28, 29.
Existe-t-il des moyens légitimes et efficaces de traiter des cas médicaux graves sans utiliser de sang? La réponse est, heureusement, oui.
Alors qu’à une époque la plupart des chirurgiens affirmaient n’administrer de sang qu’en cas d’absolue nécessité, ils en ont rapidement réduit l’utilisation après l’apparition du SIDA, véritable épidémie. Dans un éditorial du Mayo Clinic Proceedings (septembre 1988), on a pu lire, à propos d’“un des rares bienfaits de l’épidémie”, que “grâce à elle les malades et les médecins ont mis au point diverses stratégies permettant de ne pas utiliser la transfusion sanguine”. Le responsable d’une banque de sang donne cette explication: “Ce qui a effectivement changé, c’est l’intensité du message, la réceptivité des cliniciens à ce message (due à une meilleure perception des risques encourus), et la demande que soient envisagées des thérapeutiques de remplacement.” — Transfusion Medicine Reviews, octobre 1989.
Vous avez bien lu: il existe des thérapeutiques de remplacement! Cela est compréhensible lorsque l’on considère le pourquoi des transfusions sanguines.
L’hémoglobine contenue dans les globules rouges transporte l’oxygène nécessaire à la santé et à la vie. Si donc une personne a perdu beaucoup de sang, il paraît logique de remplacer ce liquide. L’être humain a normalement environ 14 ou 15 grammes d’hémoglobine pour 100 millilitres (1 dl) de sang. (Une autre façon d’estimer la concentration d’hémoglobine est l’hématocrite, qui se situe généralement autour de 45 %.) La “règle” acceptée était autrefois de transfuser un malade, avant intervention, si sa concentration d’hémoglobine était inférieure à 10 g/dl (ou 30 % pour l’hématocrite). La revue suisse Vox Sanguinis (mars 1987) précise que “65% des [anesthésistes] demandent que le malade ait une concentration d’hémoglobine de 10 g/dl avant toute chirurgie réglée”.
Toutefois, lors d’une conférence sur la transfusion sanguine qui s’est tenue en 1988, le professeur Howard Zauder a posé cette question: “Où sommes-nous allés chercher ce ‘chiffre miracle’?” Sa réponse a été claire: “L’étiologie de cette exigence: qu’un malade doit avoir 10 grammes d’hémoglobine (Hb) avant de subir une anesthésie, se perd dans une tradition obscure et ne s’appuie sur aucune preuve clinique ou expérimentale.” Songez aux milliers et milliers de personnes qui ont reçu une transfusion à cause d’une ‘tradition obscure et aucunement prouvée’!
Mais on pourrait se demander pourquoi la concentration d’hémoglobine normale est de 14 g/dl, alors qu’on peut très bien s’accommoder d’une concentration beaucoup plus basse. La raison en est qu’à 14, le sang a la capacité de transporter une quantité considérable d’oxygène, capacité que l’organisme peut au besoin utiliser pour effectuer un exercice physique ou fournir un effort violent. Des études menées sur des malades anémiques ont cependant révélé qu’“il est difficile de détecter une baisse de la capacité physique, même lorsque la concentration d’hémoglobine descend jusqu’à 7 g/dl. D’autres ont trouvé que cette capacité était à peine diminuée”. — Contemporary Transfusion Practice, 1987.
Les adultes peuvent donc supporter une concentration d’hémoglobine assez basse; mais peut-on en dire autant des enfants? Le docteur James Stockman déclare à ce propos: “À de rares exceptions près, le taux d’hémoglobine diminue chez les prématurés, du premier au troisième mois (...). Dans le contexte de la crèche, les indications de la transfusion ne sont pas bien définies. De fait, nombre d’enfants semblent tolérer des taux de concentration en hémoglobine remarquablement bas, sans qu’il y ait de difficultés cliniques apparentes.” — Pediatric Clinics of North America, février 1986.
Ce que nous venons de lire ne signifie pas qu’on ne doive pas intervenir quand une personne perd une grande quantité de sang à la suite d’un accident ou pendant une opération. Si la perte est rapide et considérable, la pression artérielle de cette personne chute, et elle risque l’état de choc. La première chose à faire est d’arrêter le saignement et de restaurer le volume. Ces mesures préviennent l’état de choc, et permettent la circulation des globules rouges et autres composants qui restent.
Il est possible de restaurer le volume sans utiliser de sang total ou de plasmaa. De nombreux liquides non sanguins remplissent efficacement ce rôle. Le plus simple est la solution saline, qui est à la fois économique et compatible avec tous les sangs. Il existe aussi des liquides possédant des propriétés particulières, comme le dextran, l’Hémacel et la solution de Ringer lactate. L’Hétastarch (HES, non commercialisé en France) est un nouveau restaurateur du volume, et “on peut le recommander sans danger aux malades [victimes de brûlures] qui refusent les produits sanguins”. (Journal of Burn Care & Rehabilitation, janvier/février 1989.) Ces liquides ont des avantages incontestables. “Les solutés cristalloïdes [tels que la solution saline normale et la solution de Ringer lactate], le dextran et l’HES ne sont, relativement, ni toxiques ni chers, sont facilement disponibles, peuvent être stockés à température ambiante, ne nécessitent pas d’épreuves de compatibilité et ne comportent pas le risque de maladie lié aux transfusions.” — Blood Transfusion Therapy — A Physician’s Handbook, 1989.
Cependant, peut-être vous demandez-vous: ‘Puisque c’est de globules rouges que j’ai besoin pour que mon corps reçoive de l’oxygène, pourquoi les liquides non sanguins de substitution sont-ils efficaces?’ Comme cela a été dit plus haut, votre sang peut transporter plus d’oxygène qu’il n’en faut en temps normal à votre organisme. Si vous perdez du sang, de merveilleux mécanismes compensatoires entrent en action. Votre cœur pompe davantage de sang à chaque battement. Le sang perdu ayant été remplacé par un liquide approprié, la circulation du sang maintenant dilué se fait plus facilement, même dans les petits vaisseaux. Les transformations chimiques qui s’opèrent permettent que davantage d’oxygène soit libéré dans les tissus. Ces phénomènes d’adaptation sont tellement efficaces que s’il vous reste la moitié seulement de vos globules rouges, le transport de l’oxygène peut se faire à environ 75 % de la normale. Or, un sujet au repos n’utilise que 25 % de l’oxygène disponible dans son sang. En outre, la plupart des anesthésiques généraux réduisent les besoins de l’organisme en oxygène.
QUE PEUT FAIRE LE MÉDECIN?
Le médecin compétent peut faire quelque chose pour la personne qui a perdu du sang, et donc des globules rouges. Une fois restauré le volume sanguin, il peut administrer de l’oxygène à forte concentration. Ainsi, l’organisme reçoit davantage d’oxygène, et les résultats sont souvent remarquables. Des médecins anglais ont utilisé cette méthode sur une femme qui avait perdu une quantité de sang telle que “son taux d’hémoglobine était descendu à 1,8 g/dl. Elle a été traitée avec succès (...) [par] de fortes concentrations d’oxygène inspiré et des transfusions d’importantes quantités de gélatines fluides [Hémacel]”. (Anaesthesia, janvier 1987.) Le compte rendu précise également que d’autres malades qui avaient subi des pertes de sang importantes ont été traités avec succès par oxygénothérapie hyperbare.
Le médecin peut aussi aider le malade à fabriquer davantage de globules rouges. Comment? En lui administrant, par voie intramusculaire ou intraveineuse, des préparations à base de fer qui permettent à l’organisme de produire des globules rouges trois à quatre fois plus vite qu’en temps normal. Un autre moyen existe depuis peu. En effet, les reins sécrètent une hormone, l’érythropoïétine (EPO), qui stimule la formation de globules rouges par la moelle osseuse. Il existe aujourd’hui une EPO de synthèse (produite par recombinaison). Le médecin peut administrer cette substance à certains malades anémiques, ce qui favorise la reconstitution rapide des globules rouges.
Même en cours d’intervention, chirurgiens et anesthésistes compétents et consciencieux peuvent venir en aide au malade en utilisant des méthodes perfectionnées d’économie de sang. Ainsi, on ne saurait trop conseiller le recours à des techniques opératoires méticuleuses, telles que l’électrocautérisation, pour réduire les saignements. Parfois, le sang peut être aspiré dans le champ opératoire, filtré et renvoyé dans l’appareil circulatoire du maladeb.
Lorsqu’un malade est relié à un cœur-poumon artificiel amorcé avec un liquide non sanguin, l’hémodilution qui s’ensuit peut lui être bénéfique, car il perd moins de globules rouges.
Il y a encore d’autres moyens d’aider le malade. On peut faire baisser la température de son corps, afin de diminuer ses besoins en oxygène pendant l’opération; pratiquer une anesthésie hypotensive; améliorer la coagulation à l’aide d’un traitement approprié; prescrire de la Desmopressine (DDAVP) pour réduire le temps de saignement; utiliser des “scalpels” au laser. La liste ne pourra qu’augmenter sous l’impulsion de tous ceux, médecins et malades soucieux de leur santé, qui refusent la transfusion sanguine. Nous espérons que vous ne perdrez jamais une grande quantité de sang; mais si c’est un jour le cas, il est fort probable que des médecins compétents pourront vous soigner sans avoir recours à la transfusion, qui comporte tant de risques.
CHIRURGIE, OUI, MAIS SANS TRANSFUSION
Aujourd’hui, quantité de personnes refusent de recevoir du sang. Elles réclament, pour raison de santé, ce que les Témoins de Jéhovah demandent pour des motifs d’abord religieux: des soins médicaux de qualité associés à des thérapeutiques de remplacement qui ne fassent pas appel au sang. Comme nous l’avons dit plus haut, la chirurgie lourde est toujours possible dans cette perspective. S’il vous reste encore des doutes, d’autres preuves tirées de la presse médicale les dissiperont peut-être.
