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Afrique du Sud: la criseRéveillez-vous ! 1986 | 22 juillet
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Toutefois, certaines cités noires sont le théâtre d’atrocités. Bien des téléspectateurs ont été horrifiés de voir une jeune femme noire être rouée de coups, piétinée et brûlée vive parce qu’elle était accusée d’être une indicatrice. La foule se déchaîne souvent contre ceux qui travaillent pour le gouvernement ou qui collaborent avec lui. Des policiers noirs ont été assassinés et des centaines d’entre eux ont eu leur maison incendiée ou endommagée.
La majorité des manifestants sont adolescents ou plus jeunes encore. Pour eux, la violence devient un mode de vie. D’autre part, des voyous profitent des émeutes pour attaquer et dévaliser des innocents.
Les conditions économiques qui existent en Afrique du Sud se ressentent de ces troubles. La monnaie du pays a subi une forte dévaluation. Quantité d’entreprises ont dû fermer leurs portes, ce qui a entraîné de nombreuses suppressions d’emplois. Sur la scène internationale, la réputation de l’Afrique du Sud s’est ternie. Le pays reçoit des menaces de désinvestissement et de sanctions plus pressantes que jamais.
Ces problèmes touchent également les nations voisines — le Swaziland, le Botswana, le Lesotho et la Namibie (Sud-Ouest africain) — qui sont étroitement dépendantes de l’Afrique du Sud sur le plan économique. Depuis de nombreuses années, deux grands pays proches de l’Afrique du Sud, le Mozambique et l’Angola, connaissent une crise plus grave encore. Ils sont déchirés par des luttes intestines particulièrement violentes et ils subissent d’importantes difficultés économiques.
L’Afrique du Sud est pourtant un beau pays doté de multiples ressources naturelles: des terres fertiles, des mines d’or, de diamants, de charbon, de cuivre et de bien d’autres minéraux précieux. Par ailleurs, les divers groupes ethniques qui y vivent, Noirs, Blancs, métis et Indiens, comprennent un grand nombre de personnes douces et amicales.
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Un pays désuni: le remèdeRéveillez-vous ! 1986 | 22 juillet
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En 1652, les premiers colons blancs, des Néerlandais, débarquaient au Cap. Au contact des Hottentots et des Bochimans, des indigènes vêtus de peaux de bêtes, les Blancs se sont crus supérieurs en raison de leur culture avancée. Des frictions n’ont pas tardé à se produire.
Lorsque les fermiers blancs se sont installés sur les terres où chassaient les natifs du pays, les Bochimans, ceux-ci se sont irrités et leur ont volé du bétail. Ces hommes de petite taille ont alors été traqués comme des bêtes, et cette chasse honteuse a presque entraîné leur extermination au cours du XIXe siècle. Quant aux Hottentots, ils ont été assujettis, et décimés par la variole. Les quelques survivants de ce groupe ethnique ont été intégrés dans d’autres races.
C’est au XVIIIe siècle que les fermiers blancs (les Boers) ont rencontré les Xhosas, qui faisaient partie d’une vague d’immigrants noirs venus du Nord. De nouveau il y a eu des frictions, et des guerres sanglantes ont éclaté. Sur ces entrefaites, les Anglais s’étaient emparés du Cap. Mais de nombreux Boers rongeaient leur frein sous la domination britannique, aussi se sont-ils aventurés vers le nord dans les années 1830. Après bien des difficultés et des luttes, ils ont formé de nouveaux États au delà des fleuves Orange et Vaal. La ségrégation raciale régnait tant chez les Anglais que chez les Boers.
Les Boers étaient des calvinistes de l’Église réformée hollandaise. Ils lisaient souvent la Bible, mais ils se croyaient supérieurs aux Noirs: beaucoup étaient persuadés que ceux-ci étaient maudits par Dieu.
L’Église admet l’apartheid
L’accroissement du nombre des convertis parmi la population de couleur a mis bien des Blancs mal à l’aise au XIXe siècle. En conséquence, le synode de l’Église a pris cette décision historique en 1857: “À cause de la faiblesse de certains [Blancs] (...) la congrégation tirée des païens [la population non blanche] (...) jouira désormais de ses prérogatives chrétiennes dans un édifice ou dans une institution séparés.” L’Église donnait ainsi son aval à la ségrégation.
