-
Les enfants: victimes innocentes des abus sexuelsRéveillez-vous ! 1991 | 8 octobre
-
-
Les enfants: victimes innocentes des abus sexuels
“J’AI près de 40 ans, et bien que ces choses se soient passées il y a plus de 30 ans, elles continuent de me hanter. Je suis coléreuse, j’éprouve un sentiment de culpabilité et j’ai des difficultés dans mon ménage. Malgré leur bonne volonté, les gens ne peuvent comprendre ce que je ressens.” Qu’est-ce qui ronge ainsi Hélènea? Victime d’abus sexuels dans son enfance, elle en subit encore les conséquences.
Hélène n’est pas seule dans son cas, tant s’en faut. Des études montrent qu’un nombre effrayant de femmes, mais aussi d’hommes, ont souffert de ces sévicesb. Loin d’être un comportement déviant exceptionnel, l’abus sexuel envers les enfants est un fléau qui se retrouve partout, sans distinction sociale, économique, religieuse ou raciale.
Fort heureusement, l’idée de maltraiter un enfant de la sorte n’effleure même pas la pensée de la grande majorité des hommes et des femmes. Il n’en demeure pas moins qu’une dangereuse minorité manifeste cette tendance répugnante. Et contrairement aux idées reçues, il s’agit rarement de sadiques meurtriers au regard concupiscent rôdant autour des aires de jeu. La plupart ont l’air tout à fait normaux. Ils satisfont leur lubricité en jetant leur dévolu sur des êtres candides et sans défense, les enfants — généralement leurs propres fillesc. Gentils et même affectueux avec elles en public, ils se livrent à la menace, à la brutalité et à des formes dégradantes d’agression sexuelle dans l’intimité.
On a du mal à comprendre que de telles horreurs puissent se commettre à l’intérieur de tant de foyers a priori respectables. Toutefois, déjà aux temps bibliques, les enfants étaient utilisés “pour la satisfaction momentanée de (...) la passion sensuelle”. (The International Critical Commentary; voir Joël 3:3.) Par ailleurs, la Bible annonçait: “Or sache ceci: que dans les derniers jours des temps décisifs et durs seront là. Car les hommes seront amis d’eux-mêmes, (...) sans affection naturelle, (...) sans maîtrise de soi, cruels, sans amour du bien.” Dès lors, nous ne devons pas être étonnés que les abus sexuels envers les enfants prennent aujourd’hui une telle ampleur. — 2 Timothée 3:1, 3, 13.
Un enfant qui a subi des mauvais traitements n’en garde pas forcément des cicatrices visibles, pas plus qu’un adulte victime de sévices dans son enfance ne montre systématiquement des signes de détresse. Mais un proverbe ancien dit que “même dans le rire le cœur peut être dans la douleur”. (Proverbes 14:13.) De fait, quantité de victimes souffrent de séquelles affectives graves, d’une blessure cachée qui les ronge de l’intérieur. Pourquoi les abus sexuels causent-ils de tels ravages? Pourquoi le temps seul ne suffit-il pas toujours à cicatriser la plaie? On ne peut fermer les yeux sur un phénomène d’une telle ampleur, responsable de tant de souffrances. Certes, ce qui va suivre risque de ne pas être toujours très agréable à lire, surtout si vous-même avez subi des violences sexuelles dans votre enfance, mais soyez assurée qu’il y a un espoir, que la guérison est possible.
a Tous les noms ont été changés.
b Compte tenu des nombreuses définitions données de l’abus sexuel ainsi que des grandes variations dans les méthodes d’investigation, il est pour ainsi dire impossible d’obtenir des chiffres précis.
c La plupart des victimes sont violentées par leur père biologique ou leur beau-père. Les sévices sont parfois le fait de frères et sœurs plus âgés, d’oncles, de grands-pères, d’amis de la famille ou d’étrangers. La grande majorité des victimes étant des filles, nous emploierons le plus souvent le genre féminin. Il n’en demeure pas moins que les matières présentées concernent généralement les deux sexes.
-
-
Les blessures cachées de l’abus sexuelRéveillez-vous ! 1991 | 8 octobre
-
-
Les blessures cachées de l’abus sexuel
“Je me fais tout bonnement horreur. Je continue à penser que j’aurais pu faire ou dire quelque chose pour arrêter cela. Je me sens horriblement sale.” — Anne.
“Je me sens loin de tout le monde. J’ai souvent des crises de désespoir. Il m’arrive de vouloir mourir.” — Jill.