L’article “Quadruple prothèse articulaire majeure sur un Témoin de Jéhovah” (Orthopaedic Review, août 1986) parle d’un malade anémique atteint de “lésions destructrices avancées des genoux et des hanches”. Du fer-dextran a été administré avant et après une opération réalisée en plusieurs temps, et qui a réussi. Le British Journal of Anaesthesia (1982) relate le cas d’un Témoin de 52 ans — il s’agissait d’une femme — dont la concentration d’hémoglobine était descendue en dessous de 10. Grâce à une anesthésie hypotensive permettant de limiter les pertes sanguines, on a pu lui poser une prothèse totale de hanche et d’épaule. Une équipe chirurgicale de l’université d’Arkansas, aux États-Unis, a également employé ce procédé pour poser une centaine de prothèses de hanche sur des Témoins, et tous se sont bien remis. Le chef du service auquel appartenait cette équipe a même déclaré: “Ce que nous avons appris avec ces malades (Témoins), nous l’appliquons à toutes les personnes auxquelles nous posons des prothèses totales de hanche.”
La conscience de certains Témoins les autorise à accepter une transplantation d’organe, à condition qu’on n’utilise pas de sang. Un compte rendu portant sur 13 transplantations de reins conclut ainsi: “Les résultats d’ensemble paraissent montrer que la transplantation rénale peut être pratiquée sans risque et avec succès sur la plupart des Témoins de Jéhovah.” (Transplantation, juin 1988). Pareillement, le refus du sang n’a pas été un obstacle au bon déroulement d’opérations telles que des transplantations cardiaques.
Existe-t-il d’autres domaines où l’on opère sans transfusion? Medical Hotline (avril/mai 1983) fait état de chirurgie sur “des Témoins de Jéhovah qui ont subi des opérations gynécologiques et obstétricales importantes [à l’Université d’État Wayne, aux États-Unis] sans transfusion sanguine”. Ce même bulletin ajoute: “Il n’y a pas eu plus de décès ni de complications que dans le cas de femmes ayant subi des opérations similaires avec transfusion sanguine.” On peut ensuite lire l’analyse suivante: “Les résultats de cette étude justifieraient peut-être que soit remise en question l’utilisation du sang chez toutes les femmes ayant à subir des opérations gynécologiques et obstétricales.”
Au centre hospitalier universitaire de Göttingen, en Allemagne, 30 malades qui avaient refusé de recevoir du sang ont subi une opération de chirurgie générale. “Aucune complication n’est survenue qui n’aurait pu se produire avec des malades acceptant les transfusions sanguines. (...) Le fait que le recours à la transfusion ne soit pas possible ne devrait pas être pris au tragique et nous amener à renoncer à une opération nécessaire, et chirurgicalement justifiable.” — Risiko in der Chirurgie, 1987.
Même des opérations du cerveau sont pratiquées sans transfusion sur nombre d’adultes et d’enfants, notamment au New York University Medical Center. En 1989, le docteur Joseph Ransohoff, chef du service de neurochirurgie, a écrit: “Il est tout à fait clair que dans la plupart des cas où le malade s’oppose à l’utilisation de produits sanguins pour des raisons religieuses, on peut se passer de ces substances avec un risque minimum, surtout si l’opération peut être pratiquée sans tarder et dans un temps opératoire relativement court. De plus, et cela est loin d’être négligeable, j’oublie souvent que le malade est Témoin de Jéhovah jusqu’au moment où il quitte l’hôpital et me remercie d’avoir respecté ses convictions religieuses.”
Enfin, des opérations complexes de chirurgie cardio-vasculaire peuvent-elles être pratiquées sans transfusion sur des adultes et sur des enfants? Le docteur Denton Cooley a été un pionnier dans ce domaine. À ce propos, l’article médical reproduit dans l’appendice (pages 27 à 29) fait état d’une analyse effectuée dans le passé par le docteur Cooley et qui l’avait amené à cette conclusion: “Chez les Témoins de Jéhovah, le risque chirurgical n’est guère plus élevé que chez les autres opérés”. Aujourd’hui, après avoir pratiqué 1 106 opérations de ce genre, il écrit: “Dans chaque cas, mon accord ou contrat avec le patient tient bon”, autrement dit le docteur Cooley n’utilise pas de sang.
Les chirurgiens ont remarqué chez les Témoins de Jéhovah une autre caractéristique: leurs bonnes dispositions. “L’état d’esprit de ces patients est exemplaire, a écrit le docteur Cooley en octobre 1989. Ils n’ont pas, comme la plupart des malades, peur des complications ni même de la mort. Ils sont animés d’une foi profonde et durable dans leurs croyances et dans leur Dieu.”
Ce comportement ne signifie pas pour autant qu’ils revendiquent un quelconque “droit à la mort”. Au contraire, ils cherchent à recevoir des soins de qualité, car ils veulent être en bonne santé. Cependant, ils sont convaincus qu’il est sage d’obéir à la loi de Dieu sur le sang, et cette façon de voir les choses a un effet positif sur les opérations qu’ils subissent.
Le professeur V. Schlosser, chirurgien au centre hospitalier universitaire de Fribourg, en Allemagne, a écrit: “Chez ces malades, la fréquence des saignements pendant la période péri-opératoire n’a pas été plus importante; et les complications, si tant est qu’il y en eût, ont été moins nombreuses. La conception particulière que les Témoins de Jéhovah se font de la maladie a eu une influence bénéfique sur le processus péri-opératoire.” — Herz Kreislauf, août 1987.
[Notes]
a Les Témoins n’acceptent pas de transfusions de sang total, de globules rouges ou blancs, de plaquettes ou de plasma. En ce qui concerne les fractions de sang telles que l’immunoglobuline, consulter La Tour de Garde du 1er juin 1990, pages 30 et 31.
b La Tour de Garde du 1er mars 1989, pages 30 et 31, examine les principes bibliques mis en jeu par les méthodes d’économie de sang et les équipements de circulation extracorporelle.
[Encadré, page 13]
“Nous devons en conclure qu’à l’heure actuelle de nombreux malades qui reçoivent des composants sanguins n’ont aucune chance de s’en trouver mieux (ils n’ont pas besoin de sang); par contre, le risque qu’ils souffrent d’effets indésirables est loin d’être négligeable. Aucun médecin ne soumettrait sciemment un malade à une thérapeutique qui ne peut que lui nuire; pourtant, c’est exactement ce qui arrive lorsqu’on administre du sang inutilement.” — Transfusion-Transmitted Viral Diseases, 1987.
[Encadré, page 14]
“D’après certains auteurs, une concentration d’hémoglobine de 2 à 2,5 g/dl peut être acceptable. (...) Un sujet en bonne santé peut supporter une baisse de 50 % de ses globules rouges et ne présenter presque aucun symptôme si la perte de sang est étalée dans le temps.” — Techniques of Blood Transfusion, 1982.
[Encadré, page 15]
“Les conceptions anciennes relatives au transport de l’oxygène vers les tissus, à la cicatrisation et à la ‘valeur nutritionnelle’ du sang sont peu à peu abandonnées. L’expérience acquise avec les Témoins de Jéhovah démontre qu’une anémie grave est bien tolérée.” — The Annals of Thoracic Surgery, mars 1989.
[Encadré, page 16]
Quatorze Témoins de Jéhovah espagnols souffrant de lésions cardiaques congénitales ou acquises ont été opérés avec succès. Les chirurgiens en ont conclu que, “sous circulation extracorporelle, on peut opérer efficacement de diverses malformations cardiaques un pourcentage important de ces malades, le non-recours à la transfusion n’entraînant pas d’augmentation sensible du taux de mortalité”. — Revista Española de Cardiología, septembre-octobre 1981.
[Illustration, page 15]
En chirurgie cardiaque, le cœur-poumon artificiel est d’une grande aide chez les malades qui ne veulent pas de sang.
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Vous avez le droit de choisirComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Vous avez le droit de choisir
Il existe aujourd’hui une démarche médicale (analyse du “rapport risques-bénéfices”) qui aide médecins et malades à mieux réfléchir ensemble à la solution qui leur permettra de ne pas utiliser de sang. Les médecins pèsent les avantages et les inconvénients d’une certaine substance ou d’un certain mode opératoire, examen auquel les malades peuvent s’associer.
Considérons, par exemple, une affection qui se rencontre un peu partout: l’amygdalite chronique. Admettons que vous en soyez atteint; vous allez probablement voir un médecin. Il se peut même que vous en consultiez deux, puisque les spécialistes de la santé conseillent souvent de prendre un second avis. L’un des praticiens vous recommande peut-être l’opération. Il vous renseigne sur la durée d’hospitalisation, vous dit si vous allez beaucoup souffrir et combien cela va vous coûter. En ce qui concerne les inconvénients, il vous apprend que ce genre d’opération ne provoque généralement pas de saignement important, et que les risques de décès sont très rares. D’un autre côté, le deuxième médecin vous conseille d’essayer un traitement antibiotique. Il vous parle de la substance que l’on vous administrera, des chances de réussite et du coût. Quant aux risques, il affirme que très peu de malades ont, en présence de cette substance, des réactions susceptibles de mettre leur vie en danger.
Chacun des médecins a probablement évalué en toute compétence les avantages et les inconvénients des solutions possibles; c’est maintenant à vous qu’il appartient d’examiner ces mêmes données, ainsi que d’autres facteurs que vous connaissez mieux que quiconque. (C’est vous, en effet, qui êtes le mieux placé pour juger de votre état affectif ou spirituel, des moyens financiers de votre famille, des conséquences que votre choix pourra avoir sur elle et de vos principes de vie.) Ensuite, vous décidez. Peut-être donnez-vous votre consentement à l’une des thérapeutiques et refusez-vous l’autre, cela en pleine connaissance de cause.
