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  • On peut toujours faire quelque chose pour Jéhovah
    La Tour de Garde 1989 | 1er octobre
    • Une position neutre

      Le 3 septembre 1939, la France et la Grande-Bretagne ont déclaré la guerre à l’Allemagne. Je me suis présenté à Vincennes, où j’ai pris position sur la question de la neutralité chrétienne. Peu après, on a chargé un jeune soldat de me conduire en side-car au Fort de Charenton, tout proche. Malgré les pétarades de son engin, ce soldat, qui savait pourquoi j’étais envoyé dans ce fort, a essayé de me raisonner. Il m’a même supplié en ces termes: “Queyroi, ne fais pas ça. Ne refuse pas de te battre, sans quoi ça va aller mal pour toi.” Je me suis empressé de lui assurer que je ne craignais rien.

      J’ai passé alors ma première nuit dans une cellule. Elle mesurait 2 mètres de long sur 1,50 mètre de large. Pour tout mobilier, elle ne contenait qu’une planche qui faisait office de lit, avec deux couvertures. Elle n’était pas éclairée. J’ai réfléchi à ce que je pourrais faire pour Jéhovah dans ma situation. À mon réveil, je me suis aperçu que ma cellule n’avait même pas de lucarne laissant filtrer le moindre rayon de lumière. J’avais droit à une sortie quotidienne d’un quart d’heure pour faire ma toilette. Un sergent, revolver au poing, et deux soldats, fusil à l’épaule, m’escortaient jusqu’au lavabo. On me traitait comme un dangereux malfaiteur!

      C’étaient d’autres soldats qui m’apportaient à manger. Ma position les intriguait, ce qui me fournissait l’occasion de faire quelque chose pour Jéhovah: je leur donnais un témoignage complet. Très vite, certains d’entre eux m’ont pris en sympathie et m’ont fourni des allumettes, des bougies et même de la nourriture supplémentaire. Dans un premier temps, ma Bible m’avait été confisquée, mais, grâce à l’intervention d’un officier, elle m’a été rendue. Combien j’aimais la lire à la lueur de la bougie!

      Puis est arrivé le jour de mon transfert dans une prison militaire qui n’existe plus aujourd’hui, rue du Cherche-Midi, à Paris. On m’a mis au secret, si bien que j’avais amplement le temps de méditer sur ma situation.

  • On peut toujours faire quelque chose pour Jéhovah
    La Tour de Garde 1989 | 1er octobre
    • Mon nouveau territoire: la prison

      Dès le début de mon emprisonnement, j’ai pris conscience que si je ne cherchais pas un moyen de faire quelque chose pour Jéhovah, même si ce n’était pas beaucoup, ma foi s’affaiblirait rapidement. Mais il ne m’a pas fallu longtemps pour provoquer des occasions de parler de la vérité contenue dans la Parole de Dieu. Quelques semaines après mon arrivée dans la prison du Cherche-Midi, j’ai été transféré dans une salle commune avec d’autres détenus. J’y ai rencontré un étudiant en droit, condamné à la prison pour avoir rejoint sa caserne plusieurs jours après l’expiration d’une permission, ainsi qu’un séminariste catholique condamné pour vol. Nous avons eu tous les trois de longs entretiens sur la vérité biblique.

      Un jour, lors d’une promenade dans la cour, j’ai aperçu un prisonnier seul dans un coin. M’approchant de lui, j’ai vu qu’il lisait. Je lui ai parlé et, se retournant, il m’a fait voir une Bible. Pensez un peu! C’était un Témoin de Jéhovah! Il était d’origine polonaise et se nommait Ceglarski. Comme moi, il était enfermé à cause de sa neutralité. Enfin un compagnon chrétien! Vous imaginez aisément la joie que nous avons ressentie. Nous avons dès lors passé des heures à échanger des encouragements.

      Nous étions autorisés à rester plusieurs heures par jour dans les cours de la prison. Je m’arrangeais donc pour parler avec quelques prisonniers qui appréciaient le message biblique. Il arrivait même que des gardiens se joignent à nos discussions. J’avais trouvé quelque chose à faire pour Jéhovah. La prison est devenue mon nouveau territoire de prédication et, tout compte fait, j’atteignais les objectifs d’un pionnier, même si je ne pouvais remettre un rapport. Du reste, cela ne me préoccupait pas.

      L’exode

      Les mois s’écoulaient sans que rien de marquant ne se passe — c’était “la drôle de guerre”. Mais ce calme a pris fin en mai 1940, quand les Allemands ont attaqué la France. En juin, devant l’avance des troupes allemandes, les autorités françaises ont évacué toutes les prisons de Paris. On nous a fait monter dans des camions militaires qui devaient nous conduire à Orléans, située à une centaine de kilomètres au sud de Paris. Après une courte halte, tous les prisonniers, civils comme militaires, ont été regroupés et ont reçu l’ordre de poursuivre vers le sud-est à pied en longeant la rive nord de la Loire. Des gardes armés surveillaient le convoi. La marche était pénible sous les fortes chaleurs de juin.

      Parmi nous se trouvaient des criminels. Les gardiens avaient pour instruction d’abattre ceux qui s’arrêtaient, qui tombaient ou qui ne pouvaient plus marcher. Le troisième jour, frère Ceglarski fut victime d’une insolation. L’abandonner, c’était le condamner à une mort certaine. Les gardes ont accepté que des prisonniers m’aident à le glisser dans une couverture et à le porter. Le lendemain, il allait mieux et pouvait à nouveau marcher.

      Un peu avant d’arriver à Briare, une petite ville située sur la rive droite de la Loire, notre groupe a rencontré un flot de gens chargés de tous les biens qu’ils avaient pu entasser sur des charrettes. Ils fuyaient vers le sud devant les troupes allemandes. Nous découvrions dans une certaine mesure l’ampleur de l’exode des milliers de civils qui fuyaient pour sauver leur vie.

      Puis nous nous sommes rendu compte que tous nos gardes s’étaient esquivés. Nous étions livrés à nous-​mêmes. Que devions-​nous donc faire? Il nous était impossible de franchir la Loire pour continuer notre route vers le sud, car elle était trop large, et tous les ponts avaient été détruits. Notre petit groupe (frère Ceglarski, deux autres détenus et moi) a donc décidé de rentrer à Paris.

      Nous avons trouvé des chevaux abandonnés que nous avons sellés tant bien que mal. Comme je m’étais blessé au genou gauche et que je ne pouvais pas plier la jambe, mes compagnons ont dû m’aider à me hisser sur ma monture. Nous avons alors découvert qu’elle boitait, elle aussi! Nous avancions péniblement, à cause de mon cheval qui traînait la patte. De toute façon, notre expédition a rapidement tourné court. À peine avions-​nous parcouru quelques kilomètres que nous nous sommes trouvés nez à nez avec un détachement de l’armée allemande. Un feldgendarme nous a fait descendre de cheval. Tout ce que nous avions réussi à faire, c’était à changer de gardiens!

      Prisonnier de guerre

      Peu après, frère Ceglarski et moi avons été séparés. Il est resté prisonnier des Allemands jusqu’à la fin de la guerre. Après quelques mois d’internement dans une caserne à Joigny, vers le centre de la France, j’ai été déporté à Stettin, un port de ce qui était à l’époque la Prusse orientale, aujourd’hui le port de Szczecin, en Pologne.

      Comme j’étais censé être dans une prison militaire française avant que les Allemands ne me fassent prisonnier, je me suis retrouvé dans un camp de prisonniers de guerre, où les conditions étaient beaucoup moins inhumaines que dans les camps de concentration. Ce camp consistait en un énorme hangar, qui abritait 500 prisonniers gardés par des sentinelles armées. Les prisonniers travaillaient dans des entreprises de la ville durant la journée et étaient reconduits au camp le soir. Puisque tous ces hommes étaient à l’extérieur toute la journée, comment allais-​je trouver quelque chose à faire pour Jéhovah?

      Dans le hangar, il y avait un grand tableau d’information. J’ai obtenu la permission d’utiliser un petit emplacement sur ce tableau. Sur du papier récupéré que je défroissais minutieusement, je copiais plusieurs courts sujets bibliques. Au bas de la feuille, je notais l’emplacement où je me trouvais et l’heure à laquelle ceux qui s’intéressaient au message du Royaume de Dieu pouvaient venir me voir.

      La vérité prêchée à toutes sortes d’hommes

      Cette méthode a donné de bons résultats. J’ai bientôt été à même de tenir chaque soir une petite réunion avec six, huit et parfois dix personnes. Nos discussions duraient souvent une heure ou plus, selon les questions soulevées. Une sentinelle allemande qui parlait français se joignait même à nous de temps en temps.

      Comme je n’avais qu’une seule Bible, j’ai écrit à la Croix-Rouge de Genève en demandant qu’on m’en fasse parvenir le plus grand nombre possible. Au bout de quelque temps, j’ai reçu mon premier envoi de Bibles usagées. Un jour, on m’a dit d’aller au bureau du camp parce qu’un visiteur, un représentant de la Croix-Rouge, demandait à me parler. Il s’agissait d’un pasteur protestant qui croyait apparemment que j’étais un de ses coreligionnaires. Il a été un peu déçu en apprenant que j’étais Témoin de Jéhovah!

      Il s’est néanmoins montré aimable et m’a félicité pour ce que je faisais. Il m’a assuré que je pouvais continuer à commander des Bibles et que je les recevrais. Il en a bien été ainsi. J’ai donc pu distribuer près de 300 Bibles pendant toute la durée de ma détention dans ce camp. Après la guerre, j’ai eu la joie d’apprendre qu’un des prisonniers belges à qui j’avais donné le témoignage au camp de Stettin, et qui se dénommait Wattiaux, avait pris position pour la vérité.

      Pendant ma captivité en Allemagne, j’ai eu la chance de recevoir des colis de nourriture envoyés par ma famille. Je n’ai pas tardé à découvrir que chaque colis contenait aussi une précieuse nourriture spirituelle en abondance. Ma sœur tapait à la machine sur du papier très fin des articles de La Tour de Garde qu’elle cachait ensuite dans des paquets de macaronis. Les gardiens ne s’en sont jamais aperçus. Dans un colis, j’ai même reçu un exemplaire du livre Enfants, qui m’a été extrêmement utile dans mon ministère.

      Un ministère élargi

      Comme je suis mécanicien, par la suite j’ai travaillé dans un atelier de réparation de tracteurs. Une vingtaine d’ouvriers allemands y étaient employés, en majorité des hommes qui avaient dépassé la limite d’âge du service militaire. Je m’efforçais d’apprendre un peu l’allemand, ayant à cœur de ne pas limiter mon ministère aux seuls prisonniers francophones.

      Il me fallait toutefois faire attention, car les ouvriers allemands craignaient d’exprimer leurs opinions en public. Je leur parlais donc individuellement. En règle générale, ils connaissaient assez bien la Bible, et les Témoins de Jéhovah ne leur étaient pas inconnus. Certains savaient même que beaucoup de Témoins avaient été envoyés dans les camps de concentration.

      J’ai fini par faire chaque jour le tour de l’atelier pour parler de la vérité à mes compagnons de travail. Certains étaient favorables au message, mais pas le chef d’atelier. Je me suis sans doute montré inconscient le jour où j’ai écrit à la craie sur son établi Jehovas Zeugen (Témoins de Jéhovah) pour lui faire comprendre qui j’étais. L’homme a paru effrayé et s’est empressé d’effacer cette inscription. Malgré tout, il ne m’a pas puni. À la longue, les autres ouvriers ont sympathisé avec moi. Ils me donnaient même tant de nourriture que j’avais de quoi ravitailler plusieurs autres prisonniers dans le camp.

      Jéhovah: une tour forte

      Au cours des années, j’ai appris que même dans les circonstances les plus difficiles il est toujours possible de faire quelque chose pour Jéhovah et pour son prochain. La ville de Stettin a subi plusieurs bombardements alliés d’une extrême violence. Lors des alertes, nous allions trouver refuge dans des tranchées recouvertes de planches et de terre qui n’offraient à vrai dire qu’une sécurité illusoire. Des dizaines de prisonniers y ont trouvé la mort. Pendant ces bombardements, il arrivait que des mains s’agrippent à moi dans l’obscurité. Dès que le bombardement cessait, les mains me lâchaient, si bien que je ne savais jamais qui m’avait tenu. Certains prisonniers pensaient, semble-​t-​il, que je bénéficiais d’une protection spéciale parce que je parlais de Dieu.

      Lors d’une attaque aérienne, notre camp fut entièrement brûlé par des bombes incendiaires. Livrés à nous-​mêmes dans les rues de la ville, nous avons été témoins d’innombrables scènes d’horreur. Des civils gravement brûlés par le phosphore plongeaient dans les canaux de l’Oder, un fleuve qui traverse Stettin. Dès qu’ils sortaient de l’eau, le phosphore reprenait son action. Beaucoup ont péri ainsi.

      En raison de l’avance des troupes russes, nous avons reçu l’ordre de quitter Stettin et de nous replier vers l’ouest, à Neubrandenburg, puis à Güstrow. Juchés sur un gros tracteur, nous avons emprunté une route sur laquelle des obus de l’artillerie soviétique tombaient par moments. En fin de compte, nous avons été rejoints par les chars russes à Güstrow. Les commandos de choc soviétiques furent les maîtres de la ville pendant huit jours. Les troupes britanniques n’étaient plus très loin. En attendant la jonction des différentes armées, les autorités soviétiques ont séparé les prisonniers militaires des civils. Elles en ont gardé un certain nombre et ont remis les autres, parmi lesquels je me trouvais, aux Britanniques.

      Le cauchemar prenait fin. Quelques semaines plus tard, je me retrouvais sur le quai de la Gare du Nord, à Paris. Il faisait encore un peu nuit. Nous étions à la mi-mai 1945. J’étais enfin de retour après 69 mois de captivité.

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