“L’ABUS sexuel est (...) une agression qui étouffe, broie et humilie l’esprit, l’âme et le corps de l’enfant (...). Il n’est pas un domaine de son existence qui ne soit touché.” Ces propos sont tirés du livre de Beverly Engel intitulé Le droit à l’innocence (angl.).
Il n’existe pas de réaction type à l’abus sexuela. Chaque enfant a une personnalité, une énergie et des ressources morales différentes. D’autres facteurs importants entrent en ligne de compte, tels que la relation de l’enfant avec son bourreau, la gravité du sévice, sa durée ou encore l’âge de l’enfant. Par ailleurs, les conséquences peuvent souvent être minimisées lorsque l’abus est découvert et que des adultes aident l’enfant avec amour. Il n’en demeure pas moins que bien des victimes souffrent de graves meurtrissures affectives.
Pourquoi il fait si mal
La Bible permet de comprendre pourquoi l’abus sexuel a des conséquences aussi dévastatrices. On lit en Ecclésiaste 7:7: “L’oppression peut faire qu’un sage se comporte en fou.” Si cela est vrai pour un adulte, imaginez l’effet qu’une brutale oppression peut avoir sur un jeune enfant, surtout si le coupable est un père ou une mère en qui il a confiance. N’oublions pas que les premières années de la vie jouent un rôle décisif dans le développement affectif et spirituel d’un enfant (2 Timothée 3:15). C’est pendant l’âge tendre que les barrières morales commencent à s’ériger et l’amour-propre à se forger. Grâce aux liens affectifs qu’il noue avec ses parents, l’enfant apprend également ce qu’est l’amour et la confiance. — Psaume 22:9.
“Chez les enfants victimes d’abus sexuels, explique Patrick Gannon, ce processus d’apprentissage de la confiance déraille.” L’auteur des sévices trahit la confiance de l’enfant; il la dépossède de tout semblant de sécurité, d’intimité et de respect de soi et l’utilise comme un vulgaire objet en vue de satisfaire égoïstement son désirb. Les petites filles ne saisissent pas la portée des actes immoraux auxquels on les soumet, mais presque toutes en sont troublées, effrayées, humiliées.
Voilà pourquoi l’abus sexuel est parfois appelé “la pire des trahisons”. Rappelez-vous cette question de Jésus: “Quel est l’homme d’entre vous à qui son fils demande du pain — est-ce qu’il lui remettra une pierre?” (Matthieu 7:9). Celui qui abuse d’une enfant lui donne, non pas de l’amour ni de l’affection, mais la plus cruelle des ‘pierres’: le viol.
Pourquoi la plaie ne se referme pas
Proverbes 22:6 dit: “Élève le garçon selon la voie pour lui; même quand il vieillira, il ne s’en écartera pas.” Voilà qui rappelle que l’influence parentale peut se faire sentir tout au long de la vie. Or, que se passe-t-il quand une fillette est amenée à croire qu’elle est impuissante à empêcher qu’on lui impose des relations sexuelles? quand elle est élevée avec l’idée que “l’amour” s’obtient au prix d’actes pervertis? quand l’image qu’on lui donne d’elle est celle d’une bonne à rien et d’une malpropre? Ne risque-t-elle pas alors d’en venir à adopter toute sa vie une conduite destructrice? Non que l’abus sexuel justifie une conduite déplacée à l’âge adulte, mais il peut expliquer le comportement et l’état psychologique de celles qui en ont été victimes.
Nombre d’entre elles souffrent de mille maux, dont la dépression. Certaines sont constamment perturbées par un sentiment de culpabilité, de honte et de colère qui devient parfois obsédant. Le blocage affectif, c’est-à-dire l’incapacité d’exprimer, voire d’éprouver des sentiments, est une autre manifestation possible. Beaucoup également se déprécient et se sentent totalement impuissantes. Sophie, violentée par son oncle, raconte: “Chaque fois qu’il abusait de moi, je me sentais impuissante et pétrifiée, paralysée, engourdie, désorientée. Pourquoi faisait-il cela?” La psychologue Cynthia Tower écrit: “Les études montrent que, souvent, les femmes qui ont subi des outrages sexuels dans leur enfance se considèrent comme des victimes tout le reste de leur vie.” Elles épousent des hommes brutaux, ont l’air de martyres ou se sentent incapables de se défendre quand elles sont menacées.
