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    Annuaire 1996 des Témoins de Jéhovah
    • Pendant ce temps, l’étau fasciste enserrait toujours plus fortement la Hongrie. Les frères allemands ont été contraints de partir, et les persécutions contre les frères hongrois ont redoublé. Beaucoup d’entre eux ont subi les sévices de la police et se sont vu ensuite infliger de longues peines de prison.

      Ils se réunissent avec prudence

      Vers la fin des années 30, les réunions devaient se tenir dans le secret et par petits groupes. La plupart du temps il n’y avait qu’un exemplaire de La Tour de Garde par congrégation, que les frères se passaient de main en main.

      Ferenc Nagy, de Tiszavasvári, se souvient : “ L’étude de La Tour de Garde, à cette époque, ne ressemblait guère à celle d’aujourd’hui. Lorsque tous ceux que l’on attendait étaient arrivés, nous fermions les portes. Parfois l’examen d’un article ne durait pas moins de six heures. J’avais environ cinq ans, mon frère un an de moins, mais nous aimions nous asseoir sur nos petites chaises pour écouter ces longues études. C’était un réel plaisir. Je me souviens encore de quelques drames prophétiques que nous avons étudiés. L’éducation que nous avons reçue de nos parents a porté ses fruits. ”

      Etel Kecskemétiné, une octogénaire qui sert toujours fidèlement à Budapest, se souvient que les frères de Tiszakarád se réunissaient dans leurs champs pendant la pause de midi. Ils cultivaient tous ensemble le champ d’un Témoin, puis celui d’un autre, et ainsi de suite, si bien que les autorités ne pouvaient pas empêcher ces réunions. Durant l’automne et l’hiver, les sœurs se retrouvaient pour filer, et les frères se joignaient à elles. Bien que la police enquêtât sur leur activité, elle ne pouvait trouver aucun motif de les arrêter. Si ces occasions de se réunir ne se présentaient pas, les Témoins se rassemblaient quelque part tôt le matin ou tard dans la nuit.

      Des proclamateurs pleins de ressources

      La prédication de porte en porte une fois interdite, les Témoins ont trouvé d’autres moyens de répandre les vérités bibliques. L’utilisation de phonographes portatifs était plutôt nouvelle pour l’époque, et aucune loi n’interdisait de passer des enregistrements. Profitant de cela, les frères demandaient aux personnes qu’ils rencontraient la permission de leur faire écouter un message enregistré. Si leur interlocuteur était d’accord, il écoutait un discours de frère Rutherford. À cette fin, les frères ont produit des enregistrements en hongrois des discours de frère Rutherford, et ils utilisaient des phonographes portatifs ou bien équipés de grands haut-parleurs.

      À propos de ces enregistrements de puissants messages bibliques, János Lakó, qui s’est marié plus tard avec la fille de sœur Kecskemétiné, se souvient : “ J’ai eu la joie d’en entendre un à Sátoralja-Ujhely. Une phrase est restée gravée dans ma mémoire : ‘ Monarchies, démocraties, aristocraties, fascisme, communisme et nazisme, comme toutes les tentatives de domination du même acabit, disparaîtront à Har-Maguédôn et tomberont bientôt dans l’oubli. ’ La force avec laquelle les vérités bibliques étaient présentées nous a stupéfaits. En 1945, le discours qui m’avait tant impressionné alors résonnait comme une prophétie. ”

      Les épreuves continuent

      La persécution a continué avec une fureur renouvelée. Après qu’un prêtre catholique eut visité le bureau de la Société à Budapest et glané tous les renseignements qu’il pouvait, une campagne diffamatoire a été lancée par voie de presse. Elle s’accompagnait de mises en garde proférées du haut des chaires et sur les ondes. Partout dans le pays des publications étaient saisies, et les Témoins étaient cruellement battus. À Kisvárda, plusieurs Témoins ont été emmenés dans la mairie. Un par un, on les a conduits dans une pièce voisine, où ils ont été battus et torturés d’une façon diabolique. Rapportant ces faits, l’Annuaire 1938 des Témoins de Jéhovah posait cette question : “ ‘ Pâques ’, le dimanche de la grande procession. Qu’ont-​ils célébré en ce jour de la résurrection ? La résurrection de l’Inquisition ? ”

