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L’Holocauste — Il a réellement eu lieu!Réveillez-vous ! 1989 | 8 avril
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[Encadré, page 8]
“Qu’il n’en reste plus aucune trace”
“Au moment où on a ouvert la dernière fosse, j’ai reconnu toute ma famille. Maman et mes sœurs. Trois sœurs avec leurs enfants. Elles étaient toutes là-bas. (...) Ils étaient restés dans la terre pendant quatre mois, et (...) c’était l’hiver.” “Le chef de la Gestapo de Vilna nous a dit: ‘Il y a quatre-vingt-dix mille personnes couchées là, et il faut absolument qu’il n’en reste plus aucune trace.’” — Témoignage de survivants juifs, Motke Zaïdl et Itzhak Dugin.
“Juste au moment où nous passions, ils étaient en train d’ouvrir les portes de la chambre à gaz... et les gens sont tombés comme des pommes de terre. (...) On choisissait chaque jour cent Juifs pour traîner les cadavres vers les fosses. Le soir, les Ukrainiens chassaient ces Juifs dans les chambres à gaz, où ils les abattaient. Chaque jour. (...) Il arrivait toujours plus de gens, toujours plus, qu’on n’avait pas les moyens de tuer. (...) Les chambres à gaz avaient une trop faible capacité.” — Franz Suchomel, officier SS (Unterscharführer); ses premières impressions sur le camp d’extermination de Treblinka.
(Ces citations sont tirées d’interviews du documentaire Shoah.)
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L’Holocauste — Les victimes oubliéesRéveillez-vous ! 1989 | 8 avril
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L’Holocauste — Les victimes oubliées
“La politique de génocide poursuivie par les nazis se solda par la mort de presqu’autant de Polonais non juifs que de Juifs polonais, faisant des premiers les victimes d’un ‘Holocauste oublié’.” — “L’Holocauste oublié” (angl.), de Richard Lukas.
QU’ENTEND-ON par Holocauste? Selon certains dictionnaires, il s’agit du génocide que les nazis perpétrèrent contre les Juifs d’Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une telle définition peut facilement laisser penser que les Juifs furent les seuls à souffrir et à périr de la main des nazis. Toutefois, sert-on la justice et la vérité en restreignant l’application du mot Holocauste aux seules victimes juives du nazisme?
L’écrivain Richard Lukas déclare: “Chez la plupart de nos contemporains, le terme Holocauste évoque le drame des Juifs écrasés sous la botte allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. D’un point de vue psychologique, on comprend que les Juifs préfèrent voir ce mot utilisé uniquement en rapport avec les souffrances imposées à leur peuple (...). Cependant, en excluant les autres victimes de l’Holocauste, on en arrive souvent à passer sous silence, voire à oublier complètement, les atrocités que les nazis firent subir aux Polonais, aux autres Slaves et aux Tziganes.”
Il poursuit: “L’Holocauste n’impliquant, selon eux, que les Juifs, ils [les historiens] n’ont rien dit, ou presque rien, des neuf millions de non-Juifs, dont trois millions de Polonais, qui ont également perdu la vie dans la plus grande tragédie que le monde ait jamais connue.”
L’espace vital, obsession de Hitler
Quand, en septembre 1939, les armées de Hitler envahirent la Pologne, c’était pour mener à bien la politique du Führer visant à fournir au peuple allemand le Lebensraum, l’espace vital, dont il avait besoin. Richard Lukas écrit à ce propos: “Pour les nazis, les Polonais étaient des Untermenschen (sous-hommes) qui occupaient une partie du Lebensraum (espace vital) convoité par la race supérieure des Allemands.” En conséquence, Hitler autorisa ses troupes à tuer “sans pitié tout homme, femme ou enfant d’origine ou de langue polonaise. C’est seulement ainsi, dit-il, que nous obtiendrons l’espace vital dont nous avons besoin”.
Septembre 1939 marqua pour le peuple polonais le début d’un terrible calvaire. Hitler avait déclaré: “Cette guerre doit être une guerre d’anéantissement.” Heinrich Himmler, bras droit de Hitler, avait dit quant à lui: “Les Polonais doivent disparaître de la terre. (...) Il est essentiel que le grand peuple allemand voie dans l’anéantissement de tous les Polonais une tâche de première importance.” Ainsi, l’Holocauste ne fut pas dirigé seulement contre les Juifs polonais, mais contre “tous les Polonais”.