Normalement, un enfant a une douzaine d’années devant lui pour se préparer aux sensations nouvelles qui apparaissent au moment de la puberté. Mais une petite fille qu’on soumet à des pratiques lubriques risque de se trouver complètement écrasée par l’émoi que ces actes éveillent en elle. Comme l’a montré une étude, peut-être aura-t-elle plus tard des rapports conjugaux difficiles. C’est ce que confirme Line: “L’aspect sexuel du mariage est ce qui m’est le plus pénible dans la vie. J’éprouve une sensation atroce: celle d’avoir affaire à mon père, et j’en suis terrifiée.” D’autres victimes ont un comportement tout à fait opposé et deviennent de véritables obsédées sexuelles. “Je menais une vie dissolue qui m’a conduite à coucher avec de parfaits inconnus”, se rappelle Jill.
Au nombre des séquelles de l’abus sexuel figurent également les difficultés relationnelles. Certaines femmes ne supportent ni les hommes ni qui que ce soit revêtu d’une autorité. Il en est qui brisent des amitiés et leur mariage en se montrant grossières ou dominatrices. D’autres, au contraire, ont tendance à fuir toutes relations un tant soit peu étroites.
On voit même des femmes qui retournent leurs sentiments destructeurs contre elles-mêmes. “Je haïssais mon corps parce qu’il avait répondu aux stimulations lorsqu’on abusait de moi”, explique Rébecca. Cherchant désespérément à étouffer leurs sentiments, bon nombre de victimes de mauvais traitements sexuels se lancent à corps perdu dans le travail ou bien sombrent dans les troubles de l’alimentationc, l’alcoolisme ou la toxicomanie. Parfois, cette haine de soi s’exprime de façon plus directe encore: “Je me tailladais, je m’enfonçais les ongles dans les bras, je me brûlais, ajoute Rébecca. Je pensais que c’était tout ce que je méritais.”
N’en concluez pas trop vite, cependant, que toutes les femmes qui pensent ou agissent de toutes ces manières ont nécessairement été victimes d’abus sexuels. D’autres facteurs physiques ou affectifs peuvent être en cause. Par exemple, les spécialistes ont observé des symptômes similaires chez nombre d’adultes issus de milieux familiaux instables où les parents battent leurs enfants, les rabaissent, les humilient, ne tiennent pas compte de leurs besoins physiques, boivent ou se droguent.
Les dommages spirituels
C’est sur le plan spirituel que les conséquences sont les plus insidieuses. L’abus sexuel est une “souillure de la chair et de l’esprit”. (2 Corinthiens 7:1.) En se livrant sur une enfant à des actes dépravés, en violant ses barrières physiques et morales, en trahissant sa confiance, on pervertit son esprit, ou inclination mentale dominante. Elle risque alors de voir sa croissance spirituelle et morale gravement perturbée.
Dans le livre Facing Codependence, Pia Mellody confirme ce dernier point en ces termes: “Tout abus grave (...) est aussi un abus spirituel en ce qu’il mine la confiance de l’enfant en une Puissance supérieure.” “Comment pourrais-je voir Jéhovah comme un Père quand l’idée que je me fais d’un père humain est celle d’un homme cruel et violent?” demande Hélène, une chrétienne. De son côté, Thérèse, autre victime de l’abus sexuel, explique: “Jamais je n’ai considéré Jéhovah comme un Père. Dieu, Seigneur, Souverain, Créateur, oui! mais Père, non!”
Ces femmes ne souffrent pas forcément d’une faiblesse spirituelle ou d’un manque de foi. Leurs efforts constants pour suivre les principes de la Bible sont au contraire un signe de force spirituelle. Mais mettez-vous à leur place: Que peuvent-elles ressentir à la lecture d’un texte biblique comme Psaume 103:13, qui dit: “Comme un père fait miséricorde à ses fils, Jéhovah a fait miséricorde à ceux qui le craignent.” Certaines comprendront ce texte intellectuellement, mais sans une saine conception de ce qu’est un père, la fibre émotive aura du mal à vibrer.
Elles peuvent également trouver bien difficile d’être “comme un petit enfant” devant Dieu, c’est-à-dire faibles, humbles et confiantes, et, partant, de livrer leurs véritables sentiments lorsqu’elles le prient (Marc 10:15). Peut-être hésiteront-elles à s’appliquer ces paroles de David consignées en Psaume 62:7, 8: “Sur Dieu sont mon salut et ma gloire. Mon rocher fort, mon refuge est en Dieu. Aie confiance en lui, en tout temps, ô peuple! Devant lui répandez votre cœur. Dieu est un refuge pour nous.” Il est même possible que des sentiments de culpabilité et d’indignité minent leur foi. L’une d’elles a dit: “Je crois très sincèrement au Royaume de Jéhovah. Mais je ne m’en sens pas vraiment digne.”