      Lorsque le clergé ne parvenait pas à s’assurer le concours de certains fonctionnaires, il employait d’autres moyens. On pouvait lire ceci dans l’Annuaire 1939 : “ Les amis sont fréquemment battus et injuriés par des vauriens souvent payés pour cela. Nous avons appris que, dans certains endroits, les prêtres ont récompensé des individus qui avaient porté de faux témoignages contre les serviteurs de Dieu en leur donnant à chacun 10 kilos de tabac. ”

      Hors-la-loi

      En 1938, András Bartha, qui avait travaillé cinq ans au bureau de la Société à Magdebourg, en Allemagne, et ensuite servi dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie, s’est retrouvé en territoire hongrois après que des parties de la Tchécoslovaquie et de l’Ukraine subcarpatique eurent été annexées par la Hongrie. Frère Bartha a rapidement été désigné pour s’occuper de l’œuvre dans ce pays. L’activité des Témoins de Jéhovah avait déjà été interdite en Allemagne nazie ; leurs réunions n’étaient pas autorisées en Tchécoslovaquie ; et, le 13 décembre 1939, c’était au tour de la Hongrie de déclarer illégale leur activité.

      Cette même année, deux camps d’internement ont été construits en Hongrie, l’un à 30 kilomètres de Budapest et l’autre dans la ville de Nagykanizsa, dans le sud-ouest du pays, à 26 kilomètres de la frontière yougoslave. Ces camps ont vite été remplis de gens que l’on jugeait suspects : criminels, communistes et Témoins de Jéhovah, accusés d’être une menace pour la société.

      À la même période, un chef de la police centrale de Budapest a mis sur pied une brigade de policiers ayant pour mission de découvrir les “ dirigeants ” des Témoins de Jéhovah, et d’analyser la fonction de cette organisation illégale ainsi que ses liens avec l’étranger. Arrestations, mauvais traitements corporels et psychologiques, et emprisonnements s’en sont suivis.

      Tout cela a-​t-​il mis fin à l’activité des Témoins de Jéhovah en Hongrie ? Non, mais il a fallu que tous les proclamateurs tiennent compte du conseil de Jésus, en étant “ prudents comme des serpents et pourtant innocents comme des colombes ”. (Mat. 10:16.) L’Annuaire 1940 cite l’exemple d’une pionnière qui a agi avec prudence. Elle s’était couverte la tête d’un fichu noir et en portait un autre sur ses épaules. Après avoir prêché dans un quartier, elle a vu un homme qui habitait là venir de son côté, accompagné de deux policiers militaires. La sœur s’est esquivée dans une rue transversale, a remplacé ses fichus noirs par d’autres, d’une couleur différente, et s’est ensuite dirigée calmement vers les deux policiers. Ces derniers lui ont demandé si elle avait remarqué une femme portant des fichus noirs. Elle leur a répondu qu’elle en avait effectivement vu une, de toute évidence très pressée, qui courait en sens inverse. Les policiers militaires et leur indicateur se sont aussitôt lancés dans cette direction, tandis que la sœur rentrait tranquillement chez elle.

      Une autre pionnière fidèle a raconté plus tard comment les autorités, sous la pression du clergé, l’avaient arrêtée. Depuis un certain temps, elle était sous surveillance policière et devait se présenter deux fois par mois à la police. Mais à peine avait-​elle quitté le commissariat que déjà elle enfourchait sa bicyclette et se rendait dans son territoire pour prêcher. Devant son entêtement à prêcher, on l’a mise sous les verrous, la première fois pour cinq jours, puis pour dix, quinze et trente jours, deux fois pour quarante jours, puis pour soixante, deux autres fois pour cent jours et, finalement, pour huit ans. Son crime ? Elle enseignait la Bible aux gens. À l’instar des apôtres de Jésus Christ, elle a obéi à Dieu, en sa qualité de chef, plutôt qu’aux hommes. — Actes 5:29.

      Comme frère Bartha était devenu extrêmement pris par le travail de traduction, en 1940 la Société a confié à János Konrád, un ancien serviteur de zone (surveillant de circonscription), la direction de l’œuvre en Hongrie.

