Jésus aux multiples visages

Si Jésus posait de nouveau cette question à notre époque, il pourrait la reformuler ainsi : “ Qui les biblistes disent-​ils que je suis ? ” Là encore, les avis seraient sans doute partagés. David Tracy, de l’université de Chicago, a comparé Jésus à “ une monture que divers cavaliers ont menée dans des directions très différentes ”. Au cours du siècle dernier, les biblistes ont fait appel à un ensemble complexe de méthodes sociologiques, anthropologiques et littéraires pour tenter d’émettre des réponses sur la véritable identité de Jésus. Pour finir, qui voient-​ils derrière ce nom ?

Certains d’entre eux maintiennent que le Jésus historique était un prophète juif qui annonçait la fin du monde tout en prêchant la repentance. Pourtant, ils se gardent de l’appeler Fils de Dieu, Messie, ou Rédempteur. La majorité, en effet, doute de ce que la Bible dit de ses origines célestes et de sa résurrection. Pour d’autres, Jésus était un homme ordinaire qui, à travers sa vie et ses enseignements exemplaires, a inspiré un certain nombre de courants religieux qui ont fini par former le christianisme. Comme l’a relevé Theology Today, d’autres encore voient en Jésus “ un cynique, un sage errant ou un paysan mystique ; un chef de communauté, un poète hippie bousculant l’ordre établi, ou un agent provocateur habile qui propage ouvertement ses idées à travers les villages pauvres, bouillonnants, socialement explosifs du fond de la Palestine ”.

Des doutes fondés ?

Mais peut-​on vraiment se fier au portrait que les Évangiles font de Jésus ? S’agit-​il du vrai Jésus ? Frederick Bruce, qui était professeur de critique biblique et d’exégèse à l’université de Manchester (Angleterre), a déclaré : “ Il est généralement impossible de confirmer par des preuves historiques et dans les moindres détails l’exactitude d’un écrit ancien, qu’il s’agisse ou non d’un récit biblique. Il suffit de savoir si l’écrivain est en général digne de foi. Si tel est le cas, on peut penser a priori que les détails qu’il fournit sont exacts. [...] Le Nouveau Testament n’a pas forcément moins de valeur historique qu’un autre récit simplement parce que les chrétiens le considèrent comme un texte ‘ sacré ’. ”

Après avoir étudié les doutes planant sur le Jésus des Évangiles, James Edwards, professeur de religion au Jamestown College, dans le Dakota du Nord (États-Unis) a écrit ceci : “ Nous pouvons affirmer sans réserve que les Évangiles renferment un ensemble considérable et varié de faits sur le vrai Jésus. [...] À la question de savoir pourquoi les Évangiles présentent Jésus comme ils le font, la réponse la plus logique est que Jésus était essentiellement ainsi. L’impression qu’il a laissée à ses disciples, sa légitimation par Dieu qui en a fait son Fils et son Serviteur : tout cela est fidèlement conservé dans les Évangilesa. ”

À la recherche de Jésus

Que dire maintenant des références non bibliques à Jésus Christ ? Quel crédit leur donne-​t-​on ? De nombreuses références à Jésus sont faites dans les œuvres de Tacite, de Suétone, de Josèphe, de Pline le Jeune et de quelques autres auteurs classiques. “ Ces récits indépendants montrent qu’à des époques reculées même les adversaires du christianisme n’ont jamais douté que Jésus ait réellement existé. Ce n’est qu’à la fin du XVIII^e, au cours du XIX^e, et au début du XX^e siècle que l’historicité de Jésus a été pour la première fois, et pour des motifs insuffisants, contestée par divers écrivains. ” — The New Encyclopædia Britannica (1995).

Malheureusement, dans leur quête du Jésus “ authentique ” ou “ historique ”, les biblistes modernes semblent avoir caché sa véritable identité derrière une accumulation de spéculations sans fondement, de doutes injustifiés et de théories contestables. Dans un sens, ils sont coupables de la mythification dont eux-​mêmes accusent faussement les rédacteurs des Évangiles. Certains sont si avides d’entretenir leur réputation et d’associer leur nom à une théorie révolutionnaire qu’ils n’étudient pas honnêtement les témoignages concernant Jésus. Ce faisant, ils créent un “ Jésus ” qui n’est que le fruit de leur imagination d’érudits.

Ceux qui cherchent le vrai Jésus peuvent le trouver dans la Bible. Luke Johnson, professeur de Nouveau Testament et des origines du christianisme (École de théologie Candler, université d’Emory), soutient que la plupart des recherches effectuées sur le Jésus historique omettent de tenir compte de l’objectif de la Bible. Selon lui, il peut être intéressant de se pencher sur les contextes social, politique, anthropologique et culturel de la vie de Jésus et de son époque. Il ajoute cependant que découvrir ce que les biblistes appellent le Jésus historique “ n’est guère le but de l’Écriture ”, qui “ s’attache davantage à décrire la personnalité de Jésus ”, son message et son rôle de Rédempteur.

[Encadré/Illustration, page 6]

Ce que d’autres ont déclaré

“ Je considère Jésus de Nazareth comme l’un des enseignants les plus puissants que la terre ait portés. [...] Il m’incombe de vous dire, à vous les hindous, que votre vie ne sera complète que si vous étudiez avec respect les enseignements de Jésus. ” Mohandas Gandhi, Le message de Jésus Christ (angl.).

“ Un personnage si original, si complet, si immuablement conséquent, si parfait, si humain et pourtant tellement supérieur à toute la grandeur humaine ne peut être un imposteur ou une création de l’imagination. [...] Il faudrait plus que Jésus pour inventer Jésus. ” Philip Schaff, Histoire de l’Église chrétienne (angl.).

“ Qu’une poignée de gens très simples aient imaginé, au cours d’une seule génération, une personnalité si puissante et si attirante, une éthique si élevée, la vision d’une fraternité humaine si riche en inspirations, serait un miracle plus incroyable qu’aucun de ceux que racontent les évangiles. ” Will Durant, César et le Christ.

“ Étant donné le nombre de personnes incontestablement réelles qui ont tenté, en vain, de fonder des religions, il peut paraître incompréhensible qu’un mouvement religieux de dimension planétaire ait pu être initié par quelqu’un n’ayant jamais existé, une sorte de produit de marketing avant l’heure. ” Gregg Easterbrook, Près des eaux calmes (angl.).

“ En tant qu’historien littéraire, je suis absolument convaincu que quoi qu’on en dise, les Évangiles ne sont pas des légendes. [...] Ceux-ci n’appartiennent pas à ce genre-​là. L’arrangement des pensées, des phrases, des mots n’est pas assez artistique pour des légendes. [...] La plus grande partie de la vie de Jésus nous reste totalement inconnue, [...] ce qu’aucun peuple ne permettrait dans l’élaboration de sa légende. ” C. Lewis, Dieu au banc des accusés.