Bien sûr, toutes les victimes d’abus sexuels ne réagissent pas de la même façon. Certaines ont été attirées par Jéhovah parce qu’elles ont vu en lui un Père plein d’amour, et rien ne vient entraver leurs relations avec lui. Quoi qu’il en soit, si vous avez subi des sévices sexuels dans votre enfance, il vous serait des plus bénéfique de déterminer quelles marques ils ont laissées en vous. Peut-être jugerez-vous que la situation peut rester telle qu’elle est. Mais s’il apparaît que les séquelles sont importantes, prenez courage! Des solutions existent.
a Notre discussion porte essentiellement sur ce que la Bible appelle pornéïa, ou fornication (1 Corinthiens 6:9; voir Lévitique 18:6-22). Ce terme comprend toutes les formes de relations sexuelles immorales. D’autres abus sexuels, comme l’exhibitionnisme, le voyeurisme et l’exposition à la pornographie, bien que n’entrant pas dans la définition de pornéïa, n’en sont pas moins susceptibles de marquer psychologiquement l’enfant.
b Étant donné que les enfants ont tendance à faire confiance aux adultes, qu’un membre de la famille, un frère ou une sœur plus âgés, un ami de la famille ou même un inconnu abuse d’eux constitue une trahison aux conséquences ravageuses.
c Voir le numéro du 22 décembre 1990 de Réveillez-vous!
-
-
“Un temps pour guérir”Réveillez-vous ! 1991 | 8 octobre
-
-
“Un temps pour guérir”
Anne avait toujours une épaule compatissante sur laquelle on pouvait venir pleurer, une oreille attentive pour quiconque avait des soucis. Posée et impeccable en apparence, elle ne laissait pas soupçonner la meurtrissure affective qu’elle portait en elle, jusqu’au jour où elle a commencé à se souvenir. “J’étais au travail, se rappelle-t-elle. Brusquement, j’ai ressenti des douleurs. La honte m’a envahie. Mes jambes se dérobaient sous moi. Cela a duré plusieurs jours. Et puis, une image m’est revenue: celle de mon beau-père en train de me brutaliser — en fait, de me violer. Et il ne l’a pas fait seulement une fois.”
IL Y A “un temps pour guérir”. (Ecclésiaste 3:3.) Et pour nombre de personnes qui, comme Anne, ont subi des sévices sexuels dans leur enfance, l’émergence de souvenirs restés longtemps enfouis au fond de leur mémoire est une étape importante sur le chemin de la guérison.
Mais, dira-t-on, comment peut-on oublier quelque chose d’aussi traumatisant qu’une agression sexuelle? Songez à quel point une enfant est désarmée devant les avances d’un père ou de tout autre adulte. Elle ne peut pas s’enfuir. Elle n’ose pas crier. Elle n’ose pas non plus parler — à personne! Pourtant, elle doit peut-être affronter son bourreau chaque jour et faire comme si de rien n’était. Jouer cette sinistre comédie serait déjà bien difficile pour un adulte; pour une petite fille, c’est presque impossible. Alors elle utilise la prodigieuse imagination dont les enfants sont dotés et elle s’échappe mentalement. Elle fait comme s’il n’y avait pas de sévice; elle le refoule de son esprit ou s’y insensibilise.
De fait, il nous arrive à tous de temps à autre de rejeter mentalement des choses que nous ne voulons pas voir ou entendre (voir Jérémie 5:21). Mais pour les victimes d’abus sexuels, cette faculté devient un véritable moyen de survie. Témoin ces déclarations: “Je me persuadais que c’était à quelqu’un d’autre que cela arrivait et que je n’étais que spectatrice.” “Je m’imaginais que j’étais endormie.” “Je faisais mentalement mes exercices de maths.” — Strong at the Broken Places, de Linda Sanford.
Il n’est donc pas étonnant que le livre Abus sexuels envers les enfants: Le chemin de la guérison (angl.) déclare: “On estime que jusqu’à la moitié des personnes qui ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance ne s’en souviennent plus.” Certaines se rappellent l’agression en elle-même, mais n’en ressentent ni douleur, ni colère, ni honte.