      Des camps d’internement supplémentaires

      En août 1940, la Hongrie a assujetti une partie de la Transylvanie (Roumanie). L’année suivante, la persécution dans cette région s’est intensifiée. À Cluj, un autre camp d’internement a été construit et des centaines de frères et sœurs, jeunes et moins jeunes, y ont été conduits. Par la suite, ces Témoins ont été victimes de graves sévices parce qu’ils ne voulaient pas renier leur foi et retourner à leur ancienne religion. Lorsque les frères et sœurs à l’extérieur du camp ont appris leur situation, à travers tout le pays de fidèles Témoins se sont unis pour prier en faveur de leurs compagnons maltraités. Peu de temps après, une enquête officielle menée dans le camp de Cluj a dévoilé la corruption qui y régnait, si bien que le commandant et la plupart des gardiens ont été déplacés, quelques-uns étant même emprisonnés. Nos frères ont rendu grâces à Jéhovah de ce soulagement qui leur a été apporté.

      Pendant ce temps, au sud-ouest de la Hongrie, dans un camp situé près de Nagykanizsa, des couples de frères et sœurs étaient internés ensemble, tandis que leurs enfants étaient pris en charge par des Témoins laissés en liberté. Dans tous les camps, les serviteurs de Jéhovah subissaient de fortes pressions. Pour être libres, ils avaient juste à signer un document par lequel ils renonçaient à leur foi et promettaient de rompre tout lien avec les Témoins de Jéhovah, puis de retourner à leur ancien culte autorisé par l’État.

      La situation de nos frères est devenue plus périlleuse encore le 27 juin 1941, lorsque la Hongrie est entrée en guerre contre l’Union soviétique. De nombreux procès leur ont alors été intentés parce qu’ils refusaient le service militaire.

      Le serviteur responsable pour le pays est arrêté

      La brigade de policiers chargée de s’occuper des Témoins de Jéhovah est devenue de plus en plus active, multipliant ses descentes au domicile des frères. Frère Konrád recevait de nombreuses sommations ; des perquisitions étaient faites chez lui et il était obligé de se présenter deux fois par semaine au commissariat central.

      En novembre 1941, il a réuni tous les serviteurs de zone (ou surveillants de circonscription) pour leur annoncer qu’il allait certainement être arrêté avant peu et que, dans cette éventualité, József Klinyecz, l’un des serviteurs de zone, prendrait la direction de l’œuvre.

      Frère Konrád a été arrêté le mois suivant, le 15 décembre. Pendant plusieurs jours on l’a battu avec une barbarie indescriptible pour le forcer à donner les noms des serviteurs de zone et des pionniers, mais ses bourreaux n’ont rien obtenu de lui. Ils l’ont finalement remis entre les mains du procureur. Malgré tout ce qu’on venait de lui faire subir, frère Konrád n’a été condamné qu’à deux mois de prison ; mais au lieu de le relâcher à la fin de sa peine, on l’a transféré dans le camp de concentration de Kistarcsa, prétextant qu’il représentait une menace pour la société.

      Deux serviteurs responsables pour le pays

      Pendant ce temps, le bureau de la Société chargé de l’Europe centrale et situé en Suisse a officiellement désigné, en 1942, Dénes Faluvégi pour diriger l’œuvre en Hongrie. Frère Faluvégi, d’une nature douce et conciliante, n’en était pas moins capable de stimuler les autres par son zèle pour la vérité. Il avait été enseignant en Transylvanie et avait pris une part importante à l’organisation de l’œuvre en Roumanie après la Première Guerre mondiale.

      Cependant, frère Klinyecz, le serviteur de zone à qui frère Konrád avait remis temporairement, au cas où il serait arrêté, la direction de l’œuvre, a manifesté son mécontentement lorsque cette responsabilité a été confiée à frère Faluvégi. Il le jugeait incapable de faire face à sa lourde tâche.

      Frère Klinyecz s’était toujours montré zélé et courageux, son tempérament se caractérisant plus par sa fermeté que par sa douceur. Il était plein d’enthousiasme pour la prédication, et les frères, à travers tout le pays, le connaissaient bien et l’aimaient. Deux camps sont alors apparus : d’un côté, ceux qui reconnaissaient la nomination par la Société de frère Faluvégi et, de l’autre, ceux qui partageaient l’opinion de frère Klinyecz selon laquelle, en ces jours si difficiles, la direction de l’œuvre devait être placée entre des mains fermes.

