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Votre cerveau : une merveille de complexitéRéveillez-vous ! 1999 | 8 mai
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Votre cerveau : une merveille de complexité
“ Le cerveau humain représente l’énigme suprême : comment une masse de tissu ayant la consistance de l’œuf cru peut-elle être à l’origine de notre ‘ esprit ’, de nos pensées, de notre personnalité, de nos souvenirs, de nos sentiments, bref, de notre conscience même ? ” — Susan Greenfield, L’esprit humain expliqué (angl.).
LE CERVEAU régule les activités de l’organisme. Il nous permet d’assimiler de nouveaux concepts, voire de nouvelles langues, et de nous souvenir de notre passé. Mais, comme le reconnaît le neurologue James Bower, “ en réalité, nous ne savons pas quel genre de machine est le cerveau ”. Richard Thompson, un autre spécialiste, abonde dans le même sens : “ Ce que nous savons déjà n’est rien comparé à ce qu’il nous reste à apprendre. ” La volonté de mieux connaître le cerveau est telle que le Congrès américain a déclaré les années 90 “ Décennie du cerveau ”.
Coup d’œil sous un crâne
La partie la plus caractéristique du cerveau est le cortex cérébral, avec ses lobes plissés (voir le schéma page 4 et l’encadré page 8). Cette couche superficielle de matière grise, épaisse d’environ trois millimètres, contient 75 % des neurones (cellules nerveuses) du cerveau, qui en compte entre 10 et 100 milliards (une quantité impressionnante qui, selon un certain nombre de spécialistes, n’explique pas à elle seule la complexité de cet organe).
La plupart des neurones sont dotés d’un prolongement principal, l’axone, et de petites fibres ramifiées groupées en touffes, les dendrites. Grâce à ces extensions, un neurone moyen est relié avec d’autres neurones par des milliers de points de jonction. Au niveau de ces zones de transmission, appelées synapses, les neurones ne se touchent pas ; des substances chimiques libérées en très petites quantités circulent dans l’espace qui les sépare, ce qui ajoute encore à la complexité du système.
“ Il existe davantage de combinaisons de connexions synaptiques possibles, estime un spécialiste, que de particules atomiques dans tout l’univers connu. ”
Le cortex est probablement la partie du cerveau la mieux connue. Mais qu’y a-t-il sous cette couche superficielle ? Le corps calleux, par exemple, relie les hémisphères cérébraux gauche et droit. Le thalamus (d’un mot grec qui signifie “ chambre intérieure ”) relaie une grande partie des informations reçues par le cerveau. L’hypothalamus (du grec “ chambre intérieure du dessous ”) joue un rôle essentiel dans la régulation de la pression artérielle et de la température corporelle. L’hypophyse, une petite glande située sous l’hypothalamus, régule le système endocrinien en sécrétant des hormones qui agissent sur toutes les autres glandes de l’organisme. La protubérance annulaire traite les informations relatives aux mouvements du corps, tandis que le bulbe rachidien contrôle la respiration, la circulation sanguine, le battement cardiaque et la digestion. Tous ces éléments jouent leur rôle sans même que nous soyons conscients de leur présence !
Comment le cerveau fonctionne-t-il avec une organisation aussi complexe ? Comment en faire un bon usage ? Les deux articles suivants abordent ces questions.
[Encadré, page 4]
Pourquoi nous n’avons pas besoin d’une plus grosse tête
“ Si le cortex cérébral du cerveau humain était lisse au lieu d’être plissé, nous aurions besoin d’un crâne gros, non pas comme deux poings, mais comme un ballon de basket. ” — Susan Greenfield.
[Schéma, pages 4, 5]
(Voir la publication)
QUELQUES PARTIES DU CERVEAU
Illustration grandeur nature.
Cortex cérébral.
Couche superficielle relativement fine qui recouvre les hémisphères cérébraux.
Cerebrum
(cerveau proprement dit). Structure arrondie et volumineuse qui occupe la majeure partie de la boîte crânienne.
Cortex visuel.
Cerebellum
(cervelet, “ petit cerveau ”). Structure située à la base du crâne, sous le cerveau proprement dit.
Protubérance annulaire.
Bulbe rachidien.
STRUCTURE INTERNE
Corps calleux.
Ensemble de fibres nerveuses qui relie les deux hémisphères cérébraux.
Thalamus.