Il en sera de même si c’est votre enfant qui est atteint d’une amygdalite chronique. Vous serez informé des avantages et inconvénients des thérapeutiques envisageables, vous, qui aimez votre enfant, vous, qui êtes le plus directement touché par ce qui arrive et qui aurez à assumer les conséquences à long terme du choix effectué. Après avoir tout examiné, vous pouvez prendre, en connaissance de cause, une décision qui concerne la santé, voire la vie, de votre enfant. Peut-être choisissez-vous l’opération, avec les risques qu’elle comporte. D’autres parents opteraient peut-être pour les antibiotiques, qui ne sont pas non plus sans dangers. En effet, de même que les conseils des médecins diffèrent, de même les malades ou les parents ont des opinions différentes sur ce qui semble être la meilleure thérapeutique. Voilà ce que signifie faire un choix en connaissance de cause, c’est-à-dire en étant informé des avantages et des inconvénients qu’il présente.
En ce qui concerne le sang, toute personne qui examine objectivement les faits est obligée de reconnaître que les transfusions comportent de grands risques. Le docteur Charles Huggins, directeur du service de transfusion d’un grand établissement hospitalier du Massachusetts, a clairement dit: “Jamais le sang n’a été d’aussi bonne qualité. Pourtant, il doit être considéré comme présentant des risques inéluctables. C’est la substance la plus dangereuse que nous utilisions en médecine.” — The Boston Globe Magazine, 4 février 1990.
Les praticiens ont, à juste titre, reçu ce conseil: “Il est nécessaire de réévaluer également la part des risques dans le rapport risques-bénéfices de la transfusion sanguine et de chercher des solutions de remplacement.” (C’est nous qui soulignons). — Perioperative Red Cell Transfusion, conférence des National Institutes of Health, 27-29 juin 1988.
Il se peut que les médecins ne soient pas d’accord sur les avantages et les inconvénients que présente l’utilisation du sang. Tel qui administre beaucoup de transfusions est peut-être convaincu que le risque encouru en vaut la peine. Tel autre pense que ce risque est inutile, car il obtient de bons résultats par des traitements non sanguins. En dernière analyse, cependant, c’est vous, le malade, le père ou la mère, qui devez décider. Pourquoi cela? Parce que dans cette affaire, ce sont votre organisme, votre vie, vos principes, ou ceux de votre enfant, et, beaucoup plus important, vos relations avec Dieu, ou les siennes, qui sont en jeu.
VOTRE DROIT EST RECONNU
Dans nombre de pays, le malade a aujourd’hui un droit inaliénable: celui de décider du traitement dont il va bénéficier. “La loi relative au consentement éclairé se fonde sur deux prémisses: premièrement, le malade a le droit d’être suffisamment informé sur le traitement recommandé, afin de pouvoir faire un choix en connaissance de cause; deuxièmement, le malade peut décider d’accepter ou de refuser la thérapeutique recommandée par le médecin. (...) Si on ne considère pas que le malade a le droit d’être d’accord ou non, et même d’être d’accord à certaines conditions, le principe du consentement éclairé perd une grande partie de sa valeur.” — Informed Consent — Legal Theory and Clinical Practice, 1987a.
Il arrive que certains malades aient du mal à faire valoir leurs droits. La résistance qu’ils rencontrent pouvant venir d’un ami farouchement opposé, dans le cas que nous avons évoqué, à l’amygdalectomie ou aux antibiotiques; ou bien d’un médecin convaincu de la justesse de son conseil; ou bien encore d’un hôpital en désaccord avec le malade pour des raisons juridiques ou financières.
“Quantité d’orthopédistes décident de ne pas opérer [les Témoins], déclare le docteur Carl Nelson. Nous croyons que le malade a le droit de refuser n’importe quelle thérapeutique. S’il est techniquement possible d’effectuer une intervention en toute sécurité sans avoir recours à un traitement particulier, comme la transfusion, on devrait pouvoir trouver une solution.” — The Journal of Bone and Joint Surgery, mars 1986.
Le malade doit faire preuve de respect et ne pas insister auprès du médecin pour qu’il utilise une thérapeutique qu’il maîtrise mal. Cependant, comme le fait remarquer le docteur Nelson, nombre de médecins consciencieux ont la possibilité de traiter le malade en tenant compte de ses croyances. En Allemagne, une autorité en la matière a donné ce conseil: “Le médecin ne peut pas refuser son aide (...) en considérant qu’avec un Témoin de Jéhovah il n’a pas tous les moyens médicaux à sa disposition. Même si son champ d’action est réduit, il n’en a pas moins le devoir de prêter assistance au malade.” (Der Frauenarzt, mai-juin 1983). Pareillement, la raison d’être des hôpitaux n’est pas de rapporter de l’argent, mais d’accomplir un service pour tous sans discrimination. Le théologien catholique Richard Devine a dit: “Il est vrai que l’hôpital doit faire tout ce qui est médicalement en son pouvoir pour préserver la vie et la santé du malade; néanmoins, il doit aussi veiller à ce que les soins donnés ne violent pas [sa] conscience. En outre, il doit éviter toute forme de coercition, depuis la persuasion jusqu’à la décision judiciaire ordonnant qu’une transfusion sanguine soit administrée de force.” — Health Progress, juin 1989.
MIEUX QUE LES TRIBUNAUX
De l’avis de beaucoup, un tribunal n’est pas le lieu pour débattre de questions médicales tout à fait personnelles. Que diriez-vous si vous choisissiez un traitement antibiotique et que quelqu’un fasse appel à la justice pour vous obliger à subir une ablation des amygdales? Il se peut que le médecin veuille vous faire bénéficier de ce qu’il considère comme les meilleurs soins possible, mais son rôle n’est pas de rechercher des moyens légaux pour vous priver de vos droits fondamentaux. En outre, puisque la Bible accorde à l’interdit relatif au sang la même importance morale qu’à celui qui s’applique à la fornication, forcer un chrétien à absorber du sang revient en quelque sorte à le violer. — Actes 15:28, 29.
Toutefois, on peut lire dans Informed Consent for Blood Transfusion (1989) que certains juges sont tellement désemparés lorsqu’un malade est prêt à accepter un certain risque en vertu de ses droits religieux “qu’ils trouvent des exceptions juridiques — ou, si vous préférez, des inventions juridiques — pour autoriser une transfusion”. Ils tentent peut-être de justifier leur décision en invoquant une grossesse ou des enfants à élever. “Il s’agit là d’inventions juridiques, poursuit le livre. Les adultes juridiquement capables sont habilités à refuser un traitement.”
Certains de ceux qui veulent absolument recourir à la transfusion sanguine ignorent que les Témoins ne refusent pas toutes les thérapeutiques. À vrai dire, ils n’en refusent qu’une, laquelle, même de l’avis des spécialistes, est loin d’être sans danger. Habituellement, un cas médical peut être traité de différentes manières. L’une présente tel risque, une autre tel autre risque. Un tribunal ou un médecin aux accents paternalistes peut-il savoir quel risque préserve au mieux “votre intérêt”? C’est à vous qu’il appartient d’en juger. Les Témoins de Jéhovah sont fermes sur ce point: ils ne veulent pas que quelqu’un décide à leur place. Ils ont personnellement, devant Dieu, la responsabilité de faire ce choix.
Quelles conséquences pourrait avoir sur votre conscience et, facteur très important, sur votre désir de vivre, une décision de justice statuant que l’on doit vous administrer de force un traitement dont vous ne voulez absolument pas? Selon le docteur Konrad Drebinger, “cela serait une forme d’ambition médicale tout à fait mal placée, qui conduirait à forcer un malade à accepter une thérapeutique donnée, en faisant fi de sa conscience, ce qui aurait pour effet de soigner le corps, mais de porter au psychisme un coup mortel”. — Der Praktische Arzt, juillet 1978.
ILS AIMENT LEURS ENFANTS ET PRENNENT SOIN D’EUX
Lorsque la justice intervient pour imposer une transfusion sanguine, c’est le plus souvent parce qu’un enfant est concerné. Les chrétiens, qui sont de bons parents, demandent avec respect qu’on n’administre pas de sang à leurs enfants; pourtant, il arrive que des médecins recherchent l’appui de la justice pour pouvoir procéder à une transfusion. Naturellement, les chrétiens reconnaissent le bien-fondé des lois et des actions en justice destinées à protéger un enfant contre tous sévices ou toute négligence. Peut-être, vous-même, avez-vous entendu parler de parents qui brutalisent leur enfant ou lui refusent tout soin médical. Cela est horrible. Dans ce cas, il est certain que les autorités se doivent d’intervenir pour protéger l’enfant. Toutefois, il est clair que cela n’a rien à voir avec un autre genre de situation: quand des parents attentionnés demandent que soit utilisée une thérapeutique hautement perfectionnée, mais qui ne fasse pas appel au sang.
D’habitude, lorsqu’un tribunal est saisi, c’est pour statuer sur le cas d’un enfant déjà hospitalisé. Comment est-il arrivé en ce lieu, et pourquoi? Presque toujours, ce sont ses parents qui, soucieux de sa santé, l’y ont fait entrer pour qu’il y reçoive un traitement de qualité. De même que Jésus s’intéressait aux enfants, de même les parents chrétiens prennent soin de leurs enfants. La Bible ne dit-elle pas qu’“une mère entoure de soins les enfants qu’elle nourrit”? C’est ce profond amour que les Témoins de Jéhovah éprouvent pour leurs enfants. — 1 Thessaloniciens 2:7; Matthieu 7:11; 19:13-15.
Bien sûr, tous les parents prennent des décisions qui ont des conséquences sur la sécurité ou la vie de leurs enfants: la famille doit-elle se chauffer au gaz ou au mazout? Doit-on entreprendre un long voyage avec l’enfant? Peut-il aller se baigner? Ces choix comportent des risques, dont certains peuvent être mortels. Néanmoins, dans ces domaines, la société reconnaît aux parents le droit de prendre presque toutes les décisions regardant leurs enfants.
