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D’où sont venues les instructions ?Cinq questions à se poser sur l’origine de la vie
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LE SYSTÈME DE STOCKAGE D’INFORMATIONS PAR EXCELLENCE
Le secret de l’ADN, lit-on sur le panneau, réside dans les barreaux de l’échelle. Imaginez que les deux montants de l’échelle se dissocient, chacun conservant des demi-barreaux. Il existe seulement quatre sortes de demi-barreaux, nommées A, T, G et C. Les scientifiques ont été stupéfaits de découvrir que l’ordre de ces lettres transmet des informations codées.
Comme vous le savez sans doute, le morse est un code qui a été inventé au XIXe siècle pour communiquer par télégraphe. Son alphabet comportait seulement deux “ lettres ” : un point et un trait. Cependant, on s’en servait pour écrire quantité de mots et de phrases. Eh bien, l’ADN, lui, a quatre lettres (ou bases) : A, T, G et C. L’ordre dans lequel elles apparaissent forme des codons, autrement dit des “ mots ”. Les codons sont agencés en gènes, autrement dit en “ histoires ”. Chaque gène contient en moyenne 27 000 lettres. Ces gènes ainsi que les longs filaments qui les relient sont compilés en une sorte de “ chapitre ” : un chromosome. Chez l’humain, il faut 23 chromosomes pour former un “ livre ” complet : le génome, c’est-à-dire l’ensemble des informations génétiques d’un organismeb.
Le génome serait un livre volumineux. Quelle quantité d’informations ce livre renfermerait-il ? Pour tout dire, le génome humain est composé de quelque trois milliards de paires de bases, ou barreaux de l’échelle de l’ADN19. Représentez-vous une encyclopédie dont chaque tome aurait plus de mille pages. Le génome remplirait 428 tomes. Si on y ajoutait le duplicata qui se trouve dans chaque cellule, le nombre de tomes s’élèverait à 856. Pour effectuer la saisie des données du génome, il vous faudrait travailler 80 ans à plein temps, sans prendre de vacances !
Bien entendu, le résultat de vos efforts serait inutile à votre organisme. Comment introduire des centaines de tomes épais dans chacune de vos cent mille milliards de cellules microscopiques ? La compression d’une telle quantité d’informations nous dépasse totalement.
Un professeur en informatique et en biologie moléculaire a fait remarquer : “ Un gramme d’ADN sec occupe un volume de un centimètre cube environ et stocke autant d’informations qu’un millier de milliards de disques compacts20. ” Qu’est-ce que cela signifie ? Rappelez-vous que l’ADN contient les gènes, les instructions pour bâtir un corps humain unique. Chaque cellule possède une série complète d’instructions. Les informations sont si denses qu’une cuillère à café d’ADN contiendrait les instructions nécessaires à la constitution de 350 fois plus d’humains qu’il n’en vit aujourd’hui ! L’ADN qu’il faudrait pour les sept milliards d’humains que compte la planète ne formerait qu’une fine pellicule sur la cuillère21.
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DES AUTOMATES EN MOUVEMENT
Tandis que vous êtes dans le musée, au calme, vous vous surprenez à vous demander si le noyau d’une cellule reste aussi immobile dans la réalité. Puis vous remarquez une autre exposition. Sur un panneau placé au-dessus d’une vitrine contenant un bout de corde d’ADN, on lit : “ Appuyez sur le bouton pour une démonstration. ” C’est ce que vous faites. Un narrateur explique alors : “ L’ADN a au moins deux tâches importantes à effectuer. La première est la duplication. Il doit être copié pour que chaque nouvelle cellule dispose d’un exemplaire complet des mêmes informations génétiques. Regardez la simulation. ”
Par une porte située à une extrémité de la vitrine arrive un automate qui semble très complexe. Il s’agit en fait de plusieurs robots liés étroitement entre eux. L’automate va jusqu’à l’ADN, s’y attache et commence à se déplacer le long de celui-ci tout comme un train sur une voie ferrée. Il circule un peu trop vite pour que vous discerniez ce qu’il fait exactement, mais vous voyez bien que, derrière lui, il y a maintenant deux cordes au lieu d’une.
