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L’arme suprême et la course pour la sécuritéRéveillez-vous ! 1986 | 22 mai
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Lorsqu’on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de défense efficace contre les armements atomiques, on a imaginé la notion de dissuasion nucléaire. En novembre 1945, le général Henry Arnold, commandant l’armée de l’air américaine, a déclaré dans un rapport au ministre de la Défense: “Dans un avenir proche, notre véritable sécurité face aux armes nucléaires va dépendre de notre capacité à lancer une offensive immédiate avec une puissance de feu écrasante. Il doit être clair pour tout agresseur éventuel qu’une attaque sur les États-Unis déclencherait aussitôt une vaste contre-offensive aérienne menée avec des armes atomiques dévastatrices.”
Pour beaucoup, la dissuasion n’est pas la clé de la véritable sécurité. Robert Oppenheimer, le grand physicien qui a été appelé le père de la bombe atomique, a assimilé les puissances nucléaires en présence à “deux scorpions dans une bouteille, chacun capable de tuer l’autre, mais seulement au risque de sa propre vie”. Plus récemment, le président Ronald Reagan a déclaré que la position des États-Unis et de l’Union soviétique ressemblait à celle de deux personnes braquant chacune un pistolet sur la tête de l’autre.
Tentatives en faveur d’une politique nucléaire internationale
En juin 1946, les États-Unis ont présenté un plan à l’Organisation des Nations unies nouvellement formée. Ce plan réclamait la création d’une agence internationale qui aurait pouvoir de surveiller toutes les activités liées à l’énergie atomique dans le monde. Après que cette agence aurait été mise en place, les États-Unis livreraient leurs secrets dans le domaine du nucléaire, mettraient au rebut leurs bombes atomiques et n’en fabriqueraient plus.
L’Union soviétique insista pour que les armements nucléaires soient détruits d’abord. Une fois que cela serait fait, alors on pourrait mettre au point un système de limitation et de surveillance. Le différend devint insoluble et, dans les années suivantes, la guerre froide fit s’envoler les espoirs de voir l’ONU venir à bout des armes nucléaires.
La course-poursuite
En 1949, l’Union soviétique fait exploser sa première bombe atomique. Le climat de suspicion entre l’Est et l’Ouest va en augmentant, et la course aux armements s’engage sérieusement. Les États-Unis réagissent à la bombe soviétique en mettant au point une arme beaucoup plus puissante, la bombe à hydrogène. La première à être essayée, en 1952, est 800 fois plus puissante que les bombes atomiques précédentes. Après neuf mois seulement, l’Union soviétique réussira à produire sa propre bombe à hydrogène.
Puis apparaît l’ICBM (missile balistique intercontinental). C’est l’Union soviétique qui marque ce point en 1957. Désormais, on peut déclencher une attaque nucléaire en quelques minutes, au lieu de plusieurs heures. Les États-Unis mettront les bouchées doubles pour combler le retard, et l’année suivante ils ajouteront l’ICBM à leur arsenal.
Pendant ce temps, d’autres pays travaillent à leur propre bombe et se livrent déjà à des essais. Ainsi, le Royaume-Uni, la France et d’autres deviennent à leur tour des puissances nucléaires.
Dans les années 1960, l’escalade se poursuit sans fléchir. Les États-Unis et l’Union soviétique expérimentent en même temps des missiles antimissiles balistiques et lancent des missiles à partir de sous-marins. Les deux nations se dotent aussi de missiles à têtes multiples.
La course se prolongera jusque dans les années 1970, époque à laquelle la création des MIRV (fusées à têtes multiples indépendamment guidées) représentera un pas important. Un missile est désormais capable de transporter à lui tout seul plusieurs ogives nucléaires pouvant aller frapper des objectifs différents. Par exemple, le missile moderne américain MX, ou Peacekeeper, est doté de dix ogives, de même que le SS-18 soviétique. Ainsi, chaque missile peut détruire dix villes.
Les missiles deviennent également plus précis, ce qui, avec l’apparition des MIRV, fait redoubler les craintes. Au lieu de prendre pour cible les villes de l’adversaire, on peut pointer plusieurs MIRV sur ses bases de missiles et ses installations militaires. Certains avancent alors l’idée qu’il est possible de remporter une guerre nucléaire. Une première frappe puissante ôterait à l’ennemi les moyens ou la volonté de contre-attaquer.
Chaque camp se sent obligé de parer à une telle menace en se ménageant la possibilité de riposter, même au cas où l’autre aurait réussi une attaque surprise. Sans cette capacité de riposte, raisonne-t-on, on a peu de chances de décourager une éventuelle agression; c’est, à la vérité, une tentation à laquelle l’ennemi pourrait difficilement résister. Davantage d’armes feront donc leur apparition.
Alors que nous sommes maintenant bien engagés dans les années 1980, la course aux armements se poursuit à une allure folle. La panoplie s’est récemment enrichie de la bombe à neutrons — une bombe à hydrogène de faible puissance dont les radiations tuent les populations, tout en laissant intacts les immeubles et les véhicules. Le missile de croisière est une autre de ces nouveautés; il est capable de voler en rase-mottes (donc assez bas pour être hors d’atteinte des radars ennemis) pour porter une charge nucléaire à 2 400 km avec précision. La dernière innovation en date, un programme communément appelé Guerre des étoiles, étend le champ de bataille à l’espace.
Les tentatives en vue de limiter les armements
Même si l’histoire de la course aux armements nucléaires peut laisser supposer qu’elle s’est poursuivie sans aucune entrave, il faut savoir que nombre d’accords ont été signés. Certains visent à restreindre le nombre d’essais atomiques, d’autres fixent des limitations quantitatives aux systèmes d’armes, d’autres encore interdisent la prolifération des armes atomiques aux États non nucléaires.
Ces accords n’ont été obtenus qu’à la suite de longs et douloureux efforts. Et aucun accord n’a permis de réduire de manière notable le volume des armes existantes.
Le fond du problème réside dans la défiance et la crainte profondes que s’inspirent les deux Grands. L’ironie veut que l’insécurité qui en résulte crée une demande supplémentaire d’armes qui font, à leur tour, apparaître chaque camp comme plus nuisible et menaçant à l’autre; par conséquent, les gens se sentent moins en sécurité que jamais.
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La bombe et l’avenir de l’hommeRéveillez-vous ! 1986 | 22 mai
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Les personnes bien renseignées reconnaissent que les nations sont décidées à utiliser leur armement si on les y pousse. De fait, la volonté de riposter est une condition essentielle de la dissuasion. Le général B. Davis, chef du commandement des forces aériennes stratégiques des États-Unis, a récemment écrit: “En dernière analyse, la crédibilité de notre pouvoir de dissuasion tient en deux facteurs dépendants. Il nous faut — ce dont nos adversaires potentiels doivent être pleinement convaincus — posséder d’abord la capacité de faire échec à leur initiative quelle que soit la nature du conflit; ensuite, et là encore cela ne doit faire aucun doute dans l’esprit de nos adversaires, être animés de la volonté nationale d’exercer cette capacité pour la défense des intérêts du pays.” (C’est nous qui soulignons.) — Air Force Magazine, juillet 1985.
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