En 1979, la Cour suprême des États-Unis a déclaré sans ambiguïté: “La conception que la loi se fait de la famille repose sur ce postulat: les parents possèdent ce qui manque à l’enfant en matière de maturité, d’expérience et de capacité de jugement, qualités nécessaires pour prendre les décisions difficiles de la vie. (...) Le fait que la décision du père ou de la mère [sur une question médicale] comporte des risques ne transfère pas automatiquement le pouvoir de décision des parents à quelque organisme ou agent de l’État.” — Parham v. J. R.
Cette même année, la cour d’appel de New York a rendu l’avis suivant: “Le facteur le plus important permettant de déterminer si un enfant est privé de soins médicaux convenables (...) est celui-ci: en tenant compte de toutes les circonstances, peut-on dire que les parents ont fait suivre à l’enfant un traitement médical acceptable? Cette question ne peut être posée en termes de ‘bonne’ ou de ‘mauvaise’ décision des parents, car l’état actuel de la pratique médicale, malgré ses progrès considérables, permet très rarement de tirer des conclusions aussi définitives. De la même manière, aucun tribunal ne peut se substituer aux parents.” — In re Hofbauer.
Rappelez-vous l’exemple de parents qui doivent choisir entre une opération et un traitement antibiotique. Chaque thérapeutique comporte des risques. Des parents aimants ont la responsabilité de déterminer les avantages, inconvénients et autres facteurs en jeu, puis de prendre une décision. À cet égard, le docteur Jon Samuels (Anesthesiology News, octobre 1989) a proposé de réviser l’ouvrage Guides to the Judge in Medical Orders Affecting Children dans ce sens:
“La connaissance médicale n’est pas assez grande pour permettre à un médecin de prédire avec suffisamment de certitude si son malade va vivre ou mourir (...). Si l’on doit choisir une thérapeutique — si, par exemple, le médecin recommande une thérapeutique qui a 80 % de chances de réussir, mais à laquelle les parents sont opposés, et que les parents ne soient pas défavorables à une thérapeutique qui n’a que 40 % de chances d’aboutir — le médecin doit opter, même si c’est la plus risquée, pour la solution qui a l’assentiment des parents.”
Étant donné que l’on a découvert de nombreux risques mortels liés à l’utilisation médicale du sang et que des thérapeutiques de remplacement efficaces ont été mises au point, la solution qui écarte la transfusion n’est-elle pas en définitive la moins dangereuse?
Naturellement, si leur enfant a besoin d’une opération, les chrétiens pèsent les nombreuses données du problème. Toute intervention chirurgicale, avec ou sans transfusion, présente des risques. Quel chirurgien donne des garanties? Les parents savent peut-être que des praticiens compétents obtiennent d’excellents résultats sur des enfants de Témoins, et cela sans utiliser de sang. Par conséquent, si un médecin ou un hôpital a une optique différente, plutôt que de provoquer une bataille juridique éprouvante et qui demandera du temps, n’est-il pas plus raisonnable de collaborer avec des parents aimants? Les parents peuvent aussi faire transférer leur enfant dans un autre hôpital, dont le personnel a l’expérience de tels cas, et qui est disposé à prendre l’enfant en charge. Au demeurant, le traitement sans transfusion a davantage de chances d’être de qualité, car, comme nous l’avons vu plus haut, il peut aider la famille à atteindre des “buts médicaux et non médicaux légitimes”.
[Note]
a Voir l’article “L’usage du sang: qui doit en décider? Quelle conscience respecter?” reproduit dans l’appendice, pages 30 et 31.
[Encadré, page 18]
DES GARANTIES LÉGALES
Pourquoi médecins et hôpitaux sont-ils parfois si prompts à intenter une action en justice afin de pouvoir administrer du sang? Bien souvent, dans certains endroits, la raison en est qu’ils ont peur d’être tenus pour responsables.
Il n’y a pas lieu de s’inquiéter parce qu’un Témoin de Jéhovah choisit un traitement qui ne fait pas appel au sang. Un médecin qui exerce à la faculté de médecine Albert Einstein, aux États-Unis, écrit: “La plupart [des Témoins] signent volontiers le texte proposé par l’Association des médecins américains qui dégage le praticien et l’hôpital de toute responsabilité, et beaucoup portent sur eux une carte à l’attention des médecins. Un texte dûment daté et signé indiquant le ‘refus de tout produit sanguin’ est un accord contractuel juridiquement valide.” — Anesthesiology News, octobre 1989.
Ainsi, dans un esprit de coopération, les Témoins de Jéhovah offrent au praticien ou à l’hôpital la garantie légale qu’ils ne seront pas poursuivis pour avoir pratiqué une thérapeutique non sanguine à la demande du malade. Comme le recommandent certaines autorités médicales, tous les Témoins portent sur eux un document médical renouvelé annuellement, et signé par la personne et par des témoins, souvent ses plus proches parents.
En mars 1990, la Cour suprême de l’Ontario, au Canada, a soutenu une décision qui exprimait ainsi son approbation vis-à-vis de ce document: “Cette carte est une déclaration écrite indiquant une position tout à fait acceptable que le porteur de la carte peut légitimement prendre en imposant une restriction écrite au contrat qu’il passe avec le médecin.” Voici ce que dit le professeur Daniel Andersen dans Medicinsk Etik (1985): “S’il existe un document écrit dans lequel le malade déclare sans ambiguïté qu’il est Témoin de Jéhovah et ne veut en aucun cas qu’on lui administre de sang, le respect de l’autonomie du malade exige que ce désir soit respecté, comme il le serait s’il avait été exprimé oralement.”
Les Témoins signent également des décharges à l’intention des hôpitaux. L’un de ces textes, utilisé à l’hôpital de Fribourg, en Allemagne, comporte un espace vide où le médecin peut indiquer quels renseignements il a donnés au malade à propos du traitement. En outre, au-dessus des signatures du médecin et du malade, on trouve cette déclaration: “Appartenant à l’organisation religieuse des Témoins de Jéhovah, je refuse catégoriquement que l’on m’administre du sang ou des composants sanguins étrangers pendant l’opération. Je suis conscient que les risques liés à la thérapeutique qui a été prévue et qui est nécessaire s’en trouvent augmentés en raison de complications hémorragiques. Après avoir reçu des explications complètes, en particulier sur ce point, je demande que l’opération en question soit pratiquée sans administration de sang ou de composants sanguins étrangers.” — Herz Kreislauf, août 1987.
À vrai dire, il se peut que l’on prenne moins de risques en n’utilisant pas de sang. Toutefois, si les Témoins signent volontiers ces décharges, c’est dans le but de dégager le praticien et son personnel de tout souci inutile, afin qu’ils puissent se consacrer à la tâche qui est la leur: soigner les malades. Cette coopération profite à chacun, comme le montre le docteur Angelos Kambouris dans “Chirurgie lourde de l’abdomen sur des Témoins de Jéhovah”:
“Le chirurgien doit se sentir lié par l’accord qu’il a passé avant l’opération, et il doit s’y tenir en dépit de ce qui peut arriver pendant ou après celle-ci. [Cette façon de procéder] dispose favorablement le malade envers le traitement et dégage le chirurgien de toute préoccupation juridique ou philosophique, lui permettant de porter son attention sur l’aspect chirurgical et technique de l’acte: il peut ainsi opérer dans les meilleures conditions et servir au mieux les intérêts de son malade.” — The American Surgeon, juin 1987.
[Encadré, page 19]
“Le recours abusif à la technologie médicale est pour beaucoup dans l’augmentation des dépenses de santé que l’on constate aujourd’hui. (...) En raison de son coût et du risque considérable qu’elle comporte, la transfusion sanguine figure en bonne place dans ce tableau. Voilà pourquoi l’American Joint Commission on Accreditation of Hospitals [Commission américaine de tutelle des centres hospitaliers] l’a classée dans la rubrique ‘usage excessif, risque important et source d’erreurs’.” — Transfusion, juillet-août 1989.
[Encadré, page 20]
États-Unis: “S’il est nécessaire d’agir avec le consentement du malade, c’est en vertu du concept d’autonomie de l’individu, selon lequel c’est l’intéressé qui doit décider de son sort. Cette exigence du consentement a un fondement juridique, à savoir qu’un acte médical accompli sans le consentement du malade constitue une voie de fait.” — Informed Consent for Blood Transfusion, 1989.
Espagne: “Au sens où cela constitue une violation des droits fondamentaux de la personne, il est probablement illégal d’administrer du sang ou des dérivés sanguins à un Témoin de Jéhovah adulte et en possession de toutes ses facultés mentales, cela contre sa volonté librement exprimée. Agir ainsi est, à notre avis, contraire à tout principe.” — Revista Española de Cardiología, septembre-octobre 1981.
France: “Nous devons respecter les convictions personnelles du patient, nous ne pouvons imposer une décision, par exemple une interruption de grossesse, qui nous semblerait ‘bonne’ pour la famille et pour la santé publique.” — La Croix, 17 mars 1988.
[Encadré, page 21]
“Je trouve que les familles [de Témoins de Jéhovah] sont étroitement unies et qu’il y règne l’amour, écrit le docteur Lawrence Frankel. Les enfants sont bien élevés, attentionnés et respectueux. (...) Il semble même qu’ils se conforment mieux que les autres malades aux décisions du médecin, ce qui pourrait être de leur part un effort pour montrer qu’ils acceptent les interventions de la médecine dans la mesure où le leur permettent leurs croyances.” — Service de pédiatrie, M. D. Anderson Hospital and Tumor Institute, Houston, États-Unis, 1985.
[Encadré, page 22]
“L’acharnement thérapeutique est un abus de pouvoir, et l’enfant ne doit pas être un objet entre les mains d’un médecin qui, au nom de convictions personnelles, se permettrait de commettre des gestes non souhaités par la famille.” — docteur Alexandre Minkowski, La Croix, 17 mars 1988.