Hypothalamus.
Élément qui régule certaines fonctions autonomes de l’organisme.
Hypophyse.
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Votre cerveau : comment fonctionne-t-il ?Réveillez-vous ! 1999 | 8 mai
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Votre cerveau : comment fonctionne-t-il ?
“ Le cerveau est la partie du corps la plus difficile à étudier ”, écrit le professeur Torrey, psychiatre à l’Institut américain de la santé mentale. “ Cette boîte dans laquelle nous le transportons n’est pas du tout pratique pour la recherche. ”
MALGRÉ cet inconvénient, les scientifiques disent avoir déjà beaucoup appris sur la manière dont le cerveau traite les informations fournies par les cinq sens. Prenons l’exemple de la vision.
Les yeux de l’esprit
Lorsqu’un signal lumineux arrive sur l’œil, il est projeté sur la rétine, une membrane formée de trois couches de cellules qui tapisse l’arrière du globe oculaire. La lumière frappe la troisième couche, constituée de deux types de cellules photoréceptrices : les bâtonnets, sensibles à l’intensité lumineuse, et les cônes, capables de reconnaître les longueurs d’onde correspondant à trois couleurs : le rouge, le vert et le bleu. Lorsque la lumière décolore les pigments situés dans ces cellules, un signal est envoyé aux cellules de la deuxième couche et, de là, à celles de la première couche, dont les axones forment le nerf optique.
Les millions de neurones du nerf optique se rejoignent au niveau du chiasma optique. Les neurones qui véhiculent les informations provenant de la partie gauche de la rétine de chaque œil se rencontrent et suivent des trajets parallèles jusqu’à la partie gauche du cerveau. Pareillement, les signaux issus du côté droit de chaque rétine sont dirigés vers l’hémisphère droit. Les impulsions transitent par un relais situé dans le thalamus et sont ensuite envoyées vers le cortex visuel, à l’arrière du cerveau.
Les différents aspects de l’information visuelle empruntent des voies parallèles. Les chercheurs savent maintenant que le cortex visuel primaire, associé à une autre région du cerveau, fonctionne comme un bureau de poste qui trie, expédie et intègre les informations transmises par les neurones. Une troisième aire perçoit les contours et les mouvements et une quatrième les formes et les couleurs. Une cinquième met constamment à jour des cartes de données visuelles permettant de détecter les mouvements. On estime actuellement qu’une trentaine d’aires sont impliquées dans le traitement des informations collectées par les yeux. Comment toutes ces structures collaborent-elles pour former une image dans notre esprit ? En d’autres termes, comment notre cerveau “ voit ”-il ?
“ Voir ” avec son cerveau
Si l’œil capte l’information, c’est le cortex, semble-t-il, qui traite les données reçues par le cerveau. Lorsque vous photographiez un paysage, tous les détails apparaissent sur la photo. En revanche, lorsque vos yeux observent le même paysage, vous ne percevez que les éléments sur lesquels vous fixez votre attention. La manière dont le cerveau opère cette sélection reste un mystère. Certains pensent qu’une intégration progressive de l’information visuelle a lieu dans ce qu’on appelle des zones de convergence, permettant de comparer ce que nous voyons avec ce que nous savons déjà. Pour d’autres, lorsque nous ne voyons pas tous les éléments d’une scène, c’est simplement parce que les neurones responsables de la vision attentive n’ont pas été stimulés.
Quoi qu’il en soit, les difficultés qu’éprouvent les scientifiques à expliquer le phénomène de la vision ne sont rien en comparaison de celles que rencontrent ceux qui s’efforcent de déterminer ce que recouvrent exactement la “ conscience ” et l’“ esprit ”. L’imagerie par résonance magnétique et la tomographie par émission de positons ont offert aux spécialistes une nouvelle fenêtre sur le cerveau humain. En observant les variations du débit sanguin dans certaines régions du cerveau, on constate que différentes aires du cortex paraissent intervenir lorsqu’une personne lit, parle ou entend parler. Toutefois, comme le note une revue, “ le phénomène de l’esprit, de la conscience, est bien plus complexe [...] qu’on ne l’imaginait ”. Il reste encore bien des choses à découvrir sur le cerveau.
Seulement un formidable ordinateur ?