Refoulement: un combat mental
Puisqu’il en est ainsi, ne vaut-il pas mieux que ces événements restent ensevelis au fond de la mémoire, que la victime les oublie purement et simplement? C’est le choix que feront certaines; d’autres en seront tout bonnement incapables. “Je me dis: il faudrait oublier mes soucis, cesser d’être morose et me mettre à sourire. Mais je reste angoissé par toutes mes souffrances”, lit-on en Job 9:27, 28 (Français courant). Le refoulement de souvenirs douloureux n’est possible qu’au prix d’une lutte intense qui, en plus d’être mentalement épuisante, peut avoir de graves conséquences sur la santé.
Il arrive fréquemment qu’au fil des années les difficultés de la vie affaiblissent cette capacité de refouler le passé. Un parfum, un visage familier, un bruit soudain, ou même une visite chez le médecin ou le dentiste déclenchera un flot de sensations et de souvenirs angoissantsa. Faut-il alors redoubler d’efforts pour oublier? Parvenues à ce point, c’est en essayant de se rappeler que de nombreuses femmes trouvent du soulagement. ‘Une fois revenus à la surface, les souvenirs perdent leur pouvoir, explique Jill. Il est plus douloureux et plus dangereux de les refouler que de les désamorcer.’
Pourquoi se rappeler?
Pourquoi en est-il ainsi? Tout d’abord, le souvenir permet à la victime d’éprouver du chagrin. Or, le chagrin est une réaction naturelle qui nous aide à surmonter une fois pour toutes les événements traumatisants de l’existence (Ecclésiaste 3:4; 7:1-3). Pour sa part, la victime d’un abus sexuel s’est privée de chagrin, elle s’est refusée à admettre la réalité de son calvaire, s’est forcée à ravaler sa douleur. Ce refoulement peut provoquer ce que les médecins appellent un stress post-traumatique, qui se traduit par un état d’engourdissement où l’individu devient presque incapable d’éprouver des émotions. — Voir Psaume 143:3, 4.
Au moment où les souvenirs commencent à revenir, la victime risque de revivre littéralement les sévices. Certaines femmes vont jusqu’à faire des crises d’infantilisme. “Chez moi, la résurgence du passé se traduit souvent par des symptômes physiques, raconte Jill. Parfois, les souvenirs sont si pénibles que j’ai l’impression de devenir folle.” La colère réprimée depuis l’enfance explose. “Le souvenir de ces choses me plonge dans la dépression et la colère”, dit Michèle. Cependant, sachez que dans ces circonstances très particulières, la colère est appropriée. Vous ressentez du chagrin, exprimant une juste colère refoulée. Vous êtes parfaitement en droit d’éprouver de la haine pour les actes odieux qu’on vous a fait subir. — Romains 12:9.
“Quand je parvenais à me rappeler vraiment ce qui s’était passé, je ressentais un immense soulagement, témoigne une victime. Au moins, je savais ce qui n’allait pas en moi. Même s’il m’était pénible de me souvenir, cela me permettait de retrouver une partie de ma vie à ce point inconnue et mystérieuse qu’elle finissait par me faire peur.” — Le droit à l’innocence.
Le fait de se souvenir peut également contribuer à découvrir la cause de certains tracas. “J’avais toujours constaté que je me haïssais et que la colère bouillait au fond de moi, mais j’ignorais pourquoi”, dit une victime de l’inceste. Lorsqu’elles se rappellent ce qui s’est passé, beaucoup prennent conscience qu’elles ont été des victimes, non des coupables.
Bien entendu, le souvenir des sévices n’est pas aussi vif ou ne se traduit pas de façon aussi spectaculaire chez toutes les femmes. La plupart des conseillers en la matière s’accordent d’ailleurs à dire qu’il n’est pas nécessaire de se rappeler de tous les détails pour être débarrassé des séquelles d’un abus sexuel. Le seul fait de reconnaître qu’il s’est produit peut être déjà un grand pas vers la guérison. — Voir l’encadré de la page 9.
Faites-vous aider
Si vous avez été victime d’abus sexuels dans votre enfance, n’affrontez pas seule la tourmente de vos souvenirs. Confiez-vous; cela vous aidera (voir Job 10:1; 32:20). En cas de détresse profonde, certaines femmes consultent un médecin, un conseiller ou un psychologue compétents. Quel que soit votre état, vous pouvez trouver d’autres alliés de valeur en la personne d’une amie, de votre conjoint, de membres de la famille ou de surveillants chrétiens qui sauront vous écouter en respectant votre dignité et en se mettant à votre placeb. “Mon plus grand secours est venu de ma meilleure amie, Julie, raconte Jeannette. Grâce à elle, j’ai réussi à parler à fond d’un certain souvenir et à analyser les émotions qu’il faisait naître en moi. Elle a su écouter et réagir avec compréhension.”