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Le sang qui sauve vraiment des viesComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Le sang qui sauve vraiment des vies
De ce que nous venons d’examiner nous pouvons tirer quelques conclusions. Bien que beaucoup de gens pensent qu’elles sauvent des vies, les transfusions sanguines présentent de nombreux risques. Chaque année, en effet, des milliers de malades meurent des suites d’une transfusion et une foule considérable d’autres personnes contractent de graves maladies qui peuvent laisser des séquelles. Par conséquent, même d’un point de vue purement humain, il est sage de suivre le conseil biblique et de ‘s’abstenir de sang’. — Actes 15:28, 29.
En demandant un traitement qui ne fasse pas appel au sang, on se garde de nombreux dangers. De plus, comme l’attestent quantité de comptes rendus médicaux, les chirurgiens compétents qui acceptent de pratiquer ces thérapeutiques délicates sur les Témoins de Jéhovah ont acquis une technique sûre et efficace. Ces médecins, qui donnent des soins de qualité sans recourir à la transfusion, ne transigent pas avec les principes chers à la médecine. Ils ne font que montrer du respect pour le droit que possède le malade de connaître les avantages et les inconvénients d’une thérapeutique, ce qui lui permet — n’y va-t-il pas de son existence? — de choisir en connaissance de cause quel traitement on va faire subir à son organisme.
Bien sûr, nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que tout le monde soit d’accord avec cette analyse. Les humains ont une conscience, des principes et des vues sur la médecine qui diffèrent. Par conséquent, il se peut que certaines personnes, y compris des médecins, aient du mal à accepter qu’un malade refuse une transfusion. Un chirurgien new-yorkais a écrit: “Je n’oublierai jamais ce qui s’est passé il y a 15 ans, lorsque, jeune interne, je me trouvais au chevet d’un Témoin de Jéhovah souffrant d’un ulcère du duodénum. Il perdait beaucoup de sang, et il est mort. Nous avons respecté sa volonté: nous ne l’avons pas transfusé; mais j’ai toujours en mémoire ce profond sentiment d’impuissance et d’irritation que moi, le médecin, j’ai éprouvé à ce moment-là.”
Ce chirurgien croyait sans doute qu’une transfusion aurait sauvé la vie à son malade. Pourtant, l’année qui a suivi cette déclaration, on a pu lire dans le British Journal of Surgery (octobre 1986) qu’avant l’introduction de la transfusion, l’hémorragie gastro-intestinale présentait “un taux de mortalité de seulement 2,5 %”. Depuis que la transfusion est devenue courante, ‘la plupart des grandes études font état d’un taux de mortalité de 10 %’. Pourquoi ce taux quatre fois plus élevé? L’étude propose l’hypothèse suivante: “Administrée trop tôt, la transfusion sanguine semble inverser la réaction d’hypercoagulabilité à l’hémorragie, ce qui favorise de nouveau le saignement.” Par conséquent, il se pourrait bien qu’en n’acceptant pas d’être transfusé le Témoin atteint d’un ulcère hémorragique ait mis toutes les chances de survie de son côté.
Le chirurgien en question ajoute: “Avec le temps et après avoir soigné de nombreux malades, ma façon de voir les choses a quelque peu changé. Aujourd’hui, je pense que la confiance entre le malade et son médecin, et le devoir de respecter la volonté du malade, sont beaucoup plus importants que la nouvelle technologie médicale qui nous entoure. (...) D’autre part, le sentiment d’impuissance et d’irritation qui m’avait animé à l’époque a cédé la place à un profond respect pour la foi inébranlable de ce malade.” Il conclut par ces mots: ‘Cela me rappelle que, quelles que soient mon opinion ou les conséquences d’un choix médical, je devrais toujours respecter la volonté et les croyances de mes malades.’
Ce que de nombreux médecins en viennent à comprendre “avec le temps et après avoir soigné de nombreux malades”, il se peut que vous-même en ayez pris conscience. Même avec les meilleurs soins prodigués dans les meilleurs hôpitaux, un jour ou l’autre on finit par mourir. Avec ou sans la transfusion, on meurt. Oui, tous nous vieillissons et approchons du terme. Cette vue n’est pas fataliste, elle est réaliste. La mort fait partie de la vie.
La réalité montre que la plupart de ceux qui ne tiennent pas compte de la loi de Dieu relative au sang subissent, un jour ou l’autre, les conséquences de leur acte. Il arrive même que certains en meurent; quant aux autres, leur vie aura une fin. Par conséquent, les transfusions sanguines ne sauvent pas des vies pour toujours.
Les personnes qui, pour des raisons religieuses ou médicales, refusent la transfusion mais acceptent des thérapeutiques de remplacement s’en portent tout à fait bien. Elles peuvent ainsi prolonger leur vie de quelques années. Mais pas éternellement.
Tous les humains sont imparfaits et meurent peu à peu. Cette constatation nous amène à une vérité fondamentale, autour de laquelle tourne tout ce que la Bible dit du sang. Si nous comprenons cette vérité et lui accordons l’importance qu’elle mérite, nous verrons comment le sang peut vraiment sauver des vies, y compris la nôtre, et cela de façon durable.
LE SEUL SANG QUI SAUVE
Comme nous l’avons dit plus haut, Dieu commanda à toute l’humanité de ne pas “manger” de sang. Pourquoi cela? Parce que le sang représente la vie (Genèse 9:3-6). Par la suite, il développa ce point dans la Loi qu’il donna à Israël. À l’époque où ce code de lois fut ratifié, le sang des animaux sacrifiés était répandu sur un autel (Exode 24:3-8). Ces diverses lois avaient été conçues en fonction de la nature imparfaite — pécheresse, nous dit la Bible — de tous les humains. Dieu indiqua aux Israélites qu’en lui offrant des sacrifices d’animaux, ils pouvaient montrer qu’ils reconnaissaient une chose: que leurs péchés devaient être effacés (Lévitique 4:4-7, 13-18, 22-30). Certes, c’est là ce que Dieu demandait à ses véritables adorateurs de l’époque, et non pas ce qu’il leur demande aujourd’hui. Néanmoins, ces choses ont pour nous une importance capitale.
Dieu lui-même exposa le principe qui était à l’origine de ces sacrifices: “L’âme [ou la vie] de la chair est dans le sang, et, moi, je l’ai mis pour vous sur l’autel, pour faire propitiation pour vos âmes, car c’est le sang qui fait propitiation par l’âme qui est en lui. C’est pourquoi j’ai dit aux fils d’Israël: ‘Nulle âme d’entre vous ne devra manger du sang.’” — Lévitique 17:11, 12.
Dans l’antique Israël, lors de la fête appelée Jour des Propitiations, le grand prêtre pénétrait dans la partie la plus sacrée du temple, haut lieu du culte rendu à Dieu, portant avec lui un peu du sang des animaux sacrifiés. Par cet acte symbolique, il demandait à Dieu d’effacer les péchés du peuple (Lévitique 16:3-6, 11-16). Ces sacrifices ne supprimaient pas tout péché, aussi fallait-il recommencer chaque année. Néanmoins, cet usage du sang fournit un modèle riche de sens.
Selon l’un des enseignements principaux de la Bible, Dieu allait, un jour, offrir un sacrifice parfait qui pourrait faire entièrement propitiation pour les péchés de tous les croyants. C’est ce que l’on appelle la rançon, qui a trait au sacrifice du Messie, ou Christ, promis.
La Bible compare le rôle du Messie à ce qui se passait le Jour des Propitiations: “Quand Christ est venu comme grand prêtre des bonnes choses qui sont arrivées, par le moyen de la tente [ou du temple] plus grande et plus parfaite qui n’est pas faite à la main, (...) il est entré une fois pour toutes dans le lieu saint [les cieux], non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, et il nous a obtenu une délivrance éternelle. D’ailleurs, selon la Loi, presque toutes choses sont purifiées par le sang, et sans effusion de sang il n’y a pas de pardon.” — Hébreux 9:11, 12, 22.
On comprend donc pourquoi il est nécessaire d’avoir la pensée de Dieu sur le sang. Étant le Créateur de toute chose, c’est légitimement qu’il a fixé l’usage exclusif que l’on doit en faire. En s’abstenant de sang animal ou humain, les Israélites des temps anciens pouvaient protéger leur santé, mais ce n’était pas là l’aspect le plus important (Ésaïe 48:17). S’ils ne devaient pas maintenir leur vie à l’aide du sang, c’était, non pas principalement parce que leur santé en aurait pâti, mais parce qu’il s’agissait d’un acte exécrable aux yeux de Dieu. Ils devaient s’abstenir de sang, non parce qu’il était contaminé, mais parce qu’il était un précieux moyen d’obtenir le pardon.
Voici l’explication que Paul a donnée de la rançon: “Par son entremise [celle de Christ], nous avons la libération par rachat en vertu du sang de celui-là, oui, le pardon de nos fautes, selon la richesse de sa faveur imméritée.” (Éphésiens 1:7). Le terme grec original est ici correctement rendu par “sang”, mais certaines versions de la Bible lui substituent le mot “mort”, ce en quoi elles ont tort. En effet, le lecteur risque ainsi de ne pas voir l’importance que le Créateur accorde au sang ni la valeur sacrificielle qu’il lui a associée.
Le Christ, sacrifice rédempteur parfait, est mort mais n’est pas demeuré dans la mort: la Bible est imprégnée de cet événement. Suivant le modèle que Dieu avait fourni en instituant le Jour des Propitiations, Jésus fut élevé au ciel “afin de paraître maintenant pour nous devant la personne de Dieu”. C’est là qu’il présenta la valeur de son sang sacrificiel (Hébreux 9:24). La Bible précise que nous devons fuir toute conduite qui reviendrait à ‘piétiner le Fils de Dieu et à estimer son sang comme une chose de valeur ordinaire’. C’est à cette seule condition que nous pouvons conserver de bonnes relations avec Dieu et demeurer en paix avec lui. — Hébreux 10:29; Colossiens 1:20.