      Certaines congrégations ont reçu simultanément la visite de deux serviteurs de zone : le premier était envoyé par frère Faluvégi et le second par frère Klinyecz. C’est triste à dire, mais en de telles circonstances, les deux serviteurs de zone se querellaient parfois au lieu d’encourager la congrégation. Cette situation, on le comprend, affligeait les frères fidèles.

      L’écurie d’Alag

      En août 1942, les autorités ont décidé de mettre fin aux activités des Témoins de Jéhovah en Hongrie. Elles ont préparé dans ce but dix lieux de regroupement dans lesquels elles ont conduit les Témoins, hommes et femmes, jeunes et vieux sans distinction. Même les personnes qui n’étaient pas encore baptisées, mais dont on savait qu’elles avaient des contacts avec les Témoins de Jéhovah, ont été amenées dans ces endroits.

      Les Témoins de Budapest et de ses environs ont été conduits dans une écurie de chevaux de course à Alag. Ils dormaient la nuit sur de la paille éparpillée le long des murs extérieurs, des deux côtés de l’écurie. Au cours de la nuit, si quelqu’un voulait simplement se retourner, il devait au préalable obtenir la permission des gardiens. Le jour, on obligeait les prisonniers à s’asseoir en rang sur des bancs de bois, face au mur, tandis que les gardiens faisaient les cent pas, baïonnette au canon. Il n’était pas permis de parler.

      À côté de l’étable il y avait une petite pièce dans laquelle les policiers menaient les “ interrogatoires ”, sous la direction des deux frères Juhász, István et Antal. Certaines des méthodes qu’ils ont utilisées pour torturer les Témoins sont trop dégradantes pour être mentionnées.

      Les sœurs non plus n’ont pas été épargnées. Pour étouffer ses cris de protestation, on a enfoncé les bas d’une sœur dans sa bouche. Puis on l’a forcée à s’allonger face contre terre, ses jambes maintenues vers le haut par un policier assis sur elle, tandis qu’un autre la frappait sans pitié sur la plante des pieds. Depuis la pièce où se trouvaient les frères, on entendait nettement les coups ainsi que les cris de la sœur.

      Le “ tribunal ” d’Alag

      Les “ interrogatoires ” ont cessé vers la fin du mois de novembre. Ce mois-​là, un tribunal a été improvisé dans la salle de danse d’un restaurant d’Alag, où l’état-major du général Heinrich Werth, constitué en cour martiale, a statué sur le cas de 64 Témoins de Jéhovah. En pénétrant dans la salle, ces derniers ont vu les publications, les Bibles, les machines à écrire, les phonographes et les enregistrements qui avaient été saisis au cours des différentes perquisitions faites chez eux.

      Le procès s’est ouvert sans qu’aucun des 64 accusés n’ait été interrogé par le procureur militaire, ou n’ait même seulement parlé avec l’avocat commis d’office pour les défendre. Leur audition n’a duré que quelques heures, en tout et pour tout, et on ne leur a guère donné de réelle chance de se défendre. Une sœur, à qui l’on avait demandé si elle était prête à prendre les armes, a répondu : “ Je suis une femme, par conséquent je n’ai pas à prendre les armes. ” On lui a aussitôt demandé : “ Les prendriez-​vous si vous étiez un homme ? ” Elle a répliqué : “ Je répondrai à cette question le jour où je serai devenue un homme ! ”

      Plus tard, les sentences ont été prononcées. Frères Bartha, Faluvégi et Konrád étaient condamnés à la pendaison. Certains Témoins étaient condamnés à l’emprisonnement à vie, tandis que les autres étaient frappés de peines allant de deux à quinze ans de prison. L’après-midi même, on les a emmenés à la prison militaire du boulevard Margit, à Budapest. Les trois frères condamnés à mort s’attendaient à être exécutés d’une minute à l’autre, mais un mois précisément après leur incarcération, leur avocat est venu les informer que la sentence avait été commuée en prison à vie.

      Dans les neuf autres lieux de regroupement, les méthodes employées pour mener les interrogatoires étaient semblables à celles utilisées dans l’écurie d’Alag. Les frères déclarés coupables ont finalement été transférés à la prison de Vác, dans le nord du pays.

      Gardées par des religieuses

      Les sœurs étaient en général internées à la prison du contre-espionnage, rue Conti, à Budapest. Celles qui étaient condamnées à des peines de trois ans ou plus étaient transférées dans la prison pour femmes de Márianosztra (Notre Marie), un village situé près de la frontière slovaque. Leurs gardiennes étaient des religieuses qui traitaient nos sœurs de la plus terrible des manières. Les Témoins qui se trouvaient jusque-​là dans d’autres prisons y ont également été amenés.

      Quiconque n’était pas prêt à se conformer aux règles de la prison instituées par les religieuses, était jeté au cachot. Au nombre de ces règles figuraient l’assistance obligatoire aux offices et le salut catholique “ Loué soit Jésus Christ ”. Si les prisonnières recevaient quoi que ce soit, elles devaient prononcer cette formule de remerciement : “ Dieu vous bénisse en retour. ”

      Naturellement, nos sœurs fidèles ne se sont pas pliées à ces règles. Chaque fois qu’elles refusaient d’aller à l’église, elles étaient mises au cachot pendant 24 heures ; c’est en pareille occasion qu’elles disaient : “ Dieu vous bénisse en retour. ” En outre, elles étaient privées de tous les droits habituels, comme recevoir des colis ou des visites et correspondre avec des parents. Seul un petit nombre ont accepté de faire des compromis pour s’épargner de nouvelles privations. Après un certain temps, toutefois, le dur traitement que subissaient les sœurs restées fidèles s’est quelque peu adouci.

      Le camp de concentration de Bor

      Au cours de l’été 1943, tous les frères âgés de moins de 49 ans et emprisonnés dans le pays ont été rassemblés dans une ville de province, puis se sont vu intimer l’ordre de faire leur service militaire. Bien qu’ayant été de nouveau brutalisés, les frères fidèles sont restés fermes et ont même refusé de prendre l’habit militaire qu’on leur tendait. Neuf frères, toutefois, ont prêté serment et ont accepté l’uniforme. Mais ce compromis ne leur a pas valu pour autant d’être libérés. Avec les autres frères, soit un groupe de 160 hommes au total, ils ont été transférés dans le camp de concentration de Bor (en Serbie). Deux ans plus tard, l’un de ces neuf hommes était désigné pour faire partie d’un peloton d’exécution. C’est d’une main tremblante, le teint blême, qu’il a épaulé son fusil ; au nombre des condamnés se trouvait un Témoin fidèle : son jeune frère.

      Sur la route les menant au camp comme à l’intérieur de celui-ci, les frères sont passés par de rudes épreuves. Mais en général, le commandant du camp n’insistait pas pour qu’ils accomplissent un travail contraire à leur conscience. Il leur a même présenté des excuses en une certaine occasion, après que des soldats eurent torturé des Témoins pour les forcer à violer leur conscience.

      Károly Áfra, un frère âgé de plus de 70 ans qui sert toujours fidèlement Jéhovah, raconte : “ Ils essayaient de briser notre foi, mais nous restions inébranlables. Une fois, nous devions construire un emplacement en béton pour un canon. Deux frères furent choisis pour faire le travail. Ils refusèrent, expliquant que la raison même de leur emprisonnement était leur détermination à ne rien faire qui ait un rapport avec la guerre. L’officier leur répondit que s’ils persistaient dans leur refus, il se verrait obligé de les exécuter. L’un des frères fut alors emmené par un soldat de l’autre côté de la montagne, puis un coup de feu retentit. L’officier, se tournant vers le second frère, lui dit : ‘ Maintenant, ton frère est mort ; mais tu peux encore réfléchir. ’

      “ Il reçut cette réponse : ‘ Si mon frère a pu mourir pour sa foi, pourquoi pas moi ? ’ L’officier ordonna à un deuxième soldat de ramener le frère censé ‘ mort ’ et, donnant à l’autre frère une tape dans le dos, il dit : ‘ Des hommes d’un tel courage méritent de vivre. ’ Et il les laissa partir. ”