Il y a toujours un risque à faire confiance à quelqu’un. Par ailleurs, peut-être vous sentez-vous indigne d’être aidée, à moins que vous n’ayez honte de parler de ce que vous avez subi. Mais le véritable ami, qu’il soit homme ou femme, est “né pour quand il y a de la détresse” et peut vous le prouver si vous lui en donnez l’occasion (Proverbes 17:17). Faites attention cependant à qui vous vous confiez. Apprenez à révéler petit à petit ce qui vous préoccupe. Si la personne en question se montre à la fois compréhensive et discrète, alors seulement dites-lui-en un peu plus.
Il est bon, également, que vous veilliez à votre condition physique. Prenez suffisamment de repos. Faites un peu d’exercice. Mangez sainement. Si possible, simplifiez votre vie. Ne vous retenez pas de pleurer. Peut-être avez-vous l’impression que votre chagrin ne disparaîtra jamais, mais soyez sûre qu’avec le temps il s’estompera. Rappelez-vous: vous avez subi des outrages alors que vous étiez une enfant sans défense, et vous y avez survécu. Aujourd’hui vous êtes adulte et vous avez plus de ressources qu’à l’époque (voir 1 Corinthiens 13:11). Par conséquent, affrontez ces souvenirs qui vous font si mal et neutralisez-les. Demandez à Dieu de vous accorder de la force. Le psalmiste a écrit: “Dans l’excès des soucis qui m’envahissent, tes consolations délectent mon âme.” — Psaume 94:19, Jérusalem.
Comment s’affranchir de la honte et du sentiment de culpabilité
La guérison a un autre impératif: l’affranchissement du sentiment de culpabilité. “Aujourd’hui encore j’ai du mal à croire que j’étais innocente, reconnaît Rébecca. Je continue à me demander pourquoi je ne l’ai pas arrêté.”
Gardez présent à l’esprit que les auteurs d’abus sexuels emploient les moyens de coercition les plus diaboliques: l’autorité (‘je suis ton père!’), la menace (‘si tu parles, je te tue!’), la force, ou même la culpabilisation (‘si tu parles, papa ira en prison’). À l’inverse, certains usent de paroles doucereuses, font des cadeaux ou soudoient. D’autres encore offrent une vision déformée des relations sexuelles, les présentant comme un jeu ou comme de l’affection parentale. “Il disait que c’est ce que font les gens qui s’aiment”, se rappelle une victime. Comment une enfant pourrait-elle résister à cette fourberie, à ce chantage aux sentiments (voir Éphésiens 4:14)? En réalité, le pervers exploite froidement le fait que l’enfant est vulnérable, sans défense, ‘un tout-petit quant à la malice’. — 1 Corinthiens 14:20.
Peut-être, ensuite, devriez-vous vous remémorer à quel point vous étiez vulnérable étant enfant. Pourquoi ne pas essayer de passer un peu de temps avec des enfants ou de regarder des photos vous représentant à cet âge? Des amis peuvent également vous aider en vous rappelant sans cesse que vous n’êtes en rien responsable de ce qui vous est arrivé.
“Je me dégoûte quand je repense aux sensations que mon père faisait naître en moi”, a dit une femme, touchant là un autre aspect de la question. De fait, certaines victimes (58 % d’après une étude) se souviennent d’avoir ressenti une excitation sexuelle lorsqu’elles étaient violentées. Il est naturel d’en éprouver de la honte. Cependant, le livre Abus sexuels envers les enfants: Le chemin de la guérison rappelle que “le plaisir physique n’est jamais qu’une réaction automatique du corps à certains attouchements ou stimulations” et qu’un enfant “n’a aucun moyen de maîtriser cette excitation”. Dès lors, l’auteur de l’agression porte l’entière responsabilité de ce qui s’est produit. CE N’ÉTAIT PAS VOTRE FAUTE!
Puisez également du réconfort dans l’assurance qu’aux yeux de Dieu vous êtes ‘irréprochable et innocente’ en la matière (Philippiens 2:15). Avec le temps, votre propension à l’autodestruction diminuera et vous apprendrez à aimer votre corps. — Voir Éphésiens 5:29.