JOUISSONS DE LA VIE SAUVÉE PAR LE SANG
La compréhension de ce que Dieu dit du sang nous remplit d’un immense respect pour sa valeur salvatrice. Les Écritures parlent de Jésus comme de celui “qui nous aime et qui nous a déliés de nos péchés par le moyen de son propre sang”. (Révélation 1:5; Jean 3:16.) Oui, par le moyen du sang de Jésus nous pouvons recevoir le pardon total et durable de nos péchés. L’apôtre Paul a écrit: “Combien plus, donc, puisque maintenant nous avons été déclarés justes par son sang, serons-nous par son entremise sauvés du courroux.” Voilà comment la vie peut être sauvée de façon durable par le sang. — Romains 5:9; Hébreux 9:14.
Il y a longtemps de cela, Jéhovah Dieu a donné l’assurance que, par l’entremise du Christ, ‘toutes les familles de la terre pourraient se bénir’. (Genèse 22:18.) L’une de ces bénédictions consistera à faire de la terre un paradis. Alors, l’humanité fidèle ne sera plus affligée par la maladie, le vieillissement, ni même la mort; elle jouira de bienfaits bien supérieurs à l’aide temporaire que la médecine peut nous offrir aujourd’hui. Nous possédons cette merveilleuse promesse: “Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus. Les choses anciennes ont disparu.” — Révélation 21:4.
Par conséquent, il est sage d’obéir à tous les commandements de Dieu, notamment celui relatif au sang. Nous ne voulons pas faire du sang un mauvais usage, même dans le domaine médical, ni vivre pour l’instant présent. Bien plutôt, nous désirons tenir la vie en haute estime, ayant en vue notre espérance de vivre éternellement dans la perfection humaine.
[Encadré, page 25]
Si les serviteurs de Dieu refusaient de se maintenir en vie à l’aide du sang, c’était, non pas parce que leur santé en aurait pâti, mais parce qu’il s’agissait d’un acte exécrable; non parce que le sang était contaminé, mais parce qu’il était précieux.
[Illustration, page 24]
“Par son entremise [celle de Jésus], nous avons la libération par rachat en vertu du sang de celui-là, oui, le pardon de nos fautes.” — Éphésiens 1:7
[Illustration, page 26]
La vie sauvée grâce au sang de Jésus pourra se perpétuer indéfiniment sur une terre paradisiaque où les humains jouiront d’une santé parfaite.
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Le défi médical et moral des Témoins de JéhovahComment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Appendice
Le défi médical et moral des Témoins de Jéhovah
Ce texte, publié dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) du 27 novembre 1981 (volume 246, no 21, pages 2471, 2472), est reproduit avec l’autorisation de l’Association des médecins américains. Copyright 1981, American Medical Association.
Les médecins qui soignent les Témoins de Jéhovah se trouvent placés devant un défi. En effet, leurs convictions religieuses font que les membres de cette confession refusent les transfusions de sang total, homologue et autologue, l’injection de concentrés érythrocytaires, de globules blancs ou de plaquettes sanguines. Par contre, beaucoup acceptent l’utilisation d’un cœur-poumon artificiel, d’un dialyseur ou d’un équipement similaire, à condition que l’amorce soit faite avec des produits non sanguins et que le sang continue à circuler normalement dans le circuit extra-corporel. Le corps médical n’a pas à s’inquiéter de sa responsabilité légale, car les Témoins, refusant en connaissance de cause qu’on leur administre du sang, font toutes les démarches nécessaires pour dégager la responsabilité du médecin. En outre, les Témoins acceptent des produits non sanguins de remplacement. L’emploi de ces substituts, associé à des soins méticuleux, permet aux médecins de pratiquer toutes sortes d’opérations de chirurgie lourde sur des Témoins de Jéhovah adultes ou mineurs. Ainsi, on a mis au point une méthode de traitement destinée à ces patients, méthode conforme au principe qui requiert de traiter “l’homme total”. (JAMA 1981; 246:2471, 2472.)
LES médecins se trouvent placés devant un problème important, et qui prend une ampleur croissante. Il y a, aux États-Unis, plus d’un demi-million de Témoins de Jéhovah, lesquels refusent la transfusion sanguine. Il faut savoir que le nombre de ces Témoins et de leurs sympathisants ne cesse d’augmenter. Autrefois, quantité de médecins et de responsables d’hôpitaux estimaient que le refus de la transfusion relevait de la justice et ils sollicitaient auprès des tribunaux l’autorisation d’agir en fonction de ce qu’il leur semblait être médicalement recommandable; cependant, des publications médicales récentes laissent apparaître un changement d’état d’esprit tout à fait notable. Ce phénomène, sans doute dû à une plus grande expérience en chirurgie sur des malades dont le taux d’hémoglobine est très faible, est peut-être le signe d’une meilleure prise de conscience du concept juridique de “consentement éclairé du malade”.
En chirurgie réglée et en traumatologie, bon nombre de Témoins, adultes ou mineurs, sont aujourd’hui traités sans transfusion sanguine. Récemment, [aux États-Unis,] des représentants des Témoins de Jéhovah ont rencontré les équipes médicales et les personnels administratifs de quelques-uns des plus grands établissements hospitaliers du pays. Ces entretiens ont favorisé une meilleure compréhension et ont permis de résoudre certains problèmes relatifs aux procédés d’économie de sang, aux transplantations et aux conflits d’ordre médico-légal.
LES TÉMOINS ET LES TRAITEMENTS MÉDICAUX
Les Témoins de Jéhovah reçoivent des traitements médicaux et bénéficient d’interventions chirurgicales. On compte parmi eux un certain nombre de médecins, et même des chirurgiens. Toutefois, les Témoins sont des gens profondément religieux, et, selon leur croyance, la transfusion de sang leur est interdite par des passages bibliques comme ceux-ci: “Seulement la chair avec son âme — son sang — vous ne devrez pas la manger.” (Genèse 9:3, 4). “[Vous devrez] en verser le sang et le couvrir de poussière.” (Lévitique 17:13, 14). Et ‘abstenez-vous de la fornication, et de ce qui est étouffé, et du sang1’. (Actes 15:19-21.)
Bien que ces versets ne soient pas formulés dans un langage médical, les Témoins considèrent qu’ils condamnent les transfusions de sang total, de concentrés érythrocytaires et de plasma, ainsi que l’administration de globules blancs et de plaquettes. Toutefois, la compréhension qu’ont les Témoins de ces versets n’interdit pas absolument l’emploi de composants tels que l’albumine, les immunoglobulines et les préparations destinées aux hémophiles: il appartient à chaque Témoin de décider s’il peut les accepter2.
Selon la croyance des Témoins, le sang qui sort de l’organisme doit être jeté; c’est pourquoi ils n’acceptent pas que l’on stocke leur sang en vue d’une autotransfusion. Les techniques de prélèvement peropératoires ou d’hémodilution qui nécessitent le stockage de sang sont pour eux inacceptables. Toutefois, nombre de Témoins ne voient pas d’objection à l’emploi du dialyseur ou du cœur-poumon artificiel (à condition que l’amorce soit faite avec des produits non sanguins), de même que la récupération peropératoire quand la circulation extra-corporelle n’est pas interrompue. Le médecin doit donc s’entretenir avec son malade pour savoir ce que lui dicte sa conscience2.
Les Témoins ne pensent pas que la Bible traite directement des transplantations d’organes; aussi appartient-il à chaque Témoin de décider s’il peut subir une transplantation de cornée, de rein ou d’un autre tissu.
LA CHIRURGIE LOURDE RENDUE POSSIBLE
Dans le passé, les chirurgiens refusaient souvent de soigner les Témoins parce que leur prise de position sur l’emploi du sang et de ses dérivés semblait “lier les mains du médecin”; aujourd’hui, cependant, nombre de praticiens préfèrent ne considérer cette situation que comme une difficulté supplémentaire, un défi à leur art. Étant donné que les Témoins ne s’opposent pas à l’emploi de liquides de remplacement colloïdaux ou cristalloïdes, de l’électrocautère, de l’anesthésie hypotensive3 ou de l’hypothermie, ces procédés sont utilisés avec succès. Les applications présentes et futures de l’Hétastarch [non commercialisé en France]4, les injections intraveineuses de fer-dextran à fortes doses5,6, ainsi que l’utilisation du “bistouri à ultrasons7”, sont prometteuses et ne sont pas irrecevables du point de vue religieux. De plus, si un substitut sanguin aux fluorocarbones élaboré récemment (le Fluosol-DA) se révèle à la fois sûr et efficace8, son utilisation n’ira pas à l’encontre des croyances des Témoins.
En 1977, les docteurs Ott et Cooley9 firent état de 542 opérations cardio-vasculaires pratiquées sur des Témoins de Jéhovah (sans transfusion de sang). D’après leurs conclusions, on peut avoir recours à ce mode opératoire, car “le faible risque encouru est tout à fait acceptable”. À notre demande, le docteur Cooley s’est livré à l’analyse statistique de 1 026 opérations, dont 22 % ont été pratiquées sur des mineurs. Il a abouti à cette conclusion: “Chez les Témoins de Jéhovah, le risque chirurgical n’est guère plus élevé que chez les autres opérés.” Pareillement, le docteur Michael DeBakey a déclaré: “Dans la grande majorité des cas [où l’on a affaire à des Témoins], les risques d’une opération pratiquée sans transfusion ne sont pas plus élevés que lorsque nous administrons du sang.” (Communication personnelle de l’auteur, mars 1981). Les revues médicales font également état d’opérations réussies de chirurgie lourde en urologie10 et en orthopédie11. Les docteurs Dean MacEwen et Richard Bowen écrivent que des arthrodèses rachidiennes postérieures ont “été réalisées avec succès sur 20 [Témoins] mineurs”. (Faits non publiés, août 1981.) Ils ajoutent: “Le chirurgien doit admettre qu’il lui faut respecter le droit du malade à refuser une transfusion de sang, tout en accomplissant l’acte chirurgical de telle manière que la sécurité du malade soit assurée.”