      Les frères savaient que s’ils restaient en vie, c’était pour servir en tant que Témoins de Jéhovah. Il y avait des milliers d’autres prisonniers dans le camp de Bor, auxquels ils ont donné le témoignage à fond sur Jéhovah et son Royaume. Partout dans le pays, durant ces années difficiles, les Témoins de Jéhovah ont pleinement profité des occasions de donner le témoignage, en prison, dans des camps de concentration ou ailleurs. En tous lieux ils ont rencontré des personnes bien disposées à leur égard, même parmi les hauts fonctionnaires, qui admiraient l’endurance courageuse des Témoins. Certains officiers sont allés jusqu’à les encourager en ces termes : “ Continuez de persévérer dans votre foi ! ”

      Les Témoins se trouvaient déjà à Bor depuis 11 mois, dans des conditions dangereuses et pénibles, lorsque la rumeur s’est répandue que des partisans projetaient d’attaquer le village. La décision a été prise d’évacuer le camp. Quand les Témoins ont appris, deux jours avant la date choisie pour le départ, qu’ils allaient devoir faire le voyage à pied, ils ont aussitôt commencé à fabriquer des charrettes à deux et à quatre roues. Au moment du départ, les officiers, les soldats et les autres prisonniers n’en revenaient pas de voir ce que les Témoins de Jéhovah avaient accompli, tant il y avait de charrettes.

      Avant de prendre la route (avec 3 000 prisonniers juifs), chaque frère a reçu 700 grammes de pain et cinq boîtes de poisson, ce qui était loin d’être suffisant pour le voyage. Mais ce que les officiers n’ont pas donné, Jéhovah y a pourvu. Comment ? Grâce aux Serbes et aux Hongrois qui habitaient la région traversée. Ils ont volontiers donné aux frères le pain dont ils pouvaient se passer. Ces derniers le mettaient en commun et profitaient des arrêts pour le partager équitablement, de telle sorte que chacun en recevait un morceau, même si ce n’était qu’un petit bout. Alors que, le long de la route, des centaines de prisonniers étaient livrés aux soldats allemands pour être exécutés, les Témoins, quant à eux, bénéficiaient de la main protectrice de Jéhovah.

      Leur intégrité de nouveau mise à l’épreuve

      Vers la fin de l’année 1944, tandis que l’armée soviétique s’approchait de plus en plus, les Témoins ont été déplacés du côté de la frontière austro-hongroise. Voyant que tous les hommes robustes étaient partis au front, les frères ont aidé les femmes de cette région à travailler leurs terres. Là où ils étaient logés, ils saisissaient toutes les occasions de donner le témoignage.

      En janvier 1945, le commandant du camp les a informés que tous les hommes en mesure de travailler devaient se présenter à la mairie de Jánosháza. Là, un officier allemand les a emmenés à l’extérieur du village pour qu’ils creusent des tranchées. Quand les six frères qui avaient été sélectionnés les premiers ont refusé, l’officier a immédiatement ordonné : “ Qu’on les exécute ! ” Sous le regard de leurs 76 compagnons, les six frères ont été alignés et mis en joue par les soldats hongrois, prêts à faire feu au premier commandement. Discrètement, un soldat hongrois s’est empressé de dire aux frères qui assistaient à la scène : “ Mettez-​vous à côté d’eux et jetez vos outils, sans cela ils vont être tués. ” Ils ont immédiatement suivi son conseil. Au début, l’officier allemand était si perplexe qu’il gardait les yeux écarquillés, l’air incrédule. Puis il a demandé : “ Eux non plus ne veulent pas travailler ? ” Frère Bartha lui a répondu en allemand : “ Oh, si ! nous voulons bien travailler, mais nous ne pouvons pas exécuter des tâches contraires à notre foi. Le sergent qui est ici peut confirmer que nous avons fait tous nos travaux le plus consciencieusement du monde, avec la plus grande efficacité, et ça n’a pas changé ; mais ce travail que vous nous avez ordonné, nous ne le ferons pas. ”

      L’un des frères a raconté plus tard : “ L’officier a alors déclaré que nous étions tous en état d’arrestation, ce qui était vraiment ridicule puisque nous étions déjà prisonniers, de toute façon ! ”

      D’autres exemples d’intégrité

      À l’instar de ces frères dont nous venons de parler, des centaines d’autres frères et sœurs ont livré, aux quatre coins du pays, le même combat pour leur foi, dans un grand nombre de camps de concentration et de prisons.

      Au printemps 1944, deux Témoins de Jéhovah, Éva Bász et Olga Slézinger, juives de naissance, âgées respectivement de 20 et 45 ans, se sont retrouvées parmi les nombreux Juifs du camp d’internement de Nagykanizsa qu’on transférait dans des camps allemands. Toutes deux étaient zélées et adoraient Jéhovah d’un cœur pur. Sœur Bász était une jeune fille très fragile, mais elle avait été pionnière avant son arrestation. Elle était en train de prêcher dans le village de Dunavecse lorsque la police l’a arrêtée et l’a emmenée à la mairie.

      Sur les instigations du maire, on lui a fait subir un traitement abject. Sœur Bász se rappelle : “ Ils ont rasé tous mes cheveux ; j’ai dû rester debout, entièrement nue, en présence de dix à douze policiers. Ils ont ensuite commencé un interrogatoire ; ils voulaient connaître l’identité de notre chef en Hongrie. Je leur ai expliqué que nous n’avions d’autre chef que Jésus Christ. ” En réponse, ils l’ont frappée avec leurs matraques, sans pitié. Mais sœur Bász était déterminée à ne pas trahir ses frères chrétiens.

      Elle raconte ensuite : “ Ces brutes m’ont attaché les mains et les pieds au-dessus de la tête, et ils m’ont violée. Ils m’ont tous humiliée, tous, sauf un policier. Mes liens étaient si serrés que, trois ans plus tard, lorsque je suis allée en Suède, mes poignets en portaient encore les marques. Ils m’ont cachée au sous-sol pendant deux semaines, tant j’avais été maltraitée, jusqu’à ce que mes blessures les plus graves se soient cicatrisées. Ils n’osaient pas laisser d’autres personnes voir mon état. ” Sœur Bász a été envoyée au camp de Nagykanizsa puis, de là, avec sœur Slézinger, à Auschwitz.

      Elle poursuit : “ Je me sentais en sécurité auprès d’Olga ; elle gardait son sens de l’humour même dans les situations les plus pénibles. Le docteur Mengele avait pour tâche de séparer les nouveaux arrivants qui n’étaient pas en état de travailler de ceux qui étaient suffisamment robustes. Les premiers étaient envoyés aux chambres à gaz. Lorsqu’est venu notre tour, il a demandé à Olga : ‘ Quel âge avez-​vous ? ’ Avec audace, les yeux pétillants, elle a répondu : ‘ Vingt ans. ’ En réalité, elle avait deux fois vingt ans. Mais Mengele est parti à rire et l’a mise à droite, du côté de ceux qu’on laissait en vie. ”

      Des étoiles jaunes cousues sur leurs vêtements les identifiaient à des Juives, mais nos deux sœurs ont protesté, insistant sur le fait qu’elles étaient Témoins de Jéhovah. Elles ont arraché les étoiles jaunes et, afin qu’on les identifie à des Témoins de Jéhovah, elles ont exigé que des triangles violets soient cousus à la place. On les a battues sévèrement pour cela, mais elles ont répondu : “ Faites de nous ce que vous voulez, mais nous resterons toujours Témoins de Jéhovah. ”

      Plus tard, elles ont été transférées dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. C’est à peu près à cette période qu’une épidémie de typhus s’est déclarée dans le camp. Sœur Slézinger est tombée si malade qu’elle a été emmenée hors du camp, avec beaucoup d’autres. On ne l’a plus jamais revue. Peu de temps après, l’armée britannique libérait la région. Après un séjour à l’hôpital, sœur Bász s’est rendue en Suède, où elle a rapidement pris contact avec les frères.

      Beaucoup d’entre les frères emprisonnés en Hongrie avaient été par la suite déportés en Allemagne. La majorité sont revenus à la fin de la guerre, mais pas tous. Dénes Faluvégi est mort lors de son transfert du camp de concentration de Buchenwald à celui de Dachau. Il servait fidèlement Jéhovah depuis plus de 30 ans.

      Des Témoins fidèles jusqu’à la mort

      Lorsqu’on a définitivement fermé le camp de Nagykanizsa, en automne 1944, les Témoins qui n’avaient pas encore été déportés en Allemagne ont recouvré leur liberté. Toutefois, comme ils ne pouvaient pas rentrer chez eux sans traverser la zone des combats, ils ont décidé de travailler dans les fermes avoisinantes jusqu’à ce que la situation se soit améliorée. Mais le 15 octobre 1944, le Nyilaskeresztes Párt (parti des Croix-Fléchées), soutenu par le parti nazi allemand, a pris le pouvoir et a aussitôt appelé tous les jeunes hommes sous les drapeaux.

      De jeunes frères n’ont pas tardé à être arrêtés de nouveau pour leur neutralité. Cinq d’entre eux ont été emmenés à Körmend, à 10 kilomètres de la frontière autrichienne, où un tribunal militaire siégeait dans l’école de la ville. Le premier frère jugé, Bertalan Szabó, a été condamné à être fusillé. Avant son exécution, il a écrit une lettre d’adieu poignante, que vous pouvez lire dans le livre Les Témoins de Jéhovah : Prédicateurs du Royaume de Dieu, page 662. Deux autres frères, János Zsondor et Antal Hönis, ont été jugés à leur tour par le tribunal. Eux aussi sont restés fermes ; et eux aussi ont été exécutés.

      Sándor Helmeczi était emprisonné dans cette école. Il se souvient : “ À une certaine heure du jour, nous étions autorisés à utiliser les toilettes situées dans la cour. Mais ils ont modifié l’horaire afin que nous voyions ce qui s’était passé. Le message était clair : ‘ Maintenant, vous savez ce qui vous attend ! ’ Ce moment a été très dur pour nous : nous regardions nos frères bien-aimés qui gisaient sur le sol, sans vie. Ensuite, on nous a ramenés dans nos cellules.

      “ Dix minutes après, on nous a dit de sortir et de nettoyer le sang qui s’était répandu. Nous avons donc vu les corps de nos frères de très près. Le visage de János Zsondor avait gardé son expression habituelle. Souriant, amical et doux, aucun sentiment de crainte ne s’y lisait. ”

      Pendant ce temps, un autre frère, Lajos Deli, âgé de vingt ans, était publiquement pendu sur la place du marché de Sárvár, à environ 40 kilomètres de la frontière autrichienne. En 1954, un témoin oculaire, un ancien officier, a raconté ce qui s’était passé ce jour-​là :

      “ Nous étions nombreux, civils et militaires, à fuir vers l’ouest. En traversant Sárvár, nous avons vu une potence dressée sur la place du marché. Sous la potence se tenait un jeune garçon au visage serein, très avenant. Quand j’ai demandé à l’un des spectateurs ce qu’avait fait le garçon, il m’a répondu qu’il avait refusé de prendre aussi bien les armes que la pelle. Plusieurs recrues du parti des Croix-Fléchées, armées de mitraillettes, se tenaient autour. Tous, nous avons entendu l’un de ces hommes lancer au jeune : ‘ C’est ta dernière chance, prends cette mitraillette ou nous te pendrons ! ’ Le jeune garçon n’a pas bronché ; il n’était pas le moins du monde impressionné. Puis, d’une voix ferme, il a déclaré : ‘ Vous pouvez bien me pendre si c’est ce que vous voulez, mais je préfère obéir à mon Dieu, Jéhovah, plutôt qu’à de simples hommes. ’ Alors, ils l’ont pendu. ”

      D’après l’Annuaire 1946, 16 Témoins ont été tués entre 1940 et 1945 pour avoir refusé, écoutant leur conscience, d’effectuer le service militaire ; 26 autres sont morts des suites de mauvais traitements. Comme leur Seigneur, ils ont vaincu le monde grâce à leur foi.

  • Hongrie
    Annuaire 1996 des Témoins de Jéhovah
    • [Illustrations, page 90]

      Fidèles à Jéhovah jusqu’à leur mort : (en haut) Bertalan Szabó, fusillé ; (à droite) Lajos Deli, pendu.

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