Faire la paix avec vos parents
Ce sera peut-être l’une des étapes les plus difficiles sur le chemin de la guérison. Certaines femmes continuent à éprouver de la rancœur, à rêver de vengeance ou à se culpabiliser. L’une d’elles a dit: “Je suis déprimée parce que je pense que Jéhovah attend de moi que je pardonne à mon tortionnaire et que j’en suis incapable.” D’autres vivent dans une crainte morbide de leur agresseur. D’autres encore ressentent de l’hostilité vis-à-vis de leur mère parce qu’elle a fermé les yeux sur leur calvaire, qu’elle a refusé d’y croire lorsque l’affaire a été dévoilée ou qu’elle s’est mise en colère. “Ma mère me disait que je devais être indulgente [envers mon père]”, se rappelle une femme avec amertume.
Il est tout à fait normal d’éprouver du ressentiment lorsqu’on a été brutalisée. Reste que les liens familiaux peuvent être forts et que vous souhaiterez peut-être ne pas couper totalement les ponts avec vos parents. Peut-être même êtes-vous disposée à envisager une réconciliation. Tout, évidemment, est affaire de circonstances. Des victimes acceptent de pardonner complètement à leurs parents; non qu’elles excusent les sévices, mais elles se refusent à brûler de rancœur ou à vivre dans la peur. D’autres, préférant éviter une confrontation émotionnellement pénible, se contentent de ‘parler en leur cœur’ et tirent un trait sur l’affaire. — Psaume 4:4.
Toutefois, peut-être pensez-vous que la seule solution est de mettre vos parents devant leurs responsabilités — en personne, par téléphone ou par courrier (voir Matthieu 18:15). Avant de mettre votre projet à exécution, assurez-vous que vous êtes maintenant suffisamment solide — ou au moins suffisamment soutenue — pour supporter le choc affectif que cette démarche risque de déclencher. Échanger des insultes ne servira à rien; efforcez-vous plutôt d’être ferme, mais calme (Proverbes 29:11). Lors de la discussion, dites 1) ce qui s’est passé; 2) quelles ont été les conséquences pour vous; 3) ce que vous attendez d’eux à présent (des excuses, le remboursement de frais médicaux, un changement de conduite). Le fait d’aborder ouvertement la question pourra, à tout le moins, vous aider à dissiper tout sentiment persistant d’impuissance. Et qui sait si l’occasion ne vous sera pas offerte d’inaugurer de nouvelles relations avec vos parents?
Peut-être, par exemple, votre père reconnaîtra-t-il ses torts et exprimera-t-il de profonds remords. A-t-il fait de sincères efforts pour changer, suivant pour cela une cure de désintoxication ou entreprenant une étude biblique? De même, il se peut que votre mère implore votre pardon pour avoir manqué à son devoir de protection. De telles confrontations débouchent parfois sur une pleine réconciliation. Mais ne soyez pas étonnée si vous continuez à ressentir une certaine gêne vis-à-vis de vos parents et que vous préfériez ne pas renouer immédiatement des relations étroites avec eux. Au moins, vous serez peut-être à même d’entretenir de nouveau des rapports plus normaux.
D’un autre côté, il peut arriver que, lors de la confrontation, le coupable et d’autres membres de la famille se répandent en dénégations et en injures. Le pire serait même de découvrir que votre agresseur représente toujours une menace pour vous. Le pardon serait alors inopportun, le rétablissement de relations étroites impossible. — Voir Psaume 139:21.
Quoi qu’il en soit, il peut s’écouler un temps considérable avant que vos tourments ne s’apaisent. Peut-être vous faudra-t-il vous répéter régulièrement que c’est Jéhovah qui rendra finalement justice (Romains 12:19). En vous confiant à une oreille attentive ou même en exprimant par écrit ce que vous ressentez vous parviendrez à maîtriser votre ressentiment. Vous pouvez, avec l’aide de Dieu, venir à bout de votre rancœur. À mesure que les années passeront, ces sentiments nuisibles cesseront de vous obséder. — Voir Psaume 119:133.
Guérison spirituelle
La place nous manque pour aborder la question sous tous ses aspects affectifs, réactionnels et spirituels. Qu’il nous suffise de dire que vous ferez beaucoup pour votre guérison en “renouvelant votre esprit” grâce à la Parole de Dieu (Romains 12:2). ‘Tendez vers les choses qui sont devant’ en remplissant votre vie de pensées et d’activités spirituelles. — Philippiens 3:13; 4:8, 9.
Par exemple, de nombreuses victimes d’abus sexuels puisent du réconfort dans la lecture des Psaumes. Mais on se procure des bienfaits plus importants encore en appliquant diligemment les principes bibliques dans sa vie. Avec le temps, les tensions au sein du couple peuvent s’estomper (Éphésiens 5:21-33), le comportement destructeur cesser (1 Corinthiens 6:9-11), les idées malsaines sur la sexualité disparaître (Proverbes 5:15-20; 1 Corinthiens 7:1-5). Vous apprendrez également à entretenir des relations normales avec autrui et à édifier en vous de solides barrières morales. — Philippiens 2:4; 1 Thessaloniciens 4:11.