Pour saisir la complexité du cerveau, il peut être utile de se servir de comparaisons. Au début de la révolution industrielle, vers le milieu du XVIIIe siècle, beaucoup se mirent à comparer le cerveau à une machine. Plus tard, lorsque le standard téléphonique devint l’un des emblèmes du progrès, on présenta le cerveau comme un standard inondé d’appels dirigé par une opératrice chargée d’établir les communications. Depuis l’apparition des ordinateurs, capables d’effectuer des tâches complexes, certains rapprochent le cerveau de l’ordinateur. Cette comparaison donne-t-elle une juste idée de la manière dont le cerveau fonctionne ?
Il existe d’importantes différences entre le cerveau et l’ordinateur. Fondamentalement, le cerveau est un système chimique, et non électrique. De nombreuses réactions chimiques se produisent dans chaque cellule, ce qui n’est pas le cas dans un ordinateur. Susan Greenfield note en outre que “ personne ne programme le cerveau : c’est un organe auto-organisé, qui fonctionne spontanément ”, à la différence de l’ordinateur, qui doit être programmé.
Les neurones communiquent les uns avec les autres par un mode complexe. Beaucoup reçoivent des messages de plus de 1 000 autres neurones. Pour donner une idée de ce que cela représente, citons un neurologue qui a étudié une région du cerveau située juste au-dessus et en arrière du nez afin de découvrir comment nous reconnaissons les odeurs. Il écrit : “ Même cette tâche apparemment simple (qui, comparée à celle consistant à démontrer un théorème géométrique ou à comprendre un quatuor à cordes de Beethoven, semble être un jeu d’enfant) fait intervenir quelque six millions de neurones, chacun recevant des messages synaptiques d’environ 10 000 autres. ”
Le cerveau est en outre bien davantage qu’un simple amas de neurones. Pour un neurone, il existe plusieurs cellules gliales, dont le rôle est d’assurer la cohésion du cerveau. Ces cellules fournissent également une isolation électrique aux neurones, combattent les infections et forment la barrière hématoencéphalique. Les chercheurs pensent qu’elles remplissent d’autres fonctions encore, qui restent à découvrir. “ Il se peut que l’analogie évidente avec les ordinateurs, qui traitent l’information électronique sous forme numérique, soit si incomplète qu’elle en devienne trompeuse ”, conclut la revue The Economist.
Voyons maintenant un autre aspect mystérieux du cerveau.
De quoi sont faits nos souvenirs ?
La mémoire — “ peut-être le phénomène le plus extraordinaire du monde naturel ”, selon le neurologue Richard Thompson — fait appel à différentes fonctions du cerveau. La plupart des spécialistes distinguent deux types de mémoire : la mémoire déclarative, portant sur les faits, et la mémoire procédurale, relative au savoir-faire et aux habitudes. Un manuel (Le cerveau. Introduction aux neurosciences [angl.]) répartit les processus mémoriels en quatre catégories : mémoire à très court terme (100 millisecondes environ), mémoire à court terme (quelques secondes), mémoire de travail (où sont enregistrés les événements récents) et mémoire à long terme (abritant le matériel verbal et le savoir-faire régulièrement utilisés).
Selon certains spécialistes, les processus liés à la mémoire à long terme commenceraient dans la partie antérieure du cerveau. De là, les informations sélectionnées pour être stockées dans la mémoire à long terme seraient envoyées sous forme d’impulsions électriques à l’hippocampe, où un processus baptisé potentialisation à long terme augmenterait l’efficacité de la transmission synaptique. — Voir l’encadré “ D’un neurone à l’autre ”.
Une autre théorie attribue un rôle essentiel aux ondes cérébrales. Selon ses défenseurs, les oscillations régulières de l’activité électrique du cerveau, comparables au battement d’une percussion, contribueraient à l’association des souvenirs et à la détermination du moment où différentes cellules du cerveau sont activées.
Certains chercheurs pensent que le cerveau stocke à différents endroits les divers aspects des souvenirs, chaque information étant reliée à la partie du cerveau chargée de la traiter. Plusieurs régions du cerveau contribuent de façon certaine à la mémoire. L’amygdale cérébelleuse, petit amas de cellules nerveuses situé près du tronc cérébral, traite les souvenirs associés à un sentiment de peur. Les noyaux gris centraux traitent les aptitudes physiques et les habitudes, tandis que le cervelet, à la base du cerveau, se charge de l’apprentissage et des réflexes conditionnés. C’est dans le cervelet que seraient stockées les aptitudes relatives au maintien de l’équilibre, comme celles dont nous avons besoin pour monter à bicyclette.