“On appliquait le régime de la terreur dans tous les territoires occupés”, fait remarquer Catherine Leach, traductrice du livre polonais Valeurs et violence à Auschwitz. “Toutefois, en Pologne, la brutalité s’exerçait à l’encontre de chaque habitant, et les exécutions massives, basées sur le principe de la responsabilité collective, étaient beaucoup plus fréquentes qu’ailleurs, parce que tous les Polonais, sans distinction d’âge, de sexe ou d’état de santé, appartenaient à une nation condamnée — condamnée par les idéologues du parti et du gouvernement nazis.” Selon Catherine Leach, Himmler considérait les Polonais comme une race inférieure vouée à l’esclavage.
“Même après la capitulation de la Pologne [28 septembre 1939], les soldats de la Wehrmacht [l’armée allemande] continuèrent à obéir à l’exhortation qu’avait lancée Hitler le 22 août 1939, de tuer ‘sans pitié tout homme, femme ou enfant d’origine ou de langue polonaise’.” Où les soldats allemands et les SS puisaient-ils la motivation nécessaire à la froide exécution de ces meurtres? Dans la propagande omniprésente qui vantait la suprématie de la race aryenne sur toutes les autres. Ainsi, conclut Richard Lukas dans L’Holocauste oublié, “la théorie nazie d’un empire colonial en Pologne reposait sur le refus de reconnaître le statut d’être humain aux Polonais, qui étaient, après les Juifs, le peuple pour lequel Hitler éprouvait le plus de haine”.
“Politique de dépeuplement”
En avant-propos du livre Le commandant d’Auschwitz parle..., Lord Russell, de Liverpool, écrit: “Pendant la guerre, les Allemands tuèrent pas moins de douze millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans les territoires conquis et occupés. Au bas mot, huit millions d’entre eux périrent dans les camps de concentration. Sur les 12 millions, cinq millions au minimum étaient des Juifs. (...) Toutefois, le nombre réel ne sera jamais connu.” Sur la base de ces renseignements, au moins sept millions de victimes n’étaient pas juives.
Catherine Leach apporte cet autre témoignage: “La Pologne fut le premier pays à subir la ‘politique de dépeuplement’ de Hitler, dont l’objectif était de préparer les vastes territoires de ‘l’Est’ à la colonisation allemande. De tous les pays occupés, c’est elle qui paya le plus lourd tribut en vies humaines: 220 morts pour 1 000 habitants. Des sources polonaises révèlent qu’au moins 6 028 000 citoyens polonais (...) ont perdu la vie.” Sur ce nombre, 3 200 000 étaient Juifs. Cela signifie que près de la moitié des victimes étaient des non-Juifs.
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L’Holocauste — Les victimes oubliéesRéveillez-vous ! 1989 | 8 avril
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[Carte/Illustrations, page 10]
(Voir la publication)
Quelques-uns des camps de concentration et d’extermination d’Europe; il existait en outre 165 camps de travaux forcés.
OCÉAN ATLANTIQUE
LETTONIE
Riga
LITUANIE
Kaunas
PRUSSE ORIENT.
POLOGNE
Stutthof
Treblinka
Chełmno
Sobibór
Lublin
Skarżysko-Kamienna
Majdanek
Plaszow
Bełżec
Auschwitz
ALLEMAGNE
Papenburg
Neuengamme
Belsen
Ravensbrück
Sachsenhausen
Oranienburg
Lichtenberg
Dora-Nordhausen
Torgau
Buchenwald
Gross Rosen
Ohrdruf
Flossenbürg
Dachau
Landsberg
P.-B.
Westerbork
Vught
BELG.
LUX.
FRANCE
Struthof-Natzwiller
SUISSE
ITALIE
AUTRICHE
Mauthausen
Sachsenburg
TCHÉCOSLOVAQUIE
Theresienstadt
[Illustrations]
“Cette guerre doit être une guerre d’anéantissement.” “[Tuez] sans pitié tout homme, femme ou enfant d’origine ou de langue polonaise.” — Hitler.
“Les Polonais doivent disparaître de la terre.” — Himmler.
[Crédits photographiques]
Bibliothèque du Congrès
UPI/Bettmann Newsphotos
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