Ne vous leurrez pas: la guérison réclame une détermination à toute épreuve et des efforts intenses! Mais Psaume 126:5 donne cette assurance: “Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec un cri joyeux.” Rappelez-vous aussi que le vrai Dieu, Jéhovah, veut votre bonheur. Il est “proche de ceux qui ont le cœur brisé; et il sauve ceux qui ont l’esprit écrasé”. (Psaume 34:18.) Une victime d’abus sexuels a dit: “Quand j’ai finalement pris conscience que Jéhovah connaissait chacun de mes sentiments et qu’il s’en souciait — qu’il s’en souciait vraiment —, alors seulement je me suis sentie intérieurement en paix.”
Mais Jéhovah, le Dieu d’amour, offre même plus que la paix de l’esprit. Il promet d’instaurer un monde nouveau et juste, où les souvenirs d’enfance douloureux seront effacés (Révélation 21:3, 4; voir aussi Ésaïe 65:17). Cette espérance pourra vous soutenir et vous affermir tout au long du chemin qui vous mène vers la guérison complète.
[Notes]
a Parfois, les souvenirs commencent à réapparaître sous forme de douleurs psychosomatiques. D’autres provoquent des hallucinations qui peuvent être confondues avec des manifestations démoniaques: bruits étranges (portes qui s’ouvrent), ombres fantasmagoriques devant les portes et les fenêtres, impression d’une présence invisible dans le lit. Ces symptômes disparaissent généralement une fois les souvenirs pleinement revenus.
b On trouvera des renseignements précieux sur la façon d’aider les victimes de l’inceste aux pages 27 à 31 du numéro du 1er janvier 1984 de La Tour de Garde, publiée par les mêmes éditeurs. Nous recommandons à chaque ancien dans les congrégations de se référer à cet article et de prêter une grande attention à tout cas qui pourrait leur être soumis.
[Encadré, page 9]
Pour guérir, il faut...
◻ Se souvenir de l’outrage subi.
◻ Éprouver du chagrin.
◻ Trouver des oreilles attentives à qui se confier.
◻ Surmonter la honte et le sentiment de culpabilité.
◻ Se réconcilier avec ses parents.
◻ Abandonner sa conduite destructrice en appliquant les principes bibliques.
◻ Retrouver une vision saine de la sexualité.
◻ Se fixer de saines barrières morales.
◻ Entretenir d’étroites relations avec Dieu et avec ses compagnons chrétiens.
[Encadré, page 10]
Comment reconstituer le passé
En général, les souvenirs reviennent sur une période qui peut s’étaler sur plusieurs semaines, plusieurs mois ou plusieurs années. Chaque poussée déclenche une détresse temporaire. Le livre Le droit à l’innocence dit que, parfois, “vous pouvez avoir l’impression de régresser, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, vous allez mieux. En fait, vous êtes à présent suffisamment forte pour affronter des sentiments et des souvenirs plus profonds, voire plus douloureux”. Reste que, pour de bonnes raisons, la guérison peut devenir provisoirement votre seul souci. — Proverbes 18:14.
En attendant, il y a un certain nombre de choses que vous pouvez faire pour aider les souvenirs refoulés à remonter à la surface. Des femmes ont trouvé bénéfique de lire ou d’écouter les témoignages d’autres victimes. Vous pouvez aussi regarder des photos de famille et des souvenirs d’enfance, visiter des lieux chargés de souvenirs et parler à des amis ou à des membres de votre famille tout disposés à vous aider. L’écriture est un exercice particulièrement efficace. Certaines victimes couchent par écrit dans un journal tout ce dont elles se souviennent sur leur traumatisme. D’autres écrivent à l’auteur des sévices une lettre où elles épanchent leurs sentiments, lettre qu’elles n’envoient pas, mais qui souvent stimule leur mémoire. La prière est un autre moyen de guérison important. À l’instar du psalmiste, vous pouvez prier ainsi: “Scrute-moi, ô Dieu, et connais mon cœur. Examine-moi, et connais mes pensées troublantes, et vois s’il y a en moi quelque voie douloureuse, et conduis-moi dans la voie des temps indéfinis.” — Psaume 139:23, 24.
[Illustration, page 8]
Affronter le passé après l’avoir reconstitué peut être une étape sur le chemin de la guérison.
-