Dans cette brève présentation du fonctionnement du cerveau, nous avons dû laisser de côté d’autres fonctions remarquables de cet organe, telles que son mécanisme d’horlogerie, sa prédisposition à l’acquisition du langage, ses capacités motrices complexes, son contrôle du système nerveux et des organes vitaux, ou encore son traitement de la douleur. Les messagers chimiques qui le relient au système immunitaire sont en cours de découverte. “ Sa complexité est si incroyable, écrit le neurologue David Felten, qu’on se demande si on pourra un jour en venir à bout. ”
S’il garde encore beaucoup de son mystère, le cerveau nous permet de penser, de méditer et de nous souvenir de ce que nous avons appris. Comment exploiter au mieux ses capacités ? Vous trouverez une réponse à cette question dans le dernier article de ce dossier.
[Encadré/Illustrations, page 8]
D’UN NEURONE À L’AUTRE
Lorsqu’un neurone est stimulé, son axone est parcouru par une impulsion nerveuse. Au moment où cette impulsion atteint l’extrémité en bouton du neurone, les vésicules synaptiques, petits sacs contenant chacun plusieurs milliers de molécules de neurotransmetteur, fusionnent avec la membrane de la cellule et déversent leur contenu dans la fente synaptique.
Grâce à un système complexe de clés et de serrures, les neurotransmetteurs provoquent l’ouverture et la fermeture de canaux situés dans l’autre neurone, permettant à des ions de s’y engouffrer. Ce flux de particules électriquement chargées déclenche de nouvelles réactions chimiques qui donnent naissance à une impulsion électrique ou inhibent au contraire l’activité électrique du neurone.
Lorsqu’un neurone est fréquemment stimulé, il se produit un phénomène appelé potentialisation à long terme. Certains chercheurs pensent que ce phénomène s’explique par un rapprochement des deux neurones. Selon d’autres, des observations démontreraient que le neurone postsynaptique envoie au neurone présynaptique un message qui déclenche une production accrue de neurotransmetteurs, renforçant le lien existant entre les neurones.
L’une des propriétés remarquables du cerveau est sa plasticité, sa capacité à modifier ses connexions. Lorsqu’on veut se souvenir d’une chose, il est donc utile d’y repenser souvent.
Axone.
Fibre qui assure la transmission des messages d’un neurone à l’autre.
Dendrites.
Courts prolongements ramifiés qui relient les neurones.
Neurites.
Prolongements du neurone (axone et dendrites).
Neurones.
Cellules nerveuses. Le cerveau compte entre 10 et 100 milliards de neurones, “ chacun étant relié à des centaines, et parfois à des milliers, d’autres cellules ”.
Neurotransmetteurs.
Substance chimique ayant pour fonction de transmettre les signaux nerveux d’un neurone à l’autre en traversant l’espace synaptique qui les sépare.
Synapse.
Liaison entre deux neurones.
[Crédits photographiques]
Inspiré de Susan Greenfield, L’esprit humain expliqué, 1996.
CNRI/Science Photo Library/PR
[Encadré/Illustrations, page 9]
DES CAPACITÉS PROPRES AUX HUMAINS
Grâce à des régions spécialisées du cerveau appelées centres du langage, les humains possèdent une remarquable aptitude à communiquer. Les idées que nous voulons exprimer semblent être organisées par l’aire de Wernicke (1), située dans l’hémisphère gauche. Cette région communique avec l’aire de Broca (2), chargée d’appliquer les règles grammaticales. Les impulsions sont ensuite transmises aux aires motrices qui commandent les muscles faciaux et nous aident à prononcer les mots appropriés. En outre, ces régions sont reliées au système visuel du cerveau (ce qui nous permet de lire), à son système auditif (ce qui nous permet de comprendre ce que l’on nous dit) et, chose importante, aux régions responsables de la mémoire (ce qui nous permet de retenir des pensées intéressantes). “ Ce qui distingue réellement les humains des autres animaux, explique la brochure Voyage dans les centres du cerveau (angl.), c’est leur capacité d’assimiler une grande variété d’informations, non seulement sur le monde physique qui les entoure, mais aussi sur les autres humains et leur comportement. ”
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