Le narrateur reprend : “ C’est une représentation extrêmement simplifiée de ce qui se passe quand l’ADN est dupliqué. Un ensemble d’automates moléculaires appelés enzymes circulent le long de l’ADN, commencent par le diviser en deux, puis utilisent chaque brin comme modèle pour produire un nouveau brin complémentaire. Nous ne pouvons pas vous montrer tous les éléments impliqués, comme le minuscule mécanisme qui, devançant l’automate duplicateur, détache les deux brins d’ADN pour que ceux-ci pivotent librement plutôt que de s’enrouler, trop serrés. Nous ne pouvons pas non plus vous montrer comment les copies de l’ADN sont corrigées plusieurs fois. Les erreurs sont détectées et corrigées à un degré de précision incroyable. ” — Voir le schéma des pages 16 et 17.
Le narrateur ajoute : “ En revanche, ce que nous pouvons vous montrer clairement, c’est la vitesse. Vous avez sûrement remarqué que le robot allait à folle allure. Eh bien, dans la réalité, les automates que sont les enzymes circulent le long de la ‘ voie ’ de l’ADN à un rythme d’environ 100 paires de bases par seconde23. Si cette ‘ voie ’ était de la taille d’un chemin de fer, la ‘ locomotive ’ foncerait à plus de 80 kilomètres-heure. Dans les bactéries, ces automates duplicateurs se déplacent dix fois plus vite ! Dans une cellule humaine, ces petits appareils s’activent par centaines le long de l’ADN. Ils dupliquent l’intégralité du génome en seulement huit heures24. ” (Voir l’encadré “ Lecture et copiage d’une molécule ”, page 20.)
“ LECTURE ” DE L’ADN
Les robots duplicateurs d’ADN quittent bruyamment la scène. Un autre automate apparaît. Lui aussi longe une séquence d’ADN, mais plus lentement. Vous voyez la corde entrer dans la machine et en ressortir inchangée du côté opposé. Cependant, un nouveau brin unique sort d’une autre ouverture encore, comme si une queue poussait. Que se passe-t-il ?
Le narrateur poursuit ses explications : “ La deuxième tâche de l’ADN est la transcription. L’ADN ne quitte jamais son abri sûr, le noyau. Comment ses gènes — les recettes pour former toutes les protéines de notre corps — peuvent-ils donc être lus et utilisés ? Eh bien, l’automate à enzymes trouve un endroit le long de l’ADN où un gène a été activé par des signaux chimiques venus de l’extérieur du noyau. Puis il se sert d’une molécule appelée ARN pour dupliquer ce gène. L’ARN ressemble beaucoup à un brin d’ADN, mais il ne faut pas s’y tromper. Sa tâche est de collecter les informations codées dans les gènes. L’ARN les obtient dans l’automate à enzymes, puis sort du noyau et se dirige vers un ribosome, où ces informations serviront à construire une protéine. ”
Cette démonstration vous émerveille. Le musée ainsi que l’ingéniosité de ceux qui l’ont conçu et ont fabriqué ses machines vous fascinent. Et si tout le musée avec ses nombreuses expositions pouvait être mis en branle ? On verrait alors des centaines de milliers de tâches s’effectuer simultanément, comme dans une cellule humaine. Quel spectacle grandiose ce serait !
Vous vous rendez compte que tous ces processus mis en œuvre par de minuscules automates complexes se déroulent à l’instant présent dans vos cent mille milliards de cellules ! Votre ADN est lu, ce qui fournit les instructions pour construire les centaines de milliers de protéines différentes qui forment votre corps : ses enzymes, ses tissus, ses organes, etc. En ce moment même, votre ADN est copié et corrigé de sorte que chaque nouvelle cellule dispose d’un jeu d’instructions tout neuf.
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