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Les trous noirs existent-ils ?Réveillez-vous ! 1998 | 22 juillet
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Les trous noirs existent-ils ?
ON DIRAIT de la science-fiction : écrasées par leur propre gravité, des étoiles autrefois très brillantes deviennent invisibles, ne laissant rien s’échapper, pas même la lumière. Pour beaucoup d’astronomes, ces trous noirs abondent dans l’univers. Aimeriez-vous en savoir plus sur ces objets ? L’histoire commence dans la magnifique constellation boréale du Cygne.
Cygnus X-1 : un trou noir ?
Depuis les années 60, les astronomes s’intéressent à une région précise de la constellation du Cygne. Des observatoires en orbite au-delà de l’atmosphère terrestre y ont en effet détecté une puissante source de rayons X, que l’on a baptisée Cygnus X-1.
Les astrophysiciens savent depuis longtemps que plus un objet est chaud, plus l’énergie émise l’est à de courtes longueurs d’ondes (de telles ondes électromagnétiques sont d’autant plus énergétiques). Mettez une barre de fer dans un fourneau surchauffé : elle devient rouge, puis jaune, puis blanche. En ce sens, les étoiles sont comme les barres de fer : les étoiles relativement froides (environ 3 000 Ka) sont rougeâtres, mais une étoile jaune, le Soleil par exemple, a en surface une température proche de 6 000 K. Toutefois, il faudrait porter les gaz stellaires à des millions de kelvins pour produire le rayonnement X qui émane de Cygnus X-1. Aucune étoile n’a une température externe aussi élevée.
À l’emplacement de Cygnus X-1, les astronomes ont trouvé une étoile dont la température externe est estimée à 30 000 K : une valeur très élevée, certes, mais largement insuffisante pour expliquer le rayonnement X. L’étoile, cataloguée sous le nom de HDE 226868, serait une trentaine de fois plus massive que le Soleil et distante de 6 000 années-lumière de la Terre. Cette supergéante a un compagnon, et tous les deux effectuent un tour complet l’un autour de l’autre en 5 jours et 14 heures environ. Seuls quelques millions de kilomètres les sépareraient. Certains croient le compagnon de HDE 226868 une dizaine de fois plus massif que le Soleil. Mais il a ceci de très étrange qu’il est invisible. Or il ne devrait pas l’être vu sa taille et sa proximité de la Terre. De l’avis des spécialistes, un objet aussi massif qui semble émettre des rayons X mais aucune lumière visible a bien des chances d’être un trou noir.
Voyage dans un trou noir
Imaginez que vous puissiez atteindre Cygnus X-1. S’il s’agit effectivement d’un trou noir, vous verriez très probablement quelque chose de semblable à l’illustration de la page 17. La grosse étoile, c’est HDE 226868. Son diamètre s’exprime en millions de kilomètres, mais celui du trou noir ne ferait peut-être qu’une soixantaine de kilomètres. Le minuscule point noir au centre du tourbillon de gaz incandescent est l’horizon, ou surface, du trou noir. Il ne s’agit pas d’une surface matérielle, mais d’une sorte d’ombre. C’est la limite de la région où la force gravitationnelle qu’exerce le trou noir est si forte que même la lumière ne peut s’évader. Nombre de cosmologistes pensent que dans l’horizon, au centre du trou noir, existe un point de volume zéro et d’une densité infinie, une “ singularité ”, dans lequel a disparu toute la matière du trou noir.
Le trou noir arrache progressivement les couches externes de gaz de sa compagne-étoile. En tournoyant de plus en plus vite autour du trou noir, les molécules de gaz s’échauffent par friction mutuelle et forment une sorte de galette incandescente. Soumis à une gravité intense, ce disque de gaz surchauffé atteint une vitesse fantastique et produit ainsi des rayons X juste à l’extérieur du trou noir. Bien entendu, une fois le gaz tombé dans le trou noir, plus aucun rayon X, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs, ne peut s’échapper.
Cygnus X-1 offre un spectacle impressionnant, mais mieux vaut ne pas trop s’en approcher. Son rayonnement X est mortel, comme l’est sa gravité. Sur la Terre, la force gravitationnelle que subit la tête d’un humain debout est pour ainsi dire équivalente à celle que subissent ses pieds. La différence produit un étirement trop minime pour être ressenti. Or, dans Cygnus X-1, cette différence est multipliée par 150 milliards. Le corps d’un humain serait littéralement déchiré, comme si des mains invisibles lui tiraient les pieds dans un sens et la tête dans l’autre !
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Les trous noirs existent-ils ?Réveillez-vous ! 1998 | 22 juillet
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Comment se formerait un trou noir
LE SAVOIR scientifique actuel veut que les étoiles brillent du fait d’une lutte continuelle entre gravité et forces nucléaires. Sans la gravité, qui attire en les comprimant les gaz dans les profondeurs de l’étoile, il n’y aurait pas de fusion nucléaire. Mais en l’absence de fusion nucléaire, et donc d’opposition à la force gravitationnelle, des choses très étranges peuvent arriver à une étoile.
On pense que lorsqu’une étoile d’environ la taille du Soleil épuise son carburant nucléaire d’hydrogène et d’hélium, elle se contracte sous l’effet de la gravité et devient une naine blanche, une masse résiduelle chaude approximativement de la taille de la Terre. Une naine blanche peut avoir la même masse que le Soleil, alors qu’elle est un million de fois plus petite.
Schématiquement, la matière ordinaire est principalement du vide : chaque atome est constitué d’un noyau minuscule (la quasi-totalité de sa masse) et d’un nuage d’électrons, beaucoup plus grand. Mais, dans une naine blanche, le volume du nuage d’électrons a considérablement diminué sous l’effet de la gravité, ce qui a réduit la taille de l’étoile à celle d’une planète. Dans le cas d’une étoile grande au départ comme le Soleil, il y a alors équilibre entre la gravité et des forces inhérentes aux électrons, ce qui empêche toute compression supplémentaire.
Et si l’étoile est plus massive que le Soleil, donc soumise à une force gravitationnelle plus importante ? Si sa masse est plus de 1,4 fois celle du Soleil, la gravité est si forte que le nuage d’électrons disparaît. Protons et électrons se combinent en neutrons, qui résistent jusqu’à un certain niveau de compression. Au lieu d’une naine blanche, de la taille d’une planète, on a alors une étoile à neutrons, de la taille d’un petit astéroïde. Les étoiles à neutrons sont la matière la plus dense que l’on connaisse dans l’univers.
Et si la gravité est supérieure encore ? Dans le cas des étoiles environ trois fois plus massives que le Soleil, il semble que les neutrons ne résistent pas à la force gravitationnelle. Aucune matière connue ne peut résister à la force résultant de tant de gravité. Apparemment, l’“astéroïde ” de neutrons est comprimé, non pas en une sphère plus petite, mais en rien, en un point appelé singularité ou en une autre entité théorique pour l’instant inconnue. L’étoile disparaîtrait, ne laissant derrière elle que sa gravité et un trou noir. Le trou noir formerait une ombre gravitationnelle en lieu et place de l’étoile. Ce serait une région où la gravité est si forte que rien, pas même la lumière, ne peut s’en échapper.
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