Le docteur Herbsman12 signale la réussite d’opérations sur des sujets, y compris des jeunes, “ayant subi des pertes de sang très importantes d’origine traumatique”. Il dit lui-même: “Les Témoins sont quelque peu désavantagés quand le besoin de sang se fait sentir. Pourtant, il est tout à fait évident que nous disposons de solutions pour remplacer le sang.” Tout en remarquant que beaucoup de chirurgiens hésitent à opérer les Témoins de Jéhovah par “crainte de poursuites judiciaires”, ce médecin montre que cette prise de position ne se justifie pas.
LES PROBLÈMES JURIDIQUES ET LES CAS DE MINEURS
[Aux États-Unis,] les Témoins signent volontiers le texte proposé par l’Association des médecins américains qui dégage le praticien et l’hôpital de toute responsabilité13. En outre, la plupart des Témoins portent sur eux une carte à l’attention des médecins, signée et authentifiée, carte préparée en consultation avec les autorités médicales et juridiques. Ces pièces engagent la personne du malade et offrent une garantie aux médecins. Le juge Warren Burger précise que des poursuites pour faute professionnelle “apparaîtraient comme non recevables” s’il était établi qu’une telle décharge a été signée. Sous la plume de J. Paris14, qui traite de cette question dans une analyse de la “liberté religieuse et [des] traitements médicaux imposés”, nous lisons: “Un commentateur, qui a étudié les textes parus sur le sujet, a déclaré ceci: ‘Je n’y ai rien trouvé qui justifie l’affirmation selon laquelle le médecin encourrait (...) une responsabilité (...) pénale pour ne pas avoir procédé de force à une transfusion.’ Ce risque apparaît davantage comme le pur produit de l’imagination d’un juriste que comme une éventualité à envisager sérieusement.”
Ce sont, malgré tout, les soins à donner aux enfants mineurs qui posent le problème le plus délicat. Ils donnent souvent lieu à des actions en justice contre des parents accusés de négligence. Cependant, nombre de médecins et d’avocats qui connaissent bien les Témoins de Jéhovah contestent ces poursuites. Ils estiment que les Témoins s’efforcent de bien faire soigner leurs enfants. Les Témoins, qui ne désirent pas se soustraire à leur responsabilité de parents ni ne veulent abandonner cette responsabilité à un juge ou à un tiers, demandent que l’on tienne compte des convictions religieuses de leur famille. Pour le docteur A. Kelly, ancien secrétaire de l’Association des médecins canadiens15, “les parents des mineurs et les proches des malades inconscients sont habilités à interpréter la volonté du malade. (...) Je n’ai nulle admiration, dit-il, pour les méthodes d’un tribunal de comédie réuni à deux heures du matin dans le but d’enlever un enfant à la garde de ses parents”.
Lorsqu’il s’agit de déterminer quels soins on doit administrer à leurs enfants, il est évident que les parents ont leur mot à dire. Il peut y avoir le choix entre une intervention chirurgicale et un traitement par la radiothérapie ou la chimiothérapie, ces méthodes comportant des avantages et des inconvénients. Pour des raisons morales qui dépassent le cadre des dangers inhérents aux transfusions16, les parents Témoins de Jéhovah demandent l’emploi de thérapeutiques qui n’aillent pas à l’encontre de leurs convictions religieuses. Cela s’accorde avec le principe médical commandant de soigner “l’homme total” et de ne pas sous-estimer les dommages psychosociologiques, aux effets peut-être durables, que pourrait entraîner un traitement pratiqué au mépris des croyances profondes d’une famille. [Aux États-Unis,] de grands centres hospitaliers qui ont eu affaire aux Témoins de Jéhovah acceptent désormais de prendre en charge des Témoins, y compris des enfants, venant d’établissements où l’on refuse de les soigner.
UN DÉFI POUR LES MÉDECINS
Comme on peut le comprendre, soigner les Témoins de Jéhovah n’est pas simple pour le médecin qui est décidé à préserver la vie et la santé de ses malades en utilisant toutes les techniques qui sont à sa disposition. Dans la préface d’une série d’articles traitant de chirurgie lourde pratiquée sur des Témoins de Jéhovah, le docteur Harvey17 écrit: “Certes, ces croyances qui peuvent gêner mon travail sont irritantes.” Il ajoute toutefois: “Nous oublions trop facilement peut-être que la chirurgie est un art qui dépend de la technique de chacun. Et la technique est quelque chose que l’on peut améliorer.”
Faisant état d’une information inquiétante selon laquelle l’un des centres de traumatologie les plus importants du comté de Dade, en Floride, aurait pour “politique d’ensemble le refus de soigner” les Témoins de Jéhovah, le professeur Bolooki18 souligne que “chez ces malades, les risques associés à la majorité des interventions chirurgicales sont plus faibles qu’à l’ordinaire”. Il ajoute: “Bien que les chirurgiens aient le sentiment d’être privés d’un des moyens offerts par la médecine moderne, (...) je suis convaincu qu’ils apprendront beaucoup en opérant ces malades.”
Au lieu de considérer les Témoins de Jéhovah comme une source de complications, de plus en plus de médecins acceptent la situation comme un défi médical. En relevant ce défi, ils ont mis au point un schéma opératoire destiné à cette catégorie de malades, schéma qui est suivi dans de nombreux hôpitaux. Et les soins que prodiguent ces médecins sont meilleurs pour la personne entière du malade. D’ailleurs, le docteur Gardner19 fait cette observation: “À quoi servirait-il de guérir le corps du malade si l’on portait atteinte à sa vie spirituelle, telle qu’il la conçoit? Ce serait le jeter dans une existence désormais vide de sens et peut-être pire que la mort.”
Les Témoins reconnaissent que, du point de vue médical, leurs convictions inébranlables paraissent un risque supplémentaire et peuvent rendre plus compliqué le traitement. En conséquence, ils témoignent généralement d’une reconnaissance peu courante pour les soins qu’on leur donne. Ils possèdent, ce qui est non négligeable, une foi profonde ainsi qu’un intense désir de vivre, et ils collaborent volontiers avec les médecins et le personnel médical. C’est pourquoi le malade et le médecin sont unis pour relever ce défi incomparable.
BIBLIOGRAPHIE
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2. La Tour de Garde, numéro du 15 septembre 1978, pp. 29-31.
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4. Hetastarch (Hespan) — a new plasma expander. Med Lett Drugs Ther 1981;23:16.
5. Hamstra RD, Block MH, Schocket AL:Intravenous iron dextran in clinical medicine. JAMA 1980;243:1726-1731.
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7. Fuerst ML: ‘Sonic scalpel’ spares vessels. Med Trib 1981;22:1,30.
8. Gonzáles ER: The saga of ‘artificial blood’: Fluosol a special boon to Jehovah’s Witnesses. JAMA 1980;243:719-724.
9. Ott DA, Cooley DA: Cardiovascular surgery in Jehovah’s Witnesses. JAMA 1977;238:1256-1258.
10. Roen PR, Velcek F: Extensive urologic surgery without blood transfusion. NY State J Med 1972;72:2524-2527.
11. Nelson CL, Martin K, Lawson N, et al: Total hip replacement without transfusion. Contemp Orthop 1980;2:655-658.
12. Herbsman H: Treating the Jehovah’s Witness. Emerg Med 1980;12:73-76.
13. Medicolegal Forms With Legal Analysis. Chicago, American Medical Association, 1976, p. 83.
14. Paris JJ: Compulsory medical treatment and religious freedom: Whose law shall prevail? Univ San Francisco Law Rev 1975;10:1-35.
15. Kelly AD: Aequanimitas Can Med Assoc J 1967;96:432.
16. Kolins J: Fatalities from blood transfusion. JAMA 1981;245:1120.
17. Harvey JP: A question of craftsmanship. Contemp Orthop 1980;2:629.
18. Bolooki H: Treatment of Jehovah’s Witnesses: Example of good care. Miami Med 1981;51:25, 26.
19. Gardner B, Bivona J, Alfonso A, et al: Major surgery in Jehovah’s Witnesses. NY State J Med 1976;76:765, 766.
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L’usage du sang: Qui doit en décider? Quelle conscience respecter?Comment le sang peut-il vous sauver la vie ?
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Appendice
L’usage du sang: Qui doit en décider? Quelle conscience respecter?
Dr J. Dixon
Reproduit avec l’autorisation du New York State Journal of Medicine, 1988; 88:463, 464, copyright Medical Society de l’État de New York.
LES médecins ont pris l’engagement de consacrer leur connaissance, leur talent et leur expérience au service de la lutte contre la maladie et la mort. Mais que doivent-ils faire lorsqu’un malade refuse le traitement qu’ils lui recommandent? C’est généralement ce qui se passe avec les Témoins de Jéhovah quand le traitement consiste en du sang total, des concentrés érythrocytaires, du plasma ou des plaquettes.
Un médecin peut penser qu’en choisissant un traitement non sanguin le malade limite considérablement le pouvoir d’action d’un personnel médical consciencieux. Toutefois, on ne doit pas l’oublier, il est fréquent que des malades non Témoins de Jéhovah décident de ne pas suivre les recommandations de leur médecin. D’après Appelbaum et Roth1, 19 % des personnes soignées dans des centres hospitaliers universitaires ont refusé au moins un traitement ou une opération; pourtant, dans 15 % des cas, ces refus “mettaient en jeu la vie du malade”.
En général, les gens se disent: “le docteur en sait plus que moi”, et cela conduit la majorité d’entre eux à s’en remettre au savoir-faire et à la connaissance du médecin. Mais le praticien qui accorderait une valeur scientifique à cette idée et qui soignerait le malade en conséquence s’enfermerait, sans peut-être en prendre conscience, dans un raisonnement dangereux. Certes, notre formation, l’autorisation d’exercer que nous avons reçue ainsi que notre expérience nous confèrent de notables prérogatives dans le domaine médical. Cependant, nos malades ont des droits. Or, comme nous le savons sans doute, c’est aux droits que la loi (et même la Constitution) accorde la priorité.
Dans la plupart des hôpitaux [américains], on trouve affichés les “Droits du malade”. L’un de ces droits se rapporte au “consentement éclairé”, qu’il serait peut-être plus exact d’appeler “choix éclairé”. Une fois le malade informé des conséquences que peuvent avoir différents traitements (ou le refus de ces traitements), c’est à lui que revient la décision finale. Voici quel est le principe général adopté à l’hôpital Albert Einstein, dans le Bronx (New York), face au refus des transfusions sanguines par les Témoins de Jéhovah: “Tout malade majeur et jouissant de sa capacité légale est en droit de refuser un traitement quelque néfastes que puissent être les conséquences pour sa santé2.”
Bien que — pour des raisons de déontologie ou parce que leur responsabilité pénale semble engagée — certains médecins puissent exprimer quelque inquiétude, les tribunaux privilégient la volonté du malade3. La cour d’appel de New York a, par exemple, déclaré: “Le droit du malade à déterminer les modalités de son traitement [est] souverain (...). [Un] médecin ne peut être reconnu coupable de manquer à ses responsabilités légales ou professionnelles s’il respecte le droit que possède tout malade, majeur et capable, de refuser un traitement médical4.” Ce tribunal a également fait observer que, “même s’ils ont leur importance, les principes déontologiques de la profession médicale ne sauraient prendre le pas sur les droits fondamentaux de l’individu qui sont ici affirmés. Ce sont les besoins et les souhaits de l’individu, non les exigences de l’institution, qui sont souverains5”.
Quand un Témoin refuse une transfusion, son médecin peut avoir la conscience troublée à l’idée de ne pas pouvoir faire ce qu’il pense être le maximum. Toutefois, ce que le Témoin demande au médecin consciencieux, c’est de lui donner le meilleur traitement de remplacement possible. De fait, ne nous arrive-t-il pas fréquemment d’être obligés de modifier notre thérapeutique pour nous adapter aux circonstances? Par exemple, lorsqu’un malade souffre d’hypertension ou qu’il présente de graves allergies aux antibiotiques, ou bien encore lorsque nous ne disposons pas de l’équipement coûteux dont nous aurions besoin? Dans le cas des Témoins de Jéhovah, on demande au médecin de traiter le problème médical ou chirurgical tout en respectant la volonté et la conscience du malade, sa décision morale et religieuse de s’abstenir de sang.
De très nombreuses interventions de chirurgie lourde réalisées sur des Témoins de Jéhovah montrent que beaucoup de praticiens peuvent, en toute bonne conscience et avec succès, respecter le désir du malade et ne pas lui administrer de sang. Par exemple, en 1981, Cooley a analysé une série de 1 026 opérations cardio-vasculaires, dont 22 % avaient été effectuées sur des mineurs. Il en a tiré cette conclusion: “Chez les Témoins de Jéhovah, le risque chirurgical n’est guère plus élevé que chez les autres opérés6.” Kambouris7 relate des opérations de chirurgie lourde pratiquées sur des Témoins, dont certains s’étaient vu au préalable “refuser une intervention chirurgicale urgente parce qu’ils ne voulaient pas de transfusion”. Il déclare: “Avant l’opération, tous les malades ont reçu l’assurance que, quoi qu’il arrive dans le bloc opératoire, leurs croyances religieuses seraient respectées. Cette façon de faire n’a eu aucune conséquence fâcheuse.”
Quand le malade est un Témoin de Jéhovah, à la question du choix vient s’ajouter un problème de conscience. La conscience du médecin n’est, du reste, pas la seule à entrer en ligne de compte: il y a aussi celle du malade. Les Témoins de Jéhovah considèrent la vie, représentée par le sang, comme un don de Dieu. Ils observent le commandement biblique qui enjoint aux chrétiens de “s’abstenir (...) du sang8”. (Actes 15:28, 29.) Dès lors, si un médecin allait à l’encontre de ces convictions religieuses depuis longtemps enracinées dans la conscience du malade, les conséquences pourraient en être désastreuses. Le pape Jean-Paul II a fait observer qu’obliger quelqu’un à violer sa conscience “est le plus terrible coup que l’on puisse infliger à la dignité humaine. Dans un certain sens, c’est plus grave que de le tuer9”.
Alors que les Témoins de Jéhovah refusent la transfusion pour des motifs religieux, de plus en plus de personnes qui ne sont pas Témoins optent pour des thérapeutiques non sanguines par crainte du SIDA, de l’hépatite non A-non B ou de réactions immunitaires. Certes, nous pouvons leur dire si, à notre avis, ces risques semblent ou non minimes comparés aux avantages, mais, comme le souligne l’Association des médecins américains, c’est au malade qu’il “appartient en dernier lieu de décider s’il veut tenter le traitement ou l’opération recommandé par le médecin, ou s’il préfère prendre le risque de s’en passer. Tel est le droit naturel de l’individu, droit reconnu par la loi10”.
À ce propos, Macklin11 a abordé la question du rapport risques-bénéfices dans le cas d’un Témoin qui, “faute de transfusion, risquait une hémorragie mortelle”. Un étudiant en médecine a posé ainsi le problème: “Il était en pleine possession de ses facultés mentales. Que faire lorsque des croyances religieuses s’opposent au seul traitement possible?” Macklin tient ce raisonnement: “Nous pouvons être fermement convaincus que cet homme commet une erreur. Mais les Témoins de Jéhovah croient qu’une transfusion (...) [peut] leur valoir la damnation. La pratique de la médecine nous a habitués à analyser le rapport risques-bénéfices, mais si l’on oppose la damnation éternelle au temps que le malade a encore à vivre sur la terre, cette évaluation prend une autre dimension.”
Dans ce numéro du Journal, Vercillo et Duprey12 se réfèrent à l’affaire Osborne pour montrer combien il est important d’assurer la sécurité des personnes à charge. Quel jugement a été rendu? Rappelons qu’il concernait un homme grièvement blessé, père de deux enfants mineurs. Le tribunal a déterminé que, s’il mourait, la famille prendrait soin de ses enfants aussi bien dans le domaine matériel que spirituel. En conséquence, comme on l’a vu dans d’autres affaires récentes13, le tribunal n’a pas estimé qu’il fallait passer outre au choix du malade: l’intérêt supérieur de l’État ne le justifiait pas, pas plus que ne se justifiait une intervention judiciaire visant à imposer au malade un traitement qu’il jugeait inacceptable14. Grâce à une thérapeutique de remplacement, cet homme s’est remis de ses blessures et a pu continuer à prendre soin des siens.
N’est-il pas vrai que la grande majorité des cas qui se présentent, ou se présenteront vraisemblablement, au médecin n’exigent pas l’utilisation de sang? Ce que nous avons étudié et que nous connaissons le mieux, ce sont évidemment les questions médicales, mais nos malades sont des êtres humains, dont nous ne pouvons ignorer les valeurs et les idéaux. Ils savent mieux que nous ce qui est le plus important pour eux, quels sont leurs critères moraux et ce que leur dicte leur conscience, toutes choses qui à leurs yeux donnent un sens à la vie.
Respecter la conscience religieuse des Témoins peut constituer un défi à nos compétences. Mais en relevant ce défi, nous mettons en valeur des libertés de grand prix que nous chérissons tous. Comme l’a fort justement écrit John Stuart Mill, “quelle que soit sa forme de gouvernement, nulle société dans laquelle ces libertés ne sont pas, dans l’ensemble, respectées n’est libre (...). Chacun est le gardien de sa santé physique, mentale et spirituelle. Les hommes s’en trouvent beaucoup mieux s’ils supportent que chacun vive comme bon lui semble que s’ils obligent chacun à vivre comme il semble bon au reste de la communauté15”.
[RÉFÉRENCES]
1. Appelbaum PS, Roth LH: Patients who refuse treatment in medical hospitals. JAMA 1983; 250:1296-1301.
2. Macklin R: The inner workings of an ethics committee: Latest battle over Jehovah’s Witnesses. Hastings Cent Rep 1988; 18(1):15-20.
3. Bouvia v Superior Court, 179 Cal App 3d 1127, 225 Cal Rptr 297 (1986); In re Brown, 478 So 2d 1033 (Miss 1985).
4. In re Storar, 438 NYS 2d 266, 273, 420 NE 2d 64, 71 (NY 1981).
5. Rivers v Katz, 504 NYS 2d 74, 80 n 6, 495 NE 2d 337, 343 n 6 (NY 1986).
6. Dixon JL, Smalley MG: Jehovah’s Witnesses. The surgical/ethical challenge. JAMA 1981; 246:2471, 2472.
7. Kambouris AA: Major abdominal operations on Jehovah’s Witnesses. Am Surg 1987; 53:350-356.
8. Les Témoins de Jéhovah et la question du sang. Brooklyn, NY, Watchtower Bible and Tract Society, 1978, pp. 1-64.
9. Pope denounces Polish crackdown. NY Times, January 11, 1982, p A9.
10. Office of the General Counsel: Medicolegal Forms with Legal Analysis. Chicago, American Medical Association, 1973, p 24.
11. Kleiman D: Hospital philosopher confronts decisions of life. NY Times, January 23, 1984, pp B1, B3.
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13. Wons v Public Health Trust, 500 So 2d 679 (Fla Dist Ct App) (1987); Randolph v City of New York, 117 AD 2d 44, 501 NYS 2d 837 (1986); Taft v Taft, 383 Mass 331, 446 NE 2d 395 (1983).
14. In re Osborne, 294 A 2d 372 (DC Ct App 1972).
15. Mill JS: On liberty, in Adler MJ (ed): Great Books of the Western World. Chicago, Encyclopaedia Britannica, Inc, 1952, vol 43, p 273.
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