Le processus de division s’est poursuivi depuis lors et, de nos jours, il existe des Églises réformées hollandaises pour les Blancs, pour les Noirs, pour les métis et pour les Indiens.
Vers la fin du XIXe siècle, une autre tendance ségrégationniste a vu le jour. Jusqu’alors, de nombreuses missions religieuses avaient été établies, la plupart par les Anglais, et elles étaient fermement dirigées par des Blancs. Selon James Kiernan, professeur d’anthropologie sociale à l’université du Natal, “dans ces Églises dominées par les Blancs, le clergé africain a attribué son exclusion [du corps dirigeant] à la discrimination, et il l’a contrecarrée en fondant ses propres Églises”. La première a été formée à Johannesburg en 1892. Aujourd’hui, il y a quelque 4 000 groupements religieux en Afrique du Sud, dont la plupart sont constitués de Noirs.
Au début du XXe siècle, les “chrétiens” blancs, les impérialistes britanniques et les Boers nationalistes, se disputaient l’hégémonie. Par le seul poids du nombre, les Anglais ont pris la tête des républiques boers, puis ils ont formé ensemble l’Union sud-africaine.
Mais les Boers, maintenant appelés Afrikaners, ont obtenu une victoire politique en 1948. Cette année-là le parti nationaliste qu’ils formaient a remporté les élections et est arrivé au pouvoir en s’appuyant sur leur politique d’apartheid. À ce propos, on a pu lire ce qui suit dans un quotidien afrikaner, Die Transvaler: “Notre politique d’apartheid (...) est basée sur les principes chrétiens de justice et d’équité.” Une foule de lois et d’ordonnances sont ensuite venues consolider la ségrégation raciale.
Comme ils vivent à l’écart des Noirs et qu’ils n’ont aucun contact social avec eux, de nombreux Blancs ignorent les conditions de vie misérables qui existent dans les cités noires, et ils ne se rendent pas pleinement compte de l’humiliation que cause l’apartheid. La plupart des Noirs s’offusquent de la politique d’apartheid et certains exploitent leur mécontentement pour attiser les troubles.
Existe-t-il une solution?
Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afrique du Sud, les pressions visant à mettre fin à l’apartheid s’intensifient. Récemment, le gouvernement a décidé de réaliser des changements importants. Il a opéré des réformes et abrogé certaines lois ségrégationnistes. Mais il semble impossible de résoudre les problèmes de l’Afrique du Sud d’une manière satisfaisante pour tous. Beaucoup de Noirs et de Blancs veulent des changements pacifiques, mais des Blancs fanatiques sont déterminés à maintenir le statu quo. Dans les deux camps, extrémistes et modérés sont aux prises. Les Noirs sont également très divisés par leurs allégeances tribales.
Quelles solutions les Églises offrent-elles? Des solutions d’ordre spirituel? Parlent-elles du Royaume de Dieu? Non, elles sont plutôt descendues dans l’arène politique. Certains ecclésiastiques encouragent même la désobéissance civile et traitent avec les meneurs de mouvements de libération réputés pour leur violence. Nombre de fidèles se plaignent d’entendre ‘trop parler de politique et pas assez de Dieu’.
Les dissensions qui existent au sein des Églises ajoutent à la confusion. À présent, on critique beaucoup l’apartheid dans les différentes branches de l’Église réformée hollandaise. Bien des ministres religieux noirs et blancs la condamnent. En octobre 1983, le synode du Cap occidental a déclaré que la discrimination raciale constitue “un péché” et que, dorénavant, l’Église doit être ouverte à des gens de toute race.
Le 29 août 1985, le consistoire de Stellenbosch, une autre assemblée régionale de l’Église réformée hollandaise, a reconnu officiellement que la discrimination raciale “est contraire aux principes bibliques qui prônent l’amour du prochain et la justice”, et que l’“apartheid” a “causé le malheur de l’homme”. Les désaccords sur les questions raciales minent également certaines Églises anglicanes. Tout cela déroute et déconcerte les personnes sincères qui ont toujours cru que l’apartheid était “voulu